Voici venir le dernier chapitre de cette fanfiction, publiée au coin du feu dans une maison ou la modernité se résume à la wifii (bawi, niveau chauffage on en est encore au feu de bois. 12 degrés dans la salle à manger, youpi !) J'ai eu des menus problèmes avec mon ordinateur qui ne voulait plus se connecter, me laissant un peu sur les dents (non c'est pas vrai en fait j'ai fait de la couture et joué de la guitare pendant que lqes experts s'occupaient de son cas) Tout ça pour dire : j'avais fini ce chapitre depuis un moment, mais je n'ai pas trop eu le temps de le publier.

Enfin, tout ça n'a rien à voir avec ma fic, j'arrête de me plaindre parce que j'ai pas de raison, et je vous publie la fin. Bah oui, il faut bien. Mais vous inquiétez pas, si vous avez pas aimé vos souffrances arrivent à leur terme, et si vous avez aimé, j'en écrirais d'autres des fics interminables :D. Je m'excuse d'avance pour la dernière phrase, mais cela a été décidé en grande pompe dans la cours du lycée (il y a deux ans, donc) et vous savez, il y a des choses contre lesquelles on ne peut pas lutter. Enfin, pour les réclamations, vous savez sur quel petit bouton appuyer, n'est-ce pas ? N'hésitez pas à commenter, parce que, comme qui dirait, c'est le moment ou jamais. Enfin, passons sur mon besoin quasi névrotique de rewiews (je crois que c'est ce qui va le plus le manquer après la fin de cette fic) et je vais vous laisser lire et arrêter mon blabla.

Quoique, non encore un truc a dire. Je dois en grande partie d'écriture de ce chapitre à deux chansons qui apparaitront dans l'histoire : Comme les hommes de Bandini (disponible sur deezer, album diversion) et I will des beatles (sur le white album)Libre à vous de les écouter... ou pas (si ça se trouve vous aimez pas et vous avez bien le droit !)

Bon... je crois que c'est à peu près tout... sur ce je vais vous laisser et jouer des airs mélancolique à la guitare au coin du feu pour me consoler de la fin attendue et redoutée de cette fic (je sais, tout est de ma faute, mais ne pensez pas que ça ne m'affecte pas pour autant ! TT)

Sur ce, bonne lecture !


Chapitre 80 : L'heure qu'il nous reste à attendre…(Edward)

Il avait encore la main sur la poignée de la porte quand je levais la tête pour happer ses lèvres. Il eu un premier mouvement de surprise – comme s'il ne s'habituerait jamais à ce que je prenne les devants – mais la manière dont il m'embrassa à son tour révélait que la situation ne lui déplaisait pas pour autant. Je m'avançais instinctivement pour me prêter à son étreinte, le plaquant contre la porte pour mieux savourer un de ses baisers passionnés dont je m'étais sevré par masochisme. J'étais complètement envahi par sa présence, son visage, son odeur, la chaleur de ses mains qui s'étaient plaquées sans vergogne contre mes cuisses, les caressant à travers les plis du tissu en tremblant légèrement. J'échappais à ses lèvres pour lui lancer un regard inquiet.

-- Roy… tu trembles ? Murmurais-je d'un ton vaguement interrogatif.

Il baissa les yeux vers moi avec une expression de tristesse confuse qui me peina encore. Ces yeux de chien battu auraient annihilés ma paranoïa si seulement nos regards s'étaient croisés plus tôt. A présent que j'étais dans ses bras, je regrettais ce temps perdu bêtement par ma faute, alors que je l'évitais par peur.

-- Difficile de te résister, hein ? murmura-t-il à mon oreille d'une voix légèrement rauque, tandis que son nez effleurait ma peau, faisant naitre de nouveaux frissons. Je devrais t'en vouloir, tu sais ? Tout ça m'a rendu malade… Rien que me lever le matin…

Je sentais ses mains se poser contre ma peau, ici et là, me mettant à fleur de peau.

-- Je suis désolé, soufflais-je en le serrant contre moi. Je me suis comporté comme un sale gosse capricieux, parce que les autres n'avaient pas le courage de m'accuser… Alors que tout est de ma faute.

Je le sentis poser sa tête contre mon épaule, ses mèches noires glissant contre ma nuque, tandis que ses bras m'enveloppaient avec une douceur qui lui était propre. Son souffle diffus chatouillait le creux de ma clavicule. J'étais envahi à la fois par le désir et cette violente envie de pleurer qui s'y mêle parfois.

-- J'aurais dû te le dire, j'aurais dû t'en parler, Alphonse est enfermé dans cette armure, c'est de ma faute, je ne peux pas l'abandonner, pas maintenant, maintenant qu'on a une chance de le libérer, je ne peux pas… je ne peux pas repartir. Je l'ai déjà laissé derrière moi une fois, je n'ai pas le droit, plus le droit, pas tant qu'il aura son corps, pas tant qu'il ne pourra pas vivre, manger, et rire comme toi et moi, et c'est pour ça… c'est comme ça…

… qu'on doit se séparer.

Malgré le flot de paroles qui avait jailli de mes lèvres, j'étais incapable de prononcer ces derniers mots. Et j'étais au bord des larmes.

-- Je sais, murmura-t-il simplement.

A mon tour, je posais ma tête contre son épaule, épuisé par cette journée douloureuse, et me reposais contre lui tout en pensant vaguement que je ne le méritais pas.

-- Tu as une promesse à tenir, souffla-t-il d'une voix rassurante.

Je m'agrippais à lui, la gorge nouée à l'idée de ce devoir.

-- Mais j'aimerais que tu m'en fasses une autre, souffla-t-il, me serrant toujours dans mes bras avec cette tendresse mélancolique. S'il te plait, n'oublie jamais cette histoire.

-- Comme si je pouvais t'oublier…

Je sentis ses bras se resserrer, j'avais soudainement du mal à respirer, sans savoir si c'était son étreinte ou l'émotion qui me coupait le souffle. Parce que ces mots étaient sortis spontanément, parce qu'ils répondaient, le rassurait, peut-être, je sentais une espèce de passion maladroite, une émotion vacillante l'envahir. J'avais l'impression que ce geste avait soulevé le voile, le révélant dans son intégralité, indifférent et fragile, torturé, simple, tendre et violent, lisse et tortueux, et tout le contraire à la fois. Je sentis ses lèvres se glisser contre la peau de mon cou, me donnant la chair de poule. Il m'embrassa doucement, glissant ses mains contre mon torse, déboutonnant ma chemise, dévoilant ma peau à la lumière tiède de la lampe de chevet. Dans le silence de la pièce, j'entendais clairement les petits coups frappés à la vitre, annonce d'une pluie arrivant sur la ville, comme pour calmer nos ardeurs…

En vain.

Je fermais les yeux, le laissant m'ôter ma chemise, sentant contre mon dos le bois de la porte, tandis que son corps se plaquait contre le mien, ses lèvres taquinant ma peau, le long de la clavicule, juste contre mes automails, explorant mon corps sans hâte, me laissant déjà haletant. Il glissa de plus en plus bas, s'attaquant à ma ceinture tout en effleurant le tour de mon nombril, son souffle me chatouillant légèrement au passage. J'étais déjà à bout tandis qu'il me déshabillait, et qu'il posait ses lèvres contre mon sexe. Je glissais sans pouvoir m'en empêcher mes mains dans sa chevelure noire dans ce geste devenu presque naturel, tandis qu'il effleurait la partie la plus sensible de ma personne avec cette excitante agilité qui lui était sans doute propre.

Je n'avais envie de rien d'autre à cet instant précis. Qu'il me touche, encore, ses mains, glissées contre mes hanches, s'aventurant sur mes fesses, glissant partout ou elles voulaient, parce que je le voulais, tandis que je renonçais à retenir mes gémissements. Je sentais ses lèvres, sa langue m'envelopper, tandis que ma respiration devenait de plus en plus rauque…

J'entrouvris les yeux, réalisant que la pièce était toujours éclairée. Je rougis encore plus violemment en réalisant qu'il me voyait complètement, avec mes cicatrices… Je baissais les yeux, presque choqué de voir de mes propres yeux ce que je m'étais contenté auparavant de ressentir. C'était très étrange, et surtout incongru. Je me forçai à refermer les yeux, gêné comme jamais, fasciné malgré moi par la vue de mon corps livré à son désir.

Alors qu'il assouvissait le mien.

Il me relâcha, le souffle court, me laissant appuyé contre la porte, tremblant de tous mes membres, écarlate. Je rouvris les yeux en me mordillant les lèvres, ma poitrine se soulevait et s'abaissait vivement tandis qu'il me regardait droit dans les yeux, avec cette expression indéfinissable qui m'avait toujours particulièrement ému. Il se releva pour m'embrasser juste derrière l'oreille tout en glissant ses doigts dans mes cheveux, me collant le frisson. Son corps était plaqué contre moi, alors que j'étais en sueur, et je sentais contre le creux de mon aine son sexe, bien palpable à travers le pantalon de son uniforme, tendu de désir. J'étais toujours un peu incrédule de voir l'effet que je lui faisais… Mais c'était indéniable : il avait envie de moi.

J'avais l'impression de ne pas en finir d'exploser, envahi par ce trop-plein de désir qui restait inassouvi, mélange du manque à gagner et de l'angoisse à venir. Je glissais ses mains contre son visage pour l'embrasser, envoyant promener cette peur qui précédait le sexe. A raison. J'avais trop envie de lui pour y renoncer à cause de détails stupides. Je l'avais trop fait. Je relâchais ses lèvres, sentant qu'il avait besoin de reprendre son souffle.

-- Dis moi… ça ne te donne pas envie… de faire des choses… pas très catholiques ? murmura-t-il d'une voix qu'il tenta de maitriser sans y parvenir complètement.

-- Et on fait quoi, là ? Murmurais-je d'un ton amusé, réalisant au passage que je n'étais pas mieux.

-- Ca te gênerait d'aller plus loin ?

-- A en mourir, soufflais-je. Mais je regretterais de ne pas le faire.

Il me sourit, puis nos nez s'effleurèrent tandis que nous cherchions de nouveau à nous embrasser. Mes mains glissaient timidement contre son pantalon pour en défaire la ceinture tandis que ses mains se glissaient contre mon entrejambe, me caressant, me touchant, m'enveloppant, tour à tour, pour finalement me soulever. Je me raccrochais à lui, les bras glissés contre sa nuque, terré contre son torse et plaqué contre la porte. Mes jambes ne touchaient plus le sol, et mes cuisses se calèrent contre ses hanches pour m'empêcher de glisser, reste contre lui, sentir son…

Je poussais un nouveau gémissement au creux de sa clavicule, moins bruyant et plus gêné, tandis que le contact familier revenait, glissant doucement à l'intérieur de moi, et que sentais mes entrailles valser, trop envahi par les sensations pour songer à respirer… Et pourtant je trouvais toujours assez de souffle pour murmurer son nom, alors que nos hanches allaient et venaient, et que mon dos frottait à la porte, s'écorchant légèrement au passage, que nos peaux se couvraient de sueur, à tel point qu'une fois de plus nos corps semblaient se fondre l'un dans l'autre…

-- Roy… souffla une voix rauque qui devait être la mienne, tandis que je me raccrochais à lui comme à une bouée de sauvetage.

Je t'aime…

oOoOoOo

J'avais perdu toute notion du temps. Après avoir fait l'amour, notre corps s'étaient effondré contre la porte, nous laissant épuisés. L'étreinte continua, sans doute parce qu'aucun n'avait la force de s'y arracher, alimenté par notre désir qui n'en finissait pas de revenir, alors que nous explorions mutuellement nos corps, comme si nous voulions en graver la moindre parcelle dans notre mémoire, comme pour oublier que le lendemain, cette moitié nous serait arrachée. C'est pour cela que je le laissais me dévorer des yeux, sentant ma gène disparaitre, c'est pour ça que je faisais de même, oubliant la pluie, le temps, la pudeur ou la honte, savourant sa présence, parfaite, totale, pleine.

Le temps passant, notre épuisement prit le dessus sur la libido, et nous nous étions immobilisés au creux des draps, nos corps entrelacés ayant dépassé à la fois la gène et le plaisir pour atteindre une espèce d'immobilité parfaite. Nous reprîmes lentement notre souffle, immobiles pour la première fois depuis un moment d'éternité.

-- Comment ai-je pu imaginer que je pourrais vivre sans toi ? Murmurais-je finalement avec un soupir de bien être.

-- C'est ce qu'on appelle un moment d'égarement, répondit-il d'un ton narquois.

Mais en levant les yeux, je vis à ses joues rouges à et ses yeux brillants qu'il en pensait pas moins. Je souris, amusé de le voir aussi marqué par le sexe, lui qui m'avait semblé si longtemps parfaitement froid et insensible… Il m'avait fallu beaucoup de temps… Mais maintenant, il était plus gêné que moi !

Dans le calme ou nous trouvions, je repris doucement conscience de la réalité. La pièce, toujours éclairée, le lit aux draps à moitié arrachés, notre vêtement éparpillé dans l'interminable espace qui séparait la porte de notre lit, la pluie qui tapait doucement à la fenêtre…

Le temps pourrait s'arrêter maintenant. Nous ne nous en apercevrions même pas. Juste comme ça, maintenant, pour toujours…

Je poussais un soupir. Je pouvais prier autant que je le voulais, je savais que le lendemain arriverait, tôt ou tard, et que tout cela finirait. Je fermais les yeux et fronçais les sourcils pour réprimer mon envie de pleurer. Ses doigts étaient glissés dans mes cheveux, taquinant le lobe de mon oreille avec l'indolence des gens à moitié endormi. A la simple idée de m'écarter de lui, je sentais le cœur me manquer. Je compris pourquoi j'avais désespérément essayé de le fuir. Parce que maintenant que j'étais de nouveau avec lui, rien de me donnerait la force de m'écarter de nouveau.

Je sentis un grondement de révolte me nouer la gorge, tandis que mes larmes commençaient à couler, sans bruit. Je sentis presque aussitôt sa main contre ma joue, qui les séchaient, sans bruit.

-- J'ai peur… avouais-je.

J'ai peur de te voir partir, peur de rester, peur de mourir sans te revoir, peur de ne jamais redonner mon corps à Alphonse, peur d'être prisonnier, peur que tu m'abandonnes, peur…

Il y eu un très long silence ou le bruit de la pluie résonna sèchement contre les vitre, tandis que j'attendais, la peur au ventre, que Roy trouve le miracle, ce qui me donnerait la force de survivre après son départ. J'avais honte d'en attendre autant, mais j'avais conscience que seul, je ne trouverais pas cette force.

Je sentais sa poitrine se soulever et s'abaisser tandis que je regardais la fenêtre tailladé par la pluie, ou l'on devinait l'aube qui commençait à pointer. Cette nuit avait une fin, je ne pouvais plus avoir cette illusion. Sa voix se fit entendre, presque timide, tandis qu'il fredonnait un air que je ne connaissais pas.

-- Nous sommes silencieux depuis bientôt une heure, à serrer comme on peut nos corps bouffés par la peur, voir bouillonner la sève avant qu'elle ne sèche, abuser de nos lèves pour en colmater les brèches…

C'était un chant rauque, mélancolique, amer, qui entra douloureusement en résonnance avec mes pensées. C'était cette espèce de tristesse malsaine que je cherchais justement à éviter. Parce que je n'avais pas le choix. Si naïf que ce soit, j'avais besoin d'un happy end.

-- …nous voit le visage vide, à écouter la pluie qui voudrait défoncer les vitres ; faire rentrer un peu d'air dans nos poumons brûlés ; pouvoir encore te plaire après une année… Tout ça est vieux comme les hommes, nous voilas banals, à dire que notre histoire est conne, surpeuplée de détails, et peu à peu on comprend, que le bonheur a un prix, que l'amour n'a qu'un temps… pas forcément une vie.

Je sentis un instant mon cœur s'arrêter à ces mots. Parce que quoi que j'ai pu en dire, je ne supportais pas cette idée. Et l'entendre prononcer voix haute ces mots, ces mots qui n'étaient pas les siens, me donnait une impression de rupture irréelle.

-- Crois tu qu'on arrivera à taillader ces doutes ? À avoir encore une fois le même rire sur la même route ? Marcher les yeux bandés face aux poids lourds qui grondent, et essayer de s'écarter à la dernière seconde…

Je fermais les yeux, sentant mes larmes couler abondamment. La peau de son torse était à présent humide, pourtant, il n'arrêtait pas de chanter, ses mains étaient toujours glissées contre moi, m'effleurant doucement, me caressant comme pour me réconforter.

-- Je ne baisserais pas les bras, et je suis encore fier, plutôt creuser plus bas qu'arrêter de remuer la terre. Et le temps assassin ne me verra jamais sage, je n'attendrais pas demain que les remords me ravagent. Tout ça est vieux comme les hommes, nous voila grossiers, à attendre que résonnent nos murmures étouffés. Je me fous de nos soupirs, je vis d'un amour fou. Un jour il va mourir… Pourquoi pas après nous ?

Je souris à travers mes larmes, réconforté malgré moi par ces paroles mélancoliques, alors que pourtant… Ces derniers mots m'amenaient un peu d'espoir. Un peu.

-- Il nous faudra du temps, avant que ne s'effacent nos regards insistants, qui cherchent à ajuster leur frappe. Il faudra des caresses, des démarrages en vrille, pour que nos bouches délaissent leurs grimaces imbéciles. On appellera à l'aide, les jours à venir, même si la mort m'obsède, chaque nuit avant de dormir. Je veux bâtir des plans pour te voir éclater de rire, et l'amour n'a qu'un temps, mais pourquoi pas tout une vie ? Tout cela est vieux comme les hommes, on sera heureux tu vois. Tu ne ressembles à personne ; personne ne t'aime comme moi. Je me fous de nos soupirs, je vis d'un amour fou. Un jour il va mourir… Pourquoi pas après nous ?

Je sentais ses bras m'envelopper, disant avec douceur que jamais il ne m'abandonnerait, que sa voix serait toujours là pour moi, que ce serait mes lèvres qu'il embrasserait, que ce sera moi qu'il aimerait, moi et personne d'autre.

-- Pourquoi pas après nous ? Murmurais-je, bercé par le son de sa voix, la chaleur de son corps, sa présence.

Il remonta les draps sur nos deux corps enlacés, puis glissa ses bras autour de mon corps nu pour me ramener un peu plus contre lui. Je l'enlaçais à mon tour, fermant mes yeux encore humides pour nicher ma tête contre son torse. Il pleuvait toujours, mais je ne pleurerais plus.

Je n'avais pas le droit de pleurer alors que lui trouvait le courage de me réconforter.

-- Pardon… murmurais-je.

-- Pardon pour quoi ?

-- … Tout.

-- Tu es absous, souffla-t-il. Maintenant, dors…

Comme j'étais épuisée, je n'eus pas trop de peine à obéir. Pourtant, j'étais incapable de dire si j'étais heureux ou désespéré à cet instant. Sans doute les deux à la fois.

oOoOoOo

-- DEBOUT LES MORTS, ON PART DANS DEUX HEURES ! s'exclama une voix joyeuse en tambourinant sur la porte, nous réveillant brutalement. DÉPÉCHEZ-VOUS SI VOUS VOULEZ UN PETIT DÉJEUNER !

Je restais immobile, tremblant à moitié, le cœur affolé, tandis que Roy poussait un grognement, à peu de choses près dans le même état que moi. Il applati une main sur son visage avec un soupir désabusé.

-- Hugues…

-- Il ne changera jamais, fis-je avec un sourire crispé.

J'avais vaguement envie de pleurer en réalisant que nous allions nous séparer ; Roy en revanche, semblait surtout avoir la nostalgie de son oreiller en cet instant. Il faut avouer qu'avec cette histoire, nous avions dormi une ou deux heures à peine. Pas de quoi péter la forme, en somme. Je m'écartais de lui à contrecœur pour le laisser se redresser avec une grimace.

-- Oh putain… murmura-t-il en regardant la pièce.

-- Quoi ?

-- Il faut que je fasse mes valises… marmonna-t-il tandis que son regard se perdait dans l'accumulation de vêtements et d'objets inutiles qui avait progressivement envahi la pièce.

-- Toutes mes condoléances, répondis-je d'un ton compatissant

Effectivement, il avait du souci à se faire. Il poussa un soupir, s'étira, fit craquer sa nuque, poussa un bâillement, et enfin, se leva à contrecoeur. Je le regardais d'un œil vague tout en m'asseyant sur le lit pendant qu'il enfilait un caleçon pour aller et venir dans la pièce avec un minimum de décence. Il commença à ramasser les vêtements éparpillés par terre pour les balancer en tas à côté de moi, tandis que je le suivais des yeux, peletonné sur le lit, les genoux remontés contre ma poitrine. Il semblait avoir une espèce de maladresse fébrile, me jetant de temps à autre un bref coup d'oeil, et finit par se retourner vers moi, un pantalon à la main.

-- Ed... fit-il finalement avec un soupir. Tu devrais prendre une douche.

-- ... Je suis vexé, grognais-je après un instant d'hésitation.

-- … Parce que si tu restes dans cette pièce, j'aurais envie de TOUT faire, sauf ranger mes affaires. Surtout si tu me regardes comme ça, ajouta-t-il avec l'ombre d'un sourire.

Je poussais un soupir, puis me levai à contrecœur pour me diriger vers la salle de bains, attrapant au passage un caleçon propre. Au moment de me fermer la porte, je lui lançais un coup d'œil. Il me regardait d'un air vaguement hébété, sans doute parce que j'avais abandonné ma gène pudique et que je ne n'avais plus une once de honte à me promener nu dans la pièce.

-- Mais toi aussi tu devrais en prendre une... Si tu m'accompagnais ? lançais-je avec un sourire, gêné malgré tout.

-- Edward...

-- Ok, je disais ça comme ça, répondis-je à cet air mi-moralisateur, mi amusé.

Je fermais la porte, surpris par ce moment de flottement ou je n'avais pas besoin de me déshabiller. Puis j'entrais dans la cabine de douche, souriant en devinant que l'idée ne lui aurait pas déplu. En vérité, elle lui plaisait sans doute un peu trop pour qu'une douche commune ne devienne pas particulièrement longue... Malheureusement, nous n'avions plus le temps pour ça. Je tournais le robinet, me faisant copieusement arroser d'eau froide, ce qui tombait à point nommé pour calmer mon imagination trop fertile, puis réglais la température avant de me laver soigneusement. Il n'avait pas tord, cela me fit un bien fou. Je sortis, humide, propre et rafraîchi, presque prêt à oublier que j'avais passé une nuit quasi blanche et que les jours à venir risquaient d'être difficiles, et m'enveloppai dans ma serviette avant de jeter un coup d'œil à mon reflet dans la glace.

Un visage plutôt bronzé, couvert d'une masse de cheveux blonds humides, plaqués contre mon front, mes yeux dorés si familiers, que je me sentais l'envie d'aimer aujourd'hui... Je me surprenais à être débarrassé de ce dégoût de moi qui m'avait torturé si longtemps. Je me lançais un sourire, décidant que mes cernes ne se voyaient pas trop et que j'étais sortable, avant de commencer à me sécher les cheveux. Je vis alors au creux de mon cou humide une trace étrange. Je m'approchais de la glace pour l'observer de plus près, découvrant que j'avais à la base du cou une espèce de gros bleu qui n'était à coup sûr pas là la veille. Je devinais immédiatement son origine et me dirigeais vivement vers la porte.

-- ROY ! ! m'exclamais-je en ressortant de la salle de bain aussi nu que j'y étais entré.

-- Ouiii ? fit-il d'un ton affable.

-- C'EST QUOI, CA ?

Son regard tomba sur la marque violacée que je montrais du doigt, et il se mit alors à rire, à rire encore plus en voyant mon expression mi-furieuse, mi-déconfite.

-- Ca, Ed, c'est un suçon, répondit-il en me lançant son plus large sourire.

-- Mmmmaiiis ! ! Pourquoi tu m'as fait ça ?

-- Parce que c'est drôle, non ? fit-il en reposant son sac sur le lit avant le me regarder de haut en bas avec une expression de tendresse qui fit s'évanouir le peu de colère que j'aurais pu avoir.

-- C'est pas drôle, murmurais-je.

-- En vérité, c'est parce que je suis "légèrement" jaloux et possessif. Quand tu te brosseras les dents le matin, tu seras obligé de penser à moi, fit-il d'un ton ironique

-- J'allais dire que j'aurais préféré que tu dessines un cœur sur le miroir, mais réflexion faite…

-- Ce serait encore pire, hein ? fit-il avec un sourire taquin.

-- … Mais qu'est-ce que je dis, moi si les autres s'en aperçoivent ? m'exclamais-je, cramoisi.

-- Tu leur répondras que tu es tombé dans l'escalier.

-- Tu te moques, hein ?

-- Pas mon genre, répondit-il simplement en commençant à enfouir ses vêtements sales dans un sac à part. Dommage que je n'aie pas le temps de les laver, commenta-t-il d'un ton tranquille en changeant de sujet.

Je jetais un coup d'œil à ses chemises froissées et me souvins alors qu'un caleçon propre attendait toujours qu'une âme charitable daigne l'enfiler. Je me rhabillais ad minima, puis revint dans la pièce, constatant que Roy était toujours en train de batailler avec ses valises. Comme il avait envahi toute la surface libre du lit, je m'étais assis par terre, dans un coin, en me forçant à ne pas m'approcher pour un câlin qui le déconcentrerait. La nuit passée me laissait particulièrement calme et pensif, tandis que je triturais machinalement les boutons d'une chemise blanche qui trainait encore par terre. Je la soulevais, constatant que c'était celle qu'il portait la veille au soir, et l'enfilait. Elle était trop grande pour moi, légèrement froissée, mais le tissu en était doux, et portait son odeur. Je souris, réchauffé par cette impression de présence qui me rappelait ses étreintes, et le me rappellerait encore longtemps.

Pendant ce temps, il était à genoux par terre et fourreagait sous le lit, en ressortant une masse impressionnante de vêtements oubliés, ainsi qu'une petite cuillère et deux pots de compote de pomme vides. J'eus un sourire amusé avec cette vue, et me décidais à parler. Après tout, rien ne m'en empêchait.

-- Tu cherches quoi ?

-- Ma deuxième chaussette, grogna-t-il, visiblement dans une posture inconfortable. Ah, la voila !

Il se redressa et recommença à fourrager l'amas de fringues accumulées sur le lit. Je jetais un coup d'œil vague en me demanda par quel miracle il avait pu embarquer tout ça à l'aller.

Nan, c'est pas possible, il a dû en acheter sur place… pensais-je tandis qu'il recommençait à jeter des coups d'œil dans la pièce, regardant derrière sa table de nuit, traversant la chambre pour aller dans la salle de bain, revenant d'une démarche pressée.

-- Dis-moi Ed, tu n'aurais pas vu ma… chemise ? Acheva-t-il en constatant que je l'avais sur le dos.

-- Naaaan, fis-je d'un ton angélique en regardant le haut du mur face à moi.

-- Edward… S'il te plait…

Je lui lançais un sourire taquin, tout en sachant au fond de moi que c'était mal de lui faire perdre du temps alors qu'il devait ranger toutes ses affaires… mais je ne pouvais juste pas m'en empêcher.

-- C'est ma préférée…

-- A moi aussi.

Il poussa un soupir, sentant venir la bataille.

-- S'il te plait, laisse-moi la garder ! demandais-je, passant à la méthode du regard de cocker larmoyant sans lui laisser le temps d'argumenter. Je te la rendrais dès mon retour, promis !

Il poussa un soupir désabusé et je sus immédiatement que j'avais gagné la partie.

-- D'accord, mais tu en prends soin.

-- Bien sûr, répondis-je avec un sourire étincelant.

-- Rhah, c'est bien parce que c'est toi, grogna-t-il en me jetant un dernier coup d'œil, légèrement vexé.

-- Tu m'en vois flatté, répondis-je en lui lançant une œillade efféminée tout en m'éventant avec la manche trop grande pour moi.

Il pouffa de rire et recommença à replier correctement son linge propre. Je me redressais, voyant là l'occasion de me rendre utile, et me mis à plier ses pantalons. Il me jeta un coup d'œil amusé, sans doute parce que je flottais très largement dans le vêtement que lui avait emprunté, puis recommença à entasser ses vêtements dans sa valise, la voyant se remplir bien plus vite qu'il ne l'espérait. Il se retrouva bientôt avec une valise presque pleine, alors qu'il restait une jolie pile de vêtements pliés par mes soins et une énorme trousse de toilette à caser.

-- … Il va falloir y aller à la barbare.

-- C'est-à-dire ?

-- Ed, tu pourrais me rendre un service et t'assoir sur cette valise pour que je puisse la fermer ?

Je lui jetais un coup d'œil, mi-choqué, mi-amusé par cette proposition, et grimpai sur le lit pour me vautrer sur la valise récalcitrante, tandis que lui bataillait avec les fermetures éclairs. Bien vite, je me retrouvais à l'encourager, écrasant sans vergogne le contenu de son sac avec de joyeuses exclamations. A nous deux, nous eûmes raison de son bagage, et il parvint à le refermer complètement en glissant légèrement sa main gauche sous ma cuisse.

Je rougis immédiatement dans la soudaine immobilité qui le frappa à ce contact.

Puis il se pencha lentement vers moi pour m'embrasser…

-- PETIT DEJEUNER, DEUXIEME SERVICE ! CEUX QUI NE SONT PAS DESCENDUS DANS LA MINUTE QUI SUIT SERONT CANARDES SANS SOMMATION A COUP DE BOMBES A EAU ! s'exclama la voix puissante de Hugues dans le couloir.

Nous poussâmes le même soupir, nos deux fronts collés l'un contre l'autre, nos souffles mêlés. Frustrés.

Mais nous serions de toute façon frustrés.

-- On devrait aller manger, non ? murmurais-je.

--Yep. Mais d'abord, je vais prendre une douche.

-- T'as pas peur des bombes à eau ?

-- Bah, comme de toute façon, je serais mouillé, répondit-il avec un sourire.

-- Vu comme ça…

-- Va prendre de l'avance pour te remplir l'estomac, vu ce que tu engloutis, ce sera pas plus mal.

-- Sous-entendrais-tu que je suis un goinfre ? Demandais-je, l'œil torve.

-- Je me demande ou tu vas chercher tout ça, répondit-il avec un sourire taquin.

Il se dirigea vers la salle de bain, et se retourna juste avant de fermer la porte pour jeter un coup d'œil à sa valise boursouflée ou était enfermée sa trousse de toilette.

-- … Je vais te voler ton shampoing du coup.

-- Je t'en voudrais à mort, répondit-je d'un ton ironique.

-- C'est bien ce qui me semblait, fit-il d'un ton neutre. Ah, et n'oublie pas d'enfiler un pantalon avant de descendre.

Wouups ! pensais-je en rougissant. Comment a-t-il deviné que j'avais complètement oublié ce détail ?

oOoOoOo

Le petit déjeuner se passa joyeusement (à noter qu'il était sept heures, et que tout le monde était légèrement dans les vapes… la principale raison de rire étant qu'Havoc avait besoin qu'on répète trois ou quatre fois la même phrase pour en retrouver le sens véritable). J'en concluais qu'il n'avait pas beaucoup dormi ; mais vu les regards des autres, je devinais qu'ils se faisaient exactement la même réflexion à mon sujet. Peu après, Roy descendit et vint s'assoir à côté, déclenchant une cascade de sourires niais.

-- Pourquoi vous me regardez comme ça ? fit-il en fronçant les sourcils.

-- Parce que… vous avez pas beaucoup dormi cette nuit… chantonna Breda.

-- Je vois pas de quoi vous voulez parler, fit-il sèchement en se versant un café.

Néanmoins, j'avais perçu une légère rougeur de gène et m'en amusais intérieurement en grignotant ma cinquième brioche.

-- La lumière de votre chambre était toujours allumée quand je suis rentré me coucher, fit-il.

-- Moi aussi, ajouta Elvis en s'asseyant, l'air hagard, les cheveux trèèès ébouriffés.

Cette vision me fit pouffer de rire. A force, j'avais presque fini par apprécier ce type…

-- Elle est restée allumée toute la nuit, fit Roy d'un ton dégagé.

-- Oh, pourquoi ça ?

-- Parce qu'on s'est endormis avant de l'éteindre, voila-tout.

-- Trop fatigués, hein ? fit Elvis d'un ton narquois.

Roy sifflota en regardant le plafond, amenant un éclat de rire général. J'étais rouge comme une tomate, mais je dois avouer que ce genre de situation m'horripilait bien moins qu'auparavant. En fait, je m'y étais même suffisamment habitué pour trouver ça aussi drôle que les autres. Et eux avaient l'air vraiment très heureux de nous voir réconciliés. Difficile de se plaindre.

-- On rentre comment alors ?

-- Par le train, jusqu'à Oliach, une petite ville en montagne. Ensuite, comme à l'aller.

-- A cheval alors ?

-- Hé oui !

-- Oh joie, commenta Breda d'un ton ironique.

Je continuais à manger, n'ayant pas à prendre part à la conversation. Pendant ce temps, une nouvelle fournée comptant Havoc et Breda embarquaient en voiture pour se faire amener à la gare. Les suivants, c'étaient Roy et Hugues. Je jetais un coup d'œil.

-- Je vous accompagne à la gare, hein ? Demandais-je d'une voix timide entre deux gorgées de jus d'orange.

-- Bien sûr mon chaton, répondit Hugues d'un ton affectueux.

-- Et moi aussi, je viens, ajouta Elvis sans nous laisser le choix.

C'est ainsi que je me retrouvai coincé au milieu sur la banquette arrière, entre Roy qui avait glissé un bras par-dessus mon épaule et Elvis qui tenait un énorme panda en peluche sur les genoux. Je jetai un coup d'œil interloqué à celle-ci.

-- C'est pour Lulu ? Demandais-je.

Il sourit sans répondre.

Le trajet se passa sans heurts, j'avais posé ma tête contre l'épaule de Roy et respirait paisiblement son odeur mêlée à la mienne avec un sentiment d'apaisement proche de la perfection. Si on m'avait raconté ma soirée hier matin, je ne l'aurais sans doute pas cru. Mais je préférais largement que les choses se passent de cette manière, réflexion faite. Je le sentis embrasser doucement mon front et fermais doucement les yeux, tandis qu'il me venait instinctivement une envie de ronronner.

Puis nous arrivâmes à la gare, et descendîmes de la voiture. Roy tira sa valise du coffre avec un râle, puis nous nous assemblèrent sur le quai. La plupart avaient eu le temps d'installer leurs affaires dans le compartiment. En voyant le train, je sentis le cœur me manquer, réalisant seulement maintenant que le départ était réellement imminent. Roy monta pour ranger sa valise dans le porte bagage, tandis qu'Havoc et Breda venaient me faire une joyeuse accolade, sur le thème « tu vas nous manquer ptit gars », ce qui me donna l'occasion de hurler et piétiner comme j'aimais tant à le faire.

Mais je me calmai instantanément quand Roy redescendit. Il resta face à moi, regardant ailleurs, l'air gêné. Je mourrais d'envie de revenir à l'instant ou nous nous étions embrassés, plaqués contre la porte, ou bien, cette fois-là, dans la cuisine, ou ce premier baiser qui avait si mal tourné, ou toutes ces autres fois-là qui me revinrent en mémoire. J'avais envie d'éclater en sanglots et de le supplier de rester ; mais en croisant son regard, je devinais qu'il mourrait d'envie de me demander de partir avec eux. Si nous cédions, ce serait encore pire.

Mais du coup, nous ne trouvions rien à nous dire, ce qui était passablement ridicule.

-- Bon, hé bien… Au revoir, fit-il finalement d'un ton timide.

-- Fait un bon voyage, fis-je, la gorge nouée.

-- Et toi, prends soin de toi.

-- Oui m'sieur.

Je le voyais triturer ces doigts d'un air gêné et hésitant, et il me vint le besoin d'ajouter quelque chose.

-- Je fêterais Noël à Central.

Avec toi.

-- C'est une promesse ?

Je hochais la tête d'un air résolu, et le vis faire deux pas pour me serrer dans ses bras avec une tendresse maladroite. Je m'agrippai doucement à lui, sentant sa respiration lente profonde qu'il embrassait doucement mes cheveux, respirant mon odeur, savourant ce qui serait la dernière étreinte avant longtemps. Je me nichais contre lui, oubliant momentanément tout ce qui nous entourait, depuis les militaires jusqu'au nom du pays ou nous nous trouvions. A cet instant, il n'y avait que Lui.

Puis un coup de sifflet strident nous fit revenir à la réalité. Il fit un geste pour s'écarter de moi et sentit mes mains se raccrocher férocement à sa chemise, comme pour l'empêcher de partir.

-- Eh, Fuery, Elvis à un truc pour toi, il veut que tu descendes !

-- Mais c'est pas le moment ! s'exclama Hawkeye d'une voix véhémente.

Les voix des autres me semblaient infiniment lointaines tandis que Roy posait ses mains sur mes poignets, me faisant lâcher prise tout en douceur, tout en me regardant droit dans les yeux avec une fermeté mêlée de tendresse.

« C'est un crève cœur, mais il le faut. Tu es assez fort pour t'en sortir sans moi… Après tout, comment faisais-tu, avant ? »

Je déglutis, coinçant mes sanglots dans ma gorge, et me forçai à sourire pour ne pas rendre les adieux plus pénibles. Il s'écarta de moi en effleurant ma joue et fit demi-tour, montant dans le wagon en croisant Fuery qui descendait précipitamment. Je vis alors Elvis jaillir à côté de moi, le panda à la main, un grand sourire collé sur ses lèvres comme à son habitude.

-- Hey ! Tu as oublié ça ! S'exclama-t-il en le lui tendant, tandis que le militaire devenait cramoisi.

Tous ses collèges s'étaient agglutinés contre la vitre et contemplèrent l'adorable et légèrement ridicule panda en peluche, entre les mains de son propriétaire légitime.

-- Mmmmmmais… fit celui-ci, à court d'argument, sentant le regard de ses collègues.

Tout le monde avait la même expression d'amusement gourmand à l'idée des moqueries qu'il allait avoir à subir durant le trajet du retour.

-- Et ça, ajouta Elvis avant de glisser ses mains derrière ses oreilles pour l'embrasser passionnément.

J'ouvris des yeux exorbités, comme tout le monde sans doute, tandis que se déroulait face à moi le baiser le plus long et prononcé que je n'avais jamais eu l'occasion de voir (en tant que spectateur extérieur, du moins). Je le regarder, incapable de penser quoi que ce soit, choqué par la lente assurance dont il faisait preuve, alors qu'il embrassait la personne la plus naïve de tout Central-city (et c'est moi qui le dit !) Enfin, il s'écarta et lui fit un large sourire.

-- Fait un bon voyage !

Et il disparu dans la foule avant de laisser le temps à qui que ce soit d'exprimer la moindre réaction.

La première personne à reprendre ses esprits fut Hawkeye qui redescendit pour trainer de force le jeune militaire dans le train – sans quoi il serait surement encore sur le quai, en train de contempler le poteau d'en face avec un regard fixe et une bouche entrouverte.

Bah ça alors… pensais-je en claquant ma propre mâchoire.

Il y eu un deuxième coup de sifflet, et le train commença à bouger, presque imperceptiblement. A cet instant là, je vis Roy arriver, s'accouder à la fenêtre ouverte pour me faire un signe de main, et les larmes me vinrent aux yeux. Je ne voulais pas qu'il parte. Je ne voulais pas voir disparaître son sourire, sa nonchalance, sa maladresse et tout les défauts qu'ils pourraient avoir. En voyant mon visage, son expression se teinta de tristesse.

Ce n'est pas possible, pensais-je en marchant, accompagnant le mouvement du train qui accélérait progressivement, j'ai oublié quelque chose, c'est sûr.

Mes foulées s'accéléraient pour suivre le mouvement, incapable que j'étais de détacher mon regarde de son visage.

Je ne l'ai pas… Je ne peux pas, j'ai trop de choses à lui dire… Je…

Je courais à présent, la gorge serrée, le souffle court, des larmes coulant sur mes joues, bousculant ici et là les gens qui n'avaient pas eu l'idée de reculer, faute de m'avoir vu arriver.

-- Roy… ROOY !

Je stoppait de justesse en arrivant au bord du quai, vacillant, et relevai les yeux vers le train qui s'éloignait de moi, bien trop vite.

-- JE T'AIME ! hurlais-je à pleins poumons, les mains en porte-voix.

Les wagons passèrent à vive allure à ma gauche, faisant un bruit d'enfer, tandis que son visage rapetissait rapidement. Le train fila le long de la ligne de chemin de fer et disparu après un tournant, me laissant au bout du quai, des larmes brouillant mes yeux, peinant à reprendre mon souffle en retenant mes larmes.

Chuis con, j'aurais dû le dire avant, pensais-je en m'essuyant rageusement les yeux avec les manches de ma chemise.

-- Il a surement entendu, fit Elvis d'un ton rassurant.

Je sursautai et tournai la tête vers lui.

-- Questufouslà ?

-- Je jette du froufrou pour les girafes, expliqua-t-il avec un sourire.

Je fronçais les sourcils et haussais les épaules face à sa réponse absurde.

-- … Y'a pas de girafes ici ! lançais-je d'un ton critique.

-- Ca tombe bien, c'est pas du vrai froufrou.

oOoOoOo

Le trajet du retour fut très calme. Elvis, qui avait réussis l'exploit de me faire rire juste après le départ du train avec ses idioties, avait prit le volant d'autorité, tandis qu'Ambre et moi étions tous deux à l'arrière. Je lançai un coup d'œil à celle-ci, qui regardait le paysage défiler de l'autre côté de la vitre sans ciller, comme le font les gens qui se retiennent de pleurer par politesse, et me sentit soudainement beaucoup plus triste pour elle que pour moi.

Et maintenant que j'y pense, Elvis aussi doit être déprimé, pensais-je en me penchant légèrement en avant pour voir son visage. D'une certaine manière.

Il tenait joyeusement le volant, un large sourire sur les lèvres. Je poussais un soupir et me renfonçai dans mon siège.

Je comprendrais vraiment jamais ce qui se passe dans la tête de ce type.

A peine avais-je poussé la porte de la voiture que Lulu me tomba dessus à bras raccourcis.

-- Edoedoedoedoedoedoedooooo !

-- Ouiiiii ?

-- Je viens avec toi et Al !

-- Euuuuuuh… fis-je en tentant de me redresser malgré sa prise.

Je jetai un coup d'œil à Ambre, laquelle fronçait les sourcils.

-- Lulu, tu sais, nous allons partir pour travailler, on ne pourra pas jouer avec toi pendant ce temps, fis-je en me dégageant doucement pour la regarder dans les yeux. Tu t'ennuirais beaucoup si tu venais avec nous.

-- En plus, l'école va bientôt reprendre, rappela sévèrement sa mère.

-- Rhoh, zuteuh, j'espérais qu'elle avait oublié, marmonna-t-elle en donnant un petit coup de pied dans les graviers.

Elle est chou, pensais-je avec un sourire en me relevant.

-- Mais c'est pas juste, tout le monde s'en va, lààà ! ! S'exclama-t-elle. Moi je veux pas que vous partiez ! Après je serais toute seule !

Oh, pitié…

Je sentais que si elle s'y mettait aussi, je craquerais. Ambre avait déjà les yeux humides. En même temps, c'était une gamine, elle ne se rendait pas compte de ce qu'elle disait.

-- Eh, Lulu, je reste, moi, fit Elvis.

Miraculement, cette remarque suffit à tuer dans l'eau ce qui s'annonçait comme étant la plus grande crise de larmes de tous le temps. Il y eu un instant de flottement, avant qu'Elvis annonce d'une voix solennelle.

-- Je propose que… nous préparions des milk-shake à la banane !

-- OUAIIIS ! s'exclama joyeusement Lulu avant de se précipiter dans la cuisine.

L'après-midi passa finalement très rapidement, entre les milk-shake – que je bus aussi après avoir extorqué à tout le monde la promesse d'emporter ce secret dans leur tombe – le lecteur de 33 tours réparé qui diffusait du rock à fond toute l'après midi, la danse, le ménage, quelques parties de volley sur la plage ou Ambre se révéla étonnamment douée, une courte baignade pour les Handwriting, des sandwiches et des frites mangées en se baladant sur la digue, puis une séance de cinéma payée d'autorité par Elvis, et la nuit arriva sans que j'ai vu passer cette journée qui aurait plus être la plus longue de ma vie.

Je me vautrai finalement dans le lit d'une chambre inoccupée, ayant fait un rapide passage dans la chambre que je partageais avec Roy avant de me dire que j'étais juste incapable d'y dormir en son absence. Alphonse me rejoignit peu après, devinant sans doute que j'aurais besoin de compagnie ce soir, et poussa la porte avec un grincement timide.

-- Edward… ça va ?

-- Oui... répondis-je en fixant le plafond.

-- Pas trop déprimé ?

-- Bah… non en fait, fis-je d'un ton tranquille. En fait je suis trop crevé pour me sentir triste.

-- Je vois. Les semaines à venir ne vont pas être reposantes.

-- J'espère que non, répondis-je sincèrement. C'est si je m'ennuie que j'aurais le moral à zéro.

-- Je retiens.

Il y eu un silence.

-- N'hésite pas à me le dire quand tu seras triste.

-- Oh, je crois que je n'hésiterais pas, fis-je avec un sourire.

Oui, c'est vrai, je suis horriblement déprimé par son absence…

D'un autre côté, Al et là… et Ambre… et Lulu… et Elvis (même si je l'aime pas)

Et puis, c'est moi qui ai sa chemise, d'abord, pensais-je en fourrant le nez dans les plis du tissu.

-- Ed, tu as l'intention de dormir avec cette chemise ?

-- Ouiiiii…

-- Tu me fais penser à ces enfants qui trainent leurs doudous avec eux jour et nuit…

-- Chuis pas un gosse, marmonnais-je.

-- On verra ça quand elle passera à la machine.

-- … Il faudra me marcher sur le corps pour ça.

-- Okay… mais tu sais, passé quelques semaines, ça risque d'être…

-- Rhooooh… mais JE TE ZUTE ! M'exclamais-je en me retournant, irrité sans l'être.

Il dû le sentir, puisqu'il pouffa de rire. Je reposai ma tête sur l'oreiller et m'endormi instantanément.

oOoOoOo

Je me réveillai à midi, frais et dispo pour une nouvelle journée. Je m'étirais tranquillement, toujours enveloppé dans sa chemise, qui restait comme une preuve, un trophée, une promesse, et me donna le courage de sauter hors de mon lit pour aller manger. Les autres me regardèrent venir d'un air amusé, tandis que je m'installai à la table pour engloutir mon poids en nourriture, comme je le faisais toujours au réveil. Je les bénissais de m'avoir laissé dormir. Ce tour de cadran m'avait fait un bien fou.

-- Alors vous partez demain ? fit Elvis en me passant la vinaigrette.

-- Oui, aujourd'hui, il est un peu tard, et puis, il faudrait déjà qu'on se trouve un moyen de transport.

-- Faire du stop ?

-- Ça me parait un peu hasardeux, marmonnais-je la bouche pleine.

Le repas passa donc en débats divers sur comment voyager dans le pays, selon les régions et nos moyens. Il s'avéra finalement que l'autostop était la moins pire des solutions… Sachant que nous ne risquions pas de succomber à une quelconque agression vu notre expérience en la matière. Nous trainâmes à table pendant qu'Ambre et Elvis sirotaient leur café, en grande partie parce que j'étais peu enclin à aller faire à mon tour mes bagages, puis Lulu ramena les tasses vides dans la cuisine. Ambre annonça que trois nouveaux clients arrivaient ce soir, et j'eus un sourire. Malgré l'absence des miliaires, il continuait à y avoir du trafic dans l'auberge, et ça me rassurait un petit peu. Evidemment, à cette heure de la journée, il n'y avait pas grand monde, mais j'avais eu l'occasion de voir en revenant du cinéma que la salle principale n'était pas vide pour autant. Le cuisinier nous avait confié à cette occasion que Breda et son aide allait beaucoup lui manquer.

C'est sûr, il y avait de quoi être nostalgique. Mais je savais qu'Havoc reviendrait, pourquoi pas Breda dans la foulée, ou même Fuery, après tout… En attendant, je savais que nous allions tanner le service téléphonique pour faire un effort d'interconnexion entre Ilix et Amestris, quitte à les harceler jusque dans leurs bureaux.

-- Ah, j'avais complètement oublié ! s'exclama Elvis en se dirigeant vers le tourne-disque. J'ai un truc pour toi, Ed.

Je me tournais vers lui, plutôt perplexe.

-- Enfin, c'est pas vraiment un « truc », mais bon… avoua-t-il en sortant un trente-trois tours de sa pochette cartonnée pour la poser sur le lecteur. C'est juste que Roy m'avait dit de te faire écouter cette chanson après son départ.

Ses simples mots me firent trembler, mon cœur battant la chamade tandis qu'il zieutait la pochette pour savoir à quelle piste sauter directement. Puis les premières notes résonnèrent, une douce mélodie grattée à la guitare, et un chant tranquille.

-- Who knows how long I've loved you, you know I love you still. Will I wait a lonely lifetime ? If you want me to, I will.
J'eus un sourire ému en entendant ses paroles, et m'accoudais à la table, bercé par la mélodie et cette espèce de déclaration d'amour à retardement.

-- And when at last I find you, your song will fill the air. Sing it loud so I can hear you, make it easy to be near you, for the things you do endear you to me. Oh, you know, I will… I will.

-- Mignon, hein ? commenta finalement Elvis en coupant la musique.

-- Trop courte, cette chanson, marmonnais-je, à la fois content et gêné.

Je devinai qu'il l'avait choisi parce qu'elle correspondait assez exactement à ce qu'il aurait voulu me dire s'il avait pu être là après son départ. Et la voix douce du chanteur, cette mélodie apaisante était plus que réconfortante. Elle donnait une impression de plénitude, et je m'en sentis profondément heureux. Je réclamais qu'il la remette en boucle (manœuvre fort peu pratique avec un trente trois tour) et passais un quart d'heure à la réécouter tout en la fredonnant avec un sourire. Puis Elvis proposa d'aller faire quelques courses en ville, accompagné par Alphonse. Je déclinais l'invitation, préférant faire un petit tour sur la plage, contemplant les vagues et le temps magnifique en marchant dans le sable. Je jetais un coup d'œil panoramique, voyant quelques personnes bronzer, d'autres se baigner. Je poussais un soupir et me vautrais par terre, les bras en croix, les yeux au ciel.

Puis je restais immobile un long moment, écoutant le son de ma respiration mêlé au bruit des vagues.

C'était ce genre de journées bénies qu'offrait la fin de l'été, avec un temps magnifique, un léger souffle de vent et une espèce de perfection qui empêchait de se sentir réellement triste.

Evidemment, je me sentais un peu mélancolique à l'idée que Roy soit parti. Mais bon. J'étais là, bien vivant, j'allais reprendre la route et continuer mes recherches. Faire des tonnes de choses, et revenir, enfin, l'embrasser de nouveau.

En fait, c'est surtout de savoir que je vais le retrouver qui m'empêche d'être triste. C'est bien mieux de savoir qu'il m'aime. C'est sans doute bien mieux qu'il sache que je l'aime.

La vie n'est pas si mal foutue que ça, finalement…

Même s'il me manque.

Je me demande ce qu'il fait en ce moment, pensais-je, toujours allongé sur le sable, contemplant le ciel d'un bleu intense, parsemé de nuages blancs et cotonneux qui correspondaient parfaitement à mon sentiment de d'apaisement.

Ce que je ne savais pas, c'est qu'à l'instant précis ou je formulais cette question dans ma tête, il cherchait désespérément une solution pour refuser poliment de reprendre de ce fromage à poils verdâtre qui lui avait donné à l'instant l'impression de ramper sur le plateau.