Le jour où j'ai pensé à Heather comme personnage principal, j'imaginais son histoire encore plus longue. J'avais prévu d'arrêter le récit à la fin de sa septième année à Poudlard.
Puis, j'ai tardé. L'attente entre les chapitres est devenue de plus en plus longue. Je crois que terminer Eclosion avec ce chapitre est ce que je devais faire.
J'admets qu'il y a longtemps que je n'ai pas publié. Pour tout dire, il y avait longtemps que je n'avais pas vraiment écrit. Et s'y remettre, c'est bien plus compliqué qu'il n'y parait. Et pourtant, je l'ai fait. J'ai replongé dans ce monde magique et je l'ai terminé. Et peut-être que certains d'entre vous estimeront que j'ai fini cette histoire trop brutalement, trop rapidement. Il me semble toutefois que c'était le mieux à faire.
Si je n'écris plus aussi souvent mes fanfictions sur Harry Potter, c'est bien qu'au font il y a une raison. Car les idées, en elle-même, ne me manquent pas. Je crois, que d'une certaine manière, j'ai enfin tourné la page sur le monde extraordinaire d'Harry Potter ! Et bien que je ressente toujours autant de plaisir à lire les livres de Rowling ou des fan fictions sur ce monde, je ne ressens plus ce besoin de combler par mes écrits le vide que j'ai pu ressentir à la fin de la série. Les Harry Potter resteront mes livres préférés pour de nombreuses raisons. Mais j'ai envie d'essayer autre chose.
Alors, je termine cette fiction avec beaucoup de plaisir. J'espère l'avoir bien réussie. Je l'ai écrite du mieux que j'ai pu, avec toute ma passion et mon imagination. J'ai tenté du mieux que possible de répondre à toutes les interrogations.
Maintenant, la seule chose qui me reste à faire est de vous souhaiter une bonne lecture.
Merci à tout le monde pour votre lecture, vos commentaires et votre enthousiasme !
Rappel :
-Carl Vaughan = secrétaire général, assassiné violement. Ses agresseurs semblaient rechercher quelque chose.
-Charlus Potter = assassiné dans des conditions similaires. « Je parle de votre rapport concernant la mort de Charlus Potter. Il y a certaines incohérences. »
-Charlus, Carl et Patrick (le père d'Heather) semble lié par quelque chose.
-Un secret semble tourner autour de la mère d'Heather. Elle a surpris une conversation entre son père et Dumbledore à propos de sa mère et de la mort de Charlus. « -Vous devriez lui dire. Conseilla Dumbledore. Les enfants sentent toujours quand il y a des secrets. »
-Heather faisait des cauchemars et elle a volé la potion de sommeil à l'infirmerie. En empruntant un livre dans la réserve de la bibliothèque, elle se la confectionne elle-même. Elle la prend tous les soirs.
-Andrews, un serdaigle, est devenu ami avec Heather.
-Heather suit des cours supplémentaires en métamorphoses + un stage à l'infirmerie pour son métier. Elle doit faire 2 ans d'apprenti infirmière. Et à la fin de sa sixième année, elle passe un concours écrit et oral sur la métamorphose.
-Lily vient vivre chez Heather pendant les vacances car sa sœur l'a mise à la porte.
-Remus a montré la carte des maraudeurs à Heather.
-« Cette subite colère de la part du professeur Marot nous avait tous surpris. Son cours avait toujours été, depuis le début de l'année celui où tout le monde parlait et s'amusait. Il ne disait jamais rien. C'était un excellent professeur bien qu'il manquait d'autorité. Et aujourd'hui, nous venions de nous apercevoir qu'il n'était pas si laxiste que ça. Au contraire. Il voyait tout et entendait tout, mais qu'il n'en tenait pas cas. »
-Heather a passé un pacte avec Sirius : « Tu nous fiches la paix avec Remus à propos de notre relation, et je me débrouille pour qu'Axel tourne moins souvent autour de Bella. »
Chapitre 14 : Truth.
« Le plaisir peut s'appuyer sur l'illusion, mais le bonheur repose sur la vérité. »
Chamfort
« Il faut se connaitre soi-même. Quand cela ne servirait pas à trouver le vrai, cela au moins sert à régler sa vie, et il n'y a rien de plus juste. »
Pascal, Les pensées.
La vie ne tient qu'à un bout de fil. Nous le savons tous. La vie est fragile, imprévisible et sans promesse de lendemain. Ce n'est pas un fait scientifique, c'est une réalité humaine. D'une seconde à l'autre, votre monde peut s'écrouler brutalement vous plongeant dans un gouffre sans fin. Et alors, une obscurité encombre sans cesse votre esprit, vous ne vous sentez plus nulle part chez vous, vous ne croyez plus à aucune promesse, vous vous sentez seul, inutile Seulement, si vous avez le courage de vous relever, si vous avez la force de tout recommencer, si vous vous accrochez fermement à ce fil, la vie vous sourira finalement. Parce que la vie vaut la peine d'être vécue, parce que la vie c'est nous.
En définitive, j'ai fini par le comprendre. Il m'aura fallu plusieurs années de galère, et un choc émotionnel assez grand pour l'assimiler. La vie c'est nous et la vie c'est chaque personne sur la terre. Lorsqu'une personne meurt, c'est une vie entière qui disparaît. Il n'y a pas une seule vie sur terre, il y en a seulement autant que d'âmes qui vivent. Chaque vie est précieuse, chaque vie laisse des traces. Moi, j'en suis une. La trace d'une vie de maladie, la descendance d'une vie chétive et malheureuse.
J'ai atteint le fond du puits. Prise au piège entre ces murs, la lumière si haute, loin au-dessus de moi. Je n'y prête pas attention. Je m'en fiche.
Aujourd'hui, ma mémoire me ressemble. Vide. Confuse. Depuis que je ne prends plus la potion du sommeil, mes souvenirs sont de moins en moins clairs. Les derniers évènements dont je me souvienne tout à fait clairement sont ceux du match contre les Serdaigle. Après ça, tout est flou. Parfois j'ai des bribes, des sortes de flash qui apparaissent de temps en temps. Des fois dans mes rêves. Des fois pendant la journée. Ça vient comme ça. Le médicomage dit que c'est normal. Que tout va revenir. J'ai pourtant l'impression de voir la vie d'une autre fille. Surtout la période pendant laquelle j'étais encore à Poudlard. C'est comme s'il y a une autre Heather. Mais pas moi.
X.X
St-Mangouste, Eté 1976
Une semaine à St Mangouste. Ou alors tout simplement une semaine en enfer...
Tremblements. Maux de tête. Insomnies. Nausées. Un quotidien sombre et douloureux.
Je pense sans arrêt à tous les moyens possibles pour sortir de cette prison. Des moyens pour trouver de l'argent. Tant de moyens qui n'aboutissent pas.
Les visites sont réduites. Et tant mieux. Je voue une haine irrépressible Rose. Elle a manipulé mon père et m'a jetée hors de la maison. Il n'en est que plus misérable pour ça.
Quant à Lily, je suis déçue, dégoutée.
Profondément convaincue d'être victime d'une conspiration et d'une injustice, je me suis murée dans un silence total. Je ne parle plus. Je ne mange plus. Je ne bois plus. Voici le seul moyen que j'ai trouvé pour être encore maîtresse de moi-même.
Pourtant, on me nourrit. De force. Ces scènes sont les pires de la journée.
Comment peut-on me forcer à faire une chose dont je n'ai pas envie ? C'est toujours des cris, des luttes, et de nombreux infirmiers pour me tenir. Je mords, crie. En réalité, je me bats comme une Moldue, utilisant les seules ressources à ma disposition. Il n'y a rien à faire. Je suis leur prisonnière. On me surveille comme une personne malade.
Je les déteste. Tous. Lily. Rose. Papa. Les infirmiers. Je les déteste.
Puis il y a eu sa visite.
Andrews est rentré par la porte, un sourire forcé sur les lèvres. Je détourne le regard et garde le silence. En colère.
Je les déteste tous. Y compris lui.
-Lily m'a écrit. Elle m'a dit que tu n'étais pas dans ton état normal mais j'étais loin de croire à ça.
Il se tait quelques secondes. Je le maudis. Qu'il me laisse tranquille. Je n'ai besoin de personne.
Il prend place sur une chaise, la seule de la pièce.
-Tu ne me réponds même pas? S'étonne-t-il.
Il garde le silence.
-Pourquoi tu as fait ça, Heather? Bon sang! s'écrie-t-il alors en colère. Tu t'es droguée! Tu as triché, menti, volé! Tu es devenue odieuse avec tout le monde. Crois-tu que garder le silence va arranger les choses? Admets-le, tu as un sérieux problème et tu dois te soigner!
Je fixe ma housse de couette. J'entends la chaise bouger. Andrews se lève. Je lui jette un coup d'œil. Il s'avance jusqu'à la fenêtre, les mains derrière la tête.
-Et Remus? demande-t-il.
-Quoi Remus? Dis-je furieuse.
Andrews se tourne pour me faire face. Ses yeux me transpercent.
-Comment crois-tu qu'il réagira à tout ça?
-Dis-lui un mot et je te pourris la vie. Menace-je.
Je suis furieuse. J'ai parlé. Et tout ça, c'est la faute d'Andrews. Toujours lui.
-Arrête de me regarder comme ça. Lui lance-je alors furibonde. Tu te crois mieux que moi parce que tu n'es pas assis sur ce lit. Mais c'est faux. Vous n'êtes pas mieux que tous les malades de cet hôpital!
-Heather, si tu arrêtais de crier, dit-il calmement.
-Sors d'ici. Dis-je la rage au cœur. Je ne veux pas te voir.
-Et tu ne veux toujours pas admettre que tu as un problème? interroge Andrews la voix soudainement sèche. Ouvre les yeux, Heather. Tu es exécrable. Et même Remus ne voudra pas d'une copine comme ça.
-Va te faire foutre, Andrews. Ta bonne humeur me fait vomir.
Andrews lâche un rire rauque, crispé.
-C'est toujours mieux que de se complaire dans son malheur. Réplique-t-il sévèrement.
-Dans ce cas, va répandre ton optimisme ailleurs, sale irlandais!
Andrews serre la mâchoire, les yeux fixes.
-Regarde les choses en face, pour une fois Heather. annonce-t-il, la voix devenue à nouveau calme. Si tu t'es droguée, c'est pour ne pas affronter la mort de ta mère et tous les secrets qui l'entourent. C'est tellement plus facile de fermer les yeux. Et tu as tout simplement peur de faire face à la vérité. Et tu te refuses à être heureuse, car c'est tellement plus simple d'être malheureuse.
J'attrape le premier objet à portée de main et le balance sur Andrews qui l'esquive facilement.
-DEHORS! Hurlai-je. DEHORS! DEHORS!
Andrews me regarde avec insistance.
-Ce n'est pas possible. Souffle-t-il douloureusement.
Il retourne s'asseoir en silence. Il ne souffle plus un mot. Je m'en abstiens aussi. Je me couche dans mon lit et regarde le plafond. Andrews ne parle plus. Il ne part pas non plus. Il se contente de rester assis sur sa chaise.
Quant à moi, je suis toujours aussi en colère, aussi furieuse. Totalement folle de rage. Et je crois bien que la colère m'a achevée et je sombre dans un sommeil lourd et agité.
Poudlard, Fin mai 1976
J'étais actuellement dans la bibliothèque complètement absorbée par un livre de métamorphose. Cela faisait désormais une heure et demie que je prenais des notes, retenais des formules et apprenais des sorts.
Je passais réviser à la bibliothèque après mes cours de métamorphoses avec le professeur McGonagall ou mon stage à l'infirmerie. Je travaillais ainsi jusqu'à l'heure du dîner où je rejoignais alors tout le groupe. C'est alors qu'un abruti vint poser trois gros volumes à l'autre bout de ma table, me faisant sursauter. Je levai les yeux vers l'abruti en question, prête à l'envoyer balader quand je reconnus Andrews qui me souriait.
-J'ai parlé à Remus. Annonça-t-il en s'asseyant face à moi pour ne pas attirer probablement le regard désapprobateur de Madame Pince.
-C'est un évènement à paraitre dans la Gazette. Dis-je ironique.
Andrews sourit.
-Mais tout à fait, chère Heather. conclut-il. Ton petit-ami vient carrément de me menacer et je crois qu'il serait normal de ma part de porter plainte.
-Quoi? M'écriai-je, ce qui me valut un regard sévère de notre bibliothécaire.
Andrews souriait de toutes ses dents. D'accord, il venait de se moquer de moi.
-Je plaisante. dit-il. Tu vois Remus m'agresser au détour d'un couloir, pour me menacer en plus? Je sais qu'il ne m'apprécie pas autant qu'il apprécie James et Sirius, et qu'il doit trouver que je te tourne trop autour, mais de là à me menacer.
Cette idée semblait complètement incongrue pour Andrews. Et pourtant, je ne partageais pas entièrement son avis. J'étais convaincue que Remus pouvait faire preuve d'un caractère menaçant. Il avait montré à plusieurs reprises aux côtés de James et de Sirius qu'il était entièrement capable de persuasion et de menace quand c'était nécessaire. Il devait juste arrêter de se concentrer sur son statut de loup garou.
-Et alors, de quoi avez-vous discuté? Demandai-je.
-De toi. Dit Andrews en m'indiquant de son index. Tu sais très bien que tu es toujours au centre de mes conversations.
-On ne montre pas les gens du doigt, ce n'est pas poli. Répondis-je.
Andrews sourit.
-Nous sommes tous les deux tombés d'accord.
-Waouh! M'exclamai-je. Ça a dû vous demander beaucoup d'efforts.
-Tu es en forme, aujourd'hui. Nota Andrews.
Je haussai les épaules.
-Et bien, disons qu'avant ton arrivée, je révisais.
Andrews frappa dans ses mains.
-Justement, avec Remus, nous pensons que tu révises beaucoup trop l'écrit. Or, tu sembles oublier que tu as aussi un examen pratique.
-Je n'ai pas oublié. Dis-je sérieusement.
Andrews sourit.
-Parfait, dans ce cas, Remus et moi-même allons t'aider pour la pratique. Désormais, tu viendras avec nous. J'ai réussi à obtenir une salle auprès de McGonagall pour pouvoir t'entraîner. Demain, après l'infirmerie, on viendra te chercher.
-Parce que, vous allez m'aider...hésitai-je. Tous les deux?
-Deux professeurs valent mieux qu'un.
Et sur ces mots, il repartit avec ses trois gros volumes. Je souris bêtement. Je regardai ma montre. Le repas débutait dans un quart d'heure. Je décidai de ranger mes affaires. Je les montai directement dans le dortoir, dans la tour des griffondors. Je redescendis alors jusqu'à la grande salle.
Le groupe était déjà installé à la table des Gryffondor, attendant probablement que le repas commence.
-Alors, comme ça, j'ai le droit à deux professeurs particuliers pour m'aider à réviser? Dis-je à Remus en m'asseyant.
Remus détacha son regard de la table des Poufsouffle et me regarda. Il sourit.
-Andrews a déjà fait la commission? Questionna Peter. Il est rapide ce gars, fait gaffe qu'il ne te devance pas toutes les fois.
Remus posa un regard ennuyé sur Peter.
-Y'a pas de risque. Répliquai-je.
Lily secoua la tête.
-Quel manque de tact, Queudvert. Annonça James.
-Quoi? S'exclama-t-il. Qu'est-ce que j'ai dit?
Bella éclata de rire. James se sentit obligé d'expliquer.
-Et bien, Remus se sent suffisamment menacé par le Serdaigle pour que tu l'effraies davantage.
Remus se redressa brusquement.
-Je ne me sens pas menacé. Dit-il d'une voix grave.
Je lui jetai un coup d'œil, lui souris.
-Pas du tout menacé. répéta-t-il plus sûr de lui, en regardant James.
Peter secoua la tête, leva les yeux en l'air, l'air de demander pourquoi on l'embêtait alors avec ça.
Sirius émit un rire moqueur.
-Pourtant, tout à l'heure avec Andrews...
-J'ai été très correct avec lui! Coupa Remus.
-Moui...intervient Bella. Juste correct.
Remus tourna la tête vers elle, haussant un sourcil.
-Si tu l'avais vu, Heather. Continua Sirius. On aurait dit un lion prêt à sauter sur sa proie pour la déchiqueter.
Remus rougit mais nia fortement.
-J'apprécie Andrews. dit-il.
-Tu l'apprécierais davantage s'il n'était pas si souvent avec Heather. Déclara James dans un sourire.
Remus allait répliquer.
-Ça va. Déclarai-je. Fichez-lui la paix un peu.
Les deux garçons sourirent.
-C'est mignon...dit James.
Je fronçai les sourcils.
-Tu n'es pas mal non plus Heather, quand Remus parle avec Hannah en cours de potion. annonça Sirius.
-Qu'est-ce que tu veux dire? Dis-je méfiante, ayant une légère idée de ce à quoi il pensait.
Le sourire du ténébreux Black s'accentua.
-J'en connais pas mal qui sont prêt à promettre des trucs par jalousie. Déclarai-je alors en fixant droit dans les yeux Sirius.
On resta ainsi un petit moment jusqu'à ce que James déclare:
-Je ne sais pas vous, mais moi, j'ai l'impression d'avoir loupé un énorme épisode dans le roman « Sirius et Heather, entre amitié et confrontation. »
Sirius éclata de rire.
-Tu te fais des idées mon cher Cornedrue. dit-il en riant.
James fronça les sourcils. Il se pencha vers Sirius, l'air suspicieux. Ce dernier attrapa une énorme part de rosbif.
-Fais voir ta main! déclara James.
-Non, elle est occupée.
Je haussai un sourcil. Sirius engloutit un morceau.
St-Mangouste, Eté 1976.
L'heure de manger. On me dépose un plateau repas sur les genoux. Une nouvelle tentative du médecin pour que je mange seule. Je regarde l'assiette. Je n'y touche pas. L'infirmier attend à côté de moi. Il veut vérifier que je mange. Il va être déçu. Je ne bouge pas. J'attends. Au bout d'un quart d'heure, le médicomage rentre dans ma chambre.
-Tu ne veux toujours pas manger, Heather ?
Je ne réponds pas. C'est la même scène. Tous les jours. Le médicomage lâche un soupir.
-Allez-y. On doit la nourrir.
Plusieurs infirmiers rentrent. Je lance un regard assassin à mon médecin.
-Nous ne pouvons pas te laisser mourir de faim, Heather.
Deux mains puissantes se posent sur mes épaules. Je hurle. Je bouge de droite à gauche. Je soulève le bassin et donne des coups de pieds. Je frappe tout ce que je peux atteindre. Je griffe. Les infirmiers réussissent à me maitriser de plus en plus rapidement. Heureusement, les sorts ne sont pas autorisés contre les patients. Sinon, ils auraient vite eu fait de les utiliser contre moi.
Je suis immobile. Ils ont réussi à me bloquer. Voilà qu'il approche la nourriture de ma bouche. J'ai l'impression d'être un animal qu'on veut engraisser. Je tiens mes lèvres fermées. Un infirmier tente de les écarter avec ses doigts. J'essaie de gesticuler. Je sens la soupe s'infiltrer entre mes lèvres. La moitié tombe sur le menton, coule le long de mon cou et vient se loger dans mon décolleté. La scène me semble durer indéfiniment. Au final, la moitié du repas se retrouve sur moi. Je suis bonne pour la douche.
Les infirmiers se retirent. J'ai la respiration haletante, due à tous mes efforts. J'ai honte. Le médicomage s'approche de moi, prend une serviette et essuie le contour de ma bouche. Je le déteste.
-Je suis désolé, Heather. Dit-il. Tout ceci est absolument dégradant pour vous, je le sais. Mais je n'ai pas d'autres choix si je veux vous garder en vie. J'aurai bien tenté la méthode moldue avec la perfusion si je ne savais pas que vous ne la garderiez pas plus de deux minutes. Mourir de faim ne réglera pas vos problèmes, Heather. Acceptez que je vous soigne.
Son discours ressemble à un texte appris par cœur, qu'il récite à tous ses malades. Je ne lui réponds pas. Il finit par quitter ma chambre. Alors seulement, je me lève et vais dans la salle de bain pour prendre une douche. Je m'arrête devant la glace. Mon haut de pyjama est sali par la nourriture. Mon cou est encore plein de soupe. Je me sens souillée. Je n'ai absolument plus aucun contrôle sur mon corps. Mon cœur devient lourd. Je fixe mon visage dans le miroir. Impassible, je regarde les larmes couler sur mes joues. Indifférente à ma propre douleur.
Poudlard, Fin mai 1976.
Remus paraissait ennuyé.
-Quoi? Fis-je.
Remus haussa les épaules.
-Rien.
De nouveau le silence se fit. Remus jouait avec sa baguette magique, irrité. Je finis par la lui attraper et la lui retirer des mains.
-Tu vas finir par me dire ce qui ne va pas? M'exclamai-je.
Remus bouda comme un enfant.
-Tu as l'intention de faire la tête longtemps? Questionnai-je.
-J'ai l'impression de foutre ta vie en l'air. Cracha-t-il alors.
Je fronçai les sourcils. Je m'assis en tailleur face à lui et le regardai sérieusement.
-Foutre ma vie en l'air? Répétai-je.
-Je suis un loup garou! dit-il.
Voilà donc tout le problème.
-Et alors, je t'ai dit que ça ne me gênait pas. Je dois te le répéter combien de fois avant que tu ne me crois?
-Je te crois Heather. Annonça alors Remus d'une voix grave. Je te fais confiance et je t'admire aussi. J'aime partager mes idées avec toi, j'aime quand tu es jalouse, j'aime quand tu me touches et m'embrasses. J'aime tout ce qui fait que tu es toi. Sur ça, je n'ai aucun doute. Je pense aussi que tu es suffisamment courageuse et tolérante pour m'accepter en tant que loup-garou.
-Mais alors, où est le problème?
Remus poussa un soupir.
-Je crois que tu as suffisamment souffert pour que j'en rajoute avec mon état.
Je lâchai un rire cynique.
-Ton état? Remus, tu es le seul auprès de qui j'oublie tous mes soucis!
-Et si un jour, toute l'école apprenait ce que j'étais réellement. Tu crois que ça sera toujours aussi facile de sortir avec moi?
-Mais il n'y a plus que toi qui te soucie de ce que les autres peuvent bien penser. Ce que j'ai appris grâce à James et Sirius, c'est d'être soi-même et peu importe si les gens t'aiment ou pas. Nous tous, nous t'aimons Remus et ça ne changera pas parce que ton secret sera révélé.
-Crois-tu sincèrement que votre amitié va me permettre de me nourrir et de trouver un job? Personne ne veut de loup garou. Il n'y a que Dumbledore d'assez fou pour me faire confiance. Je ne peux pas me permettre d'être moi-même, comme Sirius et James, parce que si quelqu'un apprend que je suis un loup-garou, quelles que soient mes compétences, le résultat de mes Aspics, personne ne me prendra. Et je les comprends.
Je me tus.
Je savais qu'il avait raison. La réputation des loups-garous n'était pas bonne du tout et effrayait tous les sorciers. Et c'était compréhensible. Mais après avoir connu Remus, j'avais du mal à l'accepter. Et ce n'était pas juste.
Je m'approchai de Remus et le serrai dans mes bras.
-Je sais. Fis-je. Mais tu t'en sortiras. Parce que tu as conscience de ce que tu es, que tu es prêt à faire des efforts. Tu es un fort, Remus. Plus fort que la plupart des élèves de Poudlard. Parce que tu sais déjà quelles sont tes limites et que tu as appris à vivre avec ça.
Je me reculai pour le regarder dans les yeux. Il n'était pas pour autant rassuré.
-Viens voir.
Je lui attrapai la main et le conduisis en dehors du dortoir. On s'arrêta à trois marches du sol, une vision parfaite sur toute la salle commune.
-Regarde. Dis-je en indiquant James, Sirius et Peter.
Les trois garçons étaient assis à une table. James et Sirius jouaient aux échecs tandis que Peter lisait un magazine, jetant de temps à autre un coup d'œil au jeu.
-Ils t'ont accepté. Dumbledore t'a accepté. Et je suis sûre que James, Sirius et Peter, même sans te connaître personnellement accepteraient de te donner un travail, en prenant quelques précautions.
Remus regardait ses amis, le visage démangé par son côté loup garou.
-Les gens comme eux ne sont pas nombreux, je suis d'accord. Mais il y en a. Et avec le temps, il y en aura plus.
Je serrai la main de Remus tendrement. Il détacha son regard des trois maraudeurs et le porta à nouveau sur moi.
Saint-Mangouste, Eté 1976.
Je suis assise près de la fenêtre, la Gazette entre les mains. Je regarde dehors. Le soleil brille. Il doit faire chaud, un temps superbe pour la baignade. Je vois le groupe de mon étage traverser la rue. Ils vont probablement prendre le Magicobus quelques rues plus loin, là où il y aura moins de Moldus. Mon médicomage m'a proposé d'y aller. Le responsable de notre étage a organisé une journée au bord d'un lac pour nous aider dans notre guérison. Un grand bol d'air frais pour faire face à notre addiction. Quelle idée stupide. Je n'ai nul besoin d'aide. Je ne suis pas malade. Rose veut juste m'éloigner de la maison. J'ai alors refusé. Le médicomage n'a pas insisté. J'appuie ma tête contre la vitre et ferme les yeux quelques secondes. Peut-être que j'aurais dû accepter. Une fois hors de l'hôpital, j'aurai pu fuir. La porte de ma chambre se mit à grincer. Je ne prends pas la peine d'ouvrir les yeux. Des infirmiers passent régulièrement vérifier si je n'ai pas tenté de m'enfuir. Je tente de m'imaginer, marchant près du lac, les pieds dans l'eau fraiche, le soleil frappant sur ma nuque. Je n'arrive pas à ressentir, ni à me rappeler quelles sensations on éprouve.
-Heather ?
Mon cœur fait un bond violent dans ma poitrine. Je maintiens mes paupières fermées. Tous mes sens réapparaissent. J'ouvre les yeux. Remus se tient face à moi, une épaule appuyée contre un pan du mur. Il me regarde. Je ne dis rien.
-Je suis revenu plus tôt de mes vacances avec mon père. Raconte Remus. Il y a eu un problème à son travail, et je n'avais pas spécialement envie de passer toutes mes vacances en sa compagnie.
Remus s'est arrêté quelques secondes de parler pour que je puisse émettre un jugement. Je n'ai pas ouvert la bouche, ni fait un signe d'encouragement pour qu'il continue. Pourtant, il l'a fait.
-J'ai retrouvé Sirius, James et Peter sur le chemin de traverse, il y a une semaine. Andrew et Lily nous ont rejoints en début d'après-midi. Apparemment, Lily et lui, se voient régulièrement ces derniers temps. À un moment, James a bien cru qu'ils étaient ensemble. Il manquait Bella, mais elle est chez sa tante. Et toi.
Il s'arrête encore. Il veut probablement que je m'explique.
-Lily a dit que tu étais malade. Andrews semblait gêné, presque furieux. Puis, on l'a entendu dire à Lily que tu avais encore refusé de lui parler. Sirius et James se sont empressés de poser des questions.
Remus plante ses iris dans les miennes.
-La première personne que j'ai essayé de contacter dès mon arrivée, c'était toi Heather. Tu n'as pas répondu à ma lettre. Ensuite, Lily nous ment ouvertement. Et Andrews qui semble fâché contre toi. Alors quand j'ai appris où tu étais, j'ai attendu quelques jours avant de venir.
-Pourquoi ? Dis-je.
Remus contracte sa mâchoire.
-Parce que j'aurais espéré que tu m'aurais averti toi-même en apprenant mon retour.
Sa voix est plus dure. Ma colère réapparait.
-T'avertir ? Tu y as cru ? Pourtant, je ne doute pas que Lily et Andrews ont bien su t'expliquer la situation, non ? Ils ont bien du te dire que je suis qu'une droguée, complètement parano, qui croit à un coup montée. Ils t'ont sûrement raconté comme j'étais odieuse, égoïste et méchante.
-Ils en ont parlé. Mais je ne pouvais pas y croire.
Je me mis à éclater de rire. Un rire cinglant, cruel.
-Arrête un peu de croire que je suis un ange, Remus.
Poudlard, Début juin 1976.
Je passai mes doigts sur sa cicatrice.
-Comment est-ce arrivé? Demandai-je alors.
Remus baissa le regard sur sa cicatrice. Ses yeux se voilèrent comme s'il revivait l'évènement.
-Le loup garou qui m'a attaqué quand j'avais 5 ans a pris la peine de m'ouvrir le ventre avant de me mordre. Raconta-t-il d'une voix sombre. Les guérisseurs n'ont pas réussi à effacer ça complètement.
Je posai ma tête sur son ventre. Remus me caressait les cheveux. La porte de la chambre s'ouvrit alors à la volée. Je me redressai dans un sursaut, Remus baissa son Tee-shirt et on observa ahuri James se précipiter sur sa valise.
-Ne vous dérangez pas pour moi ! S'exclama-t-il sans un regard. Je prends juste un truc…
Remus fronça les sourcils et s'assit sur le bord du lit.
-Qu'est-ce que tu cherches ?
James fouilla tout au fond de son sac et en sortit un gros bouquin.
-Je pense avoir trouvé !
Il détala de la chambre aussi rapidement qu'il était rentré.
-Il a trouvé quoi ? Questionnai-je.
Remus paraissait pensif.
-C'était le livre qu'on a utilisé à certains moments pour créer la carte. Il a des sorts assez efficaces.
Je regardai la valise de James puis Remus.
-Mais vous l'aviez fini la carte, non ?
Remus approuva doucement.
-Enfin, on n'arrivait pas à inscrire la salle sur demande…
Il se leva brusquement.
Il descendit les escaliers du dortoir quatre à quatre. Je le suivais jusque dans la salle commune. Il rejoignit James, Sirius et Peter attablés sur la table du fond. Il s'assit à leur côté et commença à chuchoter énergiquement. On aurait dit des conspirateurs.
Je m'approchai de Lily et Bella, assises sur le canapé, face à la cheminée. Elles observaient avec curiosité les garçons.
-Ils travaillent encore sur leur carte… murmura Bella, dépitée. J'ai bien essayé de faire parler Sirius mais y a rien à faire.
-Je crois qu'on ne le saura jamais. Déclara Lily.
Bella secoua la tête.
-Non, je suis sûre qu'ils ne nous disent rien, seulement pour nous embêter. Tu en penses quoi Heather ?
Je regardai les garçons. Ils n'étaient rarement autant concentrés. Je haussai les épaules.
Lily tentait d'apercevoir le bout de parchemin, curieuse. Bella, quant à elle, avait les yeux qui brillaient étrangement. C'est alors que je compris. J'éclatai de rire.
Sirius avait cafté. Comme Remus. Et James le fera aussi, un jour. Quand Lily sera prête à admettre la vérité.
-Quoi ? demanda Lily.
Je tournai le dos aux garçons et attrapai le magasine Sorcière Hebdo posé à côté de moi.
-Oh, rien.
St-Mangouste, Eté 1976.
James franchit la porte de ma chambre avec enthousiasme, un large sourire collé au visage. Je suis assise dans mon lit, un plateau de nourriture posé devant moi. James s'approche avec vivacité et dépose un baiser sur ma joue. Je ne prends même pas la peine de reculer ou de sourire. Je reste silencieuse et indifférente. James va au pied de mon lit et se met à fixer la porte d'entrée. J'entends un soufflement et voit Sirius rentrer à son tour. Il s'avance, bien droit les mains dans les poches, le regard sombre. Remus a dû leur parler de sa visite.
-Comment tu te sens ? Questionne James.
-Prisonnière.
Sirius va s'asseoir sur la chaise.
James sourit en coin.
-Tu veux qu'on t'aide à sortir ? demande-t-il très sérieusement.
Je cligne des yeux et détaille le visage de James pour découvrir un trait de moquerie. Il n'y en a pas. Je commence déjà à me voir dehors, libre de mes mouvements. Je sais où récupérer la potion.
-Ne raconte pas n'importe quoi, James ! Heather doit se faire soigner.
Je jette un regard noir à Sirius. Il me le renvoie. Mais je n'ai plus peur de lui. Qu'il se mette en colère. Je ne reculerai pas. Il est hors de question que je le laisse dire que je suis une pauvre cinglée.
-Sirius, commence James d'une voix calme, je ne crois pas qu'Heather ait besoin que tu l'accables un peu plus. Tu te souviens de ce que t'a dit Remus ?
Sirius tourne la tête vers James avec une désinvolture insolente.
-A quel moment ?
-Il t'a bien dit de ne pas t'en prendre à elle.
-Je ne crois pas qu'aller dans son sens va l'aider à guérir. Parce que tu es malade, Heather.
Il se tourne vers moi, furieux.
-Il est temps que quelqu'un te remballe. Tu n'as pas le droit d'être égoïste et méchante sous prétexte que tu es malheureuse. Tu peux envoyer balader Lily, Andrews, et même James. Je ne me fais aucun souci pour eux. Mais si tu avais la moindre idée du temps qu'il nous a fallu pour que Remus nous fasse pleinement confiance, tu n'aurais jamais été si cruelle avec lui.
Je te déteste.
-Je n'ai rien dit d'horrible à son sujet.
-Lui faire douter de la confiance qu'il a placé en toi, sachant ce qu'il est, c'est comme si tu lui avais poignardé le cœur.
-Sirius… tente James.
Sirius lève la main.
Il se lève, pose ses mains sur les barreaux du lit et se penche légèrement à l'avant.
-Je suis prêt à t'aider, Heather. Et je peux accepter que ça soit difficile. Mais il est hors de question que tu te comportes comme ma mère. Et si pour cela, je dois te crier dessus à chaque fois que je viens te voir, je le ferais.
Il se redresse.
-On y va, James.
Sirius s'éloigne. James me sourit dans une grimace et suit Sirius sans mot dire. Je baisse la tête. Mon regard s'attarde sur mon plateau de nourriture.
Je le balance par-dessus le lit dans un cri de rage.
Je les déteste.
Poudlard, Début juin 1976.
Samedi après-midi. Remus et Andrew avaient décidé de m'aider à réviser. Nous étions tous les trois dans une salle de classe. J'étais assise sur un bureau. Remus et Andrews se tenaient tous les deux face à moi, débattant depuis une demi-heure déjà de la démarche à suivre.
Andrews souhaitait se focaliser sur les sorts mineurs pour montrer que j'avais des bases solides. Remus préférait une approche plus spécialisée, m'entrainant sur des sorts plus complexes mais davantage en lien avec la médicomagie.
Ils se battaient à coup d'admirables arguments, presque comme un vrai débat intellectuel. Et tout ceci aurait pu être drôle si mon examen n'était pas la semaine prochaine.
Je n'arrivai pas à placer un mot, et le peu de fois que j'avais essayé, je m'étais fait rapidement remettre à ma place. C'est-à-dire celle qui a besoin d'aide pour réviser. Si bien, que maintenant, je ne disais plus rien, me contentant de les regarder avec lassitude et exaspération.
Et le pire dans cette situation, en dehors du fait que le véritable fond du problème était de montrer que chacun avait davantage raison, c'était que les deux garçons avaient, chacun, raison d'une certaine manière. Ils auraient juste fallu partager l'après-midi en deux temps, et travailler chacune de leurs propositions. Mais aucun des deux ne voulaient voir l'autre l'emporter. Et ça en devenait exaspérant.
-Mais si elle montre sa capacité à exercer un sort si compliqué que ceux que je veux lui apprendre, ça signifie bien qu'elle connait ses bases. Déclara Remus.
-Pas forcément. Contra Andrew avec hargne. Beaucoup de sorciers expérimentés ne connaissent pas les sorts les plus simples.
Remus secoua la tête de droite à gauche.
-L'examinateur ne va pas se préoccuper de savoir si elle est capable ou non de changer une allumette en aiguille.
- Sa capacité à bien gérer des sorts rudimentaires appris dans les premières années de ses études montrera qu'elle est capable de régularité dans son travail.
Et Remus contra. Il débita encore des arguments. Andrews aussi. Je tentai de les arrêter en leur rappelant ma présence, mais aucun des deux ne sembla m'entendre. Je jetai un œil sur mon livre de métamorphose posé sur mes genoux, et envisageai pendant un moment de les assommer.
Je décidai finalement de me lever et de quitter la pièce. Aucun des deux ne me remarqua. Je rejoignis James, Sirius et Peter sous l'arbre près du parc.
-Bella et Lily ne sont pas là ? M'étonnais-je en m'asseyant dans l'herbe.
James acquiesça.
-Si, elles sont juste allé faire un tour pour se dégourdir les jambes.
-Tu as abandonné tes deux professeurs ? Questionna Peter en regardant derrière moi pour vérifier si Remus ne suivait pas. Ils sont si mauvais que ça ?
J'esquivai un sourire.
-Je pense que je vais réviser toute seule. Sinon, l'examen va être terminé qu'ils n'auront toujours pas décidé par quoi commencer.
Sirius haussa un sourcil.
-Qu'est-ce que tu dois revoir, exactement ? interrogea-t-il.
-Remus me conseille les sorts complexes et spécifiques à la recherche, et Andrews souhaite se concentrer sur les sorts de base mais…
-Ils étaient trop occupés par leur égo pour se soucier de ta présence. Termina James.
Je souris et approuvai de la tête.
-Les sorts de bases, comme changer une allumette en aiguille ? interrogea Sirius, curieux.
J'approuvai dans un sourire. Ils avaient utilisé le même exemple que Remus.
-Et les sorts spécifiques ?
Je lui tendis mon livre dans lequel se trouvait absolument tout ce que j'avais vu avec McGonagal. Sirius le feuilleta en quelques minutes. Il finit par le refermer d'un coup sec, en hochant la tête.
-Bien. Dit-il.
Il échangea un long regard avec James. Il arracha finalement de l'herbe et tendit vers moi sa paume.
-Tu peux me transformer ça en…
Sirius regarda à nouveau James.
-En asticots. Finit –il par dire.
Je sortis ma baguette. James stoppa mon geste.
-Attends, que je comprenne, commença-t-il d'une voix scandalisée, tu as pensé à des asticots en me regardant ?
-Non. Affirma Sirius.
-Alors pourquoi tu me regardais ?
Peter souffla.
-Il a juste levé la tête, James. Et tu es face à lui.
-Mais…
Il n'eut pas le temps de protester que Peter intervint à nouveau.
-Au lieu de débattre sur ta ressemblance avec les asticots, tu ne préfères pas aider Heather ?
Sirius approuva vigoureusement de la tête.
-Oui, Cornedrue. Nous devons aider Heather.
James sembla hésiter pendant un petit moment, son regard passant de Sirius à moi. Il finit par attraper mon livre de métamorphose.
-Fais-moi voir un peu les sorts que tu as là.
Sirius fit un grand sourire. Il se redressa de toute sa hauteur et me fit un clin d'œil.
-Au boulot ! S'exclama-t-il.
St-Mangouste, Eté 1976.
-Le cas de votre fille n'a rien de magique, monsieur. En dehors de son addiction pour la potion du sommeil, elle a un comportement humain. Elle refuse l'aide et ce, en toute conscience. Nous ne pouvons pas utiliser la magie contre elle, et ça rend son cas plus difficile à soigner.
Je me réveille quand j'entends la voix du médicomage. Je garde les yeux fermés, tentant de découvrir par mes seuls sens, les interlocuteurs présents. Une chaise grince sur le sol puis le froissement de vêtements.
-Mary, ça suffit. Assieds-toi et arrête de bouger.
La voix de Rose tranche l'air. Ma première pulsion est de me lever et d'hurler jusqu'à ce qu'elle sorte. Et Merlin sait combien j'en avais envie. Pourtant, je reste tranquille à faire l'endormie.
-Que devons-nous faire ?
-Ne pas abandonner et essayer de la convaincre qu'on est là pour l'aider.
-La décision de Patrick de l'emmener ici ne nous aide pas. Dit Rose d'une voix angélique. (Comme si elle n'y était pour rien !) Heather crois que je veux l'éloigner de nos vies et doit probablement me haïr.
Bien joué. Utilise la carte de la victime pour être dans les bonnes grâces.
-Essayez quand même. Que tous ses amis continuent à venir la voir. J'en ai parlé avec deux d'entre eux : je leur ai bien expliqué et ils avaient l'air de comprendre. Mais parfois, c'est difficile pour les proches aussi.
Le bruit de vêtement qu'on froisse emplit la salle. J'entends Mary courir vers la sortie, puis ensuite des bruits de pas qui s'éloignent. Ils sortent. La pièce redevient silencieuse.
J'ouvre alors les yeux. Un rayon de lumière se reflète sur le plafond.
-J'étais sûre que tu ne dormais pas.
Je me redresse sur les coudes et regarde d'un œil sombre Lily assise sur une chaise, au pied du lit. Appuyée contre le dossier de la chaise, elle m'observe d'un œil mi- réprobateur, mi- curieux.
-Mary ne comprend pas ce qu'il se passe. Déclare-t-elle
Je hausse les épaules.
-Et alors ?
Lily sourit. Elle relève ses longs cheveux roux avec délicatesse et les attache rapidement.
-Bien, reprend ma phrase et remplace le prénom de Mary par le mien, celui d'Andrews ou de Remus.
-Où veux-tu en venir Lily ?
J'ai une très claire idée de son cheminement de pensée. Mais je n'ai pas envie de tourner autour du pot pendant des siècles. Qu'elle me dise clairement ce qu'elle a sur le cœur. Je suis ignoble. Vas-y. Dis-le.
-J'ai vu depuis le début ton addiction. Déclare-t-elle d'une voix calme. Je ne me doutais pas que tu prenais une potion, mais j'avais compris que quelque chose n'allait pas. Tu as arrêté tes cauchemars du jour au lendemain. Je ne t'ai jamais vue prendre la potion le soir, mais je voyais bien que tu cachais quelque chose.
-Lily. Abrège. Dis-je avec dureté. Je me fiche de ton raisonnement.
La Gryffondor se redresse sur sa chaise.
-J'ai bien vu comme la mort de ta mère t'a affectée. J'ai vu aussi, à quel point l'histoire avec Hannah et les filles a pu te blesser. J'ai vu comme tu aimais Remus et à quel point sa réticence à s'engager totalement te blesse. Je sais à quel point tu en veux à ton père. Tu reproches à Rose d'exister à la place de ta mère. Tu détestes tous les secrets qui entourent la mort de ta mère. Alors, je comprends ton amertume et ta colère. Tous ces petits faits ne sont rien à part, mais réunis, c'est sûrement difficile à vivre.
Lily se tait. Son analyse n'est peut-être pas complétement fausse. Mais ce n'est pas ma faute.
-Andrews t'aime beaucoup, Heather. Reprit Lily. Il tient à toi et tu ne le vois pas. Maintenant, je vais te dire pourquoi je t'ai dénoncée : Bella est ma meilleure amie. Toi, tu es la relation que j'aurais voulue avec ma sœur. Tu es comme la petite sœur ou la grande sœur, selon les cas, que j'aurais voulue, celle dont je dois toujours prendre soin. C'est comme ça que je te vois : comme la sœur que je dois soutenir, aider et aimer. Si j'ai dit à Rose que tu te droguais, si je lui ai dit où tu cachais tes potions, si j'ai aidé ton père à te faire interner, c'est tout simplement pour te protéger.
-Me protéger ? Craché-je de colère.
-Oui, te protéger. Réponds fermement Lily. Te protéger de toi-même. Crois que je t'ai trahie si tu en as envie. Moi, j'ai fait ce que personne ne faisait car j'ai vu ce que personne ne voulait voir. J'ai le mauvais rôle. Je l'assume. Mais si un jour tu es heureuse et épanouie alors je serai satisfaite et soulagée.
Lily se lève.
-Tu nous manques, Heather. Et on s'inquiète. Tous.
Elle s'éloigne vers la porte, me sourit et sort. Le silence qui suit son discours pèse lourd.
Je me sens mal.
Dégoutée de moi. J'ai envie de pleurer.
Qu'est-ce qui t'arrive ? Ressaisis-toi !
Je refoule mes sentiments au plus profond de moi.
J'ai raison. Et ils ont tort.
Maison de Heather, Juillet 1976
Il était tard. Mais j'avais soif. Rose avait détruit toutes mes réserves de potion et je ne pouvais pas dormir.
Je descendis à l'étage inférieur et rasais le mur, me dirigeant silencieusement vers la cuisine. J'avais mal à la tête. Et je me sentais barbouillée. Mes pas étaient silencieux. C'était comme si je ne touchais pas le sol et que je survolais le carrelage.
-Tu en es sûre?
C'était la voix de papa.
Je m'immobilisai. Quelqu'un lui répondit. Impossible d'entendre la réponse. Je m'approchai de la cuisine. La lumière était allumée. Papa était assis à la table, la tête entre ses mains et Rose avait posé une main sur son épaule.
-Qu'est-ce qu'on va faire? Souffla-t-il.
-Tu dois agir, Patrick. Elle ne pourra pas s'en sortir toute seule.
Il acquiesça.
-Tu lui as parlé? Questionna-t-il en levant les yeux pour regarder sa compagne.
-J'ai essayé. Mais elle n'a rien voulu entendre. Tu sais, ce n'est pas vraiment elle. La drogue agit à sa place. Elle a besoin d'aide. Et nous ne pouvons pas la lui procurer.
-Tu veux dire que je devrais...
Papa ne finit pas sa phrase. Rose opina.
-Elle a besoin d'aide mais elle ne le sait pas encore. Aujourd'hui, tu dois faire preuve d'une autorité cruelle. Et peut-être qu'elle te détestera, mais dit toi qu'elle sera vivante pour le faire.
-Donc?
-Tu dois la faire interner à St Mangouste.
Je sortis de ma futile cachette et rentrai dans la cuisine.
-NON! Criai-je.
Ils me regardèrent tous les deux, surpris.
-Papa, tu ne peux pas la laisser m'emmener là-bas! Déclarai-je d'une voix désespérée.
Rose jeta un regard vers mon père avant de le reporter vers moi.
-Ce n'est pas pour te punir, Heather. Se justifia-t-elle. Tu as besoin d'aide. Et il y a une section (dans) « empoisonnent en potion et plantes » à St Mangouste qui est là pour ça.
-Papa! Tu ne vois pas ce qu'elle essaye de faire! M'écriai-je. Elle veut m'éloigner de la maison! Elle veut me mettre à l'écart.
-Non, Heather. Elle veut juste t'aider. dit Papa. Et je le veux aussi.
-Mais elle ment!
Papa inspira. J'étais furieuse et affolée. Je ne voulais pas aller à St Mangouste. Je n'étais pas malade. Je n'avais pas besoin d'aide.
-Heather, prends-tu une potion pour dormir tous les soirs?
Mon cœur ne fit qu'un bond dans ma poitrine. J'avais besoin de cette potion. Elle m'aidait à dormir.
-Je...heu...Quoi? Questionnai-je.
Papa se redressa et me regarda droit dans les yeux.
-Prends -tu des médicaments sans prescription?
-Non. Déclarai-je avec fermeté.
Ce que je faisais ne le regardait en aucun cas. Et il était hors de question que je laisse Rose me virer de chez moi.
Papa tourna la tête vers Rose puis reporta son regard vers moi.
-Tu as l'air fatigué, Heather.
-Je ne dors pas beaucoup. Répliquai-je, la fureur débordant doucement sur l'affolement du début.
-Et pourquoi donc?
-Tu m'interroges comme un suspect. Reprochai-je. Tu n'es pas au travail.
-Répond à ma question, veux-tu?
Son calme m'impressionnait.
-Je lis beaucoup et j'en oublie l'heure.
Papa hocha la tête.
-Ah, c'est donc la raison de tes yeux rouges. Lâcha-t-il avec une délicatesse effrayante.
Je gardai le silence. Je bouillais de rage.
-Tu peux me dire où est passé tout ton argent de poche dans ce cas? Dans des bouquins?
Je m'immobilisais. Je ne répondis pas. Je lançai à Rose un regard meurtrier.
-Je vais me coucher. Dis-je.
Papa se leva.
-Attends. dit-il. Te drogues-tu?
Je me retournai et lui lançai un regard menaçant.
-Non.
Je lui tournai le dos et m'apprêtai à sortir. Face à moi se tenait Lily, ses long cheveux roux tombant sur ses épaules.
-Heather, dit-elle d'une voix douce. Dis leur la vérité. Nous voulons juste t'aider.
-La vérité? M'écriai-je. Mais il n'y a rien. Je ne me drogue pas et je n'ai pas besoin d'aide. Fichez-moi la paix!
Quelqu'un m'attrapa alors le bras.
-Heather. dit papa. Tu vas aller t'habiller et ensuite je t'emmène à Ste Mangouste.
Je m'écartai violemment de son emprise.
-NON! Criai-je.
-Heather...
-NON! Je ne veux pas y aller. Je n'ai pas besoin d'aide d'accord. Vous vous liguez tous contre moi!
-Heather, tu as besoin d'aide... commença Lily.
-Stop! Je vous le répète, je n'ai pas besoin d'aide, ok? Je suis bien comme ça, alors laisse-moi faire ce dont je veux de ma vie.
Lily fronça les sourcils.
-Tu supplies pour une dose de cette potion. Tu te ruines pour pouvoir en avoir tous les soirs. Tu es désagréable, lunatique et...
-Et si ça me plait?
-Tu ne veux pas vraiment vivre comme ça, Heather...
-Qu'est-ce que tu en sais? Qu'est-ce que vous en savez? Je n'ai peut-être pas envie de suivre les formes, ni de faire comme tout le monde.
-Heather, tu iras à Ste Mangouste. Intervint Papa. Et s'il faut utiliser la force pour t'y faire rentrer, je n'hésiterais pas.
J'écarquillai les yeux.
-Tu ferais enfermer ta propre fille? M'exclamai-je. Bravo, papa. Tu viens d'obtenir le titre du roi des salauds. Tu ne pouvais pas mieux espérer.
-Ne me parle pas comme ça...
-Ah ouais? M'écriai-je furieuse. Parce que tu ne penses pas le mériter? Tu m'as toujours reproché la mort de maman alors que j'avais cinq ans le jour de son accident. Je ne me souviens même pas de ce qu'il s'est passé. Et alors que tu me détestes d'avoir tué cette femme que tu aimais tant, tu emménages avec une autre un an après. Tu trouves que c'est un noble comportement? Tu me fais surveiller, tu me caches quelque chose parce que maman t'avait fait promettre, tu me mens sur tout. Et tu voudrais que je te suive sans rien dire? Oui, je me drogue, papa. Et ça me fait du bien. Je me sens admirablement bien après avoir pris ma dose. Et si tu m'envoie à Ste Mangouste, je te jure que tu auras vraiment de quoi regretter que maman soit morte à ma place.
St-Mangouste, Eté 1976.
Bella est arrivée un matin toute joyeuse. Elle m'a embrassé sur la joue et s'est assise à côté de moi. Elle n'a fait aucune remarque sur mon silence et ne m'a rien reproché du tout. Elle se contente de parler, faisant de grands gestes, riant. Elle me raconte le match de Quidditch qu'elle est allée voir avec son père. Elle me commente le match avec tant de vivacité que pendant un moment j'en oublie ma colère.
Elle m'attrape le bras de temps en temps qu'elle serre tendrement. Elle parle pour deux. Elle me raconte ses vacances en détail, puis celle de Remus, et de James et Sirius. Elle explique comment Lily et James ont passé une après-midi tous les deux dans les rues du chemin de traverse.
Elle me parle.
Je l'écoute avec envie. J'ai l'impression qu'on est encore à Poudlard.
-On va tous passer les dernières semaines d'Août chez James. S'exclame Bella. Tu as intérêt à venir !
-Comme tu vois, dis-je, je ne peux pas sortir d'ici.
Bella balaye ma remarque de la main.
-Mais bien sûr que tu peux. Il faut juste que tu le veuilles.
Elle me sourit. Je fais une grimace qui se veut être un sourire.
Tu te ramollis, Heather… Et merde.
-On pense déjà à aller se baigner. Il habite près d'un lac. Et puis on pourra faire des parties de Monopoly ! Oh, et Sirius nous a fait une imitation de Severus qui était hilarante. Même Lily riait !
Bella regarde sa montre.
-Mince, je dois y aller !
Elle se dégage du lit et saute sur ses pieds. Elle rayonne.
-N'en veux-pas trop à Lily, elle t'aime beaucoup.
Elle dépose un bisou sur ma joue.
-Et tu sais bien que Sirius ne connait que cette seule manière de s'exprimer.
Elle attrape son sac.
-A bientôt, Heather !
Elle me fait encore un grand sourire et sort de la chambre. Je me retrouve seule. Encore.
Il est dur de l'admettre, mais leur visite est tellement mieux que ce silence. Et s'ils avaient tous raison ?
Poudlard, Veille du départ aux vacances, 1976
Bella fut la première à se jeter à l'eau. On aurait dit une enfant. Un sourire apparut sur le visage de Sirius juste avant qu'il ne se jette à l'eau à son tour. Remus et James regardaient encore Peter.
-Tu es sûr que tu ne veux pas venir? S'étonna James. Il fait chaud.
Peter secoua la tête.
-Vous savez très bien que je trouve l'eau trop froide. Je ne réussirai pas à y rentrer de toute manière.
Remus fronça un sourcil.
-Tu ne veux pas essayer encore une fois? Questionna-t-il.
Peter secoua encore la tête.
-Non, c'est bon.
-Mais Peter...insista James.
-Soyez sympa, arrêtez d'insister. Je garderai vos baguettes, serviettes et vêtements. Et j'en profiterai pour prendre des photos. Parce que dites-moi qui s'occupera de tout ça, si on va tous à l'eau?
Lily inséra sa tête entre les deux larges épaules des garçons, un grand sourire sur les lèvres. J'étais presque sûre d'avoir vu James frissonner.
-On peut tous faire un effort pour sortir chacun son tour, si tu veux.
Peter secoua énergiquement la tête.
-Vous allez-vous baigner ou je dois vous jeter un sort? s'exclama Peter.
James se tourna à demi.
-On y va Peter... On y va.
Il tourna alors le dos à Peter qui s'asseyait à côté de nos affaires, alors que James se pencha vers Remus et lui murmura quelque chose. Remus acquiesça, un bref sourire sur les lèvres.
Les deux garçons rentrèrent dans l'eau, ou plus exactement Remus y rentra dedans calmement tandis que James sauta littéralement à deux centimètres de Sirius.
-Hé! Tu as failli me tuer! s'exclama Sirius qui venait de recevoir une vague gigantesque en plein visage, ses cheveux noirs lui donnant l'air un petit chien.
James réapparut à la surface et explosa de rire.
-Si tu voyais ta tête, Patmol. déclara alors Remus, riant aussi.
-Et bien quoi, ma tête est très bien. Déclara Sirius en remettant ses cheveux en place. Allez, Bella, monte donc sur mes épaules, on va leur montrer de quoi on est capable !
Le sourire de la brune s'élargit et grimpa rapidement sur Sirius.
-Allez, plus vite que ça. S'exclama-t-elle.
J'échangeai un regard avec Lily. Elle semblait gêner. Un grand splouch résonna alors. James tentait à son tour de monter sur Sirius pour atteindre Bella.
-Mais pas sur moi, Cornedrue ! cria Sirius comme s'il parlait à un enfant de trois ans.
J'observai à nouveau Lily. Je compris. Je m'approchai doucement de James et lui attrapai le bras.
-Attends, je vais l'avoir moi. Baisse-toi que je puisse monter sur tes épaules.
James obéit sans un mot.
-Allez, les préfets contre nous quatre ! s'écria James, une fois relevé.
Remus éclata de rire. Lily parut soulagée et se précipita sur mon maraudeur, l'air déterminé.
-Tu vas voir, Remus, on va en faire qu'une bouchée.
x.x
Il était tard. Minuit était passé mais aucun de nous n'avait vraiment l'intention d'aller se coucher. Bella était calée dans les bras de Sirius. J'avais la tête posée sur les jambes de Remus. Lily et James étaient assis à quelques centimètres l'un de l'autre et Peter était couché à plat ventre devant eux.
La salle commune s'était peu à peu vidée, si bien que nous nous retrouvions désormais que tous les sept.
-On devrait peut-être monter se coucher? proposa Peter. Si on veut être en forme demain.
J'acquiesçai d'un simple hochement de tête, mes paupières devenant lourdes.
Pourtant aucun d'entre nous ne fit le moindre geste. On continua de discuter encore jusqu'à quatre heures du matin. Cette fois-ci, Peter se leva et monta dans son dortoir. Et nous nous exécutâmes tous. Nous retrouvâmes notre lit.
Je me stoppai juste avant de me faufiler sous les draps. Je lâchai un soupir. Je sortis du lit. Puis du dortoir. Les filles me regardèrent passer. Quand j'arrivai dans la salle commune, James se tenait au pied des escaliers montant dans son dortoir. Il me sourit.
Je haussai les épaules. Résignée.
Lily apparut derrière moi.
-Décidément, demain, nous allons être crevés.
Elle me dépassa et alla s'asseoir devant la cheminée. Remus apparut, Sirius derrière lui. Bella rejoignit Lily sur le tapis. Peter arriva alors, le jeu de Monopoly dans les mains.
-Dan a marmonné qu'on pouvait le garder.
James sourit. Il se précipita vers les filles. Peter sur ses talons. Remus les suivit. Ils commencèrent à déballer le jeu. Je me tournai vers Sirius, toujours immobile au milieu de la pièce.
-ça va ?
-Manger aussi c'est important ! S'exclama-t-il soudain.
J'haussai un sourcil.
-Heu… Tu débats tout seul dans ta tête ?
-C'est encore ces petites voix ? Questionna Bella.
James éclate de rire.
-Non, c'est son estomac qui lui parle. Déclara Remus.
-Je l'accompagne ! s'exclama Lily en se levant brusquement.
-J'ai du mal à vous suivre, là. M'exclamai-je.
-Moi aussi. Affirma Peter.
-Ah, la fatigue ne vous arrange pas. Intervient Sirius. Allez, Lily ! Aux cuisines !
Les deux compères disparurent. Et ils revinrent quelques instants plus tard, les bras chargés de nourriture. Une fois tout le monde installé, chacun servi dans le tas de nourriture, la partie commença. On rigola beaucoup. On mangea aussi beaucoup.
Nous restâmes là, jusqu'au matin. Notre dernière nuit à Poudlard. Inoubliable.
St-Mangouste, Eté 1976.
« Ce fut d'abord une sensation. Juste une sensation. Agréable. C'était calme et paisible.
Il a fait ensuite sombre. L'atmosphère changea. Brusquement. Il faisait lourd. C'était oppressant. Etouffant.
Je fermai quelques secondes les yeux. Je soulevai alors mes paupières. J'étais seule. Autour de moi tout était noir. Je ne distinguais plus le sol du ciel. Une ombre s'approcha alors de moi. Sa démarche était familière.
-Il y a quelqu'un ? Demandai-je d'une voix tremblante.
Je tournai la tête dans tous les sens jusqu'à ce qu'elle apparût. L'ombre.
Une ombre approchait doucement. Sa démarche était lente mais à la fois assurée. Je ne réussissais pas à voir exactement les traits de son visage pourtant elle me semblait si familière. J'avais l'impression de la connaître depuis longtemps et à la fois, elle était une inconnue. Elle s'avançait toujours vers moi, tendant sa main droite devant elle, comme pour réclamer mon aide. L'ombre s'approcha encore. Et si, c'était elle qui voulait m'aider ? Sa main tendue, elle semblait attendre que je la prenne.
Les formes de son corps changèrent doucement, dansant sur elle-même. La fumée la remplaça alors, et cette vapeur commença à se tortiller dans les airs étrangement. Un regard apparut. Des yeux jaunes. L'étrange brouillard se rassembla subitement et s'étendit vers le haut. Elle finit de prendre la forme d'un humain. Je ne réussissais pas à distinguer ses formes, ni ses contours. Elle resta à côté de moi. Elle m'était agréable. Comme cette sensation du début.
«Heather… Heather… » Résonna une voix.
Je fis un pas et l'ombre redevint fumée.
« Maman? Maman, c'est toi? »
Le regard persistait toujours. Il me fixait, m'observait, me paralysait. Je ne pouvais plus bouger… L'ombre s'approchait rapidement. Elle continuait à prendre des formes successives sans jamais se déterminer. Je sentais sa présence… c'était vivant…
C'était alors que je les distinguais. Les autres ombres. Elles chuchotaient. Un murmure macabre et malfaisant. J'avais peur. Elles se tournèrent toutes vers moi.
- Rends-la nous ! Cria d'une voix grinçante l'une des ombres.
L'une s'approcha de moi et me poussa brusquement vers l'arrière. Sous le coup de la violence, je tombai. Ma tête frappa violemment le sol.
- Aide-le! Cria une autre voix, plus froide, plus monstrueuse.
Une deuxième ombre s'approcha. Je me relevai. Je tournai sur moi-même mais elles étaient de partout. L'ombre était tout autour de moi, m'enveloppant. Et ce regard jaune continuait de me fixer. Tout s'approchait…, se rapprochait…, se resserrait autour de moi.
Je me retournai vivement. L'ombre se jeta sur moi et je tombai à la renverse. Un rire moqueur retenti, aigu, froid… Les yeux jaunes se multiplièrent autour de moi. Ils s'agitaient dans tous les sens, s'approchaient, s'éloignaient, s'approchaient à nouveau puis s'éloignaient encore. Le corbeau croassa de protestation.
Et les murmures recommencèrent. D'abord comme un chuchotis désagréable puis comme un bruissement de feuilles mortes.
Les yeux tournaient autour de moi, s'approchant un peu plus. L'ombre volait au-dessus de ma tête, elle me frôla… J'eu un sursaut effrayé.
Mon sang se glaça d'effroi.
Un croassement résonna derrière moi. Je me tournai vivement, mon cœur frappant violemment ma poitrine. Le corbeau se posa devant moi. Un corbeau dont les yeux jaunes et malsains m'observait. Il croassa encore une fois puis s'éloigna. L'ombre s'écarta… Elle s'agita, se tordit, s'étira puis pris la forme d'un humain. Je voulu pousser un hurlement pourtant aucun son ne sortait de ma bouche. Je tentai de crier, d'appeler à l'aide mais c'était comme si j'étais aphone.
L'homme s'approcha, la main tendue devant lui. Le corbeau croassa et se jeta sur lui. L'homme s'éleva…il se tortilla puis devint de nouveau une ombre.
Des voix graves résonnaient. Le corbeau croassa. Un éclair rouge apparut. Je l'évitai en me jetant sur le côté. Je fermai les yeux, paniquée. Un hurlement strident retentit. Glacial. Douloureux.
J'ouvris les yeux. Il était juste à côté de moi, me fixait de ses yeux jaunes. Son regard paraissait presque humain, avec cette lueur d'inquiétude maternelle. J'eu un sursaut. Je réussis à me lever…tout était aussi noir. J'avais du mal à avancer. Je trébuchai à nouveau et tombai. Je jetai un œil à l'obstacle… J'étais pétrifiée.
Un corps était couché, inerte. Je me mis à pleurer. C'était tellement horrible. Tellement triste. Je levai les yeux terrifiée pour apercevoir le corbeau se jeter sur moi. Je poussai un cri de terreur, mettant immédiatement mes bras devant mes yeux pour me protéger. Je sentis le corbeau voler autour de moi, croassant de plus en plus fort. Je me recroquevillai de terreur. Le corbeau se tut alors. J'ouvris les yeux. Tout mon corps était parcouru de tremblements. Le corbeau était posé à mes côtés, ses yeux jaunes fixant l'ombre qui se tenait face à moi. Elle se transforma en un homme menaçant. Il tendit la main… Je reculai, terrifiée. Il fit un pas et m'attrapa le bras. Je hurlai en me débattant.
Je criai et gesticulai furieusement. Des larmes coulaient le long de mes joues. Je frappai violemment, donnant de violents coups de poings. »
Je me réveille brusquement, le visage mouillé. Je bats deux fois des paupières et regarde Andrews, debout, à côté de mon lit, un verre d'eau vide à la main gauche. Je m'essuie passablement le visage avec le drap tentant de contrôler mon souffle. Je me suis endormie. C'était inévitable. Mais pire. J'ai rêvé. Et mon cauchemar était cette fois-ci légèrement différent.
-Désolé, lâche-t-il en reposant le verre sur la table de chevet. Je ne réussissais pas à te réveiller.
Je le regarde. Il me semble que ça faisait longtemps que je ne l'avais pas vu. Je regarde la chaise près de la fenêtre. Il s'y trouve une couverture et des livres. Je ne sais même pas depuis combien de temps il était là.
Andrews semble prendre mon silence et mon regard curieux pour une invitation. Il s'assoit sur le bord du lit et me sourit.
-Tu me racontes ? demande-t-il.
Je reporte mon regard sur lui.
-Quoi donc ?
-Ton cauchemar, Heather. C'est bien pour ça que tu as commencé à prendre la potion de sommeil, non ?
Je hausse les épaules.
-Mais si… dit-il d'une voix maternelle. Sinon pourquoi refuserais-tu en plus de dormir ?
Je ne réponds pas. Mon estomac est toujours contracté, ma gorge sèche. La peur semble graviter autour de mon être, attendant le moindre signe de faiblesse pour attaquer. Je ne dormais plus par peur de ce cauchemar. Mes muscles en tremblent encore.
-Heather…
Je lève les yeux vers Andrews. Son ton est presque suppliant.
-On s'inquiète vraiment.
Par « on », qui entend t-il ? Andrews semble deviner mes pensées parce qu'il finit par expliquer ses propos.
-Les médecins ne savent plus quoi penser. Ton père ne dort presque plus. Ça se voit à ses cernes, ajouta-t-il par souci de précision. Lily est meurtrie par la haine que tu lui portes.
-Et Remus ? L'interrompis-je.
Andrews pousse un soupir. Je ne réussis pas à déterminer si c'est un soupir de soulagement dû au fait que je montre enfin de l'intérêt pour mon copain, ou bien si ce n'est qu'un soupir de désolation.
-Remus s'inquiète aussi.
Je secoue la tête. Il ne comprend pas. Je pense à notre dernière discussion.
-Il n'est pas fâché, reprend Andrew avec compassion. Je suppose que tu as dû être odieuse avec lui, comme avec nous tous.
Son ton n'est pas empli de reproche. Il semble juste constater un fait. Pourtant, cela n'empêche pas ma petite voix nommée conscience, grogner sa honte.
-Sirius est le seul à t'en vouloir. En tout cas, assez pour se mettre en colère et s'indigner. Mais je pense surtout que c'est sa manière à lui de montrer qu'il est inquiet.
-Je suis désolée. Murmuré-je les larmes coulant le long de mes joues.
Andrews ne dit rien. Il me regarde simplement. J'inspire profondément pour garder mon calme et reprendre mes esprits.
-C'est angoissant. Chuchotai-je.
Andrews acquiesce. Il attrape alors ma main et la serre doucement pour m'encourager.
-Il y a toujours cette ombre. Puis cette impression d'être piégé.
Et sans m'en rendre véritablement compte, les mots glissent sur mes lèvres. Je parle sans m'arrêter. J'explique chaque détail insignifiant. Je raconte alors mon premier cauchemar, la première fois que j'ai volé la potion du sommeil à l'infirmerie. Je lui dis comment j'ai mis en place sa fabrication dans la salle sur demande, comment je conservais avec précaution chaque dose.
J'ai augmenté les doses car elles n'étaient pas suffisantes. Je lui confie comment je suis devenue accro sans en prendre conscience. Lorsque j'ai quitté Poudlard, je n'ai pu refaire la potion chez moi sans attirer l'attention de Rose ou Lily. Je suis devenue irritable et méchante durant mes états de manque. C'est alors que je lui parle de ma visite dans l'Allée des embrumes pour pouvoir acheter la potion. L'argent m'a vite manqué et je me suis mise à revendre mes affaires pour pouvoir m'offrir ma dose. Lily n'a pas mis longtemps à s'en rendre compte. Rose a surpris ma cachette. C'était au moment où j'étais le plus dans la dépendance que Lily et Rose ont décidé de ne plus me quitter. Je me sentais trahie. J'étais furieuse.
-Jusqu'à maintenant, jusqu'à ce que je refasse ce cauchemar, j'avais complètement oublié pourquoi je prenais la potion. Déclaré-je la voix sèche. Tout ce que je savais, c'est que je voulais cette potion. J'en avais besoin. J'ai été stupide.
Andrews a ses yeux verts fixés sur moi.
-Je ne veux plus jamais faire ce cauchemar, Andrews.
Alors, Andrews me tire vers lui et me serre avec tendresse. Mes bras autour de sa poitrine, je pose ma tête au creux de sa nuque et pleure comme je ne l'ai jamais fait. Toute la pression, la colère et la rancœur de ces derniers temps ont surgi dans un flot de larmes. Ma honte et mon chagrin ne font plus qu'un.
Andrews continue de me serrer, caressant doucement mes cheveux. Je le serre aussi fort que mon état me le permet. Son contact me réconforte, me calme. A cet instant, je compris à quel point Andrews avait pris de l'importance dans ma vie.
Et alors, lui qui est habituellement toujours prompt à parler, ne dis rien. On reste un moment enlacé jusqu'à ce que je réussisse à me calmer.
Andrews me prend les épaules et m'écarte quelque peu pour me regarder. Il me sourit.
-ça va aller ? demanda-t-il.
Sa question est tellement simple mais sous-entend tellement de choses. La potion. Le cauchemar. Papa. Rose et Lily. Remus. Est-ce que je voulais vraiment m'en sortir ? Oui.
Allai-je enfin suivre le traitement recommandé ?
Je regarde Andrews. Il tient toujours mes mains dans les siennes.
-ça va aller. Dis-je fermement.
Andrews se lève brusquement.
-Je vais prévenir le médecin ! S'exclame-t-il dans un grand sourire, sortant au pas de course de ma chambre.
Il est revenu quelques minutes plus tard en compagnie du médicomage. Andrews s'est rassit à côté de moi. Le médecin a parlé du traitement. Il a parlé longtemps, soulagé lui aussi. Andrews n'arrête pas de sourire.
Ils ont raison. Je ne peux pas continuer à être si odieuse. Je ne prendrai plus jamais cette potion. Mais, une chose aussi était sûre. Je ne ferais plus de cauchemar. Et j'allais devoir trouver un autre moyen.
x.x
Je suis assise en tailleur sur mon lit, luttant contre le sommeil. Une fois de plus. Le claquement d'une porte me fait sursauter, puis un bruit de pas s'approche de ma chambre. Je me précipite alors sous les couvertures, me couchant le dos face à la porte. Mon cœur frappe violemment ma poitrine. Je calme ma respiration quand de la lumière pénètre dans la pièce. Je vois l'ombre de l'infirmière se refléter sur le mur d'en face. La porte se ferme à nouveau. Je lâche un soupir de soulagement et me redresse. L'épuisement se fait sentir à chacun de mes mouvements. Je sais que je ne pourrai pas lutter encore longtemps; tôt ou tard, je devrais dormir. Mais cette optique m'effraye. Mes cauchemars sont de nouveau là, aussi monstrueux, aussi terrifiants qu'avant. J'ai envie de dormir. J'en ai besoin. Mais sans rêve, sans corbeau, sans cadavre, sans ombre menaçante. Je me lève et me dirige vers la salle de bain annexe. J'allume la lumière et ouvre le robinet. Ma gorge est sèche. Je bois un verre d'eau avant de me regarder dans la glace. Andrews a raison lorsqu'il dit que j'ai une mine épouvantable. J'ai le teint cireux, les yeux rouges et d'énormes poches noires sous les yeux. Il est impossible que le médecin n'ait pas remarqué mon manque de sommeil.
Mes mains commencent à trembler d'abord doucement puis plus violemment. Je les appuie sur le lavabo, respirant fortement pour me calmer. Je dois dormir. J'ai vraiment besoin de dormir. L'idée me vient à l'esprit. Aussi simplement que les deux dernières fois. C'est comme une force, un alter ego, plus puissant qui contrôle désormais mon esprit et mon corps. Et ma raison ne peut plus que hurler au fond de mon être sans réussir à faire quoi que ce soit. Je sors de la salle de bain, puis de ma chambre sans prendre la peine d'élaborer un quelconque plan. Je marche dans le couloir vide de l'hôpital, pieds nus. Je n'ai plus qu'une envie qui me guide.
Je tourne alors à droite, puis à gauche, et à nouveau à droite. Je suis un automate, dont tous les gestes sont guidés par ce manque. J'arrive devant la porte où les infirmières stockent les potions. J'appuie sur la poignée sans que rien ne se produise. J'essaie encore. Rien. Je donne un coup de poing dans la porte.
-Allez! Dis- je fulminante.
Je m'acharne à tenter d'ouvrir la porte sans aucun résultat, accentuant ma rage, mes mains tremblant davantage de mon échec. J'ai chaud. Ma respiration s'accélère peu à peu.
-Elle ne s'ouvrira pas. Assure une voix derrière moi.
Je force une fois de plus la poignée;
-Tu vas te faire mal Heather. Tu devrais retourner te coucher.
Je me retourne pour faire face à mon médecin dont le calme m'irrite encore plus.
-S'il vous plait, ouvrez-moi la porte. Dis-je suppliante.
-Impossible Ce n'est pas moi qui aie les clefs. Va donc te coucher, Heather, demain tu iras mieux.
Il ne comprend pas. Un accès de colère fait rage en moi. Je le pousse violemment. Une force inhabituelle dont je ne m'inquiète pas.
-OUVREZ LA PORTE. Criai-je. OUVREZ-LA!
Je lui donne un coup sur la poitrine et me mets à le marteler violemment. Je veux cette potion, je la veux. Maintenant. Tout de suite. J'en ai besoin. Pour dormir, pour ne pas faire de cauchemar, pour me sentir mieux... J'en ai envie.
Je m'arrête brusquement, de la même manière brutale que j'ai commencée. Je lâche un cri de panique, regardant le guérisseur les yeux exorbités. Je recule de trois pas. Mes jambes tremblent, mes mains aussi, comme tout mon corps. Je me laisse glisser sur le mur, jusqu'à toucher le sol. Je réalise peu à peu mon comportement, horrifiée. Ce n'est pas moi... Je ne peux pas être comme ça.
Le guérisseur, sans un mot, me ramène dans ma chambre. Je m'assois sur le bord de mon lit, silencieuse.
-Je suis désolée, murmuré-je anéantie. J'ai tout gâché.
-Non, coupe-t-il. Vous auriez tout gâché si vous aviez repris la potion. Vous n'êtes pas allée aussi loin.
-Seulement parce que la porte ne s'ouvrait pas...
-Mais c'est normal. Notre but est de vous aider. Je t'assure Heather que ton comportement est habituel. J'ai même trouvé ta guérison trop rapide. Tu n'avais fait que deux tentatives en un mois. Généralement, les personnes dans ton cas en font le triple. Ça va faire un mois Heather. Prends le temps de guérir correctement. Ces choses-là sont longues et difficiles.
Il se tait et m'observe.
-Tu veux quelque chose pour t'aider à te calmer? propose-t-il.
Je refuse.
-Depuis combien de jours n'as-tu pas dormi, Heather? interroge-t-il d'une voix soucieuse.
Je ne cherche même plus à nier.
-Cinq jours. Répondis-je.
Le guérisseur fronce les sourcils.
-Pourquoi?
Sa voix est douce et apaisante. Il n'y a aucun reproche dans son ton.
-Si tu as des problèmes, nous pouvons t'aider. Tout ce que tu diras ne sera pas répété à ton père.
Je me mets à fixer le sol.
-Ça va. Dis-je.
-Non, Heather, si ça allait si bien, tu ne serais pas ici. Tu es devenue accro à la potion de sommeil qui empêche tout rêve. Et désormais, alors que tu n'en as plus l'accès, tu refuses de dormir. Je ne pense pas que tu sois devenue obsédée par cette potion sans raison. Que vois-tu dans tes rêves qui t'effraient tant?
Je garde le silence, consciente de mon état lamentable. Courbée, les épaules rentrées, la tête basse. Je suis loin des beaux jours. Je suis en plein cauchemar et impossible d'y échapper. Je continue ma contemplation du sol, silencieuse. Comme à chaque fois que la discussion s'approche de mes cauchemars.
-Veux-tu que j'appelle quelqu'un? Il est tard mais je suis sûr que...
Je secoue négativement la tête.
Le guérisseur s'approche de la porte.
-Tu ne peux pas vivre sans dormir, Heather. Et je ne crois que tu veuilles mourir à cause d'un cauchemar. Affronte ce qui te hante. Nous sommes là pour t'aider. déclara-t-il, puis il quitta la pièce, fermant la porte derrière lui.
Je suis à nouveau seule. Avec mes démons. Avec mes fantômes. Avec cet enfer dont les flammes me brûlent de l'intérieur et me consument peu à peu.
Lorsque l'infirmière est rentrée dans ma chambre au petit matin, elle m'a découverte exactement dans la même position que la veille, assise près du lit, les yeux rivés sur le sol.
Elle s'approche de moi inquiète.
-Heather?
Je lève la tête.
L'infirmière pousse un petit cri de stupeur.
-C'est déjà le matin ? Questionnai-je la voix sèche.
L'infirmière approuve. J'esquive un mince sourire. La nuit est passée. Je ne me suis pas endormie.
Je me lève difficilement, me tenant au bord de mon lit. L'infirmière me regarde d'un œil suspicieux.
-Je vais prendre une douche. Déclaré-je d'une petite voix déterminée.
Je réussis à m'avancer jusqu'à la salle de bain. J'enlève mes habits doucement, chaque mouvement m'épuisant davantage. Je m'observe alors dans la glace. Mon corps n'a plus rien de sensuel. J'ai perdu plusieurs kilos, mes joues sont creusées, mes yeux rougis sont secs, ma peau parait grise, mes cheveux sont fades.
Je me force à me regarder pendant un long moment, pour que chaque millimètre de mon corps se grave dans mon esprit. Je m'attarde sur la cicatrice de ma hanche droite. Une bagarre avec un autre patient pour avoir sa potion de sommeil.
Depuis que je suis rentrée ici, je me suis transformée en un monstre. Physiquement, je donne l'impression d'avoir reçu le baiser du détraqueur, mentalement j'ai d'abord été obsédée par la potion, devenant agressive et brutale. Aujourd'hui, je fonctionne comme un inferus. Je ne suis plus vraiment maîtresse de moi-même. Tout ce sur quoi je me concentre, c'est ne pas dormir.
Je cligne deux fois des paupières et fais un pas pour rentrer dans la douche. Je ne lève pas assez ma jambe. Mon pied heurte le socle de douche. Je trébuche. Hurle. Mon corps bascule à l'avant. Je veux placer mes bras à l'avant pour atténuer la chute. Ils ne répondent pas. Ma tête frappe violemment le carrelage. Et mon corps s'écrasa au sol.
J'entends des pas se précipiter. Une douleur lancinante me traverse. Des larmes coulent sur mes joues. Un liquide chaud englue mes cheveux et s'étale sur mon front.
On se penche au-dessus de moi.
Je vois le visage de maman s'approcher du mien. Puis je revois son cercueil. Un flot d'émotion de toute sorte m'envahit alors. Je me mets à pleurer.
Une femme m'aide à me redresser, couvrant mes épaules d'une serviette. Je la reconnais. Rose.
Pourtant, j'ai la sensation que ce n'est pas moi qu'on tente de sauver. Ce n'est pas Rose qui me serre contre elle. Ce n'est pas moi que l'on prend dans les bras. Ce ne sont pas mes propres larmes qui coulent sur mes joues.
Des images diverses défilent dans mon esprit. Rapidement. Sans suite logique. Remus. Papa. Lily. Rose. Maman. Alaina.
Mes muscles se rigidifient. L'image d'Alaina s'impose brutalement à moi. Et alors je revois mon histoire oubliée. Alaina, Logan, Edward, Tobias. Et Nicolas.
Poudlard, Juin 1976.
Je sortis de la salle d'examen, peut-être plus anxieuse que je ne l'avais été en rentrant. Et pourquoi donc? Je n'en avais vraiment aucune idée. Dans l'ensemble, ça s'était mieux passé que la pratique et j'avais pu répondre à une grande majorité des questions. Néanmoins, j'avais les mains qui tremblaient, la peau moite, et mon cœur qui battait affreusement vite.
Je parcourus du regard le couloir, à la recherche d'une connaissance. Et même si je n'osais pas l'avouer, j'aurais bien voulu que quelqu'un vienne m'accueillir à la sortie. Je me résolus à m'éloigner de la porte et j'avançai tranquillement dans le couloir. Je montai directement dans la salle commune pour y déposer mon sac.
La salle était entièrement déserte ce qui était inhabituel et très étrange. Les cinquièmes et septièmes années passaient encore leur BUSE et ASPICS respectifs, tandis que le reste des Gryffondor avaient dû préférer la bibliothèque ou le jardin de Poudlard.
Je m'affalai sur le canapé, face à la cheminée où s'élevaient encore des flammes. Le feu était en réalité de la même consistance que les fantômes et ne chauffait pas du tout. C'était un septième année qui l'avait fait apparaître un soir. Depuis, il était resté. C'était à la fois inquiétant et fascinant.
Je poussai un soupir. Un côté de moi aurait voulu rendre visite à Remus. Mais l'autre côté, plus rancunier et orgueilleux, n'en avait pas du tout envie. La dispute de ce matin me restait encore en travers de la gorge.
Je lâchai un nouveau soupir.
-Un petit troisième pour la route?
Je fis un grand bond, mon cœur s'échappant presque de ma poitrine. Sirius posté juste derrière moi éclata de rire.
-Ce n'est pas drôle. Protestai-je. Tu m'as fait peur.
-Oh, si. répondit-il. Si tu avais pu voir ta tête Heather! C'était mémorable!
Je haussai les épaules et retournai dans ma contemplation des flammes.
Sirius sauta par-dessus le canapé et s'assit à côté de moi. Il pencha la tête et fixa aussi le faux-feu.
-On doit méditer là-dessus combien de temps au fait? Questionna-t-il au bout d'un certain moment.
-Si tu as quelque chose à dire, vas-y...conseillai-je.
-Comment s'est passé ton écrit?
Je haussai à nouveau les épaules.
-Ça va.
Sirius abandonna sa contemplation et tourna vers moi un visage troublé, les sourcils froncés.
-Ça va comme bien marché, ou ça va, il y a eu pire ?
-Ça va. Répétai-je, n'ayant nullement l'intention de refaire l'examen encore une fois pour le bon plaisir de Sirius.
-Tu t'es disputée avec Remus? interrogea-t-il alors.
-Il vous en a parlé? M'étonnai-je.
Sirius secoua la tête négativement.
-Non, tu crois que ça lui traverserait même l'esprit? Même pas. Il faut toujours lui tirer les vers du nez pour être au courant de ce qui ne va pas. Mais maintenant, même plus besoin qu'il nous parle.
-Mais alors...
Sirius haussa les épaules.
-On a deviné. expliqua-t-il. Il est d'une humeur tellement agréable aujourd'hui!
-Tu pratiques l'ironie à merveille. Dis-je.
Sirius sourit.
-James étant plus diplomate que moi...
-Ce n'est pas très compliqué en même temps. Répliquai-je dans un sourire, montrant toutes mes dents.
Sirius approuva tout en souriant à moitié.
-Donc, je disais. James étant le plus diplomate de nous deux, il essayait de convaincre Remus de nous rejoindre tout à l'heure chez Hagrid. Pendant ce temps-là, je viens te chercher.
-Pour aller chez Hagrid? Questionnai-je.
Sirius hocha la tête, ses grands yeux noirs posés sur moi.
-Pour aller chez Hagrid. répéta-t-il. Heather, je peux te parler?
Je haussai un sourcil.
-Ce n'est pas ce que l'on fait?
Sirius sourit.
-Te parler sérieusement, je veux dire.
J'acquiesçai lentement de la tête.
-Remus nous a dit que tu savais qu'il était un loup garou.
-Ah.
Ce fut tout ce que je trouvais à dire. Je repensai au jour où je lui avais dit et rougis à l'idée que Sirius pouvait savoir ce que l'on avait fait. Mais il semblait ne pas s'en apercevoir, concentré sur ce qu'il allait pouvoir dire. Ou peut-être cherchait-il quelque chose d'autre à dire. Il finit par lever son regard. Ses yeux sombres me scrutaient comme à la recherche de la vérité. Je le trouvais toujours effrayant dans ces cas-là.
-Heather, tu ne restes pas avec Remus par pitié? Je veux dire que tu n'es pas effrayée par ce qu'il est au point de ne pas oser rompre avec lui?
Sirius se tortilla sur place.
-Enfin, je veux dire, tu ne le détestes pas?
-Tu crois que c'est vraiment nécessaire que je réponde à ça? Répliquai-je d'une voix dure.
Sirius fit une moue et leva les mains en l'air en signe de paix.
-Ça va. Je m'excuse. Je voulais juste m'en assurer.
Il fit une grimace.
-Je manque réellement de tact. Rajouta-t-il.
-En effet. Dis-je. Je suis sortie avec Remus en sachant déjà ce qu'il cachait. C'est même d'une certaine manière ce qui m'a décidé d'agir.
-Pourquoi?
-Parce que je sais qu'il n'aurait jamais fait le premier pas.
Sirius opina silencieusement.
-Mais comment tu as su? Je veux dire, ça se voit tant que ça?
On pouvait lire sur son visage de la frayeur, une anxiété profonde.
- Non, rassure-toi. Son secret est bien gardé.
-Mais comment tu...
-Je ne pense pas que tout Poudlard porte autant d'attention que moi à tout ce que fait ou dit Remus. Le coupai-je, les joues rosissant légèrement.
Sirius me sourit affectueusement. Pour une fois, il n'y avait pas signe de moquerie. Aucun de nous ne parla pendant quelques secondes. Puis Sirius reprit.
-Tu sais, c'est normal.
-Quoi donc? Demandai-je.
-Qu'il te rejette. expliqua-t-il. Il a fait exactement la même chose avec nous. Pas les premiers temps. Mais au bout de plusieurs mois, il veut s'éloigner. C'est comme s'il réalisait soudainement quelque chose. Comme s'il ne nous méritait pas.
Sirius haussa les épaules.
-Je ne pourrais pas te dire pourquoi il réagit comme ça exactement, sinon qu'il a un sérieux problème de manque de confiance en lui et une dévalorisation de lui-même. James pourrait probablement t'expliquer tout ça mieux que moi. Mais si tu t'accroches alors, il finira par croire que tu es sincère quand tu dis que tu t'en fous. Dans trois ou quatre ans tout au plus.
Sirius souriait.
-Sinon, tu n'as qu'à faire comme moi.
Je haussai un sourcil. Sirius sourit, puis prit un air désolé, presque affligé.
-J'en ai eu marre. Et avec mon manque de tact habituel, mon manque de diplomatie et mes légendaires pertes de contrôles, je l'ai engueulé. Je lui ai crié dessus, énumérant tous ses défauts les plus horribles, ajoutant alors que sa lycanthropie ne pouvait pas le rendre pire et que de toute manière nous avions l'intention de le supporter vingt-quatre heures sur vingt-quatre sans lui permettre d'avoir son mot à dire..
J'écarquillai les yeux, imaginant dans quel abattement total Remus avait dû être.
Sirius sourit tristement.
-Je crois, en y repensant que j'ai été dur sur ce coup. Mais quand j'allais pour m'excuser James a dit que j'avais eu raison. Et depuis, il a arrêté de nous repousser.
Sirius se leva.
-J'ai l'impression de n'avoir débité que des imbécilités. Décidément, il n'y a que James et Remus qui soient doués pour dire des trucs comme ça sans avoir l'air ridicule. Donc, on va se contenter de se faire la gueule de temps en temps, comme on sait si bien faire tous les deux. Qu'en dis-tu Heather?
Je ris.
-C'est une bonne idée, je crois.
Il me tendit sa main. Je l'attrapai et il me tira vers lui.
On rejoignit dans le hall d'entrée James et Peter. Lily et Bella avaient pris un peu d'avance.
Sirius me raconta tout le long du chemin des âneries dont lui seul avait le secret. Je réussis tout de même à demander à James comment Remus allait.
-Grognon. répliqua-t-il. C'est plutôt bon signe; D'habitude, il a tendance à dormir.
Peter approuva.
-T'en fait pas, Heather. dit-il. Il doit déjà regretter ce qu'il t'a dit.
-Ou ce qu'il ne t'a pas dit. ajouta James.
-Ou ce qu'il a fait. reprit Sirius.
-Ou ce qu'il n'a pas fait. Rajouta James.
Les deux garçons hochèrent alors de la tête.
-Tu vois? dit Peter dans un sourire. Même eux deux sont navrés pour vous.
Je souris.
On arriva finalement devant la cabane d'Hagrid. Le garde-chasse nous accueillit avec chaleur. Il nous fit rentrer. Nous installa à côté de Lily et Bella et nous offrit du thé. A peine fus-je installée que Bella se tourna vers moi.
-ça va Heather ?
Bella me regarda, les yeux plissés. J'acquiesçai de la tête, alors qu'elle fronça les sourcils.
-Tu sembles préoccupée. Dit-elle.
Les yeux verts de Lily me scrutèrent avec intensité. J'étais plutôt mal à l'aise. Lily semblait toujours voir ce que personne ne voyait.
-Bah, elle s'est disputée avec Remus. Déclara Sirius dans un haussement d'épaule.
Belle se pencha vers moi, le regard curieux.
-Pourquoi ? murmura-t-elle avide.
Je haussai les épaules.
-Un truc stupide. Annonçai-je, ne souhaitant pas rentrer dans les détails.
Bella s'apprêtait à poser de nouvelles questions quand Lily lui posa une main sur le bras pour l'arrêter.
-Si c'est stupide, alors je suppose que ça s'arrangera vite.
Hagrid, qui jusque-là, n'avait rien dit, approuva vigoureusement de la tête.
-Remus est quelqu'un de bien. Annonça-t-il avec conviction. Et tout le monde approuva silencieusement de la tête.
-Il ne faut pourtant pas hésiter à le remballer parfois. Déclara James abruptement. Il peut être pénible quand il s'y met.
Lily, Bella et Hagrid froncèrent les sourcils, ils ne semblaient pas convaincus. Pourtant, en ce qui me concernait, j'étais d'accord avec James. Remus n'est pas non plus une poupée de porcelaine et il était loin d'être l'homme le plus facile à vivre non plus.
-Quand même … modéra Sirius.
-Avoue qu'il devient légèrement casse-noisette quand il nous fait sa crise.
Sirius parut choqué par les paroles de James.
-Mais ça se comprend ! s'exclama Sirius. Ça ne doit pas être facile tous les jours non plus.
Bella et Lily froncèrent davantage les sourcils, intriguées. Elles se lancèrent de rapides coups d'œil. Je détournai rapidement mon regard d'elles avant qu'elles ne m'interrogent visuellement sur la discussion en cours. Je n'avais pas vraiment envie de leur mentir. Mais je ne voulais pas non plus leur annoncer que Remus était un loup-garou, et que « ses crises » étaient tout simplement ses grands moments de doute sur l'amitié de James et Sirius. J'observai alors furtivement Hagrid. Il suivait la conversation avec un intérêt poli, comme s'il en connaissait déjà tous les traits. Peter s'était recroquevillé sur lui-même, espérant probablement se faire oublier des deux autres garçons et ainsi ne pas avoir à prendre un parti. Il était tellement rare de voir James et Sirius en désaccord sur un sujet, et encore moins sur Remus, que personne n'osa rompre le silence menaçant qui planait entre eux.
-Je ne dis pas le contraire. Déclara James. Seulement, au bout d'un moment, j'estime qu'il pourrait faire un effort. Ça fait déjà six ans, et nous n'avons jamais rien fait et dit qui puisse le faire douter.
Les yeux noirs de Sirius s'assombrirent davantage.
-James. Dit-il d'une voix claire et étonnement calme par rapport à la tension qui se lisait sur son visage. Remus est quelqu'un de…
-ça va ! s'exclama James, légèrement énervé, balayant la remarque de Sirius d'un geste de la main. C'est mon ami et ça ne va pas changer. Mais avoue que ces sautes d'humeurs sont parfois difficiles ! Tout comme ton mauvais caractère et mon foutu orgueil !
Les deux garçons se jugeaient du regard. Si Sirius se mettait en colère contre James, ça serait l'hécatombe.
-Et si vous vous disputez à cause de lui, vous n'allez pas arranger les choses. Intervins-je avant que Sirius ne puisse répliquer.
Les deux garçons tournèrent leur tête vers moi, puis vers le reste du groupe. Ils semblaient se rappeler qu'ils n'étaient pas seuls.
Le silence emplit la cabane. Hagrid semblait pensif. Bella jeta des regards en biais à Sirius et j'étais prête à parier qu'elle allait le harceler de questions. Lily continuait de m'observer tandis que je sirotais mon thé, évitant son regard.
-Tu es trop calme et posée, Heather. Nota alors Hagrid en rompant le silence. Par rapport à tout ça. Rajouta –il.
James secoua la tête, très peu convaincu.
-Ne lui dîtes pas une chose pareille, elle va se transformer en tyran après. S'exclama James, apeuré.
Hagrid eut un sourire.
-Ce que je voulais dire, c'est qu'elle était trop calme par rapport à ses parents. Je me souviens qu'Isabelle n'avait pas sa langue dans sa poche.
-Ma mère ? M'étonnai-je.
Hagrid hocha la tête et but une gorgée.
-Je me souviens qu'une fois elle a lancé un sort de Saucisson sur un Serpentard parce qu'il n'appréciait pas qu'elle parle à Charlus. Elle n'était qu'en première année.
-Mon père ? s'écria James.
Hagrid acquiesça. Quant à James et moi, nous nous regardâmes interloqués. Hagrid leva alors la tête vers nous, les sourcils froncés.
-Vous ne saviez pas ? Questionna-t-il.
-Quoi donc ? interrogea James, curieux.
Il s'était approché, si bien qu'il était assis au bord du fauteuil, menaçant de tomber à tout instant, le dos courbé et les coudes sur les genoux.
-Que vos parents étaient amis. Annonça Hagrid.
Je reçu l'information avec beaucoup de calme. James ouvrit la bouche, mais la referma presque automatiquement, incapable de produire un son. Il me jeta un coup d'œil, et me sourit tendrement.
-Ils étaient un bon petit groupe. Chacun dans une maison différente et pourtant presque inséparables.
-Attendez ! Interrompis-je. Mes deux parents étaient à Serdaigle.
Hagrid secoua négativement la tête.
-Non. Ton père seulement. Isabelle était à Serpentard.
Sous le coup de la surprise, je lâchai ma tasse qui se brisa sur le sol. Je la regardais un instant, un peu éberluée.
-Serdaigle-Serpentard, et Heather a atterri à Gryffondor. On ne pouvait pas faire plus opposé. Déclara Sirius.
-Tu peux parler… Lança Peter.
-Serpentard ne signifie pas « mauvais », Heather. Dit calmement Lily en réparant ma tasse d'un coup de baguette.
-Oh ! Isabelle n'était pas une mauvaise personne ! s'exclama Hagrid avec hargne.
Lily me lança un regard qui voulait dire « tu vois. ».
-Et sa sœur aussi était à Serpentard ? Interrogeai-je, toujours sous le choc, me souvenant vaguement d'une conversation où elle était mentionnée.
-Alaina ? Ouais. Avoua Hagrid d'une voix bourrue. Je ne la connaissais pas trop. Elle était plutôt réservée. Mais je crois qu'elle s'entendait plutôt bien avec ta mère. Même si Isabelle était davantage autoritaire, persuasive et sûre d'elle. D'ailleurs, c'est même assez étonnant qu'elle fût très proche de Carl. Le quatrième garçon qui était à Poufsouffle. Rajouta Hagrid par souci de précision. Plus calme. Plus posé. Ton père, James, était à Gryffondor bien entendu.
J'essayais d'organiser toutes ces informations alors que tant d'autres questions me venaient à l'esprit.
-Attendez ! s'écria Sirius en me faisant sursauter.
J'avais presque oublié leur présence pendant le discours de Hagrid. Sirius s'était légèrement penché à l'avant, et observait attentivement Hagrid.
-Ce Carl dont vous parlez, c'est Carl Vaughan ?
Hagrid eut une mine attristée avant d'acquiescer.
-C'est triste ce qui lui est arrivé. Vous savez, ils se connaissaient depuis longtemps tous les quatre. Ils ont grandi dans le même quartier, je crois.
J'eu du mal à avaler l'information sur Carl Vaughan. Sur les quatre, il ne restait plus que papa. Et même si ma mère était morte de maladie, la mort de Charlus et Carl était finalement très similaire. Alors que je digérais doucement l'information, Hagrid continua :
-Ils s'entendaient comme les quatre doigts d'une même main.
-Pourtant quand mon père croisait celui de James, jamais on aurait cru qu'ils étaient amis. Déclarai-je.
James approuva.
-Jamais je n'ai entendu mon père parler d'eux comme on parle d'un ami.
Hagrid haussa les épaules.
-A la fin de leur scolarité, vos deux pères ont eu une grosse dispute. Ils ne se sont plus adressé la parole depuis. Quelques années après Poudlard, Patrick a épousé Isabelle et Charlus la mère de James. Carl, lui, a subit une ascension fulgurante au ministère. Au final, chacun a poursuivi son chemin. Vous savez, la vie en dehors de ce château n'est pas du tout celle que vous vivez ici.
St-Mangouste, Eté 1976.
Rose et l'infirmière m'aident à me lever et m'amènent jusqu'à mon lit. Elles me parlent mais je ne comprends pas. Les yeux dans le vide, je revois leur visage.
On m'allonge lentement sous les couvertures. J'ai envie de pleurer. Je ferme les paupières, ravalant les larmes qui menacent de couler.
J'avais cinq ans quand tout est arrivé. Voila enfin le voile levé. Cette partie de ma vie qui m'a déterminée toute entière. Je sais désormais que chacun de mes actes ont été marqués par cet évènement de mon passé. J'ai été au centre d'un conflit. L'horreur, le meurtre, la honte planent désormais sur moi. Parce que maman a tué mon frère.
Avril 1965
Une petite fille de cinq ans jouait assise par terre, ses long cheveux châtains tombant de chaque côté de son visage. Ses petits yeux marron fixaient des petits cubes posés sur le sol. Quelques taches de rousseur parsemaient son joli visage, lui donnant l'air d'une poupée.
Un peu plus loin, une jeune femme plus âgée, les cheveux châtain clair, lisait un livre, couchée sur une chaise longue. Elle jetait de tant en tant un coup d'œil en direction de la petite fille. La sonnerie d'entrée raisonna = résonna ) alors.
La jeune femme se leva. Elle était plutôt grande et émanait une force impressionnante.
-Tu restes là, chérie. dit-elle à sa fille. Je reviens dans quelques minutes.
La petite fille opina innocemment et continua à jouer.
La jeune femme traversa la cour, rentra dans le salon et s'avança jusqu'à la porte. Lorsqu'elle l'ouvrit, deux hommes se tenaient sur le seuil. L'un était plus grand que l'autre. Cheveux noir et yeux bleus. Le second était blond aux yeux verts.
-Un problème au travail? interrogea-t-elle, apparemment surprise de les voir.
L'un des hommes sourit aimablement, dans un rictus malsain.
-Non, nous voulions juste te parler. déclara-t-il.
Isabelle jeta un coup d'œil derrière eux. La rue était déserte. Elle ne semblait pas se sentir en sécurité.
-Que voulez-vous? demanda t-elle sur le défensive.
Le plus grand tenta de rentrer. Isabelle referma légèrement la porte sans le quitter du regard.
-Logan aimerait voir Heather.
Le visage d'Isabelle se décomposa. Elle abandonna les deux hommes et se précipita dans la cour.
-Heather! Cria t-elle.
Un homme, brun aux yeux bleus se tenait débout prêt de Heather, qui jouait avec un petit garçon. Ce dernier avec les cheveux châtains et de grands yeux marron. A l'identique de Heather, il portait quelque taches de rousseur sur le visage. Lorsqu'il vit arriver la femme, il s'approcha de son père, effrayé.
-Eloigne-toi d'elle. Menaça Isabelle, sa baguette magique pointée vers l'homme.
Il leva calmement la tête dans sa direction. Ses yeux océans la parcoururent de haut en bas.
-Ne dirige pas ta baguette vers mon mari. Cria une voix féminine.
Une jeune femme s'avança alors et sortit de l'ombre de l'arbre. Elle s'avança alors près des enfants, ses longs cheveux bouclés tombant sur ses épaules. Elle était belle. Un visage fin. Des traits raffinés. Des iris marron.
Isabelle ne lui jeta qu'un bref regard.
-Ecartez-vous. annonça-t-elle froidement. Heather chérie, viens près de maman.
La petite fille se leva et rejoignit rapidement sa mère, laissant le petit garçon près de ses parents. Les deux enfants se regardaient avec curiosité, une certaine connivence semblait les lier. Isabelle prit la main de Heather et la serra.
Les deux hommes arrivèrent derrière elle. Isabelle s'écarta avec son enfant, la baguette toujours levé, pour ne pas les voir dans son dos.
-On s'est permis d'entrer. Annonça le plus grand des deux. C'est joli chez toi. Je ne pensais pas que Patrick avait autant de gout.
- Allez-vous-en. Commanda Isabelle. Vous n'avez strictement rien à faire ici.
Le mari de la jeune femme fit un pas à l'avant et pris son enfant par les épaules.
-Je te présente notre fils, Isabelle. Nicolas !
Isabelle ne regarda pas le petit garçon et orienta son regard vers la jeune femme.
-Alaina, reprends ton fils, ton mari, vos deux acolytes et sors d'ici.
-Ça va faire cinq ans que tu n'as pas revu ta sœur Isabelle et tu nous mets déjà à la porte?
Isabelle resserra ses doigts autour de la baguette.
-Ferme-la Tobias.
Ledit Tobias lança un sifflement insolent.
Isabelle porta un regard suppliant vers sa sœur.
-Je t'en supplie, Alaina. Laisse-nous.
Alaina s'approcha d'Isabelle. Pourtant, ce n'était pas sa sœur qu'elle regardait, mais la petite fille qui se tenait à ses côtés.
-Elle est magnifique. dit-elle.
Isabelle garda le silence.
-Je regrette tant ce que j'ai fait, Isa. Si tu savais comme je le regrette.
Isabelle fronça les sourcils.
-Et tu te décides après cinq ans d'absence à venir lui rendre visite?
Alaina détacha son regard attendri de l'enfant pour le porter sur Isabelle, choquée.
-Rendre visite? dit-elle d'une voix douce. Ce n'est pas une visite de courtoisie, sœurette. Je viens te demander de me rendre mon enfant.
Isabelle se raidit et poussa Heather légèrement en arrière comme pour la protéger de son corps.
-Heather est ma fille. Je l'ai adoptée. Tu ne peux pas venir comme ça et la réclamer. Ce n'est pas un objet que l'on prête et que l'on reprend, Alaina.
-Tu n'avais pas le droit! protesta sa sœur. C'est mon enfant. Ma chair, mon sang. Je l'ai portée et nourrie pendant neuf mois. Elle est à moi.
-Tu l'as déclarée morte! Je l'ai adoptée! Tu étais d'accord!
Isabelle criait, le visage rouge de colère.
-Je ne le suis peut-être plus.
Cette simple phrase fut comme une gifle pour Isabelle. Elle regarda autour d'elle chacun des sorciers présents dans son jardin. Elle comprit enfin pourquoi ils étaient tous venus. Ils ne partiraient pas sans Heather.
- Rends-moi Jude, Isabelle.
Isabelle tiqua.
-Elle s'appelle Heather!
Logan secoua la tête.
-Non, dit-il calmement. Nous l'avions appelé Jude. C'est son véritable nom. Son acte de naissance porte ce prénom.
-Exactement comme son acte de décès. répliqua Isabelle. Votre fille est morte trois jours après sa naissance. Faites-vous une raison.
Son ton était sec et dur.
-Je reconnais volontiers que tu as fait un excellent travail avec cette enfant. Intervient Tobias. Elle est admirablement jolie, bien élevée et intelligente j'en suis sûr. Mais c'est désormais le moment de nous la laisser.
Tobias fit un pas vers l'avant. Isabelle serra sa baguette magique.
-Un pas de plus, Tobias, et tu le regretteras. Cracha Isabelle.
Alaina se tourna vers l'homme et lui intimida de ne rien faire d'un geste de la tête.
-D'accord…murmura Alaina, nous allons parler.
Elle retourna auprès de son mari, l'enfant entre eux.
Isabelle jeta de furtifs coups d'œil aux alentours avant de reporter toute son attention sur la troupe face à elle.
-Je suis sa mère biologique, Isa. Tu es d'accord là-dessus, non ?
Isabelle ne répondit pas. Derrière elle, Heather regardait Nicolas. Les deux enfants se faisaient des grimaces, totalement inconscients de la tension qui régnait.
-La justice me donnera raison. Continua Alaina.
Isabelle émit un rire sarcastique.
-Crois-tu sincèrement, petite sœur, qu'après leur avoir dit abandonner ton enfant parce qu'il était trop chétif, et l'avoir fait passer pour mort, tu vas tomber dans leur bonne grâce ?
-Si j'étais toi, intervient Tobias d'une voix cruelle, je m'inquiéterais plus pour Charlus, Carl et Patrick.
-Laisse les tranquilles. Ils n'ont rien à voir là-dedans.
Le deuxième acolyte se mit à sourire grossièrement. Il pencha légèrement la tête sur le côté avant de s'exprimer.
-Je ne suis pas sûr, annonça-t-il d'une voix doucereuse, que leur participation à un enlèvement d'enfant fasse le plus grand bien à leur carrière.
Isabelle grimaça de dégout.
-Ce n'était pas un enlèvement, Edward. Lâcha-t-elle d'une voix sèche. Elle se tourna vers sa sœur et la toisa de toute sa hauteur. Tu l'as rejetée. Tu ne la voulais pas !
Alaina sembla être sur le point de fondre en larme. Logan posa sa main sur son épaule.
-J'étais jeune et faible. Je ne savais pas ce que je voulais.
Isabelle observa sa sœur avec rancœur et haine.
-Et tu décides, un beau jour, de revenir sur ta décision, sans te soucier du mal que tu peux faire aux autres, c'est ça ?
Alaina fronça les sourcils, furieuse.
-Et tu penses à ma douleur, à moi ? cria-t-elle. C'est ma fille ! Son absence est comme un couteau qui s'enfonce plus profondément dans ma poitrine jour après jour !
Isabelle lâcha un rire rauque.
-Ta douleur ? Il n'y a donc toujours que toi qui compte dans l'équation ? As-tu pensé à Heather ?
-Jude a cinq ans. Intervient Logan d'une voix calme. Elle ne se souviendra même pas de toi. Ou alors seulement par bribe.
Tobias rit.
-Heather. Rectifia Isabelle. C'est de ta faute. Tout est de ta faute Alaina. Tu as fait un choix et tu ne peux pas y revenir dessus. Pars. Tout ça, c'est de ta faute. Tout. Il ne fallait pas l'abandonner.
Mais personne ne bougea.
-Où est Patrick ? demanda Edward d'une voix calme.
-A son travail, répondit Isabelle. Mais tu le savais déjà, sinon vous ne seriez pas ici.
Tobias s'avança légèrement vers l'avant.
-Donc, dit-il doucement, tu es toute seule.
Isabelle sentait la grandeur de sa maison lui peser, soudainement.
-Charlus doit passer. Annonça-t-elle.
Alaina éclata d'un rire franc et rafraichissant.
-Isa, tu as fait mieux en mensonge !
Elle s'approcha à la hauteur de Tobias et jeta un regard à Heather.
-Rend-la nous.
Au même moment où sa sœur prononçait ses mots, Isabelle fut propulsé à l'arrière par un sort. Elle retomba par terre, sa tête frappant violement le sol.
Logan profita de l'occasion pour s'approcher de sa fille. Il lui sourit alors que l'enfant regardait sa mère, couché par terre à quelques mètres d'elle.
-Heather… Heather… Viens vers moi. Gémit Isabelle.
La petite fille tenta de se précipiter vers sa mère. Logan l'attrapa par le bras. L''enfant de cinq ans se débattit.
-Lâche-là ! hurla Isabelle en pointant sa baguette sur le mari de sa sœur.
Le sort le toucha et le fit lâcher l'enfant. Heather se précipita vers sa mère, apeurée et terrorisée.
-Aide-le Edward ! cria Tobias.
Il attrapa la gamine par les cheveux et la tira vers lui.
Heather cria et se mit à pleurer, effrayée par la brutalité de l'homme.
Un hurlement strident retentit. Edward se coucha par terre, gémissant de douleur sous le Doloris d'Isabelle.
Heather court pour rejoindre sa mère mais trébuche.
Tobias se mit à rire. Un rire moqueur, aigu, froid.
-ça suffit ! s'écria Alaina. Jude est ma fille. Il n'y a rien de drôle dans le fait qu'elle tombe, elle aurait pu se blesser !
Tobias acquiesça. Il s'approcha d'Heather, lançant le sort Doloris à Isabelle qui s'apprêtait à riposter.
-Voilà de quoi t'occuper. Déclara-t-il en passant une main sur la tête d'Heather.
Logan attrapa Heather doucement. Il la tourna pour qu'elle le regarde. Il lui essuya les larmes d'un revers de la main et lui sourit. Heather se détourna pourtant de lui. Son regard se porta sur sa mère, étendue à quelques mètres d'elle, subissant les Doloris de Tobias. Elle tremblait de peur.
-Arrête, Tobias. Ordonna Logan. Tu l'effraies.
Logan attrapa l'enfant et la donna à sa femme. Alaina s'éloigna des hommes et déposa Heather à côté de Nicolas. Logan et Tobias formaient une barrière devant eux.
La petite fille tenta de voir sa mère mais on lui cachait la vue. Nicolas s'approcha d'elle et lui prit la main. Lorsque ses doigts touchèrent les siens, Heather se sentit un peu plus en sécurité. Ils étaient deux. Divisés et brisés par les adultes. Mais deux frères qui s'aimaient déjà. C'était vrai au plus profond d'eux.
Heather entendit sa mère hurler. La porte d'entrée sonna. Heather lâcha la main de son frère et courut pour voir sa maman. Isabelle était étendue sur le sol, la respiration haletante, le visage émacié par la douleur.
-Maman…cria l'enfant.
Logan l'arrêta du bras. Nicolas était juste derrière elle.
Tobias s'approcha d'Isabelle. Il s'accroupit à côté d'elle dans un sourire impitoyable.
-Ne t'inquiète pas. Susurra-t-il. Elle ne se souviendra même pas de toi.
Isabelle figea son regard dans celui de son ennemi, et sans qu'il ne le voie, elle lui enfonça un poignard dans le torse. Il hurla de douleur, couvrant la deuxième sonnerie.
Dans un dernier élan Isabelle réussit à repousser Tobias. Elle avance à quatre pattes et attrape sa baguette, le souffle court.
Le chaos règne.
Les adultes sont affolés.
Les enfants, perdus, échappent à toute surveillance.
Logan aide Tobias. Edward s'approche dangereusement d'Isabelle. Alaina semble dépassée.
Isabelle lève sa baguette.
Edward dépasse les enfants.
-Nicolas! Jude. Venez vers moi. cria Alaina.
Logan relève Tobias.
Isabelle murmure. Un jet vert jaillit dans l'air.
Nicolas court près de sa mère, tirant sa sœur par la main.
Isabelle crie le prénom de sa fille.
Edward avance toujours.
Le jet vert frappe de plein fouet la poitrine du garçon.
Je sentis Nicolas lâcher ma main. Elle glissa le long de mes doigts.
Le petit garçon s'écroula par terre, les yeux ouverts.
Un cri déchirant traversa l'atmosphère. Alaina se précipita sur son enfant. Elle poussa Heather de la main. Elle attrapa son fils, le porta, le colla contre sa poitrine, le berça. Les larmes s'écoulaient le long de ses joues, s'écrasant sur le visage inerte de son fils.
Isabelle laissa retomber sa main sur le sol, la respiration haletante.
La scène était comme figée.
Logan avait abandonné Tobias. Il s'approchait d'Isabelle, le regard sombre et dévastateur. Il leva sa baguette. Il n'hésita pas. Le sort Doloris frappa sa belle-sœur. Un sort d'une telle puissance qu'elle s'écroula sur le sol immobile.
Une porte claqua.
-Il faut partir. annonça péniblement Tobias.
Il transplana. Edward disparut à son tour dans un plop.
Charlus apparut alors sur le seuil.
-Isa?
Logan était à côté d'Alaina. Il l'avait levé, l'obligeant à abandonner le corps de son fils. Il regarda l'arrivant droit dans les yeux avant de disparaitre avec sa femme anéantie.
Le spectacle qui s'offrait était horrible.
Heather se tenait debout dans la cour. A droite, le corps de sa mère était étendu sur le sol dans un rictus de douleur. A gauche, le corps de son frère gisait inerte et froid dans l'herbe.
Heather regardait alternativement ces deux corps, choquée. Immobile dans la catastrophe.
x.x
Je me souviens désormais ce que j'ai ressenti quand ce petit garçon s'est approché de moi. Je ne le connaissais pas. J'aurai dû m'en éloigner. Pourtant son regard était troublant. J'avais eu l'impression de le connaître. Tout simplement parce qu'il était mon frère. La dure réalité était insupportable à penser. Ma mère... Isabelle... ma mère avait tué mon frère.
Je ne sais plus quoi penser. Je suis déboussolée. Perdue. J'ai l'impression que cette petite fille présente le jour du drame est une autre personne. Elle ne peut pas être moi. Ma mère ne peut pas avoir tué mon frère.
St-Mangouste, Eté 1976.
Je suis assise sur mon lit à Sainte Mangouste. Une semaine est passée depuis ma chute dans la salle de bain. J'ai repris des forces. J'ai dormi d'un sommeil lourd et profond. Sans rêve. Sans fantôme. Juste consciente de tout le mal qui a été fait.
Papa est assis sur le siège, qu'il a mis à côté de mon lit. Il m'a promis de tout m'expliquer. Seulement, une fois que je me sentirais mieux. Et aujourd'hui, j'allais mieux.
-On était tombé d'accord. Isabelle ne pouvait pas avoir d'enfant. Alaina, la petite dernière de la famille était pourrie jusqu'à l'os. Quand tu es née, ton organisme a montré des problèmes : insuffisance cardiaque, difficultés respiratoires. Les médecins ne te donnaient pas quinze jours. Alaina était…, Elle n'en avait que pour la force, la puissance. Tous les traits de noblesse. Avoir un enfant chétif, c'était pour elle quelque chose d'inacceptable. Ça la mettait hors d'elle. Elle ne s'est pas occupée de toi. Elle ne t'a même pas regardée. Elle avait Nicolas. Il était robuste. Un beau bébé. Isabelle te veillait nuit et jour pendant que tu luttais contre la mort. Et alors, on t'a adoptée. Logan et Alaina étaient guérisseurs. Ils ont fait croire à ton décès. Ils n'ont eu qu'un enfant. Nicolas.
»Pendant ce temps, aux yeux du reste de la société, Carl Vaughan a découvert un petit bébé abandonné. Toi, bien évidemment. Il aurait fait n'importe quoi pour Isabelle et cela paraissait un bon plan. Nous avions décidé de l'adopter. De t'adopter. Rajouta-t-il, avec un mince sourire. Carl était déjà influent. Il a pu régler les problèmes d'administration. Charlus nous avait aidés à trafiquer l'enquête.
Papa parle avec une certaine amertume, le regard lointain, revivant chacun de ces évènements.
-Et Tobias ? Questionné-je.
-C'était le frère de Logan. Il travaillait avec Isabelle comme Langue-de-Plomb. Edward était un ami, le toutou qui obéit aux ordres. La brute qui fait le sale travail. Quoique… Tobias aimait bien faire le sale boulot aussi.
Papa se tait quelques minutes, plongé dans ses pensées.
-Papa ?
-Hum...
Il lève la tête et me regarde.
-Que s'est-il passé après l'arrivée du père de James ?
Papa pousse un long soupir.
-Il m'a appelé. On a contacté Carl Vaughan. Nous avons fait le nécessaire pour arranger les choses.
-Non, vous avait fait le nécessaire pour cacher les choses. Rectifié-je.
Il hausse les épaules négligemment.
-Et Ni...Nicolas ?
-Il a été enterré dans le village où Isabelle et Alaina avaient grandi. Logan est venu récupérer son corps quelques instants après. Je venais juste d'arriver.
J'opine.
-Pourquoi Charlus était venu voir maman ? Hagrid nous a dit que vous ne vous parliez plus depuis Poudlard.
Papa a à nouveau son sourire énigmatique.
-Ta mère. Dit-il simplement. Isabelle n'était pas le genre de femme à ne plus parler à un ami, simplement parce que son mari s'était disputé avec. Charlus et Carl était encore en contact avec Isabelle.
-Toi aussi. Murmuré-je. James m'a dit qu'il avait surpris une conversation entre toi et Charlus. Vous parliez de prévenir Carl.
Le visage de papa se fige quelques secondes. Puis doucement, il acquiesce.
-Cette dernière année, seulement. Charlus avait entendu dire que Logan et Tobias recrutait du monde en ce moment. Tout le monde pensait que c'était à cause de Tu-sais-qui.
-Mais pas vous ?
Papa hoche négativement la tête.
-Tobias et Logan ne sont pas des anges. Et ils respectent bien leur statut de Serpentard en détestant les moldus. Mais ils ne sont pas bêtes au point de s'allier à un mage noir. S'ils décidaient de sortir de leur silence, c'était pour une seule raison. Toi.
Les yeux de papa se sont obscurcis.
-Pourquoi s'intéressaient-ils de nouveau à toi après tant d'années ? Nous n'en avions aucune idée, mais il était évident que nous ne laisserions pas faire. C'était comme un accord tacite. Carl le faisait pour ta mère. Charlus le faisait pour notre amitié. Et j'aurais fait les mêmes sacrifices pour sa femme ou son fils. C'est comme ça.
-C'est à cause de ça qu'ils sont morts ?
Papa acquiesce; il avait l'air piteux.
-Mais si c'est moi qu'ils cherchaient, pourquoi aller chercher chez …eux ? Je veux dire, il parait évident que j'étais soit à Poudlard, soit chez toi, non ?
Papa approuve.
-Oui, par logique. Mais ils avaient besoin de quelque chose d'autre pour t'emmener avec eux. Les papiers d'adoption. Avec les papiers d'adoption, ils auraient pu prouver que tu étais leur fille.
Je fronce les sourcils. En quoi les papiers d'adoption peuvent prouver quoi que ce soit ? N'étais-je pas censé avoir été trouvé ?
-Je ne comprends pas.
Papa sourit nerveusement.
-Je te parle des vrais papiers d'adoption, Heather. Du pacte magique entre sorciers. Pas de ces papiers de formalités que garde le ministère.
-Mais pourquoi les avoir faits, si vous ne vouliez pas de preuves ?
-Parce qu'Isabelle et Alaina y tenaient toutes les deux.
Je ne dis rien. Tout ceci lui semble tellement normal. Alors, le père de James est mort en protégeant ce secret. Carl Vaughan aussi. Tout ça, pour moi. Ça me met mal à l'aise. Tout le monde pense qu'ils ont été victimes du mage noir. Qu'ils ont tu les secrets de l'Etat.
-Pourquoi avoir fait croire à des attaques de mangemorts ?
Papa parut sortir de ses pensées. Il hausse alors les épaules.
-A la mort de Carl, c'est ce qui nous a paru le plus simple avec Charlus.
Je repensai à la conversation surprise entre Dumbledore et papa. « Quoi qu'en ai dit Isabelle, il est temps de mettre Heather au courant, Patrick ». « Isabelle m'a fait promettre un mois après la naissance de Heather que rien ne viendra jamais troubler sa vie. Pas même ça. »
-Dumbledore est au courant ?
Papa lève vers moi un regard interrogateur et perplexe.
-Il sait juste que tu as été adopté, Heather. Je dois te dire quelque chose d'autre…
Je mords ma lèvre inférieure de nervosité.
-Le professeur de Défense contre les forces du mal était là, cette année pour te surveiller et agir contre Tobias et Logan. C'est un auror. J'ai réussi à le faire engager par Dumbledore pour assurer la protection de Poudlard contre ces mages noirs.
J'acquiesce simplement. C'est un détail presque insignifiant à côté de tout ce que je venais d'apprendre. Je repense alors à un détail de mon rêve qui n'a pas été résolu. Je lève mon regard vers papa. Il me regarde, son regard reflétant de l'inquiétude. Pour la toute première fois de ma vie, je le comprends.
-J'ai une question qui peut te paraître étrange, mais j'ai souvent rêvé d'un corbeau…
Papa fronce les sourcils.
-Tu ne te souviens pas ? S'étonna-t-il.
Perplexe, je secoue négativement la tête.
-Après tout, c'est vrai que tu étais petite.
Papa se permet un bref sourire, jette un œil par la fenêtre avant de le reporter sur moi.
-Ta mère était un Animagus, Heather. Elle se transformait en corbeau.
J'essayais de me souvenir, mais il s'avère qu'à cinq ans, on ne retient pas grand-chose. Je m'avachis un peu plus dans mon lit. Je commence à être fatiguée.
-Une dernière question. Déclarai-je.
Papa hocha la tête.
-Alaina et Logan étaient tous les deux à Serpentard, non ?
Papa approuva.
-Et je suis à Gryffondor. Murmurai-je.
Papa sourit franchement, cette fois-ci.
-Tu t'étonnes d'une telle chose, alors que tu as Sirius Black en ami à Gryffondor ?
Je souris à mon tour. C'est vrai. C'était stupide.
X.X
1er septembre,
Aujourd'hui, je suis une vieille femme. J'accompagne ma petite fille sur le quai 9 ¾. Ma vie est déjà bien entamée mais je me sens sereine.
Quand je suis sortie de Sainte Mangouste, je n'étais plus qu'une ombre. Je réalisais à peine tout ce que je venais d'apprendre. Depuis le temps, j'ai appris à m'adapter. J'ai fini mes vacances d'été en compagnie de toute la troupe. Nous avions tous passé le dernier mois chez James. C'est, aujourd'hui encore, un des souvenirs les plus vivaces et heureux de ma vie avec eux. Je suis retournée à Poudlard pour ma septième année. Mais les choses avaient changé. La menace de Voldemort planait au-dessus de nous tous. Puis, j'avais changé. Remus qui n'avait toujours pas accepté son statut de loup-garou n'était pas prêt pour une relation. Moi, j'étais devenue plus amère après la découverte de mon secret. Et j'avais du mal à reprendre une vie normale.
Je crois bien, aujourd'hui, que ce fut la raison de notre séparation. Le groupe succomba à son tour à un éclatement pendant les vacances de printemps quand Bella fut tuée avec ses parents dans leur maison. Sirius mis longtemps avant de s'en remettre. Il retrouva un peu sa joie de vivre quand le bonheur de James et Lily finit par contaminer tout leurs proches. Pendant tout ce temps, je me suis rapprochée d'Andrews. Notre amitié était ma bouée de sauvetage. Il m'aida à retrouver Alaina. Elle était mourante. Logan m'a dit qu'elle mourrait à petit feu depuis que mon frère était mort. Ils avaient tenté de me reprendre pendant ma sixième année, espérant lui redonner le courage et la force de se battre. Mais en vain. Alaina me cracha dessus quand elle me vit. Et si Andrews n'avait pas été là, je me serais effondrée à nouveau.
Je revoyais de temps en temps Lily, mais Hagrid avait raison : au final, chacun poursuit son chemin. La vie en dehors du château n'est plus du tout la même.
Rose qui avait été très présente les jours qui avaient suivi ma chute dans la salle de bain, resta avec mon père jusqu'à la fin. J'ai fini par l'apprécier et la connaitre avec le temps. Mary, sa fille, devint pour moi une vraie petite sœur, que je n'ai cessé de chérir et d'aimer avec force. C'était comme si cet amour fraternel qu'on s'était refusé à m'accorder, était désormais destiné à cette petite fille admirable et courageuse.
Dumbledore me proposa, un jour, de participer à l'ordre du Phoenix. J'ai refusé. Et aujourd'hui encore, j'approuve mon choix de l'époque. J'étais beaucoup trop instable pour participer à une telle organisation. Je ne me sentais pas suffisamment forte. Je profitai de mon temps pour travailler dans les recherches de remèdes contre les maladies magiques. Puis, j'ai rencontré Yann. Un Langue-de-Plomb. On s'installa ensemble rapidement. J'étais à nouveau amoureuse. J'étais bien. J'étais heureuse.
Ce fut quand j'appris la mort de Lily et James que je décidai de me bouger vraiment. Sirius en prison. Peter mort. Remus seul. Le groupe avait littéralement éclaté. Cette guerre finirait par nous tuer.
Je me suis alors battue pour mettre en place un groupe de recherche sur la potion qu'on appela plus tard tue-loup. Cette même année, je tombai enceinte de jumeaux. Andrews m'assura qu'il ne m'avait jamais connu si joyeuse que ces années-là. C'étaient mes bébés. Yann réussit à me faire rentrer au département des mystères dans lequel on travailla en collaboration, avec une équipe de six personnes sous nos ordres. Pendant une période de Noel, je pris en charge la recherche d'un remède contre une morsure de serpent. J'avais appris qu'un ami de Dumbledore avait été gravement blessé. C'était ma façon de les aider.
Aujourd'hui, le quai est rempli de petits sorciers et de leurs parents. Lydie, ma première petite fille, tient fermement ma main. Je la sens anxieuse. Derrière nous, arrive Andrews avec les valises et la cage du chat. Il a toujours gardé son piercing à l'arcade sourcilière qu'il s'était fait faire en septième année.
-Mais qu'est-ce que tu as mis dans ta valise ? Tu veux me tuer de fatigue ? S'exclame-t-il.
Lydie fronce les sourcils.
-C'est toi qui a voulu la prendre. Réplique-t-elle d'une voix pleine de reproche.
Andrews leva vers moi un regard amusé. Yann a été tué pendant la deuxième ascension de Voldemort, et depuis Andrews s'est occupé de moi et de mes enfants. Il s'était aussi marié quelques années après Poudlard mais n'avait jamais eu d'enfants.
Lydie a lâché ma main et regarde à présent le train, nerveuse.
-Tu verras, Poudlard sera tes meilleures années. Assure Andrews, en lui souriant. Et puis, si je ne me trompe pas, tu as un sacré caractère… ça devrait donc bien aller.
Lydie se mord alors la lèvre inférieure et approuva vigoureusement de la tête. Andrews attrape sa valise et l'aide à la monter dans le train.
-Hé !
Je tourne la tête, surprise par ce cri.
J'aperçois un petit garçon qui se précipite vers ses parents.
-Teddy est là-bas, dit-il tout essoufflé.
Mes yeux se lève automatiquement vers les adultes. Mon regard se bloque sur le père de l'enfant.
Harry.
Même sans les multitudes de photos qui étaient apparus sur lui tout au long de ses années à Poudlard et bien après sa victoire face à Voldemort, je l'aurais reconnu. Ses yeux sont tellement semblables à Lily que c'en est troublant. Il a la même posture que James, le même air.
-Impressionnant, n'est-ce pas ? murmure Andrews.
Je détache mon regard d'Harry.
-Notre Teddy ! Teddy Lupin ! En train d'embrasser notre Victoire!
Mon sang se glace. Des années que je n'ai plus entendu ce nom. Andrews semble s'être aperçu de mon malaise et pose doucement sa main sur mon épaule. J'inspire profondément.
Lydie s'approche de moi. Je lui dis au revoir et l'embrasse sur les deux joues. Elle monte alors dans le train. Poudlard est à elle.
Je me bats intérieurement pour ne pas tourner la tête vers Harry. Je repense à Teddy Lupin. Finalement, Remus sera parvenu à affronter sa misanthropie. Il a un fils. Harry semble le connaître. Il semble donc que même après tant d'années, les maraudeurs n'ont pas réussi à se séparer. Et c'est tant mieux. Je suis réconfortée dans l'idée que Remus ne soit pas mort tout seul. Il avait des amis. Une famille. Il était tout simplement heureux. C'est incroyable comme tout peut changer. Il me semble qu'il y a eu nos années à Poudlard. Puis, il y a l'après. Ce monde adulte, incompréhensible, cruel, mais apportant à la fois tant de bonnes choses. J'ai eu mes garçons. Remus a eu son fils.
Je regarde le train partir. Puis doucement, Andrews et moi quittons la gare. Nous marchons le long des rues de Londres d'un pas tranquille, beaucoup plus lent que durant nos jeunes années. Il me reparle de Poudlard. Je revois Remus me sourire. Il a été mon premier amour. Celui qui vous tombe dessus brutalement. Celui qui fait mal et ne dure pas. Mais peut-être le plus sincère et spontané. J'entends Lily crier après James. J'aperçois Sirius embêter Bella. J'observe Peter se débattre avec ses amis pour une part de gâteau. J'écoute Andrews distraitement. Les rues de Londres s'effacent complètement. Je suis de nouveau à Poudlard, dans le dortoir des garçons. Nous sommes entre amis. Nous jouons au Monopoly. Nous rions. Et tout semble parfait.
Un grand merci tout particulièrement à Lux, Aquila et Alexia. Je n'y serais pas arrivé sans vous.
