Non, je n'abandonne pas cette fic, je prends simplement mon temps/beaucoup de temps !

Côte à côte, Vincent Valentine et Cloud Strife s'étaient murés dans un long silence d'ennui et de compréhension réciproques. Ni l'un ni l'autre n'était un grand bavard et la situation leur semblait pouvoir se passer de tout commentaire, même de la part de Yuffie ou de Cid.

Cid justement revenait du buffet, son butin lui chargeant bras et mains.

« - Faut pas se laisser abattre !

- Le monde est dans un bordel monstre depuis des années, il y a eu une bataille il y a peine quatre heures à quelques kilomètres d'ici et on donne une fête! Ce n'est pas comme si nous avions deux prisonniers au Septième Ciel ! grogna Cloud, sans quitter son air buté.

- C'est bon signe. Depuis combien de temps il n'y a pas eu une putain de fête ? Une fête qui ne s'est pas barrée en couille, ajouta le pilote à l'intention de Vincent, qui pourtant n'avait pas eu l'air de vouloir prendre la parole pour le contredire. Quant aux deux fouteurs de merde, bah... Ils sont attachés non ? On a bien le droit de rien branler nous aussi ! Allez quoi merde ! »

Cid haussa les épaules et tendit un verre de vin rouge à Vincent et un blinis au saumon à Cloud. Un verre posé en équilibre installé sur son bras, il y versa ensuite du jus d'orange d'un pichet, avant d'avancer le verre vers le blond.

«- Il va bien falloir passer le temps, » soupira l'épéiste en décroisant enfin les bras.

Cid acquiesça et avala une gorgée de whisky/bière au goulot.

«- Dans une fête comme celle-ci, on trouve toujours de quoi s'occuper agréablement. »

Vincent détourna le regard du sourire carnassier de Cid. Il avait appris à se fier au pilote et s'entendait peut-être mieux avec lui qu'avec d'autres. Mais certaines de ses manières restaient trop... brutes de décoffrage pour lui.

Cloud secoua doucement la tête. La soirée promettait d'être longue, surtout si Cid décidait de leur faire l'animation. Le blond évita le regard de l'aviateur pour ne pas avoir à participer ou à se sentir visé en entamant son verre de jus d'orange. Au moins, cette fois, personne ne cherchait à le soûler et Cid avait enfin compris que non, il ne se détendrait pas avec quelques centigrammes d'alcool dans le sang, et que oui, c'était déraisonnable de boire de l'alcool, qu'il devait toujours être prêt à tout et qu'un SOLDAT ne boit pas de boisson alcoolisée nom de dieu !

Bien sûr, Cid s'en foutait pas mal pour lui-même, corrigea le soldat en voyant l'homme boire une nouvelle fois à la bouteille. Cloud ferma les paupières en soupirant. Il ne porterait pas son ami à l'étage une fois qu'il serait trop cuit pour grimper les escaliers à quatre pattes.

Il jeta un regard à Vincent pour chercher son accord au fait de laisser leur ami cuver sous une table, discrètement, et eux-mêmes se carapater.

Valentine laissait dériver ses pensées pour éviter de voir l'inévitable conflit d'idées qui allait avoir lieu entre les deux blonds : amis et alliés, mais singulièrement différents. Et pour sa tranquillité, il valait mieux aller voir ailleurs si il y était. Le goût âcre du vin dans sa gorge lui fit froncer les sourcils sous son bandeau. Cette saveur caractéristique qui roulait sur sa langue et emplissait ses papilles, il l'avait déjà connue. Ce qui était surprenant, puisqu'il n'avait recommencé à boire du vin que l'année dernière après une abstinence de plusieurs... décennies. Son ancienne vie... Sans réfléchir, Vincent héla une serveuse qui passait à quelques mètres.

«- Ce vin... Qu'est-ce que c'est ? »

Elle s'arrêta, surprise comme un enfant du secteur sept pris sous les feux d'un soldat-robot, puis détailla l'homme au timbre grave et velouté qui venait de lui adresser la parole. Jamais Vincent ne s'était senti aussi mal à l'aise sous le regard d'une femme depuis Lucrécia. Lucrécia à cause de l'importance de son jugement ! Il y a plus de trente ans, son complet noir lui offrait une prestance charismatique et protectrice. Aujourd'hui, il s'y sentait ridicule, engoncé et exposé. Mais tout de même certainement moins que Cloud.

Il reprit assez de courage pour afficher un air presque affable et ouvert.

« - Du vin de Kalm, monsieur. »

Elle lui sourit avec charme. Vincent hocha la tête, et glissa un merci poli pour retourner à son verre. Du vin de Kalm... Il avait dû en boire en tant que Turk, bien qu'auparavant il soit de Kalm. Mais à l'époque, il n'était qu'un jeune homme qui ne buvait que peu et il n'avait pas de regret d'avoir quitté sa ville natale. Bien que son vin soit excellent.

Cloud n'avait pas eu le temps de savourer son jus d'orange qu'une superbe jeune femme se plaçait entre lui et le pilote, sous le regard appréciateur de celui-ci.

«- Cloud ! Tu es magnifique ! »

La belle brune semblait vraiment ravie de le voir, ses yeux pétillaient et ses lèvres se haussaient en un irrépressible sourire. Le blond mit quelques secondes à quitter des yeux la soyeuse robe sombre – au grand désarroi de sa détentrice (pour une fois qu'il semblait remarquer quelque chose !) pour la saluer, la gorge un peu sèche après tout.

«- Bonsoir, Tifa. »

Là, d'un coup, sa foutue cravate qu'il avait tant hésité à nouer l'étouffait.

«- Je peux ? »

Les doigts de la jeune fille se posèrent à peine sur le verre du coursier que Cid s'interposait entre eux, la bouche tiquant frénétiquement.

«- Tu crois pas que t'as déjà assez d'énergie comme ça ? »

Cid passa un bras autour des épaules dénudées de Tifa qui lui lança son regard spécial Sephiroth, la main caressante de la jeune femme soudainement emprisonnée sous la poigne grossière du pilote.

«- Qu'est-ce que tu fais ? lâcha-t-elle entre ses dents.

- Fais moi confiance, ma belle. Mais si tu touches à ça, tu vas finir par terre toute seule.

- Cid, t'es pas franchement le mec le plus droit que je connaisse et...

- Je suis pas digne de confiance ? »

Cid leva un sourcil, plongeant son regard dans le sien avec un sérieux sincère. Elle se foutait de lui ou quoi ? Tifa détourna les yeux et échappa à l'emprise du blond.

«- Bien sûr que si... »

Cloud fixait d'un air à nouveau vide et éteint la salle lumineuse. La discussion de ses deux amis lui passait complètement au-dessus de la crête.

Le regard de Tifa hésita un instant. Elle mourait d'envie de rejoindre de nouveau le bretteur, mais quelque chose lui disait qu'elle n'en tirerait encore rien pour l'instant. Et la Yuffie pépiante et furieuse qui venait de s'agripper au bras de Vincent comme un chimpanzé à sa branche favorite attira sa pitié. Vincent allait peut-être avoir besoin d'un tact plus explicite que le sien.

Le verre que l'homme amenait à ses lèvres fut brutalement abaissé de force, des gouttes jaillissant pour éclabousser sa manche et le parquet jusqu'alors trop propre. Vincent échangea son verre de main, le saisissant dans sa griffe avec la force de l'habitude :

« - Yuffie... »

Il était de nature patiente et calme. Très patiente même.

C'était sans doute pour cela qu'il était la victime préférée de Yuffie. Il ne s'en plaignait jamais, d'abord parce qu'il n'était pas d'un naturel geignard et que cela aurait blessé Yuffie, ensuite parce qu'il aimait beaucoup la jeune ninja, et que cela ne lui était pas désagréable.

Mais il appréciait d'avoir la paix et il ronchonnait toujours lorsqu'elle jugeait nécessaire de l'en tirer. Surtout ce soir, où il avait les nerfs à fleur de peau et où les éclats brillants des yeux de Yuffie ne firent naître en lui qu'une fatigue d'anticipation.

« - Je te trouve enfin Non mais, où étais-tu passé ? Vous vous êtes passés le mot pour me laisser toute seule, ou quoi ? »

Vincent réussi par miracle à agripper le dos de sa robe avec sa main humide d'alcool et, tordant son poignet, il la décrocha de son bras et l'écarta légèrement de lui. Alors, il essuya enfin avec dépit sa paume humaine contre son pantalon, sans rien dire.

Il releva soudain la tête, avec la brusquerie d'un animal sauvage surpris, étonné du silence de la jeune fille. La délicieuse petite brune le fixait, sa bouche arrondie d'un air ahuri. Profitant de la position penchée de l'homme - mûrissait-elle ce plan depuis qu'il l'avait décrochée ? - elle se hissa sur la pointe des pieds pour lui voler une goutte de vin qui s'était déposée sur sa pommette. Yuffie porta son doigt désormais aviné (1) à ses lèvres, le suçotant avec curiosité.

« - Hmm ! C'est trop bon ! Tu m'en redonnes ? »

Le brun lui tendit sans réfléchir son verre encore à moitié plein. Si ça lui faisait plaisir !

« - Vincent Valentine ! »

La voix de Tifa claqua derrière son dos, le grondant gentiment.

« - Mais, Tifa ! protesta Yuffie en voyant le verre revenir presque automatiquement vers Vincent.

- Je n'ai pas envie de te voir vomir à tout bout de champ, ni de te voir abusée par Vincent !

- Mais il ne m'abusera pas ! Et tu fais pas mieux avec Cloud, peut-être ? »

Utilité de la cape de Vincent Valentine ? Lui offrir un refuge en cas de gêne imprévue . Et là, il en avait bien besoin ; il était littéralement mortifié des propos de ses amies. Il n'avait pas la moindre envie de leur rappeler sa présence, mais au contraire de disparaître et de s'absenter pour de bon loin des deux pétillantes jeunes femmes. Il manquait d'ailleurs le troisième larron de leur trio...

Les lèvres touchant imperceptiblement le liquide carmin, Vincent balaya la salle du regard, à la recherche d'Eliane.

Non, il ne voulait pas savoir quelle gueule le don juan pouvait bien avoir. Il voulait juste avoir si la jeune femme s'amusait bien avec lui et était en sécurité.

Non, il n'était pas jaloux. Mais même s'il continuait à jouer l'oiseau fugueur et solitaire, les efforts de Tifa et de Yuffie se révélaient payants, au final : Avalanche était une étrange famille, et il était plus rassuré sur le sort de ses membres lorsqu'ils étaient tous réunis. Peut-être commençait-il à s'attacher...

Ethan n'avait rouvert les paupières que lorsqu'un rayon de soleil les lui avaient transpercées. Il détourna péniblement la tête, les yeux plissés et les dents serrées. Un marteau frappait douloureusement sa tempe gauche. Où est-ce ce qu'il était, bon sang ? Par réflexe, il voulut tendre son corps pour se glisser à l'abri, mais ses membres refusèrent de se mouvoir, ses muscles arrêtés par des liens. Il grogna rageusement et renversa sa tête en arrière, à la recherche d'un point de repère. Il le rencontra rapidement en la personne de Karel, inconsciente et solidement entravée sur une table voisine.

«- Merde ! »

Alors là, c'était trop fort! Le ressentiment de Karel envers la rousse commençait à déteindre ses émotions. Ils les séquestraient, le frappaient, les attachaient et les laissaient en plan comme de vulgaires sandwich oubliés !

« - Est-ce qu'il y a quelqu'un ? Hé ho ! Quelqu'un ! Bon dieu ! Bande de chiffes molles ! »

Son braillement resta sans réponse.

«- Fait chier. »

Il resta plusieurs minutes à respirer sans que rien ne bouge. Au bout d'une éternité, Ethan se crut revivre en entendant un téléphone sonner. Tiens, il n'était pas oublié de tous, comme mort sur sa chaise, sourd ? Avant de se rendre compte que le son provenait du PHS de Karel. Et il n'y avait qu'une seule personne qui pouvait bien l'appeler ici. Une personne qui ne serait pas contente du tout de se faire ainsi ignorer. Mieux valait s'arracher les deux bras en se débattant contre les cordes plutôt que laisser Monsieur Shiva face à sa messagerie.

Ethan s'agita en vain jusqu'à ce que la pièce retombe dans le silence. Il allait passer une sale heure dès qu'il aurait retrouvé sa liberté. Liberté qui serait brève à son avis.

Sa torpeur suicidaire ne dura pas une minute. Déjà, Monsieur Shiva, furieux, persévérait sur le PHS de Karel.

« - Misère de misère... ON EST MORTS DUCON ! »

Il avait toujours été respectueux de la hiérarchie et de l'autorité, mais l'impuissance le rendait fou.

« - Ethan... décroche, mer... »

Le râle de Karel se termina en toux douloureuse.

« -T'es encore vivante, toi ?

- Eteins-moi cette sonnerie... Tout de suite. »

Ethan ravala un « mourante, tu ne me fais pas peur » moqueur : ils allaient devoir avoir peur de quelqu'un de bien pire.

L'homme avait compté 71 sonneries en tout, de plus en plus frustrées et rapprochées lorsque ses doigt engourdis touchèrent enfin la coque de l'appareil. Tant pis pour les fourmis dans sa main, il composa sans rien voir le numéro de Shiva, et appuya sur le haut-parleur.

«- Monsieur. »

Il espérait que le ton de sa voix serait assez déférent pour cacher sa fatigue et sa migraine.

« - J'espère que tu as une excellente raison pour m'avoir fait attendre !

- Nous étions avec Eliane, monsieur.

- Vous l'avez ? »

L'exaltation qui avait succédé à la colère chez son patron fit déglutir péniblement Ethan.

« - Elle est bloquée à quelques mètres de nous, elle ne peut pas s'enfuir, monsieur.

- Attrapez-la ! Tout de suite ! »

Le portable heurta la sol, faisant gémir et râler Karel. L'homme se remit à remuer les doigts pour se dégager sans l'écouter. Ils ne devaient pas décevoir monsieur Shiva.

(1) aviné : imbibé de vin. Adjectif qui marche sur un objet et qui alors ne signifie pas ivre .