Disclaimer : Les personnages de Saint Seiya ne m'appartiennent pas, mais l'histoire, si !

Couple : DM/Camus.

Rating : M.

Pleurons, très chers amis, pleurons !

Lys : Et oui, la fic est finie !

Je remercie tous ceux qui ont suivi cette histoire et ceux qui ont laissé des review.

Lys : On espère que cette fic vous a plu et qu'elle a été aussi agréable à lire qu'elle a été agréable à écrire.

Je songe à une suite possible car, en ce moment, je tape ce qui se passe, en parallèle, pour Mû, Saga et Kanon. Peut-être que je la continuerai.

Lys : Bonnes vacs à ceux qui ont la chance d'en avoir !

Et gros bisous ! :-)

Bonne lecture !


Chapitre 10

La nuit avait été courte mais réparatrice. Angelo se réveilla avant Camus, et put ainsi vérifier que toutes les valises soient prêtes. Deux d'entre elles les accompagneraient pendant le voyage jusqu'en Bretagne, où Noémie et Aphrodite vivaient, les autres seraient envoyées en Italie.

En faisant ses recherches, Angelo n'avait pas vraiment été étonné par ses découvertes. Il avait toujours été proche du Poisson, bien que personne n'y ait fait attention. L'italien avait toujours trouvé bizarre que le suédois voyage autant. Un jour, il put lui tirer les vers du nez, et il apprit qu'il était tombé amoureux d'une jeune française, qui lui donna un enfant accidentellement. Ce bébé, qu'il ne pouvait voir bien souvent, était loin d'être un poids pour lui, et Masque de Mort se souvenait du regard tendre du Poisson quand il pensait à elle.

Tous les mois, Aphrodite versait de l'argent à cette jeune fille, la moitié de ce que le Sanctuaire lui fournissait, ce qui était amplement suffisant pour bien vivre. Masque de Mort avait été stupéfait en apprenant tout cela, mais il l'avait gardé pour lui. Aphrodite, loin d'être homosexuel comme le prétendaient certaines rumeurs, faisait des pieds et des mains pour protéger sa famille, en particulier contre le Grand Pope, qui finit par découvrir le pot aux roses. Il fallait croire que Saga avait de la volonté, car il n'arriva jamais rien à Noémie et à l'enfant.

Trouver des choses sur Camus n'avait pas été une mince affaire. Il aurait plus facile de lui poser des questions, mais étant très jeune quand il avait été enlevé, il ne se rappelait plus de grand-chose. Lui-même avait du mal à se souvenir de sa petite enfance en Italie. Quand Angelo vit le nom de Noémie, qui avait été adoptée par un couple sans enfants, il avait de suite pensé à Aphrodite, ce qui s'était révélé utile pour la suite de ses recherches, car, en effet, la jeune femme vivait avec sa famille adoptive en Bretagne, et le père de son enfant portaient ce nom très étrange pour un homme.

Ses trouvailles remontaient à une petite semaine. Il avait réussi rapidement à contacter Aphrodite, qui ne cacha pas sa surprise à l'entendre au téléphone, mais il fut heureux de pouvoir lui parler. Enfin une voix familière ! Avait-il dit. C'était avec plaisir qu'il les accueillait chez lui pour Noël, ainsi que pour le 26, puisqu'ils partaient le lendemain pour l'Italie. Angelo prévoyait de laisser Camus en France, s'il préférait rester avec sa sœur, le suédois n'y voyait aucun inconvénient.

Angelo se sentait bien. Physiquement, mais surtout mentalement. Camus allait bien, il semblait heureux, alors lui-même l'était. C'était agréable comme sensation, se sentir bien puisque l'autre l'était. Il sentait qu'il ne pourrait pas se séparer du français avant un bon moment, il avait besoin de lui, ses pensées étaient sans cesse tournées vers lui, et cette angoissa croissante qu'il avait ressenti la veille était une preuve de son attachement pour lui. Et puis… il lui avait avoué. Qu'il l'aimait. C'était sans doute de ça, aussi, que Camus avait besoin.

Il était huit heures et demi, le français n'allait pas tarder à se réveiller. L'italien attrapa son portable et appela sa secrétaire, avec qui il discuta un bon moment, lui faisant part de ses projets, qui la stupéfièrent complètement. Mais agréablement. Décidemment, son Angelo l'étonnerait toujours ! Elle ne manqua pas de lui dire qu'elle était fière de lui, ce qui le fit grogner. Puis, il en vint à un sujet plus sombre. La police avait emmené ces hommes. Il voulait qu'Aurélia s'en occupe, qu'elle fasse faire des recherches sur eux. Angelo voulait les détruire, tous, sans exception.

Aurélia lui avoua que ce serait difficile, mais elle ferait des efforts. Angelo lui dit qu'elle avait le temps et lui interdit de se mettre en danger, ce qui fit rire la jeune femme. L'italien eut soudain une idée. Il lui dit que, si elle avait besoin, qu'elle appelle Lys Taylor, elle lui serait sûrement d'une aide précieuse, et si elle avait des réticences, il la convaincrait lui-même. En général, elle était toujours là pour l'aider, en cas de besoin, mais il avait appris récemment qu'elle était tombée enceinte, elle pourrait refuser de l'aider dans cette affaire.

En entendant cette nouvelle, Aurélia fut étonnée. Lys, enceinte ? Elle qui croyait qu'elle finirait vieille fille. Elle était connue pour refuser toute relation avec les hommes d'affaires et l'amour ne semblait pas être l'un de ses centres d'intérêt. Cependant, la jeune femme fut heureuse de prendre contact avec elle, ça faisait un moment qu'elle n'avait pas eu de ses nouvelles.

Finalement, Angelo raccrocha, en imaginant sa collègue avec un ventre de femme enceinte. Il retourna dans la chambre et fut étonné car Camus n'était pas encore réveillé, dormant paisiblement entre les draps, le visage serein encadré par ses longs cheveux bleus qui s'étalaient sur l'oreiller. Son œil au beurre noir avait perdu de sa couleur, ce n'était plus qu'une légère trace. Sa main reposait sur le matelas, sa montre argentée brillant à son poignet. Il avait oublié de la retirer la veille, ou il n'avait pas voulu, et elle lui allait vraiment bien.

Angelo s'avança vers le lit et s'y assit pour réveiller Camus, qui, après avoir soupiré, ouvrit les yeux, jetant un regard vague et tendre à l'italien qui se pencha pour embrasser doucement son amant, une caresse sur ses lèvres rosées. Ses lèvres glissèrent sur la joue, le cou blanc, le creux tendre qui était un appel aux baisers. Les mains du français se posèrent sur ses épaules, glissèrent vers sa nuque, se noyèrent dans ses cheveux.

C'était agréable, ce genre de réveil.

OoO

« Allô ?

- Angie ?? C'est moi !

- T'as été rapide.

- Qu'est-ce que tu crois ? Aurélia vient de m'appeler ! Tu t'es encore fourré dans une sale affaire, mon grand !

- Et j'espère que ma maîtresse adorée va m'aider à me sortir de là. »

Lys éclata de rire. Camus leva le nez de son livre, interrogeant Angelo du regard, suspicieux. L'italien lui prit la main et attendit que la jeune femme se calme.

« Oui, ta maîtresse adorée va t'aider ! Rassure-moi, ton chéri est pas à côté ?

- Si, pourquoi ?

- Ah, fais gaffe, Angie ! Il va finir par croire les rumeurs qui courent sur nous ! Moi, je m'en fous, mais c'est jamais agréable de se faire larguer !

- T'inquiète pas pour ça.

- Tu sais à quel point ton bien-être me préoccupe !

- T'es en ébullition d'hormones ou quoi ? »

Nouvel éclat de rire. Angelo soupira, faussement exaspéré. Elle avait la maladie du rire. Camus le regardait sans comprendre grand-chose de la conversation.

« Faut croire ! Je suis de bonne humeur un instant et en colère juste après !

- A-t-on idée de tomber enceinte, aussi…

- Ah bah c'est pas comme si j'avais eu le choix, mon ange ! Mais je regrette pas, crois-moi ! Bref, revenons à nos moutons. J'aiderai Aurélia pour les recherches, t'inquiète pas pour ça ! Tu sais que tu peux compter sur moi. Silence absolu, je présume ?

- Tu présumes bien.

- Autre chose ! Aurélia m'a parlé de « l'affaire Calieu ». J'avais déjà entendu des petites choses sur vous deux, eh bien, c'est du sérieux, votre histoire !

- T'es en ma faveur ?

- Comme toujours ! J'ai des trucs intéressants pour toi, on verra ça après tes petites vacances.

- Je t'appellerai, on déjeunera ensemble.

- Pas de soucis ! Bon, je te laisse, y'a mon associé qui va se pendre par sa cravate si je ne descends pas. À plus, Angie ! »

Elle raccrocha. Angelo poussa un soupir presque soulagée. Aurélia ne serait pas seule, Lys l'aiderait dans sa tâche, et telle qu'il la connaissait, elle devait en connaître un paquet. Elle avait ses sources et savaient les faire parler.

Cette nana n'était pas à prendre à la légère. Elle avait beau se montrer sympathique avec tout le monde, il ne fallait pas la sous-estimer pour autant. À chaque fois que l'italien avait ce genre de conversation avec elle, il se demandait ce qui avait bien pu lui plaire pour qu'elle soit prête à l'aider en toute circonstance.

Ils s'étaient connus très tôt, alors qu'il venait de quitter Don Andreo, et cette belle femme l'avait souvent conseillé, appuyant ce que pouvait dire Aurélia ou affinant ses décisions. Son jugement souvent droit et juste lui avait été précieux plus d'une fois. L'italien se dit qu'elle était vraiment bizarre, bien que très agréable. Elle inspirait la confiance, et étrangement, lui rendre service ne l'ennuyait pas plus que ça.

Camus, assis près de lui dans le taxi, l'interrogeait du regard. Angelo était dans ses pensées, il mit du temps à remarquer que le français le regardait avec cet air mi-suspicieux, mi-jaloux amusant. Il lui fit un sourire séducteur, qui n'eut pour effet qu'un sourcil levé gracieusement.

« Ne va pas t'imaginer des choses. C'était une… disons une amie…

- Une amie ?

- Oui, une amie. J'avais besoin d'elle pour quelques petites choses. Il n'y a jamais rien eu entre nous. Elle aurait préféré se faire hara-kiri que sortir avec un homme d'affaires.

- À ce point-là ?

- Je t'assure. Je sais pas où elle s'est dégotée un homme à son goût, mais bon, faut croire qu'elle est pas aussi frigide que ça.

- Angelo !

- Je t'assure, c'est une belle nana, mais elle est pas très portée de ce « côté-là ». Si tu la connaissais, je suis sûr qu'elle te plairait. Tiens, nous y sommes. »

Camus se pencha vers la fenêtre d'Angelo et un sourire se dessina sur ses lèvres quand il vit apparaître la grande gare. Pendant un instant, il revit sa grande sœur, Noémie, quand elle était toute petite, à peine plus grande que lui, avec ses cheveux bruns et ses yeux rêveurs. Et puis il se souvint de la photo que lui avait tendu Angelo, où elle apparaissait, un sourire éclatant sur le visage, ainsi qu'Aphrodite, tout aussi heureux, portant une petite fille dans ses bras. L'enfant ressemblait beaucoup à sa mère, mais ses yeux étaient ceux de son père et c'était de lui qu'elle avait hérité ses cheveux bouclés, d'un blond doré.

Camus avait été très étonné en voyant la photo. Déjà, bien qu'il ait reconnu de suite sa sœur aînée, elle lui semblait étrange, car ça faisait des années qu'il ne l'avait pas vue, et ce n'était plus une petite fille, mais bel et bien une femme. Très belle, d'ailleurs. Et puis, il y avait eu Aphrodite, qui semblait un peu moins efféminé. Il n'y avait plus de maquillage sur son visage androgyne, mais c'était toujours le même, avec ses dents droites et blanches comme des perles, ce grain de beauté sous l'œil et ses longs cheveux azur qui ondulaient dans son dos. Oui, c'était toujours le même, en fin de compte.

Une autre chose l'avait choqué, sur le coup, et c'était leur petite fille, Julia. Un savant mélange entre eux deux, qui donnait une enfant de cinq ans très jolie, ce qui l'avait attendri. Bien qu'il ne l'ait jamais avoué à personne, Camus avait toujours adoré les enfants, et ces quelques années de vie avec Isaak et Hyoga, malgré sa froideur avec eux, avait été une belle partie de sa vie. Par moments, il se demandait ce qu'il avait bien pu devenir, celui-là, mais dans le fond, il ne voulait plus en entendre parler. Malgré sa tendresse envers ce jeune blond, il avait de la rancune envers lui. Voici deux ans qu'il était revenu sur Terre, et ni lui, ni personne d'autre n'avait cherché à savoir où il se trouvait. Lui. Aphrodite. Angelo. Mû. Milo… Tous.

OoO

Aphrodite tournait en rond dans la gare, attendant impatiemment que le train. Il était excité comme une puce à l'idée de revoir Camus et Masque de Mort, ou plutôt Angelo. Après avoir reçu son coup de téléphone, il avait rit en pensant que l'italien s'en était bien tiré en devenant un homme d'affaire pété de tunes. C'était tout à fait son genre, le Cancer pouvait se sortir de n'importe quelle situation !

Le suédois pensa qu'en somme, il ne s'en était pas trop mal sorti. Le plus dur avait été de faire le voyage de la Suède jusqu'en France. Vivement qu'ils arrivent, qu'ils discutent. Aphrodite se sentait parfois vraiment seul, ne pouvant plus voir à sa guise les chevaliers qu'il avait apprécié autrefois, comme Camus, Masque de Mort, ou Shura. Même Aldébaran lui manquait par moments, ce grand type bourru mais adorable quand on le connaissait. Et puis Mû, aussi. Qu'était-il devenu, celui-là ? En pensant à lui, le suédois avait toujours un mauvais pressentiment, mais il préférait ne pas trop y réfléchir. De toute façon, de là où il était, il ne pouvait pas vraiment faire grand chose.

On annonça que le train en provenance de Paris allait arriver dans quelques minutes. Aphrodite attendit encore, allant et venant dans la gare, jusqu'à ce qu'il entende ce bruit fort de lourd véhicule roulant avec force sur les railles. Il vit le long serpent de métal pénétrer dans la gare, puis s'arrêter. Des voix. Des portes qui s'ouvraient. Des gens qui couraient. Avec un sourire, Aphrodite s'avança le long du train jusqu'à arriver devant la porte du wagon qu'il franchit. Un sourire illumina son visage quand il aperçut Angelo qui portait Camus dans ses bras, avançant entre les sièges. Les deux anciens chevaliers lui rendirent son sourire, une joie étrange les parcourait. Un simple regard, et ils furent rassurés. Soulagés. Aphrodite était là, il allait bien. Masque de Mort et Camus étaient ici, ils allaient bien aussi.

Au bout de quelques minutes, ils étaient dehors, tous les trois. Aphrodite poussait le fauteuil roulant du français en souriant, sans poser de question au pourquoi du comment. À côté, Angelo tenait les deux valises. Ils marchaient d'un pas tranquille, ignorant les regards tournés vers eux, surpris par un si étrange trio. Ils avaient le temps. Ils n'étaient pas pressés. Ils avaient… tout l'avenir devant eux.

OoO

« Camus !! »

Le français eut à peine le temps de tourner la tête que Noémie lui tomba dessus, s'asseyant sans gêne sur ses genoux pour le serrer fort contre elle. Aphrodite et Angelo éclatèrent de rire, Camus les suivit dans leur hilarité, rendant son étreinte à sa sœur, qui ronronnait presque de bonheur. Telle une enfant, elle embrassa la joue de son petit frère, les yeux pétillants de malice.

« Noémie, laisse Camus tranquille ! Tu vas attraper froid, habillée comme ça ! »

Contrairement aux hommes, la jeune femme portait une robe longue mais un peu trop légère pour la saison, et vu la neige qui s'entassait sur le sol, la température ne devait pas être très élevée. Avec une petite moue, la jeune femme se décida à descendre de sur son frère, dont les yeux brillaient de bonheur. Il souriait rarement avec autant de joie, c'était agréable à voir.

Poussant le fauteuil roulant, Aphrodite fit rentrer Camus dans la maison familiale, suivi de Noémie et Angelo. C'était une maison plutôt grande, entourée d'un grand jardin et accompagné d'une ferme. Camus était impressionné, sa sœur avait atterri dans une famille de fermiers ? Elle n'avait pas dû être malheureuse. Mais comment elle et Aphrodite s'étaient rencontrés ?

Noémie, nullement impressionnée par la haute stature de l'italien, l'invita à la suivre dans les étages pour poser les valises dans la chambre d'amis. Camus, quant à lui, fut emmené dans le salon et joyeusement accueilli par la famille de sa sœur aînée, composée de ses parents, d'oncles, de tantes, et d'enfants de tous âges. Tout le monde savait qu'il était le frère cadet de Noémie, et on ne manqua pas de lui faire remarquer leur ressemblance. Aphrodite sembla gêné, ce qui n'échappa pas au français.

Soudain, une enfant bondit sur les genoux de Camus, qui sursauta. Surpris, il ne put faire un geste quand deux petits bras enserrèrent son cou et que deux petites lèvres rosées sur posaient sur sa joue. Avec un sourire, il baisa sa nièce Julia dans les cheveux. Elle gloussa, heureuse de se découvrir un tonton aussi beau et un peu bizarre, assis dans ce siège à grandes roues. La fillette lui tendit une rose rouge en lui disant que « c'est un cadeau pour Tonton Camus ! ». Le Verseau prit la fleur en la remerciant d'un sourire, ce qui la fit rosir de plaisir. Camus jeta un regard amusé à Aphrodite qui rougit, regardant sa fille avec tendresse.

Angelo revint dans la pièce. Il fit une impression bien différente de celle de Camus, qui semblait plus frêle, plus doux bien que réservé. L'italien, au contraire, bien qu'ayant à peu près la même taille, semblait plus solide, et il se dégageait de lui quelque chose d'imposant, accentué par ses origines méditerranéenne et ses yeux perçants. Mais il semblait moins dur que d'habitude et il répondit aux mains qui se tendaient à lui, répondant aux questions banales concernant le voyage.

On s'installa à table. Noémie s'imposa à côté de son frère, l'entourant de sa présence douce et agréable, alors qu'Angelo se plaçait entre son amant et Aphrodite. La petite Julia quitta à regrets les genoux de son oncle, partant rejoindre les autres enfants en lui promettant qu'elle reviendrait. L'enfant les quitta, apparemment peu enchantée à retrouver ses… cousins.

OoO

« J'ai bien cru que ça ne se terminerait jamais.

- Angelo !

- J'ai les oreilles bouchées, comment on peut parler aussi longtemps ? »

Camus leva les yeux au ciel. C'est vrai qu'il n'avait jamais connu ce genre d'ambiance familiale et ô combien bruyante, mais c'était quand même agréable. Il n'avait pas vraiment eu le temps de s'ennuyer avec Noémie qui ne cessait de lui poser des questions. Elle n'avait pas changé, il la trouvait toujours aussi simple d'esprit, mais ça faisait parti de son charme. Elle était attendrissante, même Angelo, derrière ses airs bourrus, semblait l'apprécier.

Pas une seule fois, lors du repas, la jeune femme ne lui avait posé de question sur son passé, sur ce qui l'avait conduit à perdre l'usage de ses jambes. Aphrodite aussi s'était tut, ne cherchant pas à approfondir cette question inévitable, où Camus avait répondu être devenu handicapé lors d'un accident de voiture. Ce qui n'était pas faux. Mais les circonstances restèrent secrètes. Non, sa sœur aînée s'était plutôt attardée sur Paris. Pas de question sur son passé. Sur ces longues années d'absence. Rien. Savait-elle pour Aphrodite ? Peut-être. Mais il lui en était reconnaissant de n'en avoir pas parlé.

Cette famille adoptive était quand même nombreuse, surtout si on exceptait les enfants, qu'ils n'avaient guère vu, à part la petite Julia qui était revenue s'installer sur les genoux de son oncle. Angelo s'était retenu d'éclater de rire en la voyant faire, et si Camus avait pu, il lui aurait écrasé le pied. Aphrodite tentait de maîtriser son fou rire, mais dans le fond, il se sentait bien, heureux. Rien n'aurait pu troubler sa journée, pas même cet horrible et long bavardage qu'il supportait très bien à présent, ce qui n'était guère le cas de l'italien.

Le déjeuner, qui avait vraiment duré très longtemps au goût d'Angelo, avait été excellent, si on oubliait les voix fortes et incessantes de convives. La mère de famille avait préparé un repas de roi qui aurait pu nourrir tout un régiment. Plus d'une fois, les deux anciens chevaliers avaient dit non, plus ou moins poliment, à la cuisinière, qui faisait tout pour les resservir ou tout leur faire goûter. Quand vint la bûche, Angelo se dit qu'il ne pourrait jamais en avaler une seule bouchée de plus, lui qui ne courrait pas après la crème au beurre, et son ventre était en grève depuis le plat de résistance, qui avait été bien difficile à avaler. À côté de lui, Camus voyait arriver toute cette nourriture avec des yeux écarquillés, se demandant où il pourrait bien mettre tout ça, lui qui n'avait pas grand appétit. Aphrodite n'en menait pas large, c'est tout juste s'il put manger une bouchée de l'énorme et traditionnel dessert de Noël quand il arriva sur la table.

« Et puis ce repas…

- Tu devrais être habitué, non ?

- Au luxe, d'accord, aux quantités astronomiques, pas du tout. »

Un rire lui répondit. Angelo poussa un soupir et se retourna vers le Poisson qui se trouvait dans l'encadrement de la porte.

« Tu verras, on s'y fait !

- Tu étais à deux doigts de vomir, je te rappelle !

- Vu le repas que je me suis tapé hier, y'a de quoi !

- Entre, Aphrodite, ne reste pas là ! »

Le suédois entra dans la chambre et en ferma la porte. Il s'installa sur le lit, où Camus était déjà installé. Angelo attrapa une chaise et s'y assis.

« Enfin seuls ! Ah, ces repas de famille…

- Ça fait longtemps que tu es revenu en France ?

- Environ un an. »

Dans l'intimité de cette petite chambre, Aphrodite leur parla de sa vie à Stockholm, en Suède, très difficile, où il avait travaillé jour et nuit pour accumuler la somme idéale pour revenir en France. Cela avait été très long, et sa seule consolation était les appels qu'il avait pu avoir avec Noémie, cette dernière lui assurant qu'elle l'attendait avec impatience. Entendre sa petite fille au téléphone avait été un vrai bonheur.

Le voyage s'était fait sans dommages, bien qu'il l'ait vécu dans la peur d'une quelconque complication. Une fois arrivé en Bretagne, Aphrodite avait été accueilli par sa belle famille, et rien n'avait pu gâcher son bonheur de revoir Noémie et leur fille, qui avait bien grandi. Sans honte, il leur avoua avoir pleuré et il mit plusieurs jours à s'en remettre.

« T'as l'air d'avoir de bonnes relations avec eux.

- Disons qu'ils n'ont pas d'autre choix.

- Comment ça ? »

Camus sembla surpris, Aphrodite poussa un soupir, un peu gêné.

« À l'époque où j'ai connu Noémie, je cherchais un renégat particulièrement doué pour dissimuler son cosmos. Elle travaillait dans l'hôtel où je dormais, et c'est parti tout seul. Sans le vouloir, je l'ai mise enceinte, et inutile de te parler de la réaction des parents. Je ne pouvais pas me marier, le Grand Pope l'aurait su rapidement et ça aurait mal tourné. Donc, en compensation, j'ai versé une certaine somme d'argent tous les mois sur un compte pour Noémie, afin qu'elle vive sans avoir à travailler afin d'élever notre enfant.

- Si j'ai bien compris, ils t'ont accepté parce que, indirectement, tu leur versais de l'argent ?

- C'est ça, oui. Tu sais, Angelo, il ne sont pas si conviviaux, d'habitude. Noémie a été adoptée parce que la mère avait des difficultés pour avoir un enfant, mais, au final, un garçon est né quelques temps après, et elle a été rejetée, en quelque sorte. Julia n'est pas à l'aise avec les autres enfants.

- Elle se sent rejetée…

- Oui. Et je ne peux pas faire grand-chose, j'ai trouvé un travail dans le village, mais rien qui ne me permette de leur offrir ce que je pouvais leur apporter autrefois. Il nous reste toujours de l'argent, mais ça s'épuise vite. D'ailleurs, c'est moi qui ai payé le repas de Noël.

- C'est toi qui a payé tout ça ?! »

Aphrodite éclata de rire devant la mine choquée d'Angelo et Camus.

« Oui, c'est moi qui ait payé. J'ai pas vraiment eu le choix, ils ont pioché d'eux-mêmes. Ils sont d'un sans-gêne… Mais je ne peux pas dire grand-chose. J'en entends de toutes les couleurs, et je ne peux pas me défendre. Qu'est-ce que je pourrais leur dire ? Je ne peux pas leur avouer ce que je faisais… avant. Ils me posent beaucoup de questions, ils ne comprennent pas ce qui m'est arrivé, et dans le fond, ils ont raison.

- T'es dans une sacrée merde.

- Je ne te le fais pas dire ! D'ailleurs, si vous avez été aussi bien accueillis, c'est parce qu'ils pensaient que vous étiez pleins aux as. Angelo, ne fais pas cette tête, je t'assure, ils sont très portés sur l'argent. Je ne sais pas si tous les fermiers sont comme ça, mais c'est des vrais radins. D'ailleurs, sans vouloir être méchant, je me demande pourquoi ils se sont encombrés d'une orpheline alors qu'ils étaient capables d'avoir des enfants.

- Les grands mystères de la nature. C'est gai, tout ça.

- Je ne me plains pas, ça aurait pu être pire. Et vous deux, comment vous vous en êtes sortis ? »

Ce fut au tour d'Angelo et Camus de raconter leur histoire. L'italien résuma son parcours sous les sifflements admiratifs du suédois, chez qui on ne pouvait lire aucune jalousie. Camus hésita à parler de lui-même, mais finalement il se lança, en étant très bref sur certains passages de sa vie. Le visage assombri, Aphrodite ne chercha pas à approfondir la question, et les amants lui contèrent leur rencontre, qui fit rire le suédois.

« Ça, pour une rencontre originale !

- Je vois pas ce qu'il y a de marrant ! »

Mais même Camus souriait, car avec du recul, c'était vrai que leurs chemins s'étaient croisés de façon plutôt… étonnante. Puis, Camus lui parla de sa vie à l'hôtel avec cet écrivain qui lui avait servi d'infirmière, le traînant n'importe où. Ils passèrent volontairement les détails intimes de leur vie privée, mais les yeux brillants d'Aphrodite montraient bien qu'il avait compris. De toute manière, dès qu'il avait vu Masque de Mort mettre Camus dans la voiture, il avait compris. C'était plutôt étonnant, mais les critiquer ne lui était même pas venu à l'esprit.

On frappa à la porte. La voix fluette de Noémie traversa la porte, ils l'invitèrent à entrer. La jeune femme pénétra dans la pièce et vint s'asseoir auprès de son frère. Aphrodite lui demanda où était passée Julia, sa femme lui répondit qu'elle jouait avec ses cousines. Le suédois n'était jamais rassuré, il avait toujours peur qu'on lui dise des bêtises ou qu'on lui fasse du mal.

« Au fait, Noémie, tu travailles, toi ?

- Non, je m'occupe des enfants. Aphrodite ne veut pas que je travaille.

- Et ça vous plairait de vivre à Paris ? »

Un silence s'installa dans la pièce. Aphrodite tourna lentement la tête vers Angelo, qui semblait pensif. Un air calculateur était plaqué sur son visage, le cœur de Camus se mit à battre plus vite.

« Pardon ?

- Pourquoi tu demandes ça ?

- T'es bon en comptabilité, non ? C'est pas toi qui faisait une partie des comptes de Saga ?

- Oui, mais…

- Je viens de renvoyer le mien, il faisait du détournement d'argent. La place t'intéresse ? »

Aphrodite sentit ses joues rosirent, alors que Noémie poussait une exclamation de joie, frappant dans ses mains comme une enfant.

« Angelo… t'es sérieux, là ?

- Je ne rigole pas avec ces choses-là. Côté logement, on peut s'arranger, c'est pas un problème.

- Écoute, je… je sais pas quoi dire.

- Accepte, chéri ! On va vivre à Paris et on pourra voir Camus souvent !

- Ce ne sera pas pire que si tu restes ici.

- Camus…

- À toi de voir, mais personnellement, ça m'arrangerait.

- Avoue que tu veux l'embaucher parce que tu veux pas qu'il reste ici.

- Camus !!

- Chéri, c'est oui ?? »

Aphrodite regarda Noémie, puis Camus, et enfin Angelo. Il poussa un soupir, un sourire sur les lèvres, les yeux brillants. Comme s'il allait pleurer. Il acquiesça d'un mouvement de tête, sa femme se jeta à son cou.

OoO

Camus se sentait dériver. Des ailes semblaient avoir poussé dans son dos, il volait. Son corps léger se mouvait dans le ciel obscur. La lune ronde et blanche brillait doucement, comme entourée d'une halo argenté. Des bâtiments, des maisons passaient sous lui, et la campagne, là-bas, l'accueillait à bras ouverts. Il se laissait guider, la peur était inexistante dans son cœur battant.

Son corps survola un village, puis un autre, et encore un autre. Et, soudain, il s'arrêta, son corps survolant une ville animée, bruyante. Ses yeux se posèrent sur une maison aux fenêtre illuminées. Inconsciemment, il descendit le regard rivé sur cette petite maison, perdue au milieu de toutes les autres. Ses pieds ne touchèrent pas la neige blanche qui parsemait le petit jardin entourant le pavillon.

Lentement, Camus s'avança. Un sourire apparut doucement sur ses lèvres, quand il vit la scène à l'intérieur du salon illuminé et décoré aux couleurs de Noël. Mû était là, allongé sur le canapé, semblant dormir. Il était un peu tard, même Kiki somnolait, venant se blottir contre le jeune homme, qui l'accueillit dans ses bras. Saga les regardait avec tendresse, Kanon semblait se moquer de lui. Il venait de sortir une bûche, ce qui attira les yeux gourmands de l'enfant.

De dehors, Camus pouvait presque entendre les rires, les voix de ces hommes qu'il avait connu, autrefois. Son cœur était chaud dans sa poitrine, battant doucement, à un rythme presque trop régulier. L'idée d'aller plus loin, d'entrer dans cette pièce chaleureuse, ne lui vint même pas. Il était bien, dehors, à les regarder se mouvoir dans le salon.

Saga réveilla Mû, qui se redressa sur le canapé. Sans attendre, Saga le prit dans ses bras, un bras dans son dos, un autre sous ses genoux. Camus voulut dire qu'il était pareil, lui non plus ne pouvait plus marcher. Mais sa voix ne sortit pas de sa gorge, il ne put que regarder, impuissant, le jeune homme se faire installer sur une chaise, Kiki venant prendre place sur ses genoux. Saga protesta. Kanon éclata de rires.

La scène s'effaça peut à peu. Des larmes silencieuses coulaient le long de ses joues.

OoO

Le téléphone sonna. Étonné, Angelo regarda sa montre, qui pouvait l'appeler à une heure pareil ? Il attrapa son appareil, coincé dans une poche de son pantalon, et leva les yeux au ciel, ce qui fit pouffer Aphrodite. L'italien le porta à son oreille.

« Ouais, allô ?

- Angie, c'est moi !!

- Oui, ça, j'avais deviné, y'en a qu'une seule qui peut me téléphoner à sept heures du matin précises.

- Fait pas la gueule, chéri ! J'aime t'emmerder.

- Merci, ça, j'avais compris. Qu'est-ce que tu me veux ?

- T'es grognon, dis donc ! Bref, j'ai vu Aurélia hier, on s'est fait un resto' avec son chéri. T'as un nouveau comptable ??

- Les nouvelles vont vite. Vous êtes vraiment des pipelettes.

- Ça fait parti de notre charme ! Elle m'a dit qu'il avait pas d'appartement, tu veux que je lui en passe un ? Je viens de virer mon locataire, marre des loyers en retard, ça va bien deux minutes.

- Tu ferais ça pour moi ?

- Je ferais n'importe quoi pour tes beaux yeux !!

- Tu veux un souvenir d'Italie ?

- Comment t'as deviné ??

- Tu ne fais jamais rien sans rien.

- Exact ! Ah, et aussi ! C'est concernant Calieu, tu savais qu'il avait un chaton ??

- Un quoi ?! »

Angelo s'assit sur le lit, abasourdi. Ça lui arrivait rarement, mais ça, il était vraiment stupéfait. Aphrodite se tenait les côtes, Camus riait aux éclats. La jeune femme parlait si fort qu'ils pouvaient entendre ce qu'elle disait.

« Mais c'est qu'il est étonné, le petit Angelo !

- Tu peux répéter ?!

- Il a un chaton ! Quoi, tu savais pas qu'il fréquentait des hommes ? Tu dormiras moins bête ce soir !

- Et où t'as trouvé ça ?

- J'ai mes sources ! J'ai de belles photos pour toi, tu verras, ça va te plaire ! Sinon, c'était cool, le repas en famille ?

- Lys… »

La jeune femme éclata de rire.

« Je connais ! Ma mère n'était pas une diva, je peux te dire que j'en ai passé, des noëls traditionnels !

- M'en parle pas.

- Bon, je vais te laisser. Tu dois bientôt prendre ton train, non ?

- Dans trois heures.

- Ok. Tu me contactes pour mon resto' ??

- Si ça peut te faire plaisir. Et continue à faire parler tes sources, tu seras gentille.

- T'inquiète pas pour ça ! À plus, Angie !! »

Et elle raccrocha. Angelo poussa un soupir, les deux autres éclatèrent de rire. C'était fatiguant de parler avec elle quand elle était comme ça. Ça ne lui réussissait pas d'être enceinte, ça non ! Enfin, il n'allait pas se plaindre, elle lui était utile et sa compagnie était loin d'être désagréable. Quand elle s'était pas en état d'excitation ou, en l'occurrence, bourrée d'hormones.

« C'est qui, cette fille ?? »

Aphrodite avait un sourire jusqu'aux oreilles, c'était rare de voir le Cancer tomber des nues. Enfin, apprendre que son ennemi du moment fréquentait les hommes au lieu des femmes, c'était quand même pas rien, surtout que c'était lui qui était prêt à révéler l'homosexualité écœurant de l'italien.

« Une femme d'affaire enceinte bourrée d'hormones qui s'amuse comme une gamine.

- Elle est vraiment gentille pour te proposer de louer un appartement à Aphrodite.

- Nous avons toujours eu de bonnes relations. Mais c'est vrai que pour certaines choses, elle est adorable. Par contre, il faut être barjot pour sortir avec une fille pareille. »

Angelo poussa un soupir et se leva. Il regarda à nouveau sa montre, il n'allait pas tarder à partir. Il jeta un regard à Camus qui enroula une écharpe autour de son cou qui lui avait tendu Aphrodite.

« Tu sais, tu peux rester ici.

- Non, je veux venir avec toi.

- Tu ne vas pas revoir ta sœur avant un bon moment.

- Si tu ne veux pas que je viennes, dis-le tout de suite.

- C'est pas ça…

- Alors je viens.

- Il a du caractère, ton Camus ! »

Angelo lui jeta un regard noir alors que le français se sentait rougir, ce qui ne put effacer le sourire amusé des lèvres d'Aphrodite. Mais il redevint sérieux, pensant à nouveau à sa nouvelle situation, c'est-à-dire comptable au service de l'italien. Il n'arrêtait pas d'y songer, en ce disant que sa vie serait meilleure qu'ici, en pleine campagne, supportant les remarques désobligeantes de sa belle famille, pas seulement vis-à-vis de lui, mais aussi envers Noémie et leur fille.

Bien qu'ils ne l'aient encore à personne dans la famille, Noémie ne pouvait cacher sa joie. Elle virevoltait partout, prenant sa fille dans ses bras pour danser avec elle. La prenant pour une débile, on ne lui disait rien, elle avait toujours été simple d'esprit. Aphrodite la regardait avec une tendresse bien à lui, la veillant du regard.

Il se souvenait que certaines personnes lui avaient demandé en riant pourquoi il avait choisi… « une femme pareille ». Il l'aimait. Voilà ce qu'il leur avait répondu. Il savait, dans le font, que Noémie était bien moins bête qu'elle ne pouvait le laisser voir. Elle savait dans quelle situation ils étaient, que leur fille souffrait, que lui-même n'était pas à l'aise dans cette maison. La jeune femme avait compris, quand il lui avait parlé de chevalerie. Elle se taisait, et gardait tout pour elle. Elle fuyait les problèmes.

« Angelo, quand est-ce que nous monterons à Paris ?

- J'ai contacté ma secrétaire, elle vous hébergera un temps et elle te donnera le travail à faire. Je vais te laisser son numéro, tu arrangeras tout avec elle. Elle ne mord pas mais elle a des ongles.

- D'accord. »

Aphrodite sourit, alors qu'Angelo sortait son portefeuille, cherchant une petite carte où était inscrit le numéro d'Aurélia, qu'il tendit au suédois. L'italien se dit qu'il avait fait sa bonne action de la journée.

OoO

Le voyage jusqu'en Sicile fut long. Ils prirent d'abord le train menant à Paris, où Angelo devait récupérer d'urgence un dossier chez Aurélia et avoir une petit discussion avec elle, dont Camus ne connu pas le sujet. Il resta un bon moment chez elle, pendant que le français rendait visite à Ludivine et Joanne. Puis, ils durent prendre l'avion dans l'après-midi pour l'Italie. Le vol n'était pas direct, un autre appareil les emmena jusqu'à l'île. Une chambre d'hôtel pour eux deux avait déjà été réservée et contenait déjà quelques valises.

Angelo se sentait fatigué, il avait horreur de ce genre de voyage où il fallait changer toutes les deux minutes de transports horriblement long. Il se souvenait encore de son trajet de Paris à New York, qui était atrocement long. Il n'osait imaginer ce que ce serait s'il prenait les transports fluviaux pour se déplacer.

Camus, quant à lui, avait plutôt bien supporté le voyage en train, et ceux en avions, même s'il n'avait pas été vraiment à l'aise dans ces grands appareils. Le souci avait été quand ils durent prendre le taxi pour aller jusqu'à l'hôtel. La main fermement accrochée à celle de l'italien, il regardait droit devant lui, à deux doigts de faire une crise de nerfs, tant le chauffeur roulait vite et mal. Si Camus n'enfonçait pas ses ongles dans sa main, Angelo ne se serait pas retenu et aurait refait le portrait de cet italien qui menaçait leur vie avec sa manie de rouler trop vite et de faire des virales serrés.

« J'ai cru que ce voyage ne finirai jamais.

- J'ai cru qu'on allait avoir un accident.

- On va dîner ?

- J'aime comme tu changes de sujet.

- Moi, c'est toi que j'aime. »

Camus eut un sourire alors qu'Angelo lui prenait le menton pour l'embrasser. Ils ressortirent de la chambre et descendirent dans le restaurant de l'hôtel, où un employé les installa à une table près de la fenêtre.

Le français écoutait ces hommes et ces femmes discuter avec cette langue étrange et agréable à l'oreille. Il regardait Angelo parler au serveur, qui lui répondit avec politesse, partant à pas rapides. Ils revint quelques instants plus tard avec une bouteille de vin, que Camus regarda avec des yeux brillants. Il préférait le vin au champagne, Angelo semblait avoir bien noté ce détail.

L'ambiance dans le restaurant était calme et somme toute agréable. Camus se sentait étrange à cette ambiance, lui qui n'avait pas l'habitude de dîner dans des endroits pareils, et cette langue étrangère qui chantait à ses oreilles n'arrangeait pas les choses. Angelo semblait plutôt dans son éléments, commandant leurs plats dans un italien, sans doute parfait. Cependant, le jeune homme passa un bon moment, discutant avec l'italien qui semblait plus souriant que d'habitude. Camus ne put s'empêcher de le lui faire remarquer, il pouffa en réponse au regard froid de son amant.

Mais c'était vrai, Angelo se sentait de bonne humeur, malgré ce voyage trop long à son goût. Le déjeuner et même le dîner auxquels ils avaient assisté chez les beaux-parents d'Aphrodite lui avait laissé un mauvais souvenir vu le bruit ambiant, le temps horriblement rallongé et les plats énormes le hantaient encore. Il préférait aller dans un restaurant, bien plus calme à son goût, et ces voix italiennes n'étaient pas désagréables pour ses oreilles. Il était de retour dans son pays, il ne pouvait qu'être de bonne humeur. Camus ne semblait pas mécontent d'être là, lui aussi. À vrai dire, c'était aussi sa présence qui le mettait de bonne humeur.

Plus les jours passaient, et plus Masque de Mort se disait, avec gêne le plus souvent, que Camus lui était indispensable. Il ne sentait plus capable de continuer à vivre s'il n'était plus là. Il sentait que le français en pensait de même, leur complicité se renforçait de jour en jour, lui dire qu'il l'aimait ne le gênait même plus. Si ça pouvait le rassurer, l'empêcher de commettre une autre folie…

Le pied de Camus toucha sa jambe. Angelo sortit de ses pensées. Camus le regardait, amusé.

« Alors, tu rêvasses ?

- Non, je… »

Soudain, il réalisa. Ses yeux s'ouvrirent en grand, il les baissa vers la table. Le pied de Camus touchait sa jambe. Il touchait… sa jambe…

Sa main glissa sous la table, ses doigts enserrèrent la cheville du français. En relevant la tête, Angelo interrogea du regard le français. Qui lui faisait un sourire éclatant. Visiblement amusé par sa réaction. L'italien sourit, l'air de dire « Oh toi, tu perds rien pour attendre », tout en lui jetant un regard empli d'amour.

OoO

Camus était assis en tailleur sur le lit, massant ses jambes comme il avait l'habitude de le faire quand il était tout seul. Ludivine l'avait fait, un temps, mais elle avait vite arrêté, il ne supportait pas ses doigts toujours gelés. Sur les conseils des médecins, ils avaient fait marcher ses articulations, mais Camus avait énormément de mal à les bouger. Avec quelques efforts, il arrivait à lever un peu la jambe, quand il était assis, mais sans plus.

Il n'en avait jamais parlé à Angelo, ce n'était pas quelque chose d'extraordinaire pour lui, il n'était même pas capable de tenir debout tout seul une seule seconde. La veille, il avait simplement voulu sortir l'italien de sa rêverie, et ç'avait plutôt bien marché.

En parlant d'italien, le voilà qui rentrait de son rendez-vous. Il ouvrit de grands yeux en découvrant son amant assis sur le lit, la cheville derrière la tête. Camus éclata de rire et reposa sa jambe sur le matelas. Grognon, Angelo retira ses chaussures et s'assit sur le lit, ébouriffant les longs cheveux de Camus qui souriait, révélant ses dents blanches et bien alignées.

« Depuis quand t'es aussi souple, toi ?

- Depuis toujours. Choqué ?

- Juste étonné.

- Alors, cette réunion ?

- Ça va. Au fait, changement de programme, on part après-demain pour l'Italie.

- Pardon ?

- J'ai un truc urgent à faire.

- Et où allons-nous ?

- À Rome. Si tu crois que ça me plait !

- Du calme ! C'est pas un souci. Fais pas cette tête, on reviendra ici une prochaine fois.

- À quand, la prochaine fois ? J'ai horreur des voyages et j'ai trop de travail.

- J'ai l'impression d'entendre un enfant. T'es vraiment grognon quand tu t'y mets.

- Tu vas voir si je suis grognon ! »

Angelo le poussa sur le lit, le français éclata de rire. Angelo s'installa entre ses jambes et l'embrassa langoureusement, ce qui fit taire ses protestations. Enroulant ses bras autour de son cou, Camus répondit avec langueur au baiser, laissant cette langue chaude et sensuelle se glisser entre ses lèvres et prendre possession de sa bouche. Il sentit son cœur battre plus fort, les souvenirs de ce moment passé dans la chambre d'hôtel lui revint, mais le jeune homme fit taire ces voix et ces sensations désagréables, sentant le corps chaud et musclé d'Angelo allongé sur lui, son odeur masculine, et ce baiser passionné qu'il était le seul à pouvoir lui donner.

Camus sentit ses mains passer sous son pull, son tee-shirt, pour caresser sa peau blanche. Des frissons parcouraient son corps, le baiser s'intensifiait encore plus, si c'était possible, alors que ses doigts se noyaient dans la chevelure indigo de l'italien. Ce dernier ondulait sur Camus, oubliant tout ce qui n'était pas lui, l'embrassant comme si sa vie en dépendait. Il aimait l'embrasser, le caresser de sa langue, le sentir vibrer sous lui par sa sensualité, l'entendre gémir. Il savait que c'était la seule chose qui pouvait lui tirer des gémissements aussi adorables.

Sous lui, Camus s'abandonnait complètement, malgré ses réticences. Angelo les connaissait, ces réticences, il les devinait. Mais il lui ferait oublier. Il lui ferait oublier ces mains sales qui l'avaient parcouru, il lui ferait oublier ces voix qui lui avait blessé les oreilles, il lui ferait oublier leur simple présence, dans son esprit. Il lui ferait tout oublier. Tout.

Les vêtements volèrent, atterrissant sur le sol dans un bruit souple de tissu froissé. Leur peau se caressait, glissant l'une contre l'autre. L'une pâle, l'autre bronzée. Leurs lèvres semblaient soudées, peu inclines à se quitter ne serait-ce qu'une seconde. Leurs mains voyageaient sur le corps de l'autre, qui se recouvrait d'une légère pellicule de sueur, due à la chaleur torride qui régnait dans la pièce et leurs mouvements voluptueux.

Un faible cri s'échappa des lèvres de Camus, quand son amant le pénétra, après l'avoir préparé avec soin. Mais il se détendit, dans le désir de s'offrir entier à cet homme qu'il aimait, qui l'avait sorti de cette vie sordide dans laquelle il vivait depuis deux ans. Emprisonné dans cette antre chaude et étroite, Angelo se sentait perdre pied. Il sentait le français s'abandonner à son étreinte passionnée, à ses mouvements de hanches qui les menait de secondes en secondes vers le septième ciel.

Les ongles de Camus étaient plantés dans ses épaules, ses propres mains calées sur ses hanches. Et il bougeait. D'un mouvement ample et profond à la fois, il allait et venait en lui, écoutant les gémissements de son amants se mêler aux siens, alors qu'il admirait son visage aux joues rougies, ses yeux clos qui devaient briller de ce plaisir qui les envahissaient impitoyablement, navigant dans leurs veines brûlante, partant de leur bassin. De cet endroit intime où ils étaient liés. Où ils ne faisaient plus qu'un.

Un cri. Rauque. Étouffé. Et leurs corps cessèrent de se mouvoir sur les draps défaits. Les yeux de l'italien se fixaient sur le visage magnifique qui leur était présenté, un visage qui reflétait la jouissance intense qui venait de traverser ce corps blanc si beau. Ses lèvres se posèrent sur sa joue rougie, le souffle saccadé du français était audible. Quelques mots furent murmurés à son oreille. Camus en soupira d'autres.

« Ti amo. »

« Ya tyebya Lyublyu. »

OoO

Trente et un décembre. Quand Angelo y pensait, c'était vraiment bizarre. Normalement, aujourd'hui, il devrait être à une réception, dans un quelconque pays du monde, à s'emmerder comme un rat mort, une flûte de champagne ou un verre de whisky à la main. Mais non. En fait, il était là, dans une belle chambre d'hôtel à Rome, en train de se détendre dans une grande baignoire remplie d'eau chaude, Camus assis entre ses jambes.

Comme le temps passait vite. Dans quelques heures, l'année serait finie. Dans quelques jours, cela ferait deux mois qu'ils s'était rencontrés. Et qu'ils vivaient ensemble. En y pensant, Masque de Mort se dit que ça n'avait pas été évident, au début. Mais le résultat en valait la chandelle. Cette vie solitaire, monotone et presque sans saveur, elle était bien loin, maintenant. L'italien se sentait complet. Il se doutait que leur relation resterait secrète, cela ne concernait que leur vie privée. Cependant, avoir Camus auprès de lui, l'avoir lui, c'était amplement suffisant. Et le français pensait de même.

Tant qu'il voudrait de lui, plus jamais Camus ne le quitterait. Leurs voyages se dérouleraient ensemble, ou il lui faudrait une bonne excuse. Angelo n'avait plus autant confiance en lui, plus jamais, il ne voulait que ce qui s'était passé à Paris se reproduise. Plus jamais. Il avait eu trop peur, perdre son amant était une idée qu'il ne pouvait accepter.

Tout s'était arrangé. Comme il l'avait imaginé, Lys en connaissait un paquet sur cette organisation de prostitution dans laquelle Camus avait travaillé, et avec l'aide de ses détectives, il avait trouvé le moyen de les faire couler. Les quatre types dans la chambre d'hôtel allaient être jugés, et Angelo ferait tout pour qu'ils paient le plus possible. Quant à Morris… Il n'en avait parlé à personne. Aurélia avait compris, quand il lui avait téléphoné, en lui disant qu'il avait un rendez-vous important. C'était Lys qui lui avait donné l'emploi du temps de son ancien chauffeur. Cette histoire était finie.

« Angelo ?

- Oui ?

- Tu as reçu un coup de téléphone d'Aphrodite ?

- Oui, ce matin. Il a contacté Aurélia, et il arrivera à Paris dans quelques jours. Elle va les héberger, le temps que leur appartement soit prêt.

- Dis, Angelo… Les autres, tu vas les chercher, aussi ? »

Camus avait les mains posées sur celles d'Angelo, qui enroulait ses bras autour de sa taille. Il le regardait, attendant une réponse, qui mettait du temps à venir.

« Ça va être long.

- Mais tu vas les chercher ?

- Tu tiens à ça, hein ?

- Je veux être sûr qu'ils aillent bien ! Ça n'a pas été mon cas, alors…

- Si ça peut te faire plaisir. On fera des recherches sur eux.

- C'est promis ?

- Si je te le dis ! La confiance règne ! »

Camus pouffa. Deux lèvres se posèrent au creux de son cou, il frissonna. Ils continuèrent à se câliner innocemment, sans arrière pensée, savourant simplement le fait d'être ensemble. Quand ils se décidèrent de sortir de l'eau, Angelo ne put s'empêcher de caresser les jambes de Camus, en pensant que, bientôt, il pourrait remarcher à nouveau. Il lui faudrait encore beaucoup de travail, mais il y arriverait. La blonde étant dans l'incapacité de se déplacer, par ses jambes et évidemment en voiture, il demanderait à Aurélia ou l'autre nana de l'emmener à l'hôpital.

Les deux amants retournèrent dans la chambre, ou plutôt dans la suite. Ils dînèrent dans le restaurant au rez-de-chaussée, puis retournèrent dans leur chambre. Ils n'avaient plus rien à faire en bas, se promener dans les rues ne leurs disaient rien. Ils avaient certes visité la ville, ou plutôt Angelo les avait emmenés un peu partout. Un séjour agréable, en somme.

L'année se termina sous un magnifique feu d'artifice. Des cris, des rires, des applaudissements. Et des baisers. C'est enlacés sur le balcon de la chambre, Angelo portant Camus dans ses bras, qu'ils se souhaitèrent une bonne année. De la santé. De la joie. Et du bonheur.

FIN