Hello à tous !

Mon ordinateur nouveau est arrivé - bon, je n'ai toujours pas récupéré mes données et tout est à placer, mais c'est mieux que rien.

Pardonnez-moi du retard, dus à ces Pégases de Troie - oui, j'ai peut-être décrit Saori de manière trop peu charitable ?

Ce chapitre est donc le dernier de cette fic - mais le plus gros, allez.

Milo et Camus usent leurs dernières heures à Paris de manière peu sage, et Athéna attend ses Chevaliers rebelles de pied très ferme...

Il me reste à vous remercier de votre formidable soutien à tous, sans vous je n'aurais pas continué cette fic aussi longtemps et avec tant de motivation !

Si votre intérêt pour les aventures de tout ce Sanctuaire persiste, je compte m'aventurer avec sadisme et folie dans une suite - plus de problèmes, plus d'amour, plus de lubies de la déesse Athéna !

Dès que j'aurai trouvé un titre convenable ^^

Bonne lecture à tous, et encore d'immenses merci !


Titre: Le Terminal

Couple: Milo x Camus

Disclaimer: Tout à M. Kurumada, Shueisha, Toei. Sauf le titre, film de Steven Spielberg. Ne vous sauvez pas, Milo et Camus, je n'ai pas fini !


Le Terminal

Shaka, incarnation possible de Bouddha, tout bouleversé et surtout courbaturé de sa folle nuit de passion, après laquelle il ne portait plus de Vierge que le nom de son signe astrologique, ouvrit en début d'après-midi des yeux non tournés vers l'introspection méditative, mais enfin vers un extérieur plus intéressant : Mü du Bélier, désormais son amant à part entière, qui après son petit-déjeuner fielleux et le coup de théâtre de la fugue du Scorpion et du Verseau, tuait le temps à observer béatement la Vierge conquise.

Après un échange de baisers et de salutations, Shaka se redressa avec difficulté pour épandre ses fils d'or dans son dos, et parler.

- Mü, pour la première fois je l'admets, uniquement devant toi : tu avais raison et j'avais tort. M'obstiner à reculer devant l'aboutissement charnel de l'union de nos âmes cosmiques était une erreur monumentale.

Avec une grandeur d'âme et une loyauté que tous ses pairs lui reconnaissaient, l'Atlante balaya les scrupules du sixième gardien, malgré une satisfaction certaine de voir Saint Shaka ne plus le prendre de haut et d'écouter ses excuses, excuses qui devaient être les premières de la vie de l'homme le plus proche des dieux.

Il enchaîna avec le nouveau rebondissement de la contre-contre rumeur, à savoir que Milo était passé à l'enlèvement sans demande de rançon – il comptait sans doute se payer directement en nature sur Camus.

Shaka, qui n'arriva point à prendre sa position chérie de lotus pour des raisons bassement physiques, ouvrit davantage ses dangereuses prunelles de ciel d'été, ce qui déclencha un mini séisme – Kiki en vit son verre de lait de chèvre trembler puis tomber de la table en bois brut.

- Ne crois-tu pas que c'est naturel pour un couple de vouloir rester un jour de plus seuls sans Athéna et les mauvaises langues de la Chevalerie ? réfléchit-il avec toute l'empathie récente que lui procurait son statut d'homme désormais humain à part entière.


A Paris, Milo se dandinait expressivement devant une vitrine étincelante, désignant obstinément à Camus quelque chose qui lui irait " comme un gant ".

- C'est comme une bague que ça doit m'aller, grimaçait le Verseau.

- Celle là elle est jolie mon Camus ! Elle est toute discrète, avec des jolis petits cailloux de la même couleur que tes yeux… C'est marqué en plus, " pour homme ".

Le Français sourit avec indulgence, hypnotisé par les étiquettes à plusieurs zéros.

- Les petits cailloux, Milo, ce sont des saphirs véritables.

- Mais c'est encore mieux ! se réjouit l'arachnide qui avait un esprit de cigale.

- Tu es fou. C'est du Cartier, tu vas te ruiner ! Je refuse que…

- Mais elle te plaît ?

- Bien sûr mais… Tu sais, le titane c'est moins cher, style cinquante euros, et l'intention est la même…

Stopper Milo du Scorpion, huitième Chevalier d'Or au service d'Athéna, quand il avait une idée dans sa caboche grecque, était un exploit aussi impossible que de stopper Pégase décidé à sauver Saori, et Camus le suivit donc dans le magasin.

- Je serai juste à découvert pendant quelques jours, se vanta Milo, Athéna nous renfloue avec sa rente mensuelle le premier août.


- … Punition cinq, égrenait au même moment ladite Athéna sous l'approbation de Saga des Gémeaux, coupure de vivres à Milo du Scorpion pendant deux mois…


- Essaye-la, mon Camus, ordonna Milo devant le commerçant, qui arborait le sourire large et flagorneur commun à tous les vendeurs de n'importe quoi, que ce soit des aspirateurs, des polices assurances où des bijoux précieux.

Emporté malgré lui par la vague d'amour et de générosité de Milo, le Français obtempéra, en songeant qu'après tout si cela rendait son petit Scorpion si heureux… et si pauvre, mais bon…

Ravi, frétillant, les gestes princiers – alors qu'il venait de faire basculer son compte en banque dans le rouge -, le Grec demanda un emballage cadeau avant de se raviser et d'exiger que son amoureux n'enfile tout de suite l'objet.

Il venait de reculer le moment d'assortir le présent d'une demande en mariage, et résolut d'attendre le retour en Grèce, une soirée propice et un dîner aux chandelles, le temps de travailler ses arguments matrimoniaux. Face au sibérien Verseau, mieux valait préparer sa thèse pire que le Bac.

- Regarde, Milo, ils ont la même avec d'autres pierres… Tu n'en veux pas une pour toi ? proposa le Maître des Glaces, qui se sentait obligé de rendre folie pécuniaire pour folie pécuniaire.

Milo du Scorpion se montra encore embarrassant en public, sautant au cou de Camus en pleine boutique huppée pour lui renifler dans l'oreille qu'il n'était pas obligé et qu'il l'aimait pour toujours et à en mourir. L'employé toussota, ce qui masquait certainement un rire amusé – le client était roi.

- Vraiment, mon Camus, je peux ?

- J'arrive à garder des économies, moi, signala doucereusement le onzième gold.

Après une comparaison " à la lumière " entre turquoises et aigues-marines avec les yeux céruléens de Milo, les amants terribles tranchèrent en faveur des petites aigues-marines et Camus tendit sa carte Visa – lui ne tomba pas dans le rouge, seulement dans la zone dangereuse et floue de l'orange.

Milo, enfoncé dans un nuage aussi rose qu'une robe à fanfreluches de Saori, remarqua à peine qu'il était guidé fermement par sa moitié vers " l'Hôtel de la Sorbonne ". Camus aurait pu l'emmener au Louvre, aux Folies Bergères ou le pousser dans la Seine du Pont Neuf qu'il n'aurait pas vu la différence.

- Milo, réveille-toi, lui intima gentiment le Français, qui avait philosophé tout le trajet sur l'influence étrange des objets inanimés sur les êtres animés.

Naïf pour certaines choses malgré son QI imposant, le Verseau ne se doutait point qu'il venait d'être victime d'un rituel complexe de pré-demande en mariage


Au Sanctuaire, Athéna, une fois terminées ses écritures punitives, fit essai de sondage de cosmos scorpionnesque, mais en vain.

Celui du Verseau restait lui aussi muet, et la déesse tapa très enfantinement du pied en réclamant un goûter sucré pour adoucir son humeur salée.


Au Temple du Verseau, les organisateurs de la fête destinée à accueillir les pigeons roucoulants en titre de la Chevalerie râlaient, surtout qu'avec moins de camaraderie ils attendaient de les épier sans relâche pour vérifier la contre-contre rumeur en décortiquant chacun de leurs gestes de manière la plus négative possible.

- Tout ce boulot pour rien, se désespéra Kanon alors qu'on ne lui avait pas demandé de bouleverser le salon du onzième gardien pour y implanter une discothèque en kit.

- Ce n'est que partie remise de vingt-quatre heures, positiva Shaina de l'Ophiucius.

- Et cela nous donnera l'occasion d'acheter d'autres bouteilles d'alcool à Athènes en attendant d'obliger Mister Banquise à nous ouvrir sa cave, termina DeathMask.

- " A toute chose, malheur est bon. ", cita l'ex-Vieux Maître, que personne n'écouta.


A l'hôtel, Camus apprit la mauvaise nouvelle – enfin, une de plus dirons-nous.

Le lendemain vers seize heures, la chambre ne serait plus libre, et ils devraient rejouer aux chaises musicales pour trouver un nouveau toit provisoire.

- Bah, fit Milo, qui était sorti de son état pathologiquement cotonneux, à la télé ils ont dit qu'après-demain il y avait des avions !

- Après-demain ? soupira Camus, qui n'était toutefois pas empressé de retrouver sa divine Athéna, la donzelle devant être hystériquement furieuse de la dérobade insolente du Scorpion. Bon, je vais téléphoner pour avoir plus de précisions.

Allongé sur le lit moins grand et moins confortable que celui du quatre étoiles, mais fort convenable tout de même, Milo ne fit pas l'effort d'écouter la voix française et rapide de Camus, tout occupé à mirer sa bague dans le soleil couchant.

Finalement, songeait le huitième gold, avec un être si fermé que le Verseau, on pouvait considérer qu'une offre mutuelle de bagues était un succès phénoménal, même si Camus ne l'avait pas pris comme un gage de fiançailles officielles.

Il lui en offrirait une autre pour lui faire sa demande, encore plus belle et plus chère, décida Milo, être à qui seraient profitables des cours sur le surendettement.

- Milo !

- Hein ? revint à la réalité le Grec.

- Nous pouvons prendre un avion après-demain, celui de six heures trente du matin. Ce qui nous laisse une nuit à trouver un lieu ou dormir. Je vais chercher avant le dîner.

- Okay. On va en boîte ce soir ? Je veux tout savoir de Paris !

- Si tu veux, agréa Camus, rendu malgré lui conciliant par le cadeau romanesque.

- Ouaaaais !


Seiya de Pégase avait vécu une journée pénible : sa Saori chérie avait passé l'après-midi enfermée en compagnie de Saga, dans sa chambre – outrage suprême ! -, et Miho lui avait couru après, car si la Japonaise avait compris enfin que Seiya aimait Athéna, elle ne comptait pas se laisser évincer facilement.

Le bourricot avait donc passé les heures après le déjeuner à fuir dans tout le Sanctuaire, manquant de peu dans son empressement de dégringoler d'une falaise ouvrant droit sur la mer.

Ensuite, le héros des guerres saintes avait cru l'embellie venue avec le repas du soir – les repas avaient en général un effet extraordinairement calmant sur le cerveau reptilien de sa fiancée -, mais il avait retrouvé une Saori encore furieuse, donc capricieuse, donc difficile, voir impossible à contenter.

Seiya fut patient, et s'endormit sagement dans le lit de la déesse, ladite déesse tournant encore en rond à plus de minuit en déshabillé de satin blanc et mules assorties, avec profération de jurons japonais à la clé.

Milo et Camus payeraient, se promit-elle.


A Paris, les objets de son courroux olympien avaient dîné assez inquiets, car ils n'avaient pas trouvé d'hôtel. Cela pouvait paraître extraordinaire vu le nombre d'établissements à deux étoiles dans la capitale de la France, mais les amoureux se trouvaient à une période charnière et peu propice : celle de la fin juillet au début août, période pendant laquelle juilletistes revenaient à leurs pénates et aoûtiens partaient, se croisant dans une migration remplissant les hôtels.

Camus proposa, en désespoir de cause, qu'ils patientent la nuit dans la salle d'attente de l'aéroport avec leurs bagages – au moins, ils seraient sûrs de ne pas être en retard pour prendre leur avion. Milo, qui aimait les situations de camping aléatoires, fut ravi, plus que l'organisé Français, qui envisageait sans plaisir de se coltiner leurs sacs toute la fin de journée et de se débarbouiller dans des toilettes de Roissy-Charles de Gaulle.

- J'ai trouvé une boîte sur Internet, chouchou, se régala à assener Milo entre le poulet de Bresse et la crème brûlée. C'est un truc prometteur, ça s'appelle " Folie's Pigalle ", d'ailleurs c'est Place Pigalle – il ricana de cette blague à deux euros – et tu sais comment y aller, chouchou ?

- C'est dans le neuvième, émit avec résignation le onzième gardien. Pas la porte à côté, on va prendre le métro. Mais si on y va, tu mets ta jalousie de côté, hein. Parce que Paris by night, il y aura des dragueurs qui traîneront.

- Je serai raisonnable, promit avec utopie l'arachnide.


Vers vingt-trois heures trente, un Milo surexcité, revêtu d'un de ses jeans ultra-troués fétiches, d'un débardeur noir avec une tête de mort blanche ricanante, et d'une veste de cuir sans manches assortie de bracelets cloutés, traînait après lui un Camus nettement moins enthousiaste, qui avait un look plus discret en chemise blanche négligemment flottante sur le fameux pantalon de cuir noir qu'Aphrodite des Poissons avait placé au sommet des critères de l'élégance sexy.

Le Scorpion avait failli s'étrangler tant un rien habillait son homme, avant de résister à la tentation de garder le Verseau pour lui seul dans leur chambre deux étoiles.

Tout au long des couloirs du métro parisien, leur couple donna l'impression d'un mauvais garçon dévergondant un premier communiant, surtout que Milo jouait avec art le loubard chef de zone, roulant des mécaniques avec l'attitude type du Phénix revanchard et psychopathe incendiaire.

- Milo, chuchota Camus, gêné de voir les gens s'écarter avec prudence, coups d'œil craintifs et méfiance d'eux, pourrais-tu essayer de paraître un touriste normal et pas un assassin en congé pénitentiaire ?

- Chouchou, roucoula le huitième gardien, ainsi aucun voyou ne se frottera à nous. Et tous les dragueurs seront avertis que tu m'appartiens.

- Je n'appartiens à personne, Milo du Scorpion, grinça le Verseau tandis qu'ils piétinaient en attendant de se délester de vingt euros chacun à l'entrée de la boîte.

- D'accord, s'excusa Milo. C'est une façon stupide de parler.

Le Grec mentait outrageusement bien.


Plus tard, Camus devait se souvenir de la nuit comme d'un interminable trip coloré et épuisant.

Les boissons au prix surfait, ce qui n'empêcha point le Scorpion d'aggraver ses dettes en buvant verre sur verre.

Les trémoussements idiots au milieu du bruit et de la chaleur infernales – il faillit se trouver mal trois fois, au grand dam de son amant qui n'eut toutefois pas l'idée élémentaire d'abréger sa sortie et d'emmener le Verseau à l'air libre.

Le fait de gérer la jalousie obsessionnelle du Grec, car avec son visage d'ange, son corps alléchant et son air sage, Camus put gonfler son ego réduit en attirant les dragueurs tel Seiya de Pégase attirant les demoiselles.

Très sexy et beau dans un autre genre, Milo reçut moins de propositions parce qu'il arborait sa mine la plus travaillée d'assassin pour que personne n'ose se frotter à lui – tous sens confondus.

Vers les trois heures du matin, Camus s'affala épuisé sur une chaise comme un spaghetti mou collé au fond d'une casserole, écarquillant des prunelles effarées car Milo avait craqué et avait déclenché une bagarre générale en provoquant insolemment un éphèbe baraqué, qui avait eu l'audace et le tort de tripoter Camus pour lui faire de peu discrètes avances.

" Impossible qu'un Chevalier comme Milo reste sans se battre même en vacances " songea le Français dépité, suivant son compagnon qui venait d'être éjecté sur le trottoir par le service de sécurité.

Les boucles en désordre et l'œil vif, sans aucune blessure – ce qui n'était pas le cas de ses adversaires -, le Scorpion ivre et hilare sourit à Camus de manière irrésistible.

- T'as vu chouchou, j'ai défendu ta vertu envers et contre tous !

Le Verseau répondit par un rictus crispé à cette énormité. Il se sentait un peu… flottant, et Milo en profita pour l'emmener dans une petite rue très obscure et le plaquer sous une porte-cochère – un chat roux tigré sauta d'une poubelle éventrée en miaulant de protestation devant l'envahissement de son territoire.

- T'as les pupilles dilatées, Camus… constata avec surprise le Scorpion.

- Dix contre un qu'un petit malin a drogué les boissons. Ça arrive, en discothèque. Je me sens tout drôle. Tes yeux sont aussi bizarres. Ne redeviens pas schizo surtout !

- Mes yeux vont juste t'hypnotiser, mon Camus d'amour…

- C'est déjà fait depuis longtemps…

Transporté par l'amour, les produits stupéfiants indéfinis et l'alcool, le Grec colla davantage son petit ami contre le mur, pour glisser ses mains sous sa chemise avec des intentions précises et inavouables. Milo tentait le fantasme " sous une porte cochère dans une ruelle sombre de Paris ".

Camus eut beau protester qu'il ne ferait pas " ça " en plein air, dans une ruelle peut-être fréquentée… d'accord, elle était noire et ils étaient cachés de façon propice mais… Milo bâillonna de baisers torrides la bouche et les scrupules de son glaçon opportunément shooté à " il ne savait pas quoi mais c'est cool ".

Il tenait à conclure son séjour à Paris audacieusement.


Dans sa chambre du Temple des Gémeaux, Saga poussa un cri de chouette : pendant un bref instant, le cosmos de son cher Camus avait réapparu, mélangé de façon odieuse à celui de Milo. L'ex-Grand Pope et nouveau Petit Pope n'eut pas le temps de l'accrocher, car le couple qui lui donnait des cheveux gris s'était à nouveau soustrait de la circulation, et Saga tapa sur son oreiller de rage.

Méditatif, plissant ses yeux verts, il n'hésita point à réveiller mentalement Shion, pour lui faire part de l'évènement capital. Y avait-il une explication ?

Sous le rire phénoménal de Dokho, l'Atlante maugréa que c'était normal : deux Chevaliers en train de cabrioler perdaient parfois leur concentration au moment final, fissurant leurs barrières et laissant filtrer leurs cosmos à l'unisson. Et il aimerait bien que son nouvel assistant – il appuya sur le terme avec une pointe de venin – s'abstienne de le réveiller à trois heures du matin pour de pareilles stupidités.

Saga, hargneux, eut du mal à retrouver son sommeil.


Vers quatorze heures trois minutes, le premier août, Milo du Scorpion ouvrit des paupières pesantes qui se refermèrent sous la lumière. Poussant un grognement qui tenait à la fois de l'estomac d'un Seiya affamé et des loups de Fenrir d'Alioth, Guerrier Divin d'Epsilon, il se rendit compte qu'il s'était endormi tout habillé et en travers du lit.

Remuant avec difficultés, sa bouche sèche et son crâne douloureux, Milo accomplit son petit rituel de grattage de chevelure et se remit dans la bonne position, couvant du regard son homme encore endormi en caleçon et chemise blanche froissée.

Après avoir été aux toilettes et bu trois verres d'eau froide d'affilée, le Scorpion se précipita au geignement pitoyable du Maître des Glaces comme personne ne l'avait jamais vu : souffrant de gueule de bois et d'effets secondaires de drogues douces.

- Mon Camus ! T'as bien dormi ?

- Malade… marmotta le Verseau, dont Milo scruta avec inquiétude le teint blafard, voir jaunâtre, et les yeux cernés.

- Tu veux de l'eau mon cœur ?

- Non. Comment… on est revenus ici ?

- Ben, par le métro du matin mon ange. Tu te rappelles pas ?

- Non. Juste… de la porte-cochère, fit Camus, passant du jaune citron au rouge géranium à ce souvenir honteux mais délicieux en même temps.

- C'est le principal, gouailla Milo. Tu vois que j'ai quand même le sens de l'orientation, j'ai réussi à te ramener…

- Je vais prendre une douche, je suis horriblement sale…

A peine eut-il posé un pied incertain au sol que l'infortuné Verseau verdit, une main sur sa bouche et se jeta dans la salle de bains, histoire de poursuivre son histoire d'amour avec les toilettes dans lesquelles vomir.

Entre deux régurgitations, le onzième gardien eut l'impression d'avoir largement rattrapé en moins de deux semaines toutes les conneries d'adolescence que son devoir de Chevalier l'avait empêché de commettre.

- Mon pauvre amour ! brailla Milo, qui découvrait que Camus ne tenait pas grand-chose : ni l'alcool, ni la drogue, ni le sexe.

- Glurps.

- Ça va ? hurla le Scorpion à qui les gargouillements auraient du fournir une réponse évidente.

- T'as déjà essayé de vomir avec des côtes mal ressoudées ? lui répondit la tonalité faible mais ironique de son cher et tendre. Et bien ça fait super mal.

- Bande de salauds de Parisiens, râla le Grec en s'habillant de propre sur son corps sale. Droguer des boissons aussi sournoisement ! Il n'y a plus de jeunesse !

Le bruit de la douche lui répondit, et après un laps de temps convenable le Verseau reparut dans un piètre état. Sans le faire exprès et par un concours de circonstances défavorables, Milo aurait l'air de ramener en Grèce un homme effectivement malmené.

- Tu veux manger un truc ? proposa l'arachnide aux petits soins pour la victime de sa virée nocturne.

- Beurk. Non, merci. Mais tu aurais du jus d'oranges ?

- Oui, oui, s'empressa Milo, et Camus but en assortissant le liquide de comprimés contre le mal de tête.

- Rah, ça va mieux.

- N'empêche, chouchou, ça nous fera des souvenirs, hein ?

- C'est le moins que l'on puisse dire… Tu n'as pas intérêt à raconter ça à qui que ce soit, Milo du Scorpion !

- Sûr que ça écornerait l'image de Sainte Vierge que Hyoga a de toi !

- Très drôle, se vexa le Français. Et toi, ça va ? Pas de troubles mentaux ?

- Non, se surprit le Grec, fanfaron. Ça ne devait pas être le même genre de drogue.

- Heureusement. Pfff, dire que dans une heure on doit traîner nos sacs jusqu'à demain matin…

- Si tu n'avais pas acheté autant de livres, aussi, épingla le Scorpion.

- Je ne pouvais pas deviner !


- Hyoga !

L'oiseau blanc se retourna avant de sourire non aux anges, mais à une résurgence d'Hadès : Shun habillé de son pantalon de cuir noir, assorti à un débardeur tout aussi sombre.

Ikki lui courait après depuis le matin pour forcer Andromède à se rhabiller moins sexy, style son éternel pantalon blanc à bretelles bon pour la maternelle, et Shun s'était régalé à profiter de la complicité d'Aphrodite pour lui échapper.

- Oh, Shun ! lança le Cygne d'une tonalité toute chargée de sentiments doux.

Sondant simultanément les environs, des yeux et du cosmos, les amoureux tombèrent avidement dans les bras l'un de l'autre.

- Tu me manques, Hyoga ! soupira Andromède, qui voyait son espace vital rétréci par un Phénix volant obstinément en un cercle dont le centre était son petit frère.

- Toi aussi, Shun, rougit le Russe.

- Je viens du Temple des Poissons. Aphrodite m'a dit que tout était prêt chez ton maître pour une méga-fête. Crois-tu que ce soir nous pourrons nous voir là-bas quand même ?

- Je crois que mon maître et Milo ne rentrerons que demain. J'ai regardé la télé française, et ils parlaient d'avions demain matin.

- Je suis sûr que Milo n'a pas kidnappé Camus, réfléchit le benjamin, passant et repassant sa blanche main dans les mèches blondes du Cygne.

- Maître Camus s'est laissé convaincre par Milo de désobéir à Athéna, oui, supputa Hyoga avec une certaine intelligence.

- Ils ont bien raison, se rebella le Chevalier Andromède. Saori leur a déjà gâché une semaine de vacances… Mais assez parlé des aînés, pensons à nous !

Une crique secrète accueillit les adolescents tout l'après-midi, leur cosmos caché sous l'idée de Hyoga acharné à copier son professeur.


Vers les vingt heures, Camus et Milo, chargés chacun d'un sac à dos et d'un sac de voyage, échouèrent dans un petit restaurant près du Châtelet, décidés à y prolonger leur dîner le plus longtemps possible.

Les négociations au sujet de leurs bagages avaient été âpres, et avaient une fois de plus failli virer à la dispute : Milo voulant se charger des livres pour épargner les côtes blessées de Camus, et Camus, vexé, protestant encore que Milo n'avait pas à chouchouter un Chevalier d'Or comme une faible créature. Le Scorpion ne comprendrait-il jamais ? Un compromis fut trouvé, Milo prenant la moitié des livres et Camus l'autre, sauvant de justesse les ouvrages anciens d'un côtoiement risqué avec les chaussettes sales de son petit ami.

- Comment on va à l'aéroport ? interrogea le Grec entre deux goulées de vin.

- On prend le RER Ligne B à la gare Châtelet-Les Halles. Le trajet doit durer environ une heure…

- Pfff. Une heure de gagnée. Et puis, on dort sur une banquette du terminal en attendant le lendemain ?

- Exactement.

- Je trouve ça marrant, sourit le Scorpion d'esprit aventureux, offrant généreusement le petit chocolat accompagnant son café à son compagnon.

Pour des raisons de confort et de tranquillité, le Verseau trouvait ça moins drôle.


Après une heure de RER, où Milo bavarda sans arrêt à la façon d'un perroquet privé de public depuis longtemps, les deux Chevaliers élevés dans des colonnes effondrées et des Temples en ruine se retrouvèrent dans le labyrinthe moderne de Roissy-Charles de Gaulle, le nez sur un plan qui les renseignaient immédiatement comme touristes lambda.

Milo tendit un doigt impérieux sur le terminal 2C, et ils s'effondrèrent sur une rangée de sièges peu confortables, se préparant à passer leur dernière nuit sans Athéna de façon lugubre.

- Tiens, chouchou, s'empressa le huitième gold, installe-toi bien…

Milo encaissa un coup d'œil de congélateur, mais au bout de deux heures à écouter le papotage intarissable de son Scorpion de petit copain, le Français s'engourdit insensiblement, et se laissa avec reconnaissance installer la tête douloureuse sur les genoux de son amant, qui avait posé sa veste en petit coussin confortable.

- Il est une heure du matin, et nous allons revoir Athéna, se plaignit le Maître des Glaces. J'ai peur pour toi, tu vas te faire tuer par son côté de princesse capricieuse…

- Je n'ai peur de rien tant que tu es avec moi ! proféra doctement le Grec, copiant une réplique originale de film quelconque à l'eau de rose.

- Hum…

- On verra ! Repose-toi, chouchou…

Milo s'endormit beaucoup plus tard, tuant le temps à admirer encore sa bague. Il ne comptait d'ailleurs pas s'assoupir, ayant dans l'idée primitive et machiste de guetter les loups – dans ce cas les voyous - tel l'homme des cavernes entretenant un feu toute la nuit pour protéger femme et enfants.


L'aube réveilla une certaine activité, et donc Milo, qui sursauta. Il avait dormi assis, et son cou tordu se remit en place avec un craquement sinistre.

- Ouille.

Camus se redressa un peu à son tour, mais lui ce furent ses côtes mal ressoudées qui craquèrent. Cette façon " camping " de dormir n'avait rien arrangé à l'erreur médicale de Saori, réincarnation peu talentueuse d'Athéna.

Le Verseau constata avec soulagement qu'ils n'étaient pas en retard, avant de s'apercevoir que Milo était tout froid contre lui, s'étant dépouillé de son sweat-shirt gris souris pour l'en recouvrir.

- T'es irrécupérable, Milo, soupira le Français résigné, offrant un bisou du matin au Scorpion frissonnant pour contredire ses paroles rudes.

- Je t'aime, c'est tout, piaula l'attentionné petit ami.

- Remets-le, tu vas attraper froid dans ces grands espaces… Tu t'enrhumes si vite…

- Oui, obtempéra le Grec frigorifié.

Les amoureux allèrent ensuite aux toilettes, Camus réussissant le tour de force de trouver sa brosse à dents et du dentifrice à la fraise, et refusant de la prêter au Scorpion qui ne trouvait pas la sienne. Milo, dont le nez commençait à couler, ronchonna sur l'avarice aseptisée de son petit copain, réclama qu'il voulait de la fraise aussi avant d'engloutir deux chewing-gums " nettoyant les dents " à la fois.

" Les passagers du Vol d'Air France AF1532 pour Athènes sont priés de se présenter à la porte d'embarquement… terminal 2D " ronronna à leur sortie une voix impersonnelle et suave.

- Mais… s'étonna le onzième gardien, le nez levé vers le panneau.

- Mais quoi mon Camus ?

- Mais tu t'es trompé ! Nous ne sommes pas au bon terminal ! C'est 2C ici !

- Mais… Qu'est-ce qu'on fait ? s'affola le Scorpion, tétanisé.

- On court, abruti ! A moins que tu ne veuilles que nos bagages arrivent sans nous dans les bras de cette chère Athéna ?

- Pas vraiment…

Suivant le trot rapide, élégant, énervé de l'homme de sa vie, Milo leva les yeux au plafond de l'aéroport, tout en haussant des épaules résignées : la fatalité, voilà tout !


Athéna commença sa journée en surfant activement sur " aéroports de Paris point Fr."

Si Saori se croisait en général les bras en observant les employés de sa Fondation chercher ce qu'elle voulait dans son temple de la technologie de pointe, aboyant des ordres contradictoires et peu gracieux, la Japonaise savait en fait très bien se débrouiller elle-même dans l'informatique, surtout quand le but était de fouiner indiscrètement pour obtenir des informations qui ne la regardait pas.

Le but de l'opération était ici de noter les heures des vols de la matinée Paris/Athènes, histoire d'aller cueillir le kidnappeur et son otage à la sortie de leur avion de retour en Grèce.

- Seiya, s'écria-t-elle, soit prêt pour neuf heures et demie, nous partons à Athènes en limousine !

- Je serai prêt, ma Saori ! assura la voix ensommeillée du canasson dormant.

Un ordre mental à son nouveau Petit Pope plus tard, la divinité s'engouffra dans la salle de bains pour commencer à s'attifer.

- Je vous attends de pied ferme, mes Chevaliers, promit-elle à son reflet en robe de chambre à petites fleurs.

- Oui, nous les attendons de pied ferme ! fit écho Pégase de la chambre.


Vers les dix heures quarante-trois, deux Chevaliers aussi en forme que des bactéries agonisantes franchirent le seuil de l'Aéroport d'Athènes Eleftherios Venizelos, subissant une chaleur de four qui tomba sur eux comme une chape de béton. Cela n'empêchait pas Milo d'éternuer régulièrement, et Camus, soucieux, lui tendit un paquet de mouchoirs en papier.

Vers dix heures quarante-neuf, alors que le Français cherchait des yeux un taxi qui les véhiculerait pendant les vingt-sept kilomètres entre Spata et le cœur d'Athènes, et que Milo se mouchait bruyamment tout retrouvant avec plaisir sa langue maternelle, un coup de klaxon retentit.

Les deux voyageurs laissèrent tomber leurs sacs avec un ensemble parfait.

Devant une longue limousine noire, Saori Kido, réincarnation d'Athéna, toute pimpante en ondulante petite robe bordeaux et chapeau assorti, agitait une main gantée et amicale et avec l'autre brandissait une ombrelle couleur crème destinée à protéger son précieux cerveau d'un coup de soleil trop lourd de conséquences.

- Youhou, mes Chevaliers ! s'écria la demoiselle, parvenant dans son cri aigu à conserver toute la distinction convenant à une héritière et une déesse vierge.

Mécaniquement, dressés dès l'enfance à suivre leur divine patronne sans se poser de questions, le rescapés s'avancèrent à découvert.

Milo éternua violemment de contrariété à mi-chemin, car derrière Saori, avait jailli Saga, très élégant en costume trois pièces blanc et chemise jaune poussin, cravaté et rasé de frais, tout exhalant de menthol. Le premier jumeau prenait ses nouveaux devoirs de Petit Pope très au sérieux, suivant désormais en courtisan Saori dans ses visites de charité inexistantes et ses évènements mondains nombreux pour la soutenir de sa maturité flamboyante et de son sens tortueux de l'organisation.

- Camus, dans quel état es-tu ! lança d'entrée de jeu le Gémeaux inquiet.

- Hello, les copains !

Pour compléter un tableau déjà chargé, Seiya de Pégase venait de surgir en s'ébrouant tel le chien ankylosé d'un trop long trajet en voiture. Milo et Camus se consolèrent en constatant qu'au moins, le sourire de niais du canasson était franc et exempt de toute intention malveillante.

- Bien, fit cauteleusement Athéna, en donnant son ombrelle à son petit ami pour poser ses mains gantées sur les bras hâlés de ses ouailles dorées. Je crois que nous avons beaucoup de choses à nous dire… d'explications à donner…

- Déesse Athéna, Milo ne… commença le Verseau.

- Silence, Camus. Ta déesse parle ! plastronna la jeune fille. Je reconnais ton statut de victime, ne te soucie point de cela.

- J'étais d'accord ! avoua audacieusement le Français, foudroyant le groupe d'accueil de son plus froid regard.

- Très bien, fit simplement l'adolescente. Le plus urgent est de retrouver notre Sanctuaire, et nous aviserons ensuite des mesures à prendre. N'est-ce pas Saga ?

- Oui, Athéna, je suis à vos ordres, flatta le troisième gardien désormais à temps partiel.

- Et toi, Pégasounet ?

- J'ai super faim, ma Saori, signala le bourricot à sa fiancée, sans se soucier de sa question réelle.

- Oh ! Nous allons partir, cher Seiya ! s'empressa Athéna, pour qui l'estomac glouton de son fiancé et futur co-directeur du Sanctuaire primait sur tout devoir.

- Tout le monde vous attend, renseigna le Gémeaux.

Les infortunés tourtereaux n'en doutaient point.

Athéna les guida jusqu'à la limousine, son sourire promettant les pires punitions, et les vacanciers malchanceux s'engouffrèrent dans l'habitacle luxueux, pas vraiment reposés de leurs congés et persuadés que la rentrée au Sanctuaire leur réservait la pire des épreuves finale à endurer…


FIN ( Jusqu'à la suite... )