Note de l'auteure: Alors oui. Voilà. La fin. Je n'y croyais plus. Vous non plus je pense. C'est à vrai dire la quatrième version de la fin. Et j'appellerai plutôt ça un épilogue. Pas beaucoup de dialogues, pas d'action du tout. Mais cela fait tellement longtemps que j'avais peur qu'en impliquant des dialogues, je dénature totalement les caractères des personnages que j'avais mis en place.
Mon écriture a beaucoup changé en deux ans. Je m'en excuse. Merci à tout le monde. Merci du fond du cœur, de m'avoir suivie, de tout. Je crois que j'aurai abandonné l'écriture si, il y a deux ans, vous ne m'aviez pas tous apportée un soutien énorme pour cette histoire, la première que j'ai jamais partagé.

Récapitulatif: Susan, Peter, Edmund et Lucy, avec l'aide de Caspian et de Leya, la nymphe qui fut le premier amour de Peter au temps des Grands Rois et Reines de Narnia, ont finalement vaincu l'elfe aux idées révolutionnaires qui menaçaient de mettre Narnia à sac à cause de sa soif de pouvoir.
Mais Aslan ne peut permettre que les Pevensie restent à Narnia, il en va de leur sécurité et de leur santé. Ils s'apprêtent à leur annoncer ce que certains soupçonnent déjà. Mais tous sans exception attendent son arrivée, chacun du mieux qu'il peut.

Bonne lecture!


Lucy courait. Courait le plus vite possible. Courait pour rejoindre Cair Paravel le plus vite possible. Elle l'avait senti. Aslan est là. Aslan était revenu. Tout serait fini d'ici peu. D'ici quelques heures, tout au plus; elle le sentait.

La fin. Elle ne savait pas si elle était capable de l'accepter. Si elle allait parvenir à la surmonter. Elle l'avait déjà fait une fois, mais cela lui semblait tellement loin. Plus loin, trop loin. Elle aurait aimé que le temps s'arrête. Mais elle savait très bien qu'il s'agissait là de chimères infantiles.

Aslan… que va-t-il arriver maintenant?

Elle courait pour rejoindre Cair Paraval et obtenir une réponse à cette question qui la rongeait de l'intérieur.


Edmund avait passé sa main par-dessus la rambarde de son balcon royal. Blanc ivoire. Couleur de la rambarde, couleur de sa chambre, couleur de la vie au moment où il regardait autour de lui. Et maintenant? Et maintenant? Il fixait avec une immobilité sereine totalement feinte les nuages qui passaient, loin, loin au dessus de lui.

Parfois, à intervalles irréguliers, le vent le frappait, avec une force non négligeable. Mais il ne bougeait pas de son immobilité sereine feinte. Il fallait toujours préserver les apparences. Du balcon, il voyait une effervescence anormale dans la cour. Les servants et les messagers couraient partout, apparemment sans but aucun. Il comprit. Il n'y avait pas besoin de beaucoup réfléchir. Aslan était là.

Et le sort de sa fratrie ne tarderait pas à être décidé. Il fixa avec une immobilité sereine totalement feinte l'agitation en contrebas. Il se demanda s'il allait parvenir à la garder, face à Aslan, lorsque celui-ci leur annoncerait ce qu'il allait advenir d'eux maintenant. Ce qu'il allait advenir des Pevensies.


Souffles et soupirs. Extases et envies. Mains vagabondes et baisers évasifs. Lorsque son instinct avertit Peter qu'Aslan était de retour, il n'y fit même pas attention. Il connaissait déjà la décision d'Aslan, il ne fallait vraiment pas être un génie pour la deviner. Il devrait partir. Rentrer chez eux. England.

Alors pour le peu de temps qu'il lui restait à passer dans son royaume, il ne demandait qu'une seule et unique chose: pouvoir goûter, une dernière fois et sans retenue, le grain de peau de Leya. Et parce que c'était la première et dernière fois entre eux, il ne put s'empêcher de lâcher une larme silencieuse sur son épaule, lorsqu'à demi-mots et à demi-souffle, elle murmura à son oreille "Je t'aime".


Susan et Caspian virent apparaître les premiers Aslan. Seuls dans les jardins royaux, ils se contentaient de la présence l'un de l'autre. Susan n'avait jamais eu une vision particulièrement mièvre de l'amour, mais il était vrai que la seule présence de Caspian la faisait se sentir mieux. Après tout ce qu'ils avaient traversé, elle savait également que ce sentiment de calme était mérité.

Ils s'étaient mis d'accord. Avaient tout décidé avant même qu'Aslan n'apparaisse. Susan ne s'était faite aucune illusion: aucun deus ex machina pour eux. Ils devraient retourner en Angleterre, et Caspian devrait continuer à gouverner Narnia, garder le royaume tel qu'il était: un havre de paix et de bonheur pour les créatures magiques. C'étaient leurs destins.

Elle n'aimait pas la fatalité. Elle n'aimait pas l'idée d'une destinée toute tracée. Elle n'aimait pas cette impression que des fils étaient tirés, quelque part, loin d'elle et loin de ce monde, qui décidaient au préalable de sa vie, de ses mouvements et de ses décisions. Mais elle savait que pour Narnia, elle ferait ce qu'il faudrait: accepter l'inéluctable. Elle en aurait pleuré de frustration si elle n'avait pas appris qu'en tant que Reine de Narnia, elle devait savoir se sacrifier pour une cause plus grande. Plus juste.

Mais pas plus importante.

Parce qu'elle avait aussi appris que rien n'était plus important que l'amour qu'elle ressentait pour Caspian. Mièvre. Oui. Peut-être. Mais elle doutait qu'elle ait réussi à accomplir la moitié de ses prouesses lors de ses deux derniers passages à Narnia s'il n'y avait pas eu cet amour pour Caspian, qui l'avait poussé à détruire des montagnes et tuer des elfes. Ce qui revenait à peu près à la même chose, côté dépense d'énergie, songea-t-elle.

Ils avaient donc décidé que ce serait sans larmes que Susan retournerait dans son monde, là où elle n'oublierait jamais Caspian, leur amour et son royaume. Et il avait également été décidé – et ce choix, Susan l'avait fait avec du baume au cœur et une joie étrangement perfide – que Caspian épouserait Séléné. Il l'aimait aussi et c'était certainement la meilleure personne pour lui. Celle qui le rendrait heureux, d'après Susan. Et c'était une femme en qui elle avait confiance.

Elle avait donc également appris à aimer ce qui rendait heureux les gens qu'elle aimait. C'était là, aussi, peut-être, un grand pas dans sa vie.

Pourquoi toutes ses pensées, à cet instant précis, ressemblaient-elles aux pages rancies et moisies de l'épilogue d'un bouquin quelconque? Non. Se dit-elle. Cela ressemblait tout simplement à la fin de l'âge de rêve de Narnia.

Susan et Caspian étaient assis sur un banc des jardins royaux, pas très loin de l'endroit de leur second baiser. Du bout des lèvres, elle en posa un autre (maintenant, elle avait perdu le compte des baisers) sur les lèvres de Caspian. Quelque part dans le fond de son regard, elle distingua avec une acuité presque surnaturelle les larmes qu'il retenait. Elle attira alors son visage à lui vers sa poitrine. Automatiquement, il passa ses bras autour de sa taille. Un autre baiser sur le haut de sa tête, à travers ses cheveux.

Ses larmes à elle ravageaient à ce moment là son âme, son esprit et son cœur, mais ses joues restèrent étrangement immaculées. Dernière image d'une beauté à son apothéose.


Aslan, sous sa forme de Lion, apparut face à elle et Caspian accompagné d'un majestueux loup au pelage d'un noir ébène. Aucun des deux ne cilla.

"Je suis ravi de te revoir Susan." Commença Aslan. "Roi Caspian." Salua-t-il ensuite le jeune homme à ses côtés.

"Et c'est pour moi un grand honneur de vous rencontrer, Reine Susan la Douce." Le loup s'approcha d'elle et inclina son museau jusqu'à toucher le genou de la jeune femme qui s'était mise debout à leur apparition. Il fit de même avec Caspian.

"Lucy est en route. Quant à Edmund, il descend les escaliers du palais en ce moment même. Et Peter…" Un sourire s'étira sur les babines du grand lion. "Peter nous fera l'honneur de sa présence lorsqu'il le jugera bon."

Edmund et Lucy arrivèrent. Ce fut des larmes dans les yeux que la cadette enfouit son visage dans la crinière d'Aslan. Edmund se contenta de se placer aux côtés de sa grande sœur, leurs bras se frôlant. Immobilité sereine feinte; Susan le connaissait, Susan le savait, alors elle passa un bras rassurant autour de l'épaule de son petit frère. Elle pouvait au moins faire ça, à défaut d'être un rempart assez solide contre le destin qui courait furieusement vers eux, sous la forme d'un lion et d'un loup.

Lucy accapara ensuite le second bras de Susan. Et Caspian regarda son aimée. Il le savait, il l'avait toujours su. Il aurait du mal, pour toujours et à jamais, à surpasser l'amour inconditionnel que Susan ressentait pour les trois autres membres de sa fratrie.

Destin.

"Je ne vais pas m'embarrasser de paroles inutiles." Commença le dieu félin. "Vous l'avez deviné je pense, il vous faut désormais rentrer chez vous, en Angleterre. Le temps des grands rois et reines est révolu. Et il faut maintenant que vous œuvriez à construire un meilleur monde chez vous, sur Terre."

Lucy tressaillit, certes. Susan se contenta tout simplement de serrer encore plus fort sa petite sœur contre elle.

"Et j'espère que vous me pardonnerez un jour pour cette ultime épreuve que je vous ai infligé. Je n'avais nullement l'intention de vous forcer à quitter Narnia une seconde fois." A cette réplique, le dieu loup secoua sa tête.

"Maintenant, je vous offre de pouvoir rester encore quelques jours ici, en compensation, pour profiter une dernière fois de Narnia."

"Non." L'interrompit Susan. Elle avança son menton. Respira profondément. "Non, Aslan. Nous avons déjà fait nos adieux. Du temps en plus ne nous ai nullement nécessaire. Nous aimerions simplement que tout se termine le plus vite possible à partir de maintenant. Et Peter est de mon avis, je le sais. Et vous aussi…?" Elle n'eut pas besoin de terminer sa phrase, à l'égard de ses deux jeunes frères et sœurs. Ils acquiescèrent avant la fin de sa question.

Alors c'était bel et bien fini. Susan sa dégagea de l'étreinte serrée de son frère et de sa sœur, les enfouit l'un dans les bras de l'autre et se réfugia elle-même dans ceux de Caspian. Pas de larmes. Non, elle en avait fait la promesse.

Alors à la place des larmes qui ne coulèrent pas sur ses joues, elle déposa des baisers sur les lèvres de Caspian.


Adieux. Adieux trop déchirants pour être décrits. Aucun des enfants – car c'est ce qu'ils redevinrent, dans la salle du Trône de Cair Paravel, au moment des adieux – ne sut réellement quelle souffrance en lui était la plus atroce, la plus pénétrante ou la plus importante.

Ce furent des adieux. Des Adieux. Et ce mot à lui seul résuma les étreintes, les bonheurs évanouis, les espoirs brisés et les rêves restés rêves, pour chacun des Pevensie.


Peter, Susan, Edmund et Lucy rouvrirent les yeux sur la magnifique plage de Bowmore qu'ils avaient quittée, leur semblait-il, plus d'une éternité auparavant. Le soleil, que les deux aînés avaient vu se lever, était à peine plus loin au dessus de l'eau que lorsqu'ils avaient été renvoyés à Narnia. Le temps qu'ils avaient passé, pour leur troisième séjour à Narnia, sur Terre, se comptait donc en minutes, même pas heure.

Peut-être auraient-ils eu envie d'autre chose, que cela dure plus longtemps, que quelque chose attestant de leur disparition ne leur fasse un signe quelconque. Parce qu'il était tellement facile, alors que rien n'avait changé depuis leur départ, de penser que rien n'était arrivé.

"C'est vraiment fini." Lâcha Lucy du bout des lèvres.

Mais malgré les déchirements aucune larme ne coula. Non, tout ce qu'ils avaient vécu était beaucoup trop beau pour qu'ils pleurent maintenant. Ils s'attrapèrent les mains les uns des autres, dans cet ordre stupide mais tellement évident: du plus grand au plus petit. Face à la mer, face à leurs rêves et face à la nouvelle vie qu'ils devraient désormais construire dans leur propre monde.

Et Susan sourit. Sourit parce qu'elle avait eu son compte de fée, parce qu'elle avait connu l'amour et surtout, oui, surtout, parce qu'on lui avait accordé une seconde chance.

Oui, juste une seconde chance. Parce que c'était là la seconde chance qui avait changé sa vie.


Oh mon Dieu. Je l'ai fait. Je l'ai fini. J'ai du mal à y croire moi-même. Ma première histoire. La première fin au monde que j'aime. La première! J'y crois pas en fait. Pour ceux qui sont encore là, qui liront ces lignes, je vous remercie du fond du cœur pour m'avoir suivie. Deux ans pour ce dernier chapitre, et il ne doit même pas être à la hauteur de vos attentes… Je m'en excuse. De tout cœur.

Mais merci. Merci pour tout. Et j'espère de tout cœur vous retrouver sur d'autres de mes fics, parce que, vous savez quoi? Je viens de replonger la tête la première dans le monde magnifique de Narnia! Tout compte fait, être une gamine en quête de contes de fée à vivre et à revivre me va très bien.

Au plaisir de vous revoir, vous, mes premiers lecteurs!

F'sS, ou plutôt celle qui a commencé cette histoire, en juillet 2008, Fartatou.

PS: prenez-moi pour une folle… mais ceci est un happy-end pour moi! ;)