Beta : Azenor. (Merci la Miss)


S'il y avait une chose que Drago apprenait à aimer, à propos de cette saloperie de démence, c'est que ça le libérait d'un tas de sales trucs raisonnables qui étaient vraiment pénibles.

Comme ne pas aimer le vrai Potter, mais être relativement libre d'aimer le Potter imaginaire.

Franchement, il aurait pu tomber sur bien pire, au rayon hallucinations. Granger ou Weasley auraient été intolérables. Même en tant qu'hallucination, la Belette aurait été trop stupide pour défaire les protections, mais Drago suspectait que si un Potter imaginaire pouvait le faire, ça aurait été un jeu d'enfant pour une Granger imaginaire.

Et si c'était McNair, qui s'était pointé ? Quiconque avec un fétichisme pour les haches était persona non grata dans le carnet d'adresses de Drago, hallucinations ou non. Ou encore pire, si c'était sa Tante Bella, folle pour de vrai, qui venait faire coucou ? Ils pourraient s'asseoir tous les deux et se chamailler toute l'après-midi. « C'est moi le plus taré ». « Non, c'est moi ». Ca ne l'aurait pas dérangé de perdre cette compétition, parce que s'il y avait quelqu'un qui se parfumait à eau de sociopathe enragée, c'était bien elle.

Le véritable point tournant dans sa relation avec Potter fut le jour où il découvrit qu'il était presque à court de papier.

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Ca faisait des semaines que Potter l'enquiquinait en lui demandant ce à quoi il passait ses journées. Drago ne lui répondait jamais par plus qu'un haussement d'épaules, mais ce truc avec le papier commençait à être problématique. Il avait avancé énormément, certes, mais il n'en était qu'à la moitié de la boîte de Pansy, et il avait encore ses parents à faire. Il ne pouvait croire à quel point il s'était planté dans la quantité de papier qu'il lui faudrait, mais, en y réfléchissant, il était fou.

Alors, la fois suivante où Potter lui demanda ce qu'il faisait de ses journées – Drago savait que l'insatiable curiosité de Potter ne le laisserait pas en paix, le vrai Potter et le Potter imaginaire partageaient quelques caractéristiques – Drago le conduisit dans la chambre et ouvrit le placard. Dix grosses boîtes s'entassaient contre le mur. Chacune avait un nom inscrit sur le dessus. Greg. Vince. Pansy. Blaise. Millicent. Daphne, Theodore, Rogue, Mère. Père. Quand Drago avait fini une boîte, il écrivait « Au-revoir » en dessous de leurs noms.

— Drago ?

Il sortit trois boîtes, ainsi que ce qui restait de papier. Il les posa sur le lit. Il ouvrit la boîte de Greg. Elle était remplie à ras-bord d'oiseaux en origami. Ça lui avait demandé pas mal d'énergie pour trouver des boîtes qui contiendraient parfaitement mille oiseaux de papier. Heureusement, à cette époque, il pouvait encore aller dehors. Les vendeurs de Fleury & Botts n'avaient pas été très polis, mais au final, l'avaient aidé, car la présence constante de Drago Malefoy dans leur boutique était très mauvaise pour les affaires.

Il ouvrit la boîte de Pansy. Elle était à moitié pleine. Puis il ouvrit celle de son père. Elle était vide. Il désigna le papier.

— Il te faut plus de papier ?

Dieu merci, le Potter imaginaire parvenait à se concentrer nettement plus que le vrai. Drago hocha la tête. Potter suivit du doigt les contours du « Au Revoir » que Drago avait écrit sur la boîte de Greg.

— Je te ramènerai du papier, dit-il à travers des larmes.

Drago articula silencieusement un merci. Potter pleura beaucoup.

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Drago eut son papier. La journée, il faisait des oiseaux en origami, et le soir, il dînait avec Potter. C'était une vie étrangement satisfaisante. Sauf pour la partie « croire-qu'il-était-dingue ». Cela faisait plusieurs semaines qu'ils fonctionnaient ainsi quand un soir, Potter transplana comme à l'habitude, les bras encombrés de sacs d'épicerie débordant de nourriture. Drago releva pour la première fois comme il était ironique que Potter ait vaincu Voldemort, mais semble complètement incapable de se rappeler d'utiliser un simple sortilège réducteur quand il faisait des courses.

Avant la guerre, cela l'aurait agacé à mort. Maintenant il trouvait ça juste un peu mignon, et espérait qu'un de ces sacs contenait les biscuits qu'il aimait.

— Drago, se plaignit Potter. Il fait bien dans les 500° C ici, bon sang. Je sais qu'on ne peut pas ouvrir les rideaux…

(La désastreuse tentative d'ouvrir les rideaux la semaine dernière avait abouti à un Drago tremblant et gémissant pendant des heures…)

— …mais, tu ne crois pas que tu pourrais utiliser un sort de refroidissement ? La glace a déjà probablement fondu…

Il s'interrompit.

— Tu n'as pas de baguette, hein ?

C'était Scrimgeour lui-même qui avait cassé la baguette de Drago en deux. Le Ministère pensait à l'évidence que c'était davantage un geste symbolique, car rien ne l'empêchait d'en acheter une autre. Il avait les Gallions, et il était en mesure d'aller dehors. Au début. Ce n'était pas une partie de plaisir, mais peu de choses l'étaient, ces temps-ci. Une baguette aurait dû être sa première priorité dans l'ordre naturel des choses. Sauf que. Il lui aurait fallu aller chez Ollivander. Et si Ollivander parlait de son père ? S'il mentionnait le jour où Drago avait eu sa première baguette, et à quel point son père avait été fier de lui ? L'arrogance naturelle de Lucius Malefoy s'était adoucie devant tant de fierté et d'amour pour son fils unique ; même à onze ans, Drago avait compris la profondeur du sentiment. C'était le souvenir préféré qu'il avait de son père.

Il secoua la tête.

Potter commença par rafraîchir la pièce d'un mouvement de baguette.

— Tu n'as pas besoin de baguette pour mettre les protections ?

Drago lui jeta un regard d'incrédulité. Même mort depuis cinq ans, son père était probablement toujours capable de jeter les protections sans baguette.

— D'accord. Les Malefoy n'ont pas besoin de blablabla… Tu me laisserais te trouver une baguette ?

Ça allait dans le même panier que manger de la nourriture imaginaire et se sentir rassasié, mais qu'est-ce que ça pouvait fiche ? Posséder une baguette imaginaire était cent fois mieux que ne pas avoir de baguette du tout. Il pourrait même faire semblant de lancer des sorts.

Il hocha la tête, pas préparé du tout à se retrouver avec du Potter plein les bras, un Potter qui, pour une raison ou une autre, avait besoin d'être câliné.

— Comment ? Comment tu as pu rester sans baguette tout ce temps ? Toi ? murmura Potter contre son épaule.

Ce « toi » le brisa presque. Pour la première fois, Drago étreignit Potter. Dans les bras l'un de l'autre, ils se bercèrent d'avant en arrière. Il n'était pas ce type pathétique qui restait cloîtré une semaine dans sa chambre parce qu'il était terrifié par une douzaine de roses. Il était un bon sorcier, un sorcier digne d'une baguette.

Potter lissa ses cheveux de la main, depuis la racine jusqu'à la pointe. Ils n'avaient pas été coupés depuis très longtemps. Drago frotta sa joue contre la main de Potter. Celui-ci se retira doucement et déposa un baiser sur son front.

— Tu as faim ? Du hachis Parmentier, ça te va ?

Drago hocha la tête. Parfois, la démence, c'était pas si mal que ça.

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— Je ne serai pas là pour quelques jours. Je t'ai dit que Ron et Hermione allaient se marier. Je suis leur garçon d'honneur, et j'ai des tonnes de trucs à faire. Ça ira ?

Potter n'avait pas l'air très sûr de lui, mais Drago décida de mettre à l'essai sa toute nouvelle habileté à faire semblant. Il haussa les épaules, avec une nonchalance qui aurait rendu fier l'ancien Drago Malefoy.

Il avait dû être sacrément convaincant, car Potter sourit et dit :

— Bien. Tu ne peux pas croire toutes les horreurs que Hermione a en réserve pour moi. Des listes complètes. Apparemment, elle ne peut pas faire confiance à Ron pour les tâches les plus basiques. Et personne ne veut donner quoi que ce soit à faire à Fred et George… Oh, tu peux rouler des yeux. On a sérieusement pensé à les stupéfixer une semaine à l'avance, mais Molly ne veut pas en entendre parler. Au final, j'ai dû me résoudre à les faire chanter. Je vois à ton sourire que tu approuves. Petit branleur, va. Je leur ai dit que je dirais à Molly que c'était avec mon argent qu'ils avaient pu lancer leur affaire. Pour une raison ou une autre, ça leur fout la trouille, et depuis, ils donnent l'impression de se conduire bien. Mais ça ne trompe personne. Ils feront un truc atroce à la dernière minute…

Potter bavarda de ci et de ça pendant encore une heure, jusqu'à ce qu'un énorme bâillement l'interrompe dans son élan.

— Ca te dérange si je reste pour la nuit, vu que je vais devoir m'absenter quelques temps ?

Drago n'avait pas réalisé que ses épaules avaient été complètement tendues jusqu'à la suggestion de Potter. Le nœud se défit. Il sourit et tendit la main.

Ils n'avaient pas fait ça souvent. Trois fois, tout au plus. Ce n'était pas sexuel. Ils avaient dormi avec tous leurs vêtements. Sans surprise, Potter aimait s'étendre. Il dormait avec les bras grand ouverts. Drago attendait qu'il s'endorme en premier, et ensuite, il se blottissait dans le creux de ses bras, ses mains jointes ensembles sous sa joue, comme s'il priait.

La première fois, ça avait été quand le rideau s'était entrouvert et qu'un rayon éblouissant du soleil de fin d'après-midi avait pénétré dans la pièce, si brillant qu'on n'avait vu qu'un éclair de blanc pour une demi-seconde, avant que le rideau ne se rabatte contre la vitre.

Potter bavardait pendant qu'il préparait le dîner, criant pour se faire entendre au-dessus du vacarme de l'eau qui bouillait et des bruits de casseroles, parlait d'un sort qui avait raté. A la place de stupéfixer quelqu'un, il lui avait lancé un Rictumsempra.

— Imagine un peu, le soi-disant vainqueur de Seigneur des Ténèbres, incapable de jeter un simple Stupéfix. J'ai eu de la chance de pas être viré. Quelque chose s'est passé de travers avec l'angle du sort, et voilà qu'il se roulait au sol et… Drago ?

Drago le regardait avec une expression de terreur abjecte. Il articula « Dehors » et désigna le rideau. Aucun mot ne sortit, mais Potter sembla comprendre ce qu'il disait. D'un sort, il referma immédiatement la fenêtre, et entraîna Drago dans la chambre. Il le tint dans ses bras pendant des heures, jusqu'à ce que les tremblements et les pleurs cessent.

— Il faut qu'on mange. Viens.

Ils gagnèrent la cuisine main dans la main. Potter ne pouvait pas vraiment faire à manger sans ses deux mains, mais tant que Drago gardait sa main posée sur son épaule, ça allait. Il colla sa chaise à celle de Potter, et s'agrippa à son genou pendant tout le repas. Quand ils eurent fini, Drago écrivit sur le dessus de la table, d'un doigt tremblant « Reste. S'il te plaît ».

Potter hocha la tête.

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Les premières heures, tout alla bien. Il avait sa baguette imaginaire, maintenant, et le Sortilège Refroidissant pour de faux marchait plutôt bien. En tant que novice de la psychose, il ne savait pas quel genre d'hommages attendaient les dieux de la démence, pour que vos hallucinations fonctionnent pour vous, et non pas contre vous, mais apparemment, il se débrouillait plutôt bien.

Le soir, il mangea un demi-sandwich, et puis, se rappelant avoir promis à Potter de manger correctement, fit disparaître les preuves. Putain, c'était chouette. Faire semblant d'être un sorcier était presque aussi chouette que d'être un vrai sorcier. Il continua à bien s'en sortir quand la nuit tomba. Il ne fut pas terrifié par l'obscurité. Des années de pratique à vivre dans un cachot, il supposait.

Il alla au lit tôt et dormit bien. Il prit une longue douche et se branla agréablement. Son sexe avait cessé de fonctionner pendant un temps. Normalement, il aurait été très troublé par cela, pensant que quelque chose clochait terriblement chez lui. Mais quelque chose clochait terriblement chez lui, et ne plus avoir d'érections semblait quantité négligeable au regard du reste. Désormais, son sexe se comportait plus ou moins normalement. Une part de la danse de la démence était la mise en doute constante de chaque soi-disant réalité, mais, pensait-il, va chier. Même si c'était de fausses érections, il était impossible de distinguer la masturbation imaginaire de la masturbation réelle. Du moins, c'est ce que pensaient ses érections peut-être imaginaires.

La journée se déroula comme la première, et vers la fin de l'après midi du second jour, il se demandait pourquoi il avait même pensé que l'absence de Potter serait un problème.

Il allait bien. Mieux que bien. Le Mangemort psychotique et taré en puissance avait toute sa tête. Haut les cœurs. Dressez le drapeau. Allez vous faire foutre, dieux de la démence. Drago Malefoy était juste un peu dingue. Peut-être que c'était une carence en vitamines. Peut-être que s'il mangeait des tonnes d'épinards, il serait capable d'aller Dehors. Ok, peut-être pas d'aller Dehors, mais de dire Dehors. A voix haute. Sans geindre. Il pouvait sûrement faire ça.

Mais… peut-être pas aujourd'hui.

Pour le moment, il était bien. Sérieusement. Il avait fait semblant de prendre son petit-déjeuner, c'est-à-dire, vraiment fait semblant de prendre son petit-déjeuner.

— Oh, je prends mon petit-déjeuner, maintenant, avait-il dit dans la pièce vide.

Il avait posé une assiette sur la table et coupé un toast inexistant en deux moitiés inexistantes, et avait ensuite lentement fait semblant de manger les deux parties. Son entorse à la raison ? Sa tasse de thé avait été réelle. Il était tellement enhardi par le fait de savoir reconnaître quand il faisait semblant pour de vrai et pour de faux qu'il décida d'affronter les rideaux.

Avec le recul, c'était de la folie. Il s'était complètement effondré en essayant ça, plusieurs semaines auparavant, et Potter avait été dans la pièce. Mais tout c'était tellement bien passé. Et puis putain, il était un Malefoy. C'était juste des rideaux. Seulement des rideaux. Il marcha droit sur eux et les tira et…

Oh putain, putain… la lumière, le potentiel pour le néant, et même s'il pouvait voir les bâtiments et même un arbre ou deux, c'était un mirage pour le faire sortir. Il le savait. Comme ça il pourrait l'avaler. Le Dehors était un néant qui essayait de l'avaler et de le transformer en néant lui aussi. Il voulait se nourrir de lui. Le Dehors était comme un Détraqueur, mais il était partout. Comment pouviez-vous échapper au Dehors ?

Et si le Dehors décidait de venir dans le dedans ?

Comment vous échapperiez-vous ?

Vous ne pouviez pas, vous ne pouviez pas, vous ne pouviez pas, vous ne pouviez pas, vousnepouviezpaspouviezpaspouviezpasvouspouviezpas.

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— Drago ? Drago ? Bon sang, où est-ce que t'es ? Putain ! Les rideaux. Où es-tu ?

Drago savait maintenant que tous ses pactes avec les dieux de la démence n'étaient qu'un tas de conneries. Ils avaient endormi sa vigilance. Lui avaient laissé pensé qu'il mangeait un toast pour de faux. Drago pouvait les imaginer ricaner derrière leurs mains osseuses et tordues. C'était un jeu élaboré. Comme ces conneries que Potter était revenu. Potter ne reviendrait jamais. Ils essayaient juste de l'attirer hors de la salle de bains. Il ne se laisserait pas avoir par ça. Il s'était laissé avoir par le truc avec le toast. Rien ne le ferait abandonner la baignoire.

Quand il avait tiré les rideaux, sa bravoure n'avait duré que le temps pour le Dehors de se glisser à l'intérieur. Il avait fait un bond sur le côté, plaquant son dos contre le mur pour éviter le v de lumière. Repoussant tous les meubles vers le milieu, il avait fait le tour de la pièce sans jamais décoller son dos du mur. Une fois atteint le couloir qui menait à sa chambre et la salle de bains, il s'était laissé tomber à quatre pattes, sanglotant de soulagement d'être arrivé jusque là. Il ne comptait pas s'offrir sur un plateau d'argent. Le Dehors aurait besoin de venir le chercher. Il rampa jusqu'à la salle de bains, grimpa dans la baignoire, arracha le rideau de douche de la glissière, s'y enroula, et attendit.

Ces putains de dieux étaient tellement malins, bon sang. La voix avait vraiment l'air inquiète, hystérique, même. Des portes claquèrent, des placards furent ouverts et refermés violemment, et le Dehors qui faisait semblant d'être Potter continuait à l'appeler. Fou d'inquiétude. Comme si le Dehors s'inquiétait. Ca sonnait juste comme aurait sonné la voix de Potter si Drago avait disparu. Comme ça Drago sortirait. Bien sûr, pour qu'il puisse être dévoré par le néant ? Pas moyen. Il ne bougeait pas de là…

— Drago. Mon dieu. Qu'est-ce que tu fais dans la baignoire ?

Le Dehors était venu dedans. Dans la salle de bains.

Sa baguette était toujours dans le salon. Probablement déjà dévorée par le néant. Sa nouvelle baguette. Disparue.

— Tu peux bouger ?

Il ne répondit pas parce qu'il n'y avait plus de pactes qui tenaient. Plus de pactes. Trompe-moi une fois, la honte sur toi. Trompe-moi deux fois, je suis baisé.

— Je vais aller chercher des oreillers et une couverture. On va dormir dans la baignoire, d'accord ?

Ça semblait raisonnable. On n'aurait pas dit qu'il essayait de l'emporter. Ou de le manger. La magie fit bruisser les côtés du rideau de douche, et Drago sentit la baignoire s'agrandir. Puis une couverture fut jetée sur lui. On souleva sa tête et un oreiller fut glissé en dessous. Quelque chose commença à essayer de s'immiscer sous le plastique. Quand il se mit à gémir et à pleurer, ça l'apaisa en répétant encore et encore :

— Tout va bien, je suis là. Tout va bien, je suis là.

Une main trouva finalement la sienne. D'une façon ou d'une autre, Drago n'avait jamais imaginé que le Dehors aurait une main, et si ça ce n'était pas plus diabolique que tout le reste, bordel ? Drago attendit. De devenir le néant. Enfin.

Mais ça ne le mangea pas ; ça entrelaça ses doigts avec les siens et ça serra. Ça semblait exactement comme la main de Potter. Quand ça dit « Bonne nuit, Drago », ça ressemblait tellement à Potter qu'il serra pour répondre.

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A un moment dans la nuit, Drago se réveilla pour se trouver allongé au creux des bras de Potter. Celui-ci caressait sa tête d'une main douce. Il avait fait disparaître le plastique et transformé la baignoire en un lit. Un faible Lumos illumina la pièce d'une lueur pâle. Potter délogea Drago du creux de son bras et se releva sur un coude pour étudier son visage.

— Tu as essayé d'ouvrir les rideaux tout seul ?

Drago hocha la tête.

— C'était très courageux.

A la lumière de ce qui en avait transpiré, Drago pensait que c'était suprêmement stupide ; il roula des yeux.

— Sérieusement : tout seul ? C'est carrément épatant.

Drago eut une moue dégoûtée.

— Oui, je sais, mais c'est un début.

Drago lui lança un regard.

— Je sais ce que tu penses. « Abruti de Gryffondor », j'ai raison ?

Drago hocha la tête.

— Pourquoi avais-tu si peur ?

Drago essaya de ne pas paniquer. Essaya de ne pas se rappeler la lumière, le rayon fulgurant. Des bonnes choses, Drago, se dit-il. Pense à des bonnes choses. Comme le fait que ça n'avait pas été la main du Dehors, mais la main de Potter tout du long. Comme il s'était senti en sécurité et rattaché à quelque chose quand Potter avait serré sa main. Comment il n'était plus vraiment seul, même si ce n'était qu'une hallucination très convaincante. Ne pas parler à Potter ne semblait plus pertinent. Est-ce qu'il ne s'était finalement pas prouvé à lui même de façon irréfutable qu'il était complètement dingue ? Parler à une hallucination c'était que dalle à côté de s'enrouler dans un rideau de douche et se cacher dans une baignoire. Il se souleva et chuchota contre l'oreille de Potter :

— Le Dehors.

Ce fut une autre de ces fois où Potter eut besoin d'un câlin.

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— Ok, tu es prêt ?

Drago hocha la tête. Ça faisait trois semaines depuis son gros craquage. Potter avait emménagé ici après ça. Chaque jour, ils faisaient ça, pas après pas, avec l'espoir que Drago finirait par être capable de tirer les rideaux lui-même et de ne pas tourner complètement zinzin en le faisant. Il se tenait tout au bout du couloir, près de la salle de bains. Il pouvait voir la ligne où les deux rideaux se joignaient. Potter les entrebâilla et les referma.

Drago attendit. Rien d'horrible n'arriva. Il fit un pas en avant. Potter recommença ; entrebâiller les rideaux, et puis les fermer. Rien n'arriva et Drago hocha la tête. Ils firent ça un pas après l'autre, jusqu'à ce que Drago se tienne à l'entrée du salon. Chaque jour, Drago arrivait un peu plus loin avant de paniquer, mais il n'avait jamais été aussi loin que la porte du salon.

— Le grand test maintenant. Prêt ?

— Oui, chuchota Drago.

Ces dernières semaines, il avait été capable de murmurer de petites phrases.

— Tada ! s'écria Potter.

Il tira avec enthousiasme sur le rideau dans un geste théâtral qui était probablement censé mettre Drago à l'aise, mais qui réussit seulement à le déséquilibrer. Il tomba, entraînant le rideau dans sa chute.

Drago se figea : le Dehors éclaira le corps de Potter par le rideau ouvert.

— NON ! hurla-t-il en sortant sa baguette.

Il la pointa sur la fenêtre et cria « Stupéfix » en direction du Dehors. Il traversa le salon en courant, attrapa Potter par les deux poignets à la fois et le traîna en sécurité dans la salle de bain, dont il claqua la porte derrière eux. Avant que Potter puisse se tenir pleinement debout, il le poussa dans la baignoire et tira le rideau de douche. Drago plaqua Potter contre le mur de la baignoire et commença à faire courir ses mains sur son visage. Pour s'assurer qu'il était entier.

— Ça va ? Ça va ? chuchota-t-il, hystérique.

Potter prit les mains de Drago dans les siennes et les embrassa l'une après l'autre, plusieurs fois.

— Drago, murmura-t-il, de nouveau à moitié au bord des larmes.

Franchement il allait devoir apprendre à se contrôler.

— Tu détestes quand je pleure, hein ?

Tournant la tête de côté, Potter prit quelques instants pour se recomposer. Alors, avec un autre baiser sur les mains de Drago, il dit d'une voix ferme :

— Merci de m'avoir sauvé. C'était incroyablement courageux. Même s'il est probablement en train de pleuvoir des oiseaux stupéfixés sur tout le Chemin de Traverse. Mais ce n'est pas réel, Drago. Je t'en prie, fais-moi confiance. C'est juste la lumière du soleil.

— Pas la lumière. Réel, protesta Drago en chuchotant.

Potter l'embrassa sur le front.

— Je sais que tu penses que c'est réel.

Réel. Qu'est-ce qui était réel. Il fallait qu'il sache. Maintenant. Une fois pour toutes. Il leva les mains pour les arracher à la prise de Potter. Et puis il les passa dans ses cheveux. C'était si doux. Parce qu'ils ressemblaient à un nid de brindilles noires, ils donnaient l'illusion d'être rêches et grossiers, mais ce n'était pas le cas. Il fit courir la pointe de ses doigts sur la surface du front de Potter, ses joues, le relief de son menton, le rebord de ses lunettes. Sur sa bouche. Il caressa le lobe de ses oreilles avec ses pouces. Des deux mains, il suivit le « L » que formait le cou de Potter, là où il devenait ses épaules, et puis il descendit le long de ses biceps jusqu'à ses avant-bras et ses poignets, avant de capturer les mains de Potter dans les siennes.

— Est-ce que tu es réel ? chuchota-t-il.

Il se prépara. Il ne savait pas à quoi s'attendre. Questionner sa réalité, c'était comme briser la règle ultime. Bien que questionner la réalité de sa folie était circulaire, au mieux, non ? Briser cette règle, c'était presque demander que les dieux de la démence lâchent sur lui le plus terrible des enfers. Le punissent. Pas de pitié. Les rideaux ne se fermeraient jamais. Potter ne reviendrait jamais. La seule punition appropriée pour une telle désobéissance.

— Oui, Drago. Je suis réel.

Drago n'était toujours pas certain. Ça ressemblait au vrai Potter. Est-ce que ça avait été le vrai Potter tout du long ? Il pencha la tête de côté.

— Tu te rappelles notre première sortie à Pré-au-Lard quand on avait treize ans ? Tu te tenais devant la Cabane Hurlante avec Crabbe et Goyle. J'étais là aussi mais j'avais une cape d'invisibilité parce que mon abruti d'oncle n'avait pas rempli les papiers, et que techniquement, je n'avais pas le droit d'aller à Pré-au-Lard. Tu étais comme à ton habitude un crétin insupportable, alors je t'avais lancé de la boue dessus. Et puis quand on a eu seize ans je t'ai quasiment saigné à mort, et plus tard, cette même année, je t'ai entendu essayer de te convaincre de tuer Dumbledore en haut de la tour, juste avant que Rogue le tue pour de bon. Est-ce que c'est suffisamment réel ?

Drago hocha la tête. Le truc avec la boue sonnait comme une preuve.

Potter l'embrassa très doucement. Pas vraiment un baiser, juste un contact de ses lèvres. Et puis le Potter apparemment-réel le serra fort contre lui. Bordel, qu'est-ce qui se passait ? Le réconfort, cette sorte de réconfort qu'il avait donné et reçu pendant des semaines se métamorphosa soudain en du désir pur. Drago s'arc-bouta contre Potter pour apaiser la chaleur apparue soudainement dans son entrejambe. Putain ! Ça, ça semblait réel. Surtout qu'une chaleur correspondante lui répondait. Cette histoire de Potter réel n'était pas une si mauvaise chose après tout. Il pouvait composer avec les larmes à la con, si ça incluait des plats à emporter, des câlins, et des érections.

— Non, pas tant que tu n'iras pas mieux, murmura Potter.

Drago protesta en soufflant et releva un genou pour le frotter contre l'érection de Potter. Oh oui, réel, putain de réel.

— Mieux, répondit-il dans un murmure.

Potter le repoussa mais adoucit son refus en prenant sa joue en coupe dans sa main.

— Petit pervers. Je te veux aussi, ça fait des mois. Mais pas encore. Braver les rideaux ne veut pas dire que tu vas mieux. Tu as besoin d'aller beaucoup mieux avant qu'on fasse… des trucs, acheva maladroitement Potter. Je ne suis pas un guérisseur, Drago. Est-ce que tu laisserais un guérisseur de Sainte Manougste venir te voir ? Ou Madame Pomfresh ? Tu n'aurais pas besoin de sortir. Ils viendraient ici.

Drago hocha la tête. Si quelqu'un pouvait régler leur compte aux dieux de la démence, c'était bien Madame Pomfresh.

— Bien.

Sauver les gens était très dur. Drago ne savait pas comment Potter faisait. Il s'affala contre lui, épuisé. Potter le rattrapa et le guida jusqu'au lit. Ils prirent leurs positions habituelles. Une fois que Drago fut calé dans le creux des bras de Potter, celui-ci commença à caresser ses cheveux d'une façon qu'on ne pouvait interpréter autrement que comme de la profonde affection. Il se laissa aller contre lui avec un soupir d'approbation. Avant de glisser dans le sommeil, il tourna la tête de côté et déposa un baiser léger au creux de la paume de Potter. Parce que c'était aussi réel que ça en avait l'air.

FIN


Voilà, j'espère que ça vous a plu.

N'hésitez pas à laisser un commentaire.

Il y a pas mal d'autres trads de Drarrys sur mon profil si ça vous intéresse ! ^^