Auteur : BadAngel666, toujours moi, donc.
Disclaimer : Je suis un auteur fauché de fanfiction, je ne touche pas un kopek sur cette histoire, quant aux personnages ainsi qu'à leur univers, ils appartiennent encore et toujours à JKR.
Genre : Angst/Romance/Baddy(si, si, c'est un genre :p)/Yaoi (of course). Ah, et je précise : l'histoire ne finit pas mal (on sait jamais, vaut mieux le dire d'entrée).
Pairing : HP/DM (autrement dit : on prend les mêmes et on recommence).
Rating : M (pour changer), principalement à cause du langage châtié dont je fais abondamment usage, en tout cas dans ce chapitre.
Avertissements : Attention langage assez crû par moments, c'est pas non plus une horreur mais je préfère prévenir. Il est aussi question de romance entre deux hommes, si vous vous êtes égarés dans ces contrées interdites à votre esprit, je vous conseille de faire demi tour :)
Tomes : tous, sans tenir compte de l'épilogue qui fout tout par terre :p
Genèse (ou comment est née cette hydre, même si au demeurant tout le monde s'en fout) : Un jour, alors que je papotais tranquillement avec Artoung, elle me fit écouter une chanson en me disant « ça me fait vraiment trop penser à Draco ». Force fut d'admettre qu'elle avait raison… J'ai donc eu une idée, et voici le résultat. Je vous conseille d'écouter la chanson, d'ailleurs, c'est « Moi je » des Ogres de Barback (j'ai vérifié et elle est écoutable sur youtube), elle est juste magnifique.
Une hydre ? Oui, c'est en réalité un OS très très très long, qui aurait dû faire une vingtaine de pages mais en mesure 62 en réalité. Une hydre parce que dès que j'avais fini une partie, j'avais l'idée de deux autres… ce fut rude, aussi ai-je décidé de poster en trois fois histoire d'éviter l'effet pavé (plus de 26000 mots, ça peut tuer un lecteur, si, si).
Et… euh : Vous le constaterez très vite : les différentes parties du textes sont entrecoupées de passages au passé, j'ai changé de narration pour que ce soit plus clair, j'espère que ça ne vous gênera pas trop à la lecture, j'ai essayé d'équilibrer mais j'ai pas trop réussi :) J'en profite pour bénir iCal, application de mon bébé Mac sans laquelle poser les bonnes dates (parce que ce sont les vraies) eut été un cauchemar.
Remerciements : À Artoung, parce que même si je fais ma drama queen, je me suis rarement autant laissée aller dans l'écriture d'une histoire, et c'est quand même grâce à sa culture musicale (on va dire ça, parce qu'elle écoute plein de trucs bien pourris aussi) que j'ai eu envie d'écrire. À SeanConneraille, qui m'a très souvent prêté son épaule pour pleurer sur le Manychat de Manyfics, elle a survécu à la lecture de la totalité de l'histoire, c'est beau. Et pour finir, à tous les MNL (ManyNoLife qui trainent de longues heures durant sur le Manychat, mine de rien ça donne du cœur à l'ouvrage de savoir qu'on peut se plaindre à n'importe quelle heure :p).
Dédicace : Ce OS (en trois parties, mais j'y tiens, c'est un OS) est entièrement dédié à Artoung, je l'ai écrit pour son anniversaire (livré en retard mais pas trop, me connaissant c'est un exploit), et c'est avec son accord que je le poste. J'en profite pour la remercier pour sa gentillesse, sa générosité et son amitié (on s'aime depuis siiiii longtemps maintenant :p), parce que c'est une fée même en vrai.
Sur ce, je vous laisse lire, rendez-vous à la fin :)
Moi qui ne supporte pas le bonheur…
(Part. 1)
Dimanche 19 Mai 2002 :
– C'est fini, dit-il froidement. J'abandonne, Draco, je me casse.
C'est tout Potter ça : dire trois fois la même chose dans la même phrase.
Trois coups de poignard, trois putain d'entailles béantes.
– Bien, n'oublie pas de fermer la porte en sortant, je réponds, tout aussi froidement.
Je me paie même le luxe de sourire.
Si j'étais vraiment un enfoiré, je le traiterais de sale con… Bon, je suis vraiment un enfoiré, un vrai de vrai, un dur, un tatoué – moche le tatouage mais on s'en cogne, j'étais jeune et idiot –, la crème des enflures.
Mais il me devance.
– Sale con, siffle-t-il avant de tourner les talons.
Et voilà… Ça se dit héros, ça se permet de dégommer des mages noirs toute la sainte journée mais ça ne sait pas fermer une porte, merde alors !
Ce n'est que lorsque je m'adosse au battant et que je contemple mon appartement que je réalise que je viens de me faire plaquer.
Potter et moi, ça commençait à faire un bail…
Comme je suis cynique, je me dis que je m'en tape, parce que Potter est un mec et que j'en suis un aussi, qu'entre nous c'était aussi basique qu'une bite dans un cul.
Mais ça n'empêche pas la douleur d'envahir ma poitrine.
Parce que j'avais beau savoir que ça finirait ainsi, ça n'en est pas moins douloureux.
oOo
Quatre ans plus tôt – Vendredi 26 Juin 1998 :
Le bruit avait cessé, et le silence s'était fait oppressant.
Draco ne savait plus où donner de la tête. Les cadavres tièdes de ceux qui étaient tombés reposaient dans la grande salle sous les pleurs des vivants… de ceux qui restaient.
Pansy Parkinson sanglotait dans les bras de Blaise Zabini, Gregory Goyle restait prostré, la tête entre ses genoux. Draco, lui, n'avait pas le temps de réfléchir à la mort prématurée de l'un de ses amis, il se dit que Vincent avait été imprudent, histoire de calmer le nœud qui commençait à enfler dans sa gorge et continua de chercher.
Il avait vu Potter sortir de la grande salle, seul, mais n'avait pas eu le temps de voir où il se dirigeait, et cette fois c'était avec une boule à l'estomac qu'il fouillait. Cet idiot n'était pas avec les belettes endeuillées, il avait vérifié cinq fois.
Il avait besoin de le voir, il ne lui parlerait pas, il fallait juste qu'il sache s'il allait bien.
Soudain, la voix honnie de Voldemort résonna, semblant sortir des murs. Draco sentit nettement son sang se glacer dans ses veines à l'annonce de la mort de Harry Potter, mais il suivit néanmoins le mouvement de foule vers l'extérieur, il devait le voir, il n'y croyait pas.
La première larme glissa sur sa joue lorsqu'il vit le corps du brun.
Il n'entendit rien de ce qui se disait, son regard embué restait rivé à ce corps sans vie, un étrange bourdonnement emplissait ses oreilles. Puis quelqu'un le bouscula, et un cri retentit.
– Harry ! Où est Harry ?!
Le demi géant criait, et Draco s'aperçut qu'il n'était pas le seul, d'autres criaient, le combat avait repris et cette fois les centaures s'étaient ajoutés au groupe des « gentils ».
Et le corps de Potter avait disparu.
Les sorts fusaient dans tous les sens, Pansy lui hurla de se bouger, mais Draco ne sortit même pas sa baguette – enfin… celle que sa mère lui avait donnée – il devait retrouver Potter, lui dire ce qu'il avait sur le cœur, ce qu'il n'avait pas réussi à lui dire de son vivant. Il se sentit entrainé vers l'intérieur du château, Blaise serrait fort son poignet et l'emmena dans la grande salle. Mais Draco se sentait vide, il en voulait presque au Noir de lutter pour leur survie à tous les deux, alors qu'il n'avait envie que d'une chose : en finir avec cette mascarade.
Et quelque chose se produisit : il entendit nettement le rire démoniaque de sa tante, puis le sortilège lancé par Molly Weasley suivi du cri de rage de Voldemort.
Et il fut là…
Debout, vivant…
Plus sûr de lui que jamais.
Et le cœur de Draco se remit à battre normalement alors que le spectre de la mort relâchait son emprise sur sa volonté.
Il ne l'avait pas perdu…
oOo
Jeudi 27 Juin 2002 :
La vie est une chienne, si personne ne l'a déjà dit j'envisage sérieusement de demander des droits sur cette phrase.
Bon, on ne peut pas dire que j'aie manqué de quoi que ce soit dans mon enfance, j'ai eu tout ce que mon petit cœur désirait et même au delà. Mes parents m'ont pourri, je n'en ai pas honte.
Mais papa et maman ne sont plus à mes côtés, papa Malfoy est mort à Azkaban six mois après la fin de la guerre… et maman…
– Toutes mes condoléances, Draco.
– Va te faire mettre, Blaise.
– Toi d'abord, rétorque-t-il doucement en passant un bras autour de mes épaules.
C'est tout Blaise, ça : il me renvoie mes propres insultes sur un ton désolé, ce qui n'en reste pas moins insultant.
C'est le seul qui parvienne à me faire sourire malgré la merde qui a envahi ma vie.
Ma mère était malade depuis plusieurs années (une faiblesse cardiaque due à la dégénérescence des cellules du cœur selon les médicomages, je ne sais pas vraiment ce que ça signifie, je sais juste que cette merde me l'a enlevée), mais elle a tenu le coup. Elle a résisté à la guerre, à Voldemort, à la paix, au deuil… Je m'attendais au pire depuis tellement longtemps que quand il est arrivé, ça m'en a fichu un coup.
Il n'y avait pas beaucoup de monde pour son enterrement, juste quelques journalistes, mes amis, moi.
Pour mon malheur, il y avait aussi Weasley, sa femme, Potter et son absence de coiffure. Ils n'avaient rien à foutre là, mais je ne le dirai pas.
Potter a l'air d'aller bien, c'est rassurant, quelque part.
Depuis qu'il est parti, je me sens seul, ça non plus je ne le dirai pas. Il n'a pas besoin de savoir qu'il m'a fait mal à ce point.
Je l'ai bien cherché de toute façon, mais j'avais beau savoir qu'un jour il se lasserait de moi, qu'un jour il baisserait les bras… ça m'a foutu en l'air.
Je me suis éloigné un instant, histoire de fumer une clope loin de cette atmosphère pesante, mais je ne me sens pas mieux. Il faut croire que c'est ma personne qui dégage de mauvaises ondes. C'est pas nouveau, j'ai toujours été du genre lourd.
– Bonjour, Draco.
– Potter, je réponds.
Il s'est approché lentement, comme s'il s'apprêtait à caresser un animal sauvage, si j'étais cynique à ce point, ça me ferait marrer.
Je le suis, je souris.
– Comment vas-tu ? demande-t-il.
Il se fait du souci, c'est presque mignon, mais comme cet homme se ferait du souci pour le diable en personne s'il venait à perdre un parent, je ne suis pas touché.
– Je vais aussi bien que peut aller un orphelin, mais ce n'est pas à toi que je vais l'apprendre.
Coup bas, il me regarde dans les yeux à présent. Il est en colère et c'est ce que je voulais, ce dont j'avais besoin : autre chose que de la tristesse et de la compassion.
Ce regard me donne envie de vivre, et plus bas, ses lèvres me donnent envie de baiser.
– Tu n'étais pas obligé de répondre de cette façon, si tu m'en veux encore, j'en suis désolé.
– Ouvre les yeux, Potty, tout ne tourne pas obligatoirement autour de ton nombril. Aujourd'hui j'enterre ma mère, c'est tout. Toi, je t'ai enterré dès que tu as tourné le dos pour t'en aller.
Coup franc, je triche mais il ne le sait pas. J'ai mal mais il ne le voit pas.
Lui aussi, ça lui fait mal, mais c'est nécessaire. Plus vite il passera à autre chose, mieux il s'en portera.
Il tourne les talons après un dernier regard haineux.
Je ferme les yeux, j'inhale un peu de fumée.
La vie est une chienne, et moi un enfoiré.
Mais comme j'ai toujours su qu'il partirait, je me fais une raison.
oOo
Trois ans et demi plus tôt – Lundi 18 Janvier 1999 :
– Je sens que je vais vomir, gémit Pansy Parkinson.
– Mais non, tu dis ça parce que t'es en colère.
– Blaise, je ne suis pas en colère, je vais juste gerber sur tes godasses.
Draco eut un petit sourire amusé, le premier de la semaine, preuve que tout n'allait pas si mal.
Et puis il devait admettre que leur tâche était tout sauf aisée.
– Pansy a raison, ça vrille le cerveau ces couleurs, dit-il.
– Ma foi, reprit le Noir, il me semble que ce n'est pas tant la couleur que ce qu'elle représente qui donne à vos petits estomacs fragiles des envies de voyager.
– Mon estomac t'emmerde Zabini, ose dire que tu n'es pas aussi dégoûté que nous de te taper la décoration de la tour Gryffondor.
La réplique de Pansy avait touché juste, Draco vit son ami pâlir un peu.
– On va dire que ça me gonfle, mais il faudra bien accepter notre châtiment un jour ou l'autre.
Le silence revint, la pause détente se terminait encore une fois sur l'une des morales – à la con, selon Draco – de Blaise Zabini.
Un châtiment… C'était sans doute ça qui faisait qu'aucun des occupants actuels de Poudlard n'était à la fête : ils étaient là contre leur gré, en détention.
Quelque part, c'était une condamnation assez juste que de les forcer à rénover le château pendant que les gentils élèves se partageaient entre Beauxbâtons, Durmstrang et Salem, ils avaient été certains des acteurs principaux du désastre après tout. La Gazette avait qualifié ça de « justice clémente », Draco n'était pas d'accord, il n'avait pas demandé toute cette merde, elle lui était tombée dessus sans qu'il ait son mot à dire… Enfin on lui avait demandé s'il voulait que ses parents meurent dans d'atroces souffrances, et il avait répondu non, mais c'était tout.
Maintenant il assumait.
Pansy, Blaise, Théodore et lui assumaient pendant que Gregory portail le deuil quelque part au fond de son lit, même s'ils avaient mal aussi.
Non, ce qui leur restait en travers du gosier, c'était l'interdiction formelle de pratiquer la magie, parce que sans ça tout aurait été plié en deux semaines maximum.
Là, ça faisait déjà trois mois qu'ils y étaient, et au rythme où ça allait, ils en auraient jusqu'à la Saint Glin Glin.
Et Draco avait l'impression de devenir peu à peu un pinceau vivant, un pinceau moche qui empestait la térébenthine.
Mais on leur avait dit que leur peine prendrait fin en même temps que les travaux à Poudlard, du coup ils s'y mettaient chaque jour avec l'espoir d'en finir suffisamment tôt pour avoir la chance de recommencer leurs vies.
Draco, pour sa part, ne se voyait pas d'avenir bien brillant. Il n'avait pas d'envie particulière, pas de désir de renommée, il voulait juste retrouver sa mère et prendre soin d'elle.
Narcissa n'avait pas été condamnée à la réclusion à Azkaban, le Magenmagot avait estimé qu'une femme mourante avait peu de chance de devenir le nouveau mage noir en vogue, aussi avait-elle été assignée à résidence. Bien entendu, Lucius avait été expédié en prison par le premier convoi, il avait été méchant et tout ça, Draco le comprenait, mais il avait aussi hâte de pouvoir lui rendre visite.
Donc les deux seules choses qu'il souhaitait pour lui même concernaient directement sa famille, le reste ne l'intéressait pas beaucoup.
Oh, bien sûr, il y avait lui… Lui qui passait sa vie à la Une des quotidiens sorciers, lui qui avait déjà commencé sa nouvelle vie qu'il partageait entre l'Académie des Aurors et sa fiancée rouquine.
Mais ce que Draco lui souhaitait, Harry Potter l'avait déjà : il était vivant et heureux.
– Hey, vous devinerez jamais qui s'amène ! s'exclama Théodore Nott.
Le jeune homme brun était penché à la fenêtre, il tendait le cou pour mieux voir en contrebas. Vu la mine de Pansy et Blaise, Draco comprit qu'il n'était pas le seul à avoir soudain envie de l'aider à aller voir de plus près, et ce par le chemin le plus rapide.
Théo adorait leur ménager du suspense, Théo ignorait qu'il jouait avec sa vie depuis sept ans.
Lorsqu'il se retourna, un grand sourire aux lèvres, ce fut pour constater que ses trois camarades de galère s'étaient considérablement rapprochés, et qu'ils adoptaient une attitude pas franchement amicale.
Pour une fois, le suspense ne dura pas :
– Potter vient d'entrer dans le château avec deux Aurors du Ministère, et vu d'ici ils avaient l'air de faire la gueule.
– Eh ben… soupira Pansy, à tous les coups c'est pour nous qu'ils sont là. On a dû merder quelque part.
– Ah bon, tu crois ? s'étonna Blaise. Et Potter serait là pour apprendre les techniques de castration mentale ?
– Mais qu'est-ce que j'en sais, moi ?! s'emporta la jeune femme. On a dû faire une connerie, sans ça ils ne seraient pas là…
Le ton montait rapidement entre Pansy et Blaise sous le regard blasé de Théo tandis que Draco tentait vainement de calmer les battements affolés de son cœur. La présence de Potter à Poudlard n'était pas prévue, il n'avait pas eu le temps de se préparer mentalement à le revoir, ça affectait sa capacité habituelle à maîtriser ses émotions.
Par bonheur, les autres Serpentards étaient trop occupés à débattre sur leur éventuelle responsabilité dans la présence des Aurors pour remarquer son trouble.
Draco essayait juste de réfléchir rationnellement à l'implication de la présence de Potter à l'école des sorciers, il pouvait très bien être là en visite, histoire de se rincer au thé avec la vieille taupe directrice – encore une tuile que leur avait laissée Snape en mourant – ou juste pour papoter bois d'encadrement avec le portrait du vieux schnoque qui lui avait servi de mentor.
Très fier de ses petites théories, Draco se permit de redevenir attentif à la dispute parfaitement inutile qui opposait Blaise et Pansy. La jeune femme accumulait les pseudo délits dont ils s'étaient virtuellement rendus coupables et qui allaient les envoyer dans une hypothétique cellule avec vue sur la mer tandis que Blaise se moquait d'elle.
Le jeune Malfoy allait d'ailleurs appuyer son meilleur ami, il avait déjà des dizaines de sarcasmes sur le bout de la langue et savourait par avance la défaite verbale de la brunette.
Mais à peine eut-il ouvert la bouche qu'il la referma, s'apercevant soudain que le silence venait de tomber, pesant, presque électrique.
Un frisson lui parcourut l'échine tandis qu'il se tournait, il n'eut qu'une demi seconde pour se composer un masque de dédain, ce ne fut pas assez à son goût.
Potter était là, encadré par deux sous-fifres du bureau des Aurors que Draco ne daigna même pas honorer d'un regard. Il était trop occupé de toute façon, il se noyait dans un océan vert, il s'abreuvait d'une vision.
Draco respirait enfin, après des mois sans oxygène… sans Potter.
Mais même à trois mètres de distance, il était trop près, et la raison de Draco vacillait.
Il se serait rendu ridicule sans l'intervention de sous-fifre numéro un.
– Nous désirerions parler en privé avec Monsieur Malfoy, dit-il d'une voix calme.
Un mauvais pressentiment étreignit la poitrine de Draco à l'énoncé de son nom, ça n'avait jamais été bon signe lorsqu'un Auror avait demandé à lui parler.
Sans un regard pour ses amis, le blond acquiesça.
– Je vous suis, dit-il, espérant que sa voix ne tremblait pas.
Les trois arrivants sortirent de la pièce, il les suivit. Il savait parfaitement que ses compagnons ne chercheraient pas à s'imposer, même s'ils en avaient envie, ils connaissaient suffisamment Draco pour ne pas lui faire l'affront de vouloir le protéger.
Le chemin se fit en silence, Draco ne se lassait pas de regarder la silhouette du héros qui avançait souplement quelques pas devant lui. Il le trouvait en forme, élégant dans sa robe noire négligemment déboutonnée dont les pans flottaient derrière lui au rythme de ses mouvements. Ce Potter était plus mûr, il émanait de lui une sorte d'aura de calme et de puissance, et cela l'intimidait. Potter avait changé, depuis qu'il avait enfin le contrôle de sa vie.
Draco ne fit même pas attention au chemin qu'ils prenaient, captivé qu'il était par le mouvement de la chevelure désordonnée du héros devant lui. Il mourait d'envie de remplacer la caresse de ces mèches folles sur la nuque brune par celle de ses doigts. Envie déplacée sur zone de non droit. Mais cela le tenaillait, il n'y pouvait rien.
Ce ne fut que lorsque les trois hommes l'invitèrent à entrer dans une pièce qu'il se rendit compte que toutes ces marches descendues et montées les avaient menés au bureau de la directrice.
Les cadres des anciens directeurs étaient vides pour la plupart, comme à chaque période creuse dans la vie de Poudlard les braves anciens avaient émigré dans d'autres tableaux, normal. Le seul à être présent était Albus Dumbledore, qui fixait Draco de son regard perçant par dessus ses ridicules lunettes en demi lunes. Ce regard gênait le blond, il s'était toujours senti déstabilisé par la perspicacité du vieil homme de son vivant, la mort ne changeait rien à la donne, visiblement.
– Asseyez vous donc, Monsieur Malfoy.
La voix grave de sous fifre numéro un l'invitait à prendre place, son geste de la main désignait un confortable fauteuil, Draco prit place, les Aurors et Potter aussi.
Potter avait choisi de s'asseoir face à lui, normal, Potter attaquait toujours de face. Il avait l'air un peu nerveux, ses yeux étaient rivés à ses mains.
L'homme qui avait invité Draco à s'asseoir s'éclaircit la gorge, forçant le regard de l'ancien Mangemort à venir se poser sur lui. C'était un homme rassurant, Draco l'avait déjà vu auparavant, mais comme il avait vu à peu près tous les Aurors du Ministère défiler devant lui dans les mois qui venaient de s'écouler, il ne put remettre un nom sur ce visage d'ébène aux traits las.
– Monsieur Malfoy, commença l'homme, je tiens à vous rassurer pour commencer : nous ne sommes pas là pour évoquer votre cas.
Draco acquiesça, plus pour la forme que pour marquer une quelconque approbation. Cette situation puait à des kilomètres de toute manière, alors autant accélérer le processus.
– Nous avons la triste mission de vous annoncer le décès de votre père, Lucius Malfoy. Il s'est éteint hier soir à l'infirmerie de la prison d'Azkaban, suite à…
Déjà, Draco n'écoutait plus. Une boule douloureuse venait de se former dans sa gorge, mettant à mal son impassibilité. Son père était mort.
Quelque chose en lui se brisa, sa gorge se mit à brûler sous l'effort qu'il faisait pour contenir ce qui ressemblait à des sanglots.
Son père était mort.
Les minutes s'écoulèrent lentement, le silence régnait à l'intérieur de la tête de Draco, à peine troublé par le ronronnement lointain de la voix de l'Auror.
Ce ne fut qu'au prix d'un effort colossal que le jeune homme conserva son calme, résistant à l'envie de fondre en larmes.
Son père était mort…
Lorsque l'Auror eut terminé son discours dont Draco n'avait pas compris – pas écouté surtout – un traître mot, il se leva, suivi par sous fifre numéro deux et en quelques secondes il ne resta que Potter dans la pièce.
Potter qui n'avait plus l'air gêné, seulement désolé.
Son visage empli de bons sentiments chassa en quelques millièmes de secondes la peine dans le cœur de Draco, peine qui fut instantanément remplacée par la colère froide, la haine brûlante.
Il détestait la simple idée que Potter put avoir pitié de lui.
– Le spectacle t'a plu, Potty ? Ou bien peut-être attends-tu que je m'effondre misérablement en demandant au ciel ce que j'ai fait pour mériter pareil deuil. Dans ce cas je suis navré mais tu risques de repartir déçu.
L'ancien Gryffondor sursauta, un éclair de colère assombrit son regard, Draco frissonna.
– Je ne sais pas pour quoi tu me prends, Malfoy, mais je ne suis pas du genre à me repaître du malheur des gens. Je ne vais pas non plus faire semblant d'être triste, vu que je n'aimais pas ton père.
– Peut-on savoir pourquoi tu es là, dans ce cas ? demanda froidement Draco, que ce tête à tête commençait à rendre fou.
Le brun eut un petit sourire qu'il ne sut interpréter et plongea sa main droite à l'intérieur de sa robe pour en extraire une longue boite fine qu'il lui tendit.
– Je tenais à te la rendre.
Draco se saisit du coffret, inexplicablement ému. Le couvercle, une fois ouvert, révéla une baguette parfaitement polie… sa baguette, et bien qu'il sut que le trouble habitait encore son regard, il ne put s'empêcher de chercher celui de son vis à vis.
Leurs yeux se parlèrent longtemps – en tout cas c'est l'impression qu'en garda Draco après coup –, suffisamment pour le perdre plus qu'il ne l'aurait fallu.
L'entrevue se termina sur cette note, Draco ne remercia pas Potter, il ne le salua pas non plus. Il se dépêcha simplement de s'éloigner de lui et de son aura trop envoûtante, de sa présence trop nocive pour lui.
Ce ne fut que lorsqu'il parvint à la tour Gryffondor qu'il se rendit compte que c'était peut-être la dernière fois qu'il voyait Harry Potter, à cette pensée une étrange amertume se propagea sur son palais.
oOo
Samedi 6 Juillet 2002 :
Il y a des jours comme ça où tout va mal, pour moi c'est l'histoire d'une vie.
Ma vie va mal, je vais mal… Je suis sans doute un peu dramaturge sur les bords mais je n'ai pas envie de m'en excuser, je vous emmerde tous autant que vous êtes.
Je vomis ces journées qui passent inlassablement, je conchie allègrement ces connards qui ont l'habitude de se trouver sur mon chemin sans rien avoir demandé.
Je suis asocial, je suis méchant, je voue une haine profonde à la race humaine et à ses codes débiles.
Parce que dans la vie il faut être raisonnablement intelligent, intelligemment politiquement correct, correctement habillé, habilement rusé... et surtout socialement intégré.
Je n'y peux rien, le social me les casse.
Les soirées du Ministère dans lesquelles tout le monde bâfre en déroulant le tapis rouges aux grosses huiles me font chier, surtout parce que je sais que ce qui se murmure derrière le dos des gens en vue est tout sauf gentil.
Depuis mon arrivée, j'ai entendu sept personnes critiquer la tenue du Ministre, trente cinq celle de la femme du Ministre et dix sept crétins ont osé dire que Harry avait une allure de tafiole.
J'adhère aux deux premières vacheries, mais la troisième… franchement, je défie quiconque de trouver dans cette salle quelqu'un qui soit plus viril que Potter.
Ce mec transpire le sexe par tous les pores de sa peau hâlée.
Ouais… en fait la tafiole ici c'est moi.
Je n'ai rien d'un cliché homosexuel, mais c'est ainsi que je me sens dès que je le vois, je n'y peux rien, cet enfoiré est toujours aussi beau alors que moi je me dessèche un peu plus chaque jour, comme une plante qui crèverait de soif.
Là non plus, la comparaison n'est pas très heureuse mais honnêtement je m'en fiche, je n'ai plus rien en stock. Adieu sarcasmes et ironiques remarques, je ne suis plus que l'ombre de moi-même.
Je ne peux que m'en blâmer, j'ai délibérément provoqué cette situation.
Car voyez-vous, depuis le jour où Potter m'a embrassé pour la première fois je n'ai cessé de me demander combien de temps ça durerait. Je savais qu'il ne resterait pas avec moi, qu'un jour il baisserait les bras devant tant de morgue, d'arrogance et de cynisme. Et je l'ai testé. À mon grand étonnement il a tenu deux années entières, étrange n'est-ce pas ? Pourtant je n'ai jamais, pas une seconde, cru qu'il resterait.
– Draco, je m'ennuie.
Je ne peux retenir une grimace de douleur lorsque la voix faussement boudeuse de Cho Chang agresse mes oreilles.
J'avais oublié ma cavalière.
Intéressant, cette façon que j'ai d'oublier les choses déplaisantes.
– Dansons, lui dis-je d'une voix suave qui la fait glousser de plaisir.
Je l'entraîne sur la piste au rythme d'une valse. Compter les temps me permet de ne pas trop penser, c'est déjà pas mal. Visiblement, Cho n'a pas besoin de compter, elle essaie simplement de se frotter le plus possible contre moi. Cette fille n'a aucune tenue, je l'ai toujours dit.
C'est quand même fou, les aléas de la vie. Quand j'avais quatorze ans, je fantasmais comme un dingue sur le minois de Chang, je me demandais ce qu'elle cachait sous ses robes et si Diggory l'avait sautée ; et voilà que ce soir je me retrouve à l'accompagner à une soirée tellement débile que j'en ai oublié le thème. Peut-être même que je la sauterai après l'avoir raccompagnée chez elle.
Ça fait presque deux mois que j'ai pas baisé. Pas envie. Les rencontres ne manquent pas pourtant, entre le travail et les sorties avec les amis. Je n'ai juste plus eu envie depuis que Potter est parti. C'est comme s'il était parti avec ma libido dans ses bagages. Le salaud.
Et même là, alors que Chang se tortille contre moi, j'arrive pas à avoir envie d'elle. L'idée m'avait pourtant paru bonne quand je lui ai demandé de m'accompagner, excellente même, mais peut-être que la présence d'un héros échevelé à moins de dix mètres au même moment a troublé ma perception du bien et du mal.
Je vous ai dit que Potter et moi travaillons tous les deux au Ministère ? Eh bien je vous le dis, et la cerise au sommet du gâteau affligeant de la connerie administrative sorcière, c'est que nos deux services collaborent au quotidien.
Ça explique notre présence à tous les deux, et le fait que je me farcisse en prime la secrétaire du procureur général.
Je suis con, ce n'est plus à prouver. En plus je suis impuissant, ma vie est nulle.
La danse se termine, je m'incline et exécute un baisemain parfait, Chang rougit peut-être mais je ne le vois pas, trop de fond de teint tue le fond de teint. Je m'excuse pour les dix minutes à venir et me retire en terrasse, béni soit le crétin qui a eu l'idée d'organiser la soirée au dernier étage du Langham Hotel.
Il fait bon dehors, loin des odeurs corporelles du commun des mortels, la vue sur Regent Street n'est pas mal non plus, mais je trouve plus intéressant de viser les passants avec la cendre de ma cigarette. Je m'amuse comme un fou.
D'ailleurs c'est toujours quand je m'éclate comme ça qu'on vient me déranger, alors je ne sursaute pas quand quelqu'un s'accoude à côté de moi.
– Tu vises comme un manche, Malfoy.
– Tu ferais mieux, sans doute, j'ironise.
J'arrête mon petit passe temps pour faire face à Georges Weasley, le jumeau orphelin de la dream team Gryffondor. C'est un sale con mais, inexplicablement, j'ai de l'amitié pour lui. Vous dire comment cette aberration s'est produite me serait impossible, pourtant c'est bien là, ce qui fait que c'est l'une des rares personnes que je tolère auprès de moi quand je vais mal, c'est à dire très souvent.
Georges est étrange, c'est ce que la plupart des gens pensent, moi je me dis juste que ça doit faire mal de se retrouver un alors qu'on a été deux pendant presque vingt ans. Il a un caractère bien trempé, il est calme, il ne sourit plus depuis sa tentative de suicide et son séjour en institut psychomagique. Le mot juste est « hanté ». Oui, ce mec est hanté et ça fout les boules à tout le monde, dommage, il n'y a plus personne pour voir qui se cache sous les kilos de remords et les caisses de culpabilité qu'il se trimballe. Je ne dis pas que moi je vois tout ça, mais comme j'essaie pas de le consoler ni de le traiter comme un névropathe, il m'aime bien, suffisamment pour me rendre la pareille, et ça, j'apprécie.
– Tu te la joues encore asocial chronique ? demande-t-il.
Je hausse les épaules et prends le temps d'inhaler un peu de tabac.
– Je me la joue profil bas, surtout, c'est ça ou je crame tout.
– Tu as vu Harry ?
– Vaguement, pourquoi ?
Georges détourne le regard, ça peut vouloir dire deux choses : soit qu'il posait la question par politesse, soit qu'il s'apprête à aborder un sujet personnel. Je déteste quand c'est la deuxième option.
– Il est malheureux.
Et visiblement c'est ça.
– Rien à foutre, il s'est tiré, il assume.
Georges ne répond pas, c'est un truc que j'aime bien chez lui : quand il sent qu'il m'emmerde, il la ferme. Et ça m'emmerde vraiment qu'on se mêle de ma vie privée. J'étais tranquille avant, quand personne ne savait que je me tapais Super Potter… Mais il a fallu qu'un journaliste curieux tente un reportage sur l'intimité du Sauveur. Ah ben ça lui a fait drôle quand il a vu le Saint me sucer dans les toilettes d'un restaurant. Moi, ce qui m'a fait drôle, c'est la réaction des gens après la parution de l'article. La plupart de ces crétins pensent que j'ai cherché à me refaire une réputation, intéressant comme concept. Ces blaireaux pensaient déjà ça quand ils me croyaient ami avec Potter, la seule chose qui a changé c'est qu'au lieu de me traiter de connard, maintenant on me traite de tante.
Et depuis qu'on est séparés, c'est la course pour recaser l'amoureux affligé… pas moi donc, parce que c'est bien connu : je suis plus affligeant qu'affligé.
Du coup c'est Potter le malheureux, c'est lui qui m'a quitté mais c'est lui qui a le plus l'air de souffrir. Il est comme ça, Potter, toujours à montrer au monde son petit cœur palpitant au creux de sa paume. Les épreuves ne lui ont rien appris, je ne lui ai rien appris.
Et il a mal.
Moi aussi, la différence, c'est que je le cache mieux.
– Tu sais, dit Georges au bout d'un long moment, il va finir par aller voir ailleurs.
– Je sais, je réponds, pourquoi crois-tu que je fais tout ça ?
Parce que même s'il est parti, il y a encore une part de lui qui reste avec moi.
Et que c'est cette partie, justement, qui est la plus douloureuse.
Cette partie qu'il m'aurait retirée tôt ou tard, je l'ai toujours su.
oOo
Trois ans plus tôt – Samedi 31 Juillet 1999 :
Ochlophobie (-1-), c'était le mot qui se rapprochait le plus de ce qui ressentait.
Il n'avait jamais eu peur de la foule, pourtant, mais il fallait croire qu'une année entière d'éloignement avait suffi à le rendre intolérant physiquement à tout rassemblement humain de plus de dix personnes. Et les faits étaient là : nausée, sensation d'oppression, sueurs froides. Le pack complet des symptômes annonçant une soirée misérable.
Oh, bien sûr, il avait eu le temps de se préparer psychologiquement à la chose, vu qu'on leur avait quasiment allumé un chalumeau sous les fesses pour qu'ils terminent les travaux à temps pour le grand jour.
Le grand jour… quelle aberration.
Encore une idée à la con du Ministre, un sale politicien comme les autres : plus préoccupé par son image que par les sentiments des autres. Monsieur Diggory n'avait pourtant pas le premier fil de l'étoffe d'un homme d'Etat, cependant la plèbe l'avait jugé courageux, magnifique dans sa peine. Et juste parce que son fils avait été le premier sorcier à périr sous la baguette d'un Voldemort ressuscité, il était devenu le père modèle de tous les orphelins du pays. En bon paternel, il avait ordonné la rénovation et la réouverture de l'école de Poudlard, la première mission ayant atterri en plein sur la figure d'apprentis Mangemorts, la seconde serait menée à bien au premier septembre suivant.
En attendant, l'homme s'était sans aucun doute demandé ce qu'il pourrait faire pour s'attirer encore plus de sympathie, et c'était surement à ce moment là qu'il était tombé sur son calendrier et avait réalisé que le trente et un juillet approchait.
Et quoi de mieux pour se faire mousser que d'organiser une superbe sauterie pour le Sauveur de l'Humanité ?
Et dans tout ce qui lui traversait l'esprit, Draco avait beau chercher, il ne trouvait rien.
Il détestait cette idée. A vrai dire, il trouvait même cela indécent, surtout depuis qu'il était passé à côté de la pile de cadeaux que les centaines d'invités avaient amenés. C'était du délire, il lui avait même semblé voir une cage avec un tigre vivant à l'intérieur.
Draco n'avait donc aucune envie d'être là, au milieu de tous ces gens qui se congratulaient honteusement d'être riches et puissants, mais pas parce qu'il n'était plus ni riche, ni puissant. Il ne voulait juste pas voir ces personnes qui ne lui étaient rien fêter celui qui lui était tout. Si seulement Narcissa n'avait pas insisté, si seulement il n'avait pas été faible devant la mine implorante de sa mère… Si, si et encore si.
Le résultat était navrant, il s'ennuyait et restait dans un coin de l'immense salle parce que cette foule compacte le rendait malade.
– Draco, ne fais donc pas cette tête, tu fais fuir tout le monde.
Narcissa Malfoy, splendide dans sa robe du soir noire qui mettait en valeur son corps svelte et son visage angélique, réprimandait son fils depuis qu'ils avaient fait leur entrée – remarquée, car qui ne remarquerait pas un Malfoy ? –, elle tenait visiblement à passer une bonne soirée et, pour une raison que le jeune homme ignorait, désirait parler à Harry Potter.
Oh, bien sûr, elle ne pouvait savoir l'était dans lequel cette perspective de proximité avec le Héros mettait Draco, lui qui avait passé ces six derniers mois à se convaincre que plus jamais il ne le verrait. C'était sans compter les aléas sociaux.
Il aurait tout donné pour pouvoir rester avec ses amis, confortablement installé dans leur ancienne salle commune à faire ses bagages en prévision de leur départ.
– Je n'ai aucune raison de me réjouir, Mère, d'ailleurs je ne comprends pas la raison de notre présence ici. Avez-vous remarqué que nous sommes les seuls anciens Mangemorts dans cette pièce ?
– Tu es bien amer, mon fils. Moi qui pensais que tu comprendrais mieux que quiconque mon désir de me montrer au milieu de pareille réunion…
La voix douce de sa mère serra le cœur de Draco, il n'aimait pas la blesser ainsi, il avait désespérément besoin de ses bras tendres autour de lui et tout ce qu'il savait faire était de lui montrer sa maladresse. Par moments il avait envie de se gifler.
– Je vous prie de m'excuser, je n'aurais pas dû dire cela.
– Sais-tu qui est intervenu pour que je puisse te rendre visite ces derniers mois ? demanda Narcissa, si bas que Draco dut tendre l'oreille.
– Non, mère, je n'en sais rien.
Elle se tourna légèrement pour lui faire face, il eut un choc en réalisant qu'elle devait lever la tête pour rencontrer son regard. Depuis quand était-elle aussi petite ?
– C'est lui, Draco. C'est Harry Potter qui a personnellement demandé à ce que je sois autorisée à te voir. Il a tant fait pour nous depuis cette horrible nuit, je lui dois tant, à commencer par ta vie, notre liberté… Et je tiens à le remercier tant que j'en ai la force.
– Bien, en ce cas, remercions-le tous les deux.
Draco sentit bien que sa voix était un peu plus rauque et que ce cœur étreint dans un étau émotionnel qui battait dans sa poitrine venait d'accélérer sa course. Et pour les yeux si bleus de sa mère qui le scrutaient avec tendresse, il accepta de se perdre ce soir un peu plus dans ce que lui inspirait Potter.
Il n'était que vingt deux heures, et pourtant Draco avait l'impression qu'il était là depuis un jour entier, planté dans un coin de la grande salle avec son verre plein pour seule compagnie. Narcissa l'avait laissé quelques instants plutôt afin de traquer en paix le Sauveur, grand bien lui fasse, de toute façon elle le ramènerait toujours trop tôt pour Draco. Car il le sentait, Potter mettrait une nouvelle fois à mal son impassibilité. Et comme il avait vraiment besoin de paraître maître de lui, l'ancien Serpentard se demandait s'il ne serait pas plus sage de remettre la scène des grands remerciements larmoyants à une autre fois.
Et comme par un mauvais tour du destin, au moment précis où Draco esquissait un pas vers la sortie, sa mère émergea de la foule, suivie par nul autre que Harry Potter.
Six mois avaient passé depuis leur dernière confrontation, et déjà Draco regrettait de n'avoir pas été là pour le voir changer. Son regard fut littéralement aimanté à celui de Potter, dont les iris verts semblaient vouloir aspirer jusqu'à son âme. L'échange sembla durer un long moment, comme la fois précédente Draco ne parvint pas à rester aussi glacial qu'il l'aurait voulu, mais cette fois cela ne le troubla pas autant. C'était Potter, après tout, il avait toujours été le seul à lui faire perdre le contrôle.
– Bonsoir, Malfoy, dit Potter de sa voix grave en souriant.
– Bonsoir, Potter.
Réponse fraiche, le mieux qu'il pouvait faire, sans aucun doute. Et cette foule aux yeux inquisiteurs lui donnait envie de fuir à toutes jambes.
– Je vous laisse, jeunes gens, il y a quelques personnes que je dois impérativement saluer, gazouilla Narcissa avant de s'éclipser sous le regard assassin de son fils.
Draco était mortifié, cette traîtresse l'avait laissé avec Potter, sans même lui dire ce qu'il devait faire. Devait-il reprendre sur le même registre qu'avant, avec lui ? Ou bien devait-il le remercier de lui avoir sauvé la vie un nombre incalculable de fois. Peut-être serait-ce de mauvais goût s'il lui collait son poing dans la figure en lui disant d'aller se faire foutre, lui et les drôles de sentiments qu'il lui inspirait.
– J'ai envie d'aller prendre l'air, tu m'accompagnes ?
Encore cette voix, assortie au regard et au sourire, elle parvint à ensorceler les pieds de Draco qui le suivirent vers la sortie, et de là, dans le parc.
Il faisait bon, dehors, une légère brise faisait voleter les cheveux de Draco, effleurait son visage. Il ferma les yeux, cessant de marcher un instant pour profiter de cette délicate caresse. Lorsqu'il les rouvrit, ce fut pour constater que Potter s'était arrêté de marcher aussi, et qu'il l'observait, une expression énigmatique sur le visage.
– Je suis heureux que tu sois venu, ce soir, dit-il, sa voix à peine plus haute qu'un murmure.
– J'étais dans les parages, j'en ai profité pour m'incruster, répliqua Draco, étonné et intrigué par la soudaine gravité de son vis-à-vis.
L'ancien Gryffondor eut un sourire timide qui acheva de troubler Draco.
Il ne savait pas bien ce qu'il ressentait face à Potter, il n'avait jamais vraiment su en fait. Au départ, il l'avait vraiment détesté pour l'avoir rejeté, et sa haine s'était intensifiée dans des proportions qui l'avaient lui-même effrayé. Et puis un jour, il s'était demandé ce qu'il en était vraiment, il s'était demandé ce qu'il ressentirait si Potter disparaissait de sa vie. La douleur dans sa poitrine avait été si violente qu'elle lui avait coupé le souffle et que ses larmes s'étaient mises à couler pour la première fois depuis ses neuf ans. Ce moment-là, il s'en souvenait comme si tout était arrivé la veille, Potter l'avait justement surpris à pleurer, et, croyant que Draco voulait l'attaquer, l'avait grièvement blessé.
Depuis ce jour, Draco avait refusé de pousser plus loin son introspection.
Il savait juste qu'il devait s'assurer que Potter reste en vie… dans sa vie.
– Tu es drôlement pensif, remarqua ce dernier.
– Ça, Potter, c'est parce que contrairement à toi, j'utilise régulièrement ce qui occupe ma boîte crânienne, tu devrais essayer, il paraît que ça marche.
Le brun eut un petit rire amusé.
– La réflexion n'a jamais été mon fort, je suis plus du genre impulsif.
– J'avais remarqué, grinça Draco qui ne put malgré tout empêcher un micro sourire de prendre place sur son visage.
Ils se remirent en marche, suivant un sentier maintes fois emprunté du temps de leur scolarité, mus sans doute par le désir inconscient de retrouver un endroit qui n'avait pas été perverti par la mort.
Le lac miroitait doucement sous la pleine lune, les deux jeunes gens s'assirent dans l'herbe humide. Potter scrutait l'astre nocturne, Draco savait qu'il pensait au clébard qui leur avait servi de professeur. Lupin avait été un ami pour James Potter et un parrain de substitution pour son fils après la mort de Sirius Black, tout le monde savait cela, et Draco fut particulièrement fier de parvenir à suivre le cours de la pensée de son ancienne Némésis.
– Il te manque, dit-il.
– Oui, ils me manquent tous mais je sais qu'ils sont fiers de moi, où qu'ils soient.
– Tu as l'air bien informé.
– Je le suis.
Toujours ce léger sourire qui respirait la confiance en soi et lui donnait cette aura si attirante. Draco eut envie de se lover contre ce torse d'homme et de poser sa tête sur cette épaule qu'il devinait si solide. On lui avait tout retiré, tandis que Potter avait tout gagné.
– Alors s'ils sont fiers de toi, c'est l'essentiel, murmura-t-il, réprimant tout désir de se rapprocher de l'autre homme.
Le silence retomba durant quelques instants, Draco en profita pour s'étendre dans l'herbe, mais il ne chercha pas à observer les étoiles, c'aurait été peine perdue, son regard semblait préférer Potter.
– Que vas-tu faire maintenant que tu es libre ?
Draco haussa un sourcil, étonné. Il ne s'était pas vraiment attendu à ce genre de question de la part d'un ancien ennemi.
– Je ne sais pas, rentrer chez ma mère, je suppose.
– Tu n'as pas envie de suivre des études ?
– Je n'y ai pas vraiment réfléchi, je suppose que je devrai bien travailler à un moment de ma vie mais même si je parviens à décrocher des diplômes, je resterai un ancien Mangemort, personne ne me fera confiance.
Draco avant prononcé ses derniers mots si bas qu'il doutait que Potter les ait entendus, à vrai dire il était stupéfait d'avoir parlé ainsi. Il n'avait jamais parlé de ça, pas même à Blaise Zabini, qui était ce qui se rapprochait le plus d'un meilleur ami pour lui.
– Tu sais, tu ne devrais pas t'arrêter à ce que les gens pensent, je suis certain que tu as un avenir prometteur devant toi.
– Je rêve, serais-tu en train de m'encourager ? ironisa Draco pour cacher sa gène.
– Bien sûr. J'ai toujours eu beaucoup de respect pour ton intelligence, Malfoy, je serais déçu si tu laissais tomber maintenant que tu as payé tes erreurs.
– Potter, ton respect n'est pas ma priorité, lâcha Draco sèchement.
Il était touché par ce qu'il venait d'entendre, et il avait peur de ce que cela faisait résonner en lui.
Plus pour changer de sujet que pour le geste, il sortit de la poche intérieure de sa robe une boite usée qu'il tendit au brun. Ce dernier s'en saisit, l'air étonné.
– J'ai trouvé ça il y a quelques années dans mon grenier, je me suis dit que ça te plairait de l'avoir, expliqua Draco en détournant le regard.
Il savait que ce qui se trouvait à l'intérieur de la boite provoquerait une émotion intense chez Potter, il savait donc que pour sa propre santé mentale il ne devait pas voir son visage au moment où il le découvrirait.
Il espérait aussi que Potter ne lui demanderait pas pourquoi il avait gardé ça des années durant, car lui même l'ignorait. Il avait juste trouvé une chevalière gravée des armoiries de la maison Gryffondor sans savoir comment elle était arrivée jusque dans le grenier du manoir Malfoy, il avait su avant même de lire le nom inscrit à l'intérieur de l'anneau qu'elle avait appartenu à Sirius Black, le parrain de Harry Potter, et il l'avait gardée précieusement.
– Malfoy…
La voix qui venait de l'interpeler était toujours celle de Potter, mais en plus rauque, presque enrouée. Draco, par réflexe, porta son regard vers l'origine de ce son et son cœur s'arrêta un instant.
Le regard vert brillait de larmes contenues et exprimait une émotion si intense que Draco en eut mal.
– Merci.
Ce « merci » ne souffrait aucune réponse, aussi Draco resta-t-il muet, laissant Potter glisser la chevalière à son doigt avec une douceur proche de la vénération.
Et lorsque ces yeux si vivants s'ancrèrent à nouveau aux siens, Draco put enfin mettre des mots sur ce que cet homme lui inspirait.
Il l'aimait…
Et il sut au plus profond de lui-même qu'un jour, cet amour le tuerait.
À suivre…
oOo
(-1-) : L'ochlophobie est une peur irraisonnée de la foule. Fréquemment confondue avec l'agoraphobie, elle n'a pourtant rien à voir, les ochlophobes préfèrent justement les grands espaces afin de moins ressentir le poids qu'ils ressentent face à une foule. Si l'agoraphobe peut avoir peur de la foule en tant que masse (en lien avec l'espace), l'ochlophobe voit dans la foule une densité ou une compression, voire une oppression (également, parfois, dans la peur du regard d'autrui). Dans ce sens, cette phobie se rapproche plus de la claustrophobie que de l'agoraphobie.
Et voilà, un de posté o/
Je vous remercie de m'avoir lue, et je vous donne rendez-vous pour la suite, qui ne tardera pas trop, promis.
À très vite :)
Baddy (un jour, je serai rouge, oh oui, un jour…)