Disclaimer: Les personnages de Harry Potter ne m'appartiennent pas, mais l'histoire, si!
Couple: Harry / Draco.
Evaluation: M.
Bonsoir tout le monde !
Lys : Bonsoir ! :-)
Aujourd'hui, c'est l'anniversaire de ma meilleure amie qui fête ses 18 ans !
Lys : Ca y est ! Elle est vieille !
J'étais censée écrire un OS mais disons que bah… ça a vite dérivé… en fic à chapitres -.-
Lys : C'est pourquoi la suite de Papillon (pour ceux qui lisent) sera retardée de quelques semaines.
Voilà… Cette histoire est donc dédiée à jojo aquarius que j'aime fort et j'espère que cette histoire lui plaira autant qu'à vous :-)
Lys : Nous remercions Lily Joke pour sa correction…
… et aussi Soizic et Lady Rose pour avoir lu mes pages et m'avoir encouragée à continuer cette histoire. Même si vous êtes des relou les filles, je vous aime quand même :D.
Lys : Sans ces relou, t'aurait pas écrit la suite de ce truc, aussi…
Mouais pas faux… Bref !! Bon anniversaire Jojo !!! :D
Bonne lecture !
Existence
There'll be times
When my crimes
Will seem almost unforgivable
I give in to sin
Because you have to make this life liveable
But when you think I've had enough
From your sea of love
I'll take more than another riverfull
And I'll make it worthwhile
I'll make your heart smile
Strangelove, Depeche Mode
OoO
Il se rappelait encore du visage de sa mère, le jour où il lui avait annoncé qu'il était homosexuel. Autant dire que sa mère ne fut pas ravie. Elle ne dit rien, raide et pâle, et il était parti sans ajouter un mot. Dans le fond, tout avait été dit. Tout se résumait dans ce mot long, compliqué, scientifique : Homosexualité.
S'il était honnête avec lui-même, Draco reconnaîtrait que ça s'était mal passé. Mais il préférait se dire que ça aurait pu être pire, qu'elle aurait pu hurler au scandale, crier de rage et le maudire jusqu'à la vingt-cinquième génération. Elle l'avait juste regardé avec ses grands yeux bleus, froide, distante, le visage un peu trop pâle, la bouche réduite en un trait sombre. Un air pincé, qui s'accordait avec son chignon serré et son corps raide. Nerveuse. Blessée.
Ce visage l'avait marqué, car il avait eu l'impression que c'était la première fois que sa mère le regardait vraiment. Dans le fond, Draco n'était pas un enfant désiré, sa mère avait été mariée à son père et ils avaient accomplis leurs devoirs conjugaux jusqu'à ce qu'un enfant naisse : lui. Draco Malfoy. Son père l'avait élevé comme lui-même avait été élevé, sa mère l'avait regardé de loin sans vraiment s'en préoccuper.
Elle l'avait protégé, pourtant, pendant la guerre. Ou, du moins, elle avait essayé. Elle avait utilisé Severus Rogue, car elle-même ne pouvait pas agir. Ou, plutôt, elle ne voulait pas agir. Son devoir de femme mariée l'amenait à rester à sa place et à tout regarder de loin, la bouche close et les paupières à demi baissées.
Certes, elle avait contribué à la victoire de Harry Potter en le déclarant mort alors que son cœur battait encore, lui demandant à l'oreille si Draco était toujours vivant. Cela aurait pu passer comme de l'amour maternel, une inquiétude somme toute naturelle. Draco savait que c'était juste parce qu'elle voulait être sûre de pouvoir s'en tirer une fois que toute cette histoire serait terminée. Et, dans le fond, ça avait marché : Draco les avait tiré d'affaire. Difficilement. Mais leur train de vie n'avait pas trop souffert.
Jusqu'à ce que Draco lui dise qu'il était pédéraste. Quel mot long et compliqué… Il n'avait jamais vraiment compris pourquoi on devait qualifier les personnes qui aimaient les êtres du même sexe. Cela ne faisait pas d'eux des personnes différentes, pourtant. Mais il était bien connu que la différence effrayait. Répugnait, même. Il fallait bien un mot compliqué, difficile à dire et pas très joli pour qualifier ces mœurs déviantes. C'était presque une insulte.
Bref. Il ne portait pas de réelle attention à ce que les autres disaient. Personne ne savait qu'il aimait les hommes, cela ne regardait que lui. Il avait déjà eu assez de mal à trouver un travail et à se réintégrer dans la société sorcière, ce n'était pas pour tout perdre à cause de quelques préjugés. La seule chose qu'il regrettait un peu, c'était l'éloignement de sa mère. Elle fuyait sa présence, dans le Manoir, dînait le moins possible avec lui, demeurait des journées entières dans sa chambre.
Peut-être pleurait-elle. Peut-être. Allez savoir.
Ce n'était pas son problème.
OoO
La nuit était tombée sur Londres depuis quelques heures. Le regard vaguement tourné vers la fenêtre, Draco pensait à sa mère, enfermée dans leur manoir, à ce moment où il lui avait avoué son homosexualité. C'était étonnant qu'il pense à elle, de façon aussi spontanée. Cela lui arrivait rarement. Non pas qu'il n'aimait pas sa mère, disons plutôt qu'elle lui était indifférente. Une ombre dans son enfance, un être qui devait être là mais qui n'en avait pas vraiment la volonté.
C'était peut-être parce que sa mère avait toujours été inexistante dans sa vie qu'il en était venu à aimer les hommes, ou alors peut-être que c'était naturel. Dans le fond, Draco n'avait jamais été particulièrement attiré par les femmes. Le sexe avec elles n'était pas aussi bon qu'avec un homme, qu'importe le côté par lequel on la prenait. Draco ne se destinait pas à une vie banale avec une épouse et des mômes, il se voyait plutôt comme un éternel célibataire, cherchant le plaisir là où il pourrait en trouver. Pas à haute dose. Juste un peu. De temps en temps. Histoire de se donner l'illusion qu'il n'était pas tout seul.
Il poussa un soupir et regarda l'heure : sept heures moins le quart. Il ferma les yeux un court instant avant de les baisser vers la longue feuille de parchemin étalée sur son bureau. Cela faisait bien trois heures qu'il travaillait à rédiger une énième page de son prochain grimoire, l'illustrant avec des schémas simples mais réalistes. Il n'en pouvait plus, il avait mal à la main et son esprit était aussi engourdi que ses doigts.
Suite à la guerre, Draco avait réintégré Poudlard et y avait passé une année avant de se lancer dans des études de médicomagie, se dirigeant très vite vers la branche des potions dont il devint le meilleur élément parmi la petite sélection d'étudiants parvenus à ce stade-là. À présent, à tout juste vingt-cinq ans, il était connu pour être un expert, ayant déjà signé un grimoire de potions.
Dans le fond, les étudiants qui se dirigeaient dans une telle branche avaient peu de choix quant à leur futur métier. Les meilleurs devenaient spécialistes et concoctaient des potions compliquées pour les grands instituts ou les particuliers. Les moins bons étaient embauchés par Ste Mangouste afin de préparer les breuvages, les niveaux de difficulté variant selon le niveau de ces personnes-là. Draco avait su se démarquer, il n'avait jamais travaillé à Ste Mangouste mais pour des particuliers. Depuis qu'il était à Poudlard, il avait fait de nombreuses recherches sur les remèdes pouvant soigner ou atténuer les handicaps sensoriels, comme la surdité, et le grimoire qu'il avait écrit deux ans auparavant à ce sujet, regroupant tous les breuvages et sorts connus avait eu un franc succès, par la simplicité que Draco avait à expliquer les choses, à la fois par son écriture et ses dessins.
A présent, Draco se concentrait sur les problèmes que rencontraient les hybrides, ou plutôt les hommes et femmes qui, par un coup du hasard ou par naissance, se retrouvaient avec un corps mêlé à une autre espèce. Le cas du loup-garou était le plus connu, mais il y en avait d'autres, des personnes qui parvenaient à se transformer naturellement en animaux et parfaitement incapable de redevenir humaines sans aide extérieure. Cela faisait un moment qu'il se penchait sur ce problème, installé dans un laboratoire de Ste Mangouste. L'hôpital finançait ses recherches à condition qu'il forme deux étudiants au minimum, maigre prix à payer pour tout le confort et les moyens dont le médicomage disposait.
Le seul souci avait été que l'hôpital lui avait d'abord imposé des étudiants, des gamins dont les parents étaient aisés et subventionnaient l'établissement. Pour se débarrasser de ces petits merdeux, comme il les appelait si gentiment, il leur menait la vie dure, au point qu'ils finissaient par s'en aller. Au final, Draco choisit lui-même ses apprentis. Un garçon et une fille. Un androgyne aux cheveux vert et une obèse. Aussi bizarres que brillants.
Draco poussa un nouveau soupir. Il ne parviendrait pas à écrire une ligne de plus, il le savait. La nuit était tombée, ses deux apprentis devaient roupiller à moitié dans la salle d'à côté et s'entêter à vouloir continuer était inutile. Il posa donc sa plume et se leva, puis s'étira, avant de sortir de ce petit bureau où il entassait toutes ses affaires personnelles, à savoir ses dossiers multiples et ses recherches magiques. Il déboucha sur le laboratoire, plutôt spacieux. Les plafonniers diffusaient eu lumière chaude et douce dans la pièce. Malgré lui, Draco coula un regard attendri à ses deux apprentis, l'un penché sur son parchemin à gribouiller dessus tandis que l'autre, les bras croisés, somnolait. Le jeune homme de vingt ans qu'il formait leva les yeux de sa feuille et sursauta en le voyant.
« Paxton, réveille Andromaque. La journée est finie.
- Andros, debout là-dedans !
- M'appelle pas Andros…
- Allez la grosse, c'est pas l'heure de dormir. Debout là-dedans ! »
Paxton secoua sa collègue énergiquement et la fille, qui avait une sacrée bouée autour du ventre, poussa un grognement de mécontentement. Au début, Draco pensait que cette fille ne savait que manger et dormir, avant de voir qu'il y avait une intelligence plus grande que son tour de taille dans sa petite tête. Le fait qu'il prenne une sang-mêlé dans son équipe de cet acabit avait eu l'effet d'un scandale dans l'hôpital. Certes, elle n'avait aucune classe et la bouée qu'elle traînait autour de sa taille n'était guère gracieuse, mais le blond préférait travailler avec des personnes qui en avaient dans le crâne et non pas des frimeurs.
D'ailleurs, Draco Malfoy n'était pas connu pour être un enfant de cœur. Il ne traitait par cette gamine avec égard, soulignant fréquemment son poids trop important, et c'était peut-être cette franchise qui plaisait à la jeune fille. Il l'avait connue mal dans sa peau. Plus grosse encore. Le fait qu'il la prenne avec lui l'avait fait maigrir et elle semblait davantage s'accepter. Draco était certain que, s'il n'avait pas agi, elle n'aurait jamais rien fait de ses dix doigts potelés. Et Merlin savait comme elle était douée pour préparer les breuvages compliqués…
« J'en ai marre que tu m'appelles Andros. Mon nom, c'est Andromaque.
- C'est trop long. Et même le patron t'appelle comme ça.
- C'est mon supérieur, c'est différent. Toi, t'es qu'un minable peinturluré en vert. »
Autre chose qu'il aimait bien chez ces deux jeunes : cette faculté qu'ils avaient de se prendre la tête pour des motifs stupides et s'entendre très bien l'instant d'après. D'un autre côté, Paxton était un bon vivant. Quand on lui retirait ses pilules pour vomir et qu'on surveillait son alimentation. Et qu'on arrête de lui dire que son visage neutre faisait largement douter de la nature de son sexe.
« La journée est finie et vous avez cours demain. Allez dormir.
- On doit venir demain ?
- A trois heures. Aucun retard ne sera admis. »
Draco coula un regard lourd de sous-entendus à Paxton qui lui fit un sourire angélique. Cet idiot se débrouillait toujours pour arriver en retard, à cause de ses multiples emplois qu'il cumulait pour pouvoir subvenir à ses besoins, et également à ceux de sa petite sœur mise enceinte par un homme de passage. S'il n'était pas aussi efficace, Draco aurait fini par le virer. Mais ce gamin était trop doué pour qu'il se le permette. Et puis, il avait bien du courage. Il fallait le reconnaître.
Cinq minutes plus tard, le laboratoire était rangé et les deux apprentis prenaient leurs affaires pour rentrer chez eux. Quand Draco eut verrouillé son bureau, il rejoignit Andromaque dans l'entrée, sa cape sur le dos et son sac sur l'épaule. Elle lui dit que Paxton s'était déjà enfui mais qu'il lui souhaitait une bonne soirée. Le blond haussa l'épaule et les fit sortir, afin de verrouiller le laboratoire.
« Monsieur, je peux prendre un jour de repos, vendredi ?
- Pourquoi ?
- Y'a ma maman qui est malade et je vais aller la voir. Je n'aurai pas le temps ce week-end…
- D'accord. Tu lui souhaiteras un bon rétablissement de ma part. »
Elle lui fit un grand sourire, ses yeux sombres brillant de mille feux. Draco lui proposa de la raccompagner, ce qu'elle refusa : elle ne voulait pas lui faire perdre de son temps, elle ne craignait pas grand-chose. Certes, elle vivait dans un quartier douteux, mais qui pourrait s'en prendre à quelqu'un comme elle ? Elle faisait même peur au chien du voisin, c'était dire…
Ainsi, ils firent un petit bout de chemin ensemble jusqu'à accéder à un large couloir bordé de cheminées. Ils s'y séparèrent, l'une entrant dans une cheminée la menant à un pub sorcier près de chez elle, l'autre atterrissant directement chez lui. Installer une cheminée dans un appartement était complexe mais terriblement utile. Cela lui évitait de voir la tête de ses voisins dans l'ascenseur et d'être obligé de monter les escaliers quand cette cage à oiseaux était en panne, ce qui arrivait régulièrement.
Il vivait dans ce logement depuis trois mois, privilégiant le confort et la simplicité à tout ce qu'il avait connu autrefois, à savoir le luxe et les meubles sophistiqués. Il en avait assez du Manoir, trop grand pour lui, et sa mère qui y errait comme un mauvais esprit. L'appartement n'était pas bien grand, à peine trois chambres en plus du salon relativement grand. Mais cela lui suffisait.
Draco retira sa cape et la posa sur un fauteuil, ainsi que sa sacoche, puis il se laissa tomber sur son canapé. Devant lui, le feu brûlait doucement dans l'âtre de la cheminée, diffusant une douce et chaud lumière dans la pièce. Regarder les langues de feu lécher les morceaux de bois le berçait, cela avait quelque chose de relaxant. Il aurait presque pu somnoler si son esprit ne demeurait pas irrémédiablement clair. Il se sentait fatigué et, à la fois, il n'avait aucune envie de dormir.
Lentement, il tourna la tête vers la fenêtre. Le ciel était d'un noir d'encre et il s'étendait sur tout Londres comme un lourd manteau. Draco se leva et se posta devant la vitre. Il vivait au dix-septième étage de son immeuble et, de là où il était, il pouvait voir la ville s'étendre sous ses yeux, ponctuée de petites lumières jaunes, comme des étoiles dans le firmament ténébreux. Cette vue lui donna envie d'ouvrir la fenêtre et de sauter, de voler au-dessus de cette ville lumineuse, ne faire qu'un avec le vent violent qui soufflait dehors. Alors il ferma les yeux et, pendant quelques secondes, il s'imagina dans les cieux, survolant la capitale. Il se voyait au-dessus des immeubles, des ponts et des fleuves, il imaginait presque un balai entre ses jambes, le pommeau dans sa main, et les vents lui fouetter agréablement le visage…
Mais quand il rouvrit les yeux, il était chez lui, au garde-à-vous devant sa fenêtre, à rêvasser. Le cœur serré et amer, la bouche crispée et le corps tendu. Voilà la dure réalité : il était expert en potion, et non pas un oiseau libre qui pouvait aller là où il le souhaitait. Il n'était pas libre. Il était là. Dans cet appartement. Seul.
Alors, pris d'une impulsion soudaine, d'un désir d'évasion, il partit dans la salle de bain et se lava, puis il alla dans sa chambre pour s'habiller. Il en ressortit presque méconnaissable, troquant la traditionnelle robe noire recouverte d'une blouse blanche des médicomages contre un jean noir et un débardeur noir. Il portait aussi des gants trop longs qui montaient jusqu'à ses coudes. Ça lui donnait du style. Et ça cachait la Marque.
OoO
Allez en Enfer.
Voici le nom de la boite de nuit gay la plus célèbre d'Angleterre. Draco était même persuadé qu'elle était connue des autres pays, vu qu'il avait déjà rencontré des étrangers qui ne parlaient pas un mot d'anglais dans ces lieux de débauche.
Les personnes qui s'inscrivaient dans cet établissement juraient sous serment avant d'y entrer. Draco avait promis diverses choses, comme ne pas coucher avec qui que ce soit dans l'enceinte de l'établissement, au risque de voir des furoncles apparaître sur son visage, d'après ce qu'un de ses partenaires lui avait dit, ou encore de ne jamais parler de ce qui se déroulait dans ce lieu. Cette dernière chose avait laissé l'homme sceptique, jusqu'à ce qu'il comprenne.
Ici, rien n'était sérieux. Rien n'était fait pour durer et le regard des autres importait peu. Personne ne se moquait des débiles qui se déhanchaient sur la piste ou ceux qui se déshabillaient à moitié pour allumer leurs prétendants. Personne n'insultait les pourris qui venaient chasser des petits jeunes sans expériences ou les anciens mangemorts repentis.
Ici, rien n'avait d'importance. A part vivre. Exister. Faire comme si le monde, dehors, n'avait jamais existé.
Draco avait mis les pieds pour la première fois dans cette boite de nuit il y avait environ un an. Il cherchait un endroit où s'amuser, faire des rencontres sans lendemain, mais il ne voulait pas que ça se sache. Jusqu'au jour où il avait entendu parler de cette boite par un étudiant homosexuel qui en parlait à un de ses amis. Draco y était allé et avait découvert un établissement en ruine à la façade miteuse.
Avec un néon rouge, un peu bancal : Allez en Enfer. A la fois une insulte. Et une invitation.
Il souriait toujours quand il se trouvait devant cette boite de nuit qui n'avait absolument rien d'alléchant. Il s'avança vers la baraque, qui comportait un étage au-dessus du rez-de-chaussée. Draco entra et arriva dans un petit hall où se trouvaient deux vigiles postés devant des pupitres. Draco fouilla dans sa poche et tendit sa carte de membre. Le sorcier posté devant le pupitre regarda le nom, vérifia s'il était bien dans la liste du cahier posé devant lui, puis lui rendit sa carte et fit un léger mouvement de tête.
Draco passa les doubles portes, pas très loin du vigile. Un escalier en colimaçon se présenta à lui. Il descendit prudemment les marches, puis arriva dans une toute petite pièce. Il y avait une porte, derrière laquelle s'échappait un bruit fort apaisé par l'épaisseur des murs. Draco la passa. Et le bruit de la musique lui creva les tympans.
Allez en Enfer.
OoO
Le réveil sonna de façon peu gracieuse. Draco l'éteignit aussitôt et se leva, comme s'il était réveillé depuis dix minutes. De façon mécanique, il alla dans la salle de bain et fit couler l'eau de sa douche. Un jet d'eau froide lui glaça le corps, de façon aussi douloureuse que bienfaitrice.
Ça arrivait souvent, quand il allait dans cette boite de nuit. La plupart du temps, il dansait toute la nuit comme un possédé, avec un ou plusieurs partenaires. C'était ça qu'il aimait le plus : danser jusqu'à l'oubli. L'alcool aidait beaucoup, il oubliait tout ce qui composait son existence l'espace de quelques minutes, avant de retomber sur terre, le lendemain matin.
Pendant ce voyage, il arrivait qu'il s'égare. Qu'il aille trop près des étoiles. Draco Malfoy n'était pas un homme facile. Mais il finissait souvent par trouver quelqu'un avec qui passer la nuit. Pas toujours. Mais ça arrivait. Dans un hôtel miteux, dans des suites somptueuses. Un endroit où faire comme si le vide qui creusait son cœur n'existait pas. Une sorte d'oublie, mêlé au plaisir.
Puis, une fois l'acte fait, il s'en allait. Ou alors il s'endormait et repartait dès qu'il en avait la force. Le plus souvent, il ne revoyait pas ses partenaires. Certains exigeaient des explications, voulaient pousser leur relation. Sauf que Draco ne s'attachait à personne. Il dansait et baisait. Ça n'allait pas plus loin. Il n'avait absolument aucune envie de former un couple avec qui que ce soit, les autres ne l'intéressaient aucunement.
C'était pour cela qu'il allait dans cette boite de nuit. Personne ne s'intéressait vraiment à lui car rien n'était important, quand les portes de l'établissement étaient franchies. Personne ne pourrait dire ce qu'il y faisait et qui il fréquentait. C'était de ça, qu'il avait besoin : un endroit où tout était permis, sans limite. Coucher avec n'importe quel homme était permis. Un hôtel pas loin appartenait à une autre femme qui adoptait le même mode de fonctionnement que la boite de nuit.
Voilà à quoi se résumait sa vie, à présent. Le travail la journée, et le soir, soit il rentrait chez lui, soit il allait danser. Une vie à la fois simple et cachée. Que personne ne connaissait.
« Mr Malfoy ?
- Oui Paxton ?
- Mrs Weasley veut vous voir.
- Qu'est-ce qu'elle me veut, encore ?
- J'en sais rien.
- Fais-là rentrer. »
Paxton sortit du bureau et, quelques minutes plus tard, Mrs Weasley entra dans la pièce, refermant la porte derrière elle. Draco poussa sur le côté son parchemin, rangea sa plume dans le pot prévu à cet effet et indiqua au médicomage un des deux sièges placés devant son bureau. Elle s'y installa et démarra de suite.
« Bonjour Malfoy. Il parait que tu travailles sur les hybrides, en ce moment.
- Et alors ? En quoi puis-je t'être utile ?
- J'aurais besoin de certains éclaircissements sur les « hommes sirènes ».
- Il y a une bibliothèque ici, non ?
- J'ai besoin de tes recherches. Il se trouve que nous avons une patiente, là-haut, dont l'enfant est né avec une queue de poisson…
- Laisse-moi deviner : vous voulez opérer l'enfant. »
La médicomage ne répondit pas et Draco sut qu'il avait raison. Sans un mot, il récupéra son parchemin, trempa sa plume dans l'encre et se remit à écrire. Il ne put le voir, mais le visage de la médicomage traduisit toute la colère qui montait en elle.
« Cet enfant va mourir !
- Un « homme sirène » ne peut pas mourir, à moins que vous ne le laissiez pas dans l'eau. Une opération pour lui rendre ses jambes le condamnerait et tu le sais très bien. Les chances qu'ils survivent sont minces et…
- Nous pouvons essayer ! Montre moi tes recherches, Malfoy, ou ce bébé sera condamné à vivre loin de sa mère ! Peut-être même qu'il mourra ! Peu de vraies sirènes acceptent d'élever ce genre d'enfant ! »
Lentement, Draco Malfoy leva les yeux vers Hermione Weasley, plantant son regard dans les yeux noisette de la médicomage. Il lui répondit d'une voix froide et traînante.
« Je vais t'expliquer la situation dans un langage cru, mais, j'espère, qui te permettra de comprendre un peu mieux la situation. Cet enfant est un monstre. Un être différent de nous. Et tu veux l'opérer afin qui nous ressemble. Sauf qu'il ne sera jamais comme nous, ce bébé : il aura des cicatrices immondes sur les jambes, il ne pourra jamais avoir d'enfants car, très chère, il est impossible chez les sorciers de modifier ou créer un sexe valide. Mais je ne t'apprends rien.
- Mal…
- De plus, sa peau aura un besoin croissant d'eau, au point qu'il passera la majeure partie de son temps dans une baignoire ou dans un lac. Crois-tu sincèrement qu'il sera heureux, qu'il pourra s'intégrer à notre société ? Il passera sa vie à prendre des bains et à s'abreuver de potions pour ne pas se déshydrater trop rapidement, sans oublier qu'il ne pourra jamais avoir d'enfants. Mes recherches sur ces hybrides-là ne t'apporteront rien, puisque je cherche la raison de ce genre de transformations et non à sacrifier la vie d'enfants. Faites lui une opération pour transformer ses poumons en branchies, comme d'habitude, et ne jouez pas aux apprentis sorciers. C'est un monstre, certes, mais c'est surtout un bébé, et non un cobaye.
- Mais…
- La conversation est close. Bonne journée. »
Et Draco rabaissa les yeux vers sa feuille de parchemin. Quelques secondes plus tard, Hermione Weasley claquait la porte avec force. Quelle puérilité…
Mais depuis la fin de la guerre, c'était ainsi. Les médicomages cherchaient de plus en plus à prouver leur valeur en faisant de nombreuses recherches ou tests qui ne rimaient à rien. Draco n'avait pas la science infuse, il était certain que beaucoup de choses pouvaient être améliorées, mais il y avait des domaines auxquels il ne valait mieux pas toucher. C'était le cas des « hommes sirènes », les rares cas opérés ayant passés une vie de misère. La plupart se suicidaient. Rares étaient ceux qui trouvaient une âme sœur et aucun d'entre eux ne pouvait procréer, sans oublier que leurs jambes étaient souvent douloureuses et leur corps avait un besoin constant d'eau. Les potions à avaler ne réglaient pas tous leurs problèmes. Il valait mieux envoyer ces enfants dans les eaux, avec les autres sirènes, plutôt que de les voir mourir sur terre. Ils survivaient bien mieux sous les flots, malgré des problèmes respiratoires récurrents.
Beaucoup de médicomages voulaient pourtant changer ce genre d'habitude, ce qui ne rimait à rien, pour Draco. Hermione Weasley faisait partie de ces gens-là, qui tentaient de révolutionner le monde de la médicomagie. Cependant, pour cela, il lui faudrait faire de longues recherches sur un sujet donné, au lieu de passer son temps à opérer des malades et à essayer ensuite de jouer aux apprentis sorciers. C'était pour cela qu'elle venait fréquemment demander de l'aide à Draco, comme tant d'autres d'ailleurs, mais le blond refusait de leur passer ne serait-ce qu'une page de ses recherches, qui n'appartenaient qu'à lui : elles seraient forcément utilisées à de mauvaises fins, il préférait publier ses grimoires et pouvoir, au besoin, attaquer les mauvais médicomages qui utilisaient mal ses découvertes.
C'était sans doute pour ça que Draco se refermait sur lui-même, travaillant seul dans son laboratoire avec deux apprentis qu'il avait lui-même choisi : il ne voulait pas être utilisé par les autres médicomages et encore moins fréquenter des crétins pareils. Hermione Weasley était la pire d'entre eux, elle étalait son savoir et venait sonner à sa porte avec force et banderoles quand elle avait l'occasion de briller. Or, Draco était contre la plupart de ses tentatives : on ne forçait pas les schizophrènes à boire des potions pour faire disparaître les autres âmes de leur corps, vu que ça les rendait fous dans la grande majorité des cas, et on ne tentait pas d'éclaircir ou foncer la peau d'un bébé parce que la mère l'avait eu avec la mauvaise personne.
Tous ces savants fous l'exaspéraient au plus haut point, c'en était affolant. Il les fuyait comme la peste, ne fréquentant que les hommes et les femmes dignes d'intérêt qui mettaient leurs dons au service des malades et non à une quelconque révolution de la médicomagie. Un moyen de se mettre en valeur, de prouver son intelligence, au lieu de rester à leur place et faire leur travail…
Andromaque toqua à la porte puis entra, une grimace sur le visage.
« Qu'est-ce qu'elle vous voulait ?
- Rien d'intéressant.
- Elle avait l'air furieuse.
- Comme à chaque fois qu'elle repart d'ici. Tu veux quelque chose ?
- Vous voulez du café ? Ça vous détendra les nerfs. »
Draco poussa un soupir et hocha la tête : cinq mois que cette fille travaillait avec lui et elle connaissait ses habitudes comme personne. Le café avait le don de le détendre, et même s'il le montrait peu, les confrontations avec Hermione Weasley avaient le don de l'énerver. Car il savait qu'elle reviendrait, encore et encore, espérant qu'il cède. Cette fille était d'un sans-gêne hallucinant. A Poudlard, elle était plus discrète, se basant sur ses propres recherches. Sauf que, à l'époque, elle avait le temps de passer des heures dans une bibliothèque, ce qui était bien moins le cas aujourd'hui. Les médicomages devaient faire un choix : la théorie ou la pratique. Draco avait choisi la théorie : il faisait des recherches. Hermione avait choisi la pratique : elle sauvait des vies. On ne pouvait faire les deux en même temps.
La porte de son bureau se rouvrit et son apprentie vint lui apporter son café, déposant la soucoupe puis la tasse sur le meuble.
« Merci, Andros.
- De rien. »
Puis, elle repartit, se dandinant sur ses jambes potelées. Tout en portant la tasse à ses lèvres, Draco se dit qu'il comprenait un peu pourquoi Mrs Weasley était aussi énervante. Sous prétexte qu'ils avaient été dans la même année à Poudlard et qu'il était loin d'être bête, elle se permettait de le harceler pour qu'il lui donne des informations. Il savait qu'elle venait aussi parce qu'elle le détestait et qu'elle savait qu'il ne l'aimait pas du tout : avec de telles relations, il était facile de l'exaspérer et le faire céder. Sauf que Draco était plus solide que ça et ce n'était pas une bonne femme qui allait le faire céder, loin de là.
Draco se sentit soudain fatigué. Il se massa le front et regarde l'heure. Il n'était pas encore l'heure de partir, loin de là…
OoO
De debout devant le grand miroir, Draco Malfoy se regardait. D'un point de vue général, il était correct. Beau, même. Relativement bien fait. Il fallait dire que Draco ne pratiquait plus aucun sport et qu'il mangeait peu. Il n'était pas maigre, mais fin. Pas musclé. Limite une fillette.
Il avait mis un pantalon blanc qui moulait ses jambes, sans pour autant coller sa peau de façon outrageuse. Un débardeur blanc masquait son torse et, comme souvent, il avait caché ses avant-bras. Cette fois-ci, il avait enfilé des bandelettes de tissu. Il ne voulait pas mettre de gants. C'était joli, et cela cachait la marque des ténèbres.
Ses cheveux blonds étaient laissés libres autour de son visage clair, son teint pâle s'harmonisant avec la couleur de ses vêtements. Et, au milieu de son visage, deux aigues-marines brillaient doucement.
Certains auraient pu le comparer à un ange. Une beauté nordique. Lui se voyait plutôt comme un cadavre. Un être errant dans un monde auquel il appartenait plus ou moins.
Après un soupir, Draco quitta sa chambre, un goût amer dans la bouche. Ce soir, c'était soirée « blanc ». Diverses personnes en avaient parlé, la dernière fois qu'il s'était rendu à la boite de nuit, une semaine plus tôt. Il arrivait que ce genre de thème soit organisé. Draco aimait se fondre dans la masse. Il s'était donc vêtu de blanc, en sachant qu'un certain nombre de clients ne seraient pas dans le coup. Lui, il serait comme les autres.
En plus beau.
En plus fin.
En plus triste.
Une fois ses chaussures mises, Draco sortit de son appartement qu'il verrouilla. Puis, il transplana et arriva à quelques pas de la boite de nuit. Il faisait frais pour un mois d'avril, il sentit de délicieux frissons parcourir son corps.
Comme d'habitude, il leva les yeux vers la bâtisse en ruine, où le nom de l'établissement, en néon rouge, était penché de travers.
Allez en Enfer.
Une insulte. Et une invitation.
Draco entra dans l'établissement et se dirigea naturellement vers le vigile de droite. Il fouilla dans sa poche et se rendit compte qu'il avait oublié sa carte. Il serra les dents en jurant intérieurement et allait s'en aller quand une voix grave et indéniablement féminine retentit derrière lui.
« Laissez-le passer, c'est un habitué. »
Il se retourna et esquissa un sourire séducteur à la femme qui venait de parler au vigile. Il s'agissait de la patronne, une femme qui avait bien l'âge d'être sa mère. Pourtant, elle était encore fraiche et jolie, ses cheveux bruns parsemés de mèches argentées. Une cigarette à la bouche, elle s'approcha de lui et tendit une main vers lui, qu'il serra franchement.
« Bonsoir, Mme Nightingale.
- Bonsoir, jeune homme. Alors, on a oublié sa carte ?
- Je n'ai aucun secret pour vous. Vous êtes rayonnante, ce soir.
- Merci. Il faut bien que je me fasse belle, je suis la seule femme de cette maison. »
Aucune femme n'était admise dans l'établissement. C'était même des hommes qui faisaient le service. La patronne était la seule femme qui pouvait se déplacer dans cet endroit.
« Et puis, on reçoit du monde dans le restaurant, à l'étage. Quelle organisation, je te jure… c'est plus de mon âge, ça.
- Vous êtes encore jeune.
- T'as même pas envie de savoir qui est en train de dîner là-haut. »
Elle leva les yeux vers le plafond, sa cigarette entre deux doigts. Draco leva les yeux aussi et se demanda qui pouvait bien être là-bas.
La boite de nuit était organisée de la façon suivante : le premier étage était un restaurant chic où se retrouvaient des hommes plus ou moins connus qui voulaient dîner avec leurs amants dans le plus grand secret, pour la plupart. Au rez-de-chaussée, il y avait une large salle où des gens plus ou moins ordinaires dînaient, accompagnés d'hôtes, tous aussi charmants les uns que les autres. Quant à la musique, elle se trouvait au sous-sol. De façon à ne pas importuner les grandes personnes qui se trouvaient en haut.
« Et c'est pas mon mari qui va m'aider, il déteste venir ici. Il parait qu'il se fait draguer par tous les mecs qui passent.
- Ils doivent le prendre pour un hôte.
- Mon mec n'a pas une tête de tapette ! »
Draco pouffa : cette femme était un sacré phénomène, quand même. Elle avait créé cet endroit pour les homosexuels et elle ne supportait pas qu'on prenne son mari pour un gay… Enfin, elle avait créé cet endroit quand son fils lui avait avoué aimer les hommes. Ne sachant comment réagir, elle avait suivi les avis de ses proches et avait voulu l'emmener chez un psychomage. Pour le soigner. Blessé comme jamais, son fils s'en était allé et elle avait créé cet établissement. Pour lui demander pardon.
Tout le monde l'aimait bien, cette bonne femme. Assez spéciale, certes, mais gentille. Il y avait quelque chose chez elle qui attirait la sympathie. Peut-être le fait qu'elle n'en avait rien à faire des autres. De ces tapettes qui grouillaient de partout, s'arrêtant dans un coin pour échanger un baiser sulfureux, ou dînant aux chandelles à l'étage, leurs pieds se touchant de façon sensuelle. Ce n'était pas son problème, ça. Ça ne la regardait pas.
Qu'ils aillent au diable. Qu'ils aillent en Enfer.
Mme Nightingale lui avait raconté un jour pourquoi elle avait appelé sa boite de nuit comme ça. C'était sa belle-mère, qui ne semblait pas comprendre qu'elle soit malheureuse parce que son fils était parti de la maison, qui lui avait donné l'idée. Qu'il aille en Enfer, avait-elle dit, honteuse d'avoir un petit-fils aux mœurs déviantes. Sauf que, l'Enfer, c'était ça. La vie quotidienne. Ces gens qui vous regardaient de travers parce que vous teniez une mauvaise main, parce que vous n'embrassiez pas la bonne bouche. Parce que vous n'aimiez pas le même sexe. C'était ça, l'Enfer. Mme Nightingale s'était dit que cet endroit qu'elle allait créer serait un Enfer. Pour ceux qui ne comprenait pas. Mais un paradis. Pour ceux qui en avaient besoin.
Et son fils lui était revenu. Il était venu en Enfer, il avait voulu connaître cet endroit dont tout le monde parlait. Il y avait trouvé sa mère. Qui l'avait pris dans ses bras en lui demandant pardon. Et il l'avait pardonnée.
« D'un autre côté, la dernière fois qu'il est venu ici, il s'est fait draguer par un espèce de chinois bizarre. J'ai eu du mal à lui faire comprendre que, non, ce n'était pas un hôte et que, de toute façon, personne ici ne vendait ses services. On n'est pas dans une maison close, mais une boite de nuit et un restaurant !
- Vous devez en voir de toutes les couleurs, ici.
- Oh, si tu savais… »
Elle eut l'air pensive. La patronne porta une cigarette à sa bouche, le regard perdu dans le vague.
« Si tu savais… Il y a des personnes qui viennent ici… Si ça se savait, ça ferait scandale.
- Des gens comme moi ?
- Pire que toi. »
Elle leva les yeux sombres vers lui. Ils brillaient d'un étrange éclat. Elle était la seule ici à ne pas avoir fait de serment magique, elle savait tout ce qui se passait dans ses locaux et il suffisait d'un mot pour que la presse s'empare de l'affaire.
Elle savait trop de choses…
« Y'a des gens qui viennent ici, tu sais, des gens que tu ne penserais même pas voir dans ces lieux. »
Une aura de mystère entourait cette femme. Elle en avait vu, des choses, dans sa vie. Les hommes ne cessaient jamais de la surprendre, dans tous les sens du terme. Même maintenant qu'elle tenait cet établissement. Surtout depuis qu'elle le tenait.
Elle lui montrait la porte d'un coup de menton. Draco acquiesça, lui fit un sourire puis tourna les talons vers les deux portes closes qui menaient au sous-sol. Il les passa, puis descendit l'escalier en colimaçon. Quelques secondes plus tard, il pénétrait dans la discothèque sorcière et gay la plus célèbre et fréquentée d'Angleterre.
La pièce était immense, séparée par des murs, ce qui créait en tout trois salles. La plus fréquentée et la plus grande était la première. Draco ne s'était jamais aventuré dans les autres : celle des amoureux et celle gothique ne l'intéressaient pas le moins du monde. Il préférait cette large pièce qui s'étendait à l'infinie, décorée dans les tons blancs et noirs, où une musique forte et entraînante transperçait les tympans pour envahir directement le cerveau et attirer les danseurs sur la piste.
Draco se dirigea vers le bar. La musique était tellement forte qu'il avait du mal à réfléchir. Il regardait la foule, blanche la plupart du temps, avec quelques pommés habillés dans des couleurs différentes, certains embarrassés, d'autres indifférents. Mais la plupart des hommes présents dans la salle étaient en blanc, ce qui donnait un air étrange et féérique à la foule.
Une fois au bar, il voulut se tourner vers le barman pour demander un cocktail. Mais… quelque chose l'en empêcha.
Ses yeux voyageaient sur tous ces hommes en blancs, qui se pressaient autour du bar, cherchaient un visage connu ou dansaient comme des fou sur les pistes illuminées. Et ses yeux bleus tombèrent sur un homme. Un seul en particulier. Qui attirait son regard comme un aimant.
Il était assis sur un tabouret du bar, les genoux fléchis et les pieds sur le support du siège, son dos un peu vouté vers l'avant. On aurait dit qu'il tentait de se faire oublier, replié sur lui-même, un peu comme s'il n'était pas à sa place.
Il avait des cheveux noirs ténébreux, un visage clair et bien dessiné. Il ne paraissait pas être bien grand.
Draco s'avança vers cet inconnu, oubliant son envie de cocktail et danse. Il cherchait son regard, comme s'il ne parvenait pas à croire ce qu'il était en train de voir. Jusqu'au moment où cet inconnu aux cheveux noir leva la tête, et que leurs regards se croisèrent.
Il avait des yeux verts. Pas vert marron, virant au doré. Des yeux verts. Comme des émeraudes. Brillants comme des pierres précieuses. Illuminant un visage masculin mais jeune, innocent.
Un visage qu'il avait connu, frappé. Vénéré. Hai.
Le visage de son pire ennemi. Qui semblait gêné d'être là, de le voir là.
Draco fit quelque chose d'inattendu. Quelque chose qu'il n'aurait pas dû faire, un geste qu'il ne comprendrait jamais.
Il lui tendit la main. Doucement. Une paume dévoilée, des doigts alignés. Une invitation silencieuse.
Leurs regards se croisaient. Draco le regardait avec le plus grand sérieux, sa main tendue vers lui. Le brun baissa les yeux vers cette main ouverte et fronça les sourcils, comme s'il ne comprenait pas. Puis, il releva la tête. L'air de dire : Pourquoi ?
Il n'eut aucune réponse. Mais il comprendrait plus tard. Alors il posa sa main dans celle de Draco. Une main chaude, qu'il lui avait refusée autrefois.
Les doigts pâles de Draco se refermèrent sur cette main et il le guida vers la piste de danse, au milieu de la foule qui dansait au rythme endiablé de la musique. Une fois perdu dans cette marée humaine, le blond se mit à danser et tenta de guider les mouvements gauches de son nouveau partenaire.
« Je ne sais pas danser. »
Il lut sur ses lèvres plus qu'il n'entendit ses mots. Alors Draco le prit dans ses bras, enlaçant sa taille et guida ses mouvements, tout en parlant à son oreille.
Ce n'est pas grave si tu ne sais pas danser.
Ici, personne ne te regarde.
Rien n'est important. Ni ton nom, ni ce que tu fais dans la vraie vie.
Ici, tu peux faire ce dont tu as envie, danser avec qui tu veux, embrasser l'homme que tu désires. Personne ne sait que tu es venu ici à moins que tu ne le dises, personne ne peut savoir avec qui tu es en train de passer du temps.
Oublie tous ceux qui t'entourent. Tu n'es personne ici.
Alors danse. Ecoute. Et oublie.
OoO
Mais qu'est-ce qu'il avait fait comme bêtise encore ? Merlin savait qu'il en avait fait, des bourdes, dans sa vie. Mais celle-ci…
Qu'est-ce qui lui avait pris, enfin ? Ce n'était pas son genre, ça, de danser avec… en même temps, il n'y en avait qu'un seul… un seul et unique…
« Bonjour Draco, bien dormi ?
- Relativement bien.
- Vous avez bonne mine, pourtant. Il faudra me donner votre secret ! »
Draco faillit répondre ironiquement qu'il suffisait de danser avec le sorcier le plus célèbre d'Angleterre pour cela, mais il garda ses paroles, déjà parce qu'il avait honte, mais surtout parce que son serment magique l'empêchait de prononcer de telles paroles. Tant mieux, dans un certain sens.
« Vous allez travailler ?
- Non, juste récupérer quelque chose que j'ai oublié. Bonne journée. »
Et Draco sortit de la salle de repos, où il était passé pour prendre une tasse de café. Il ne restait jamais très longtemps là, sauf quand des personnes dignes d'intérêt s'y trouvaient, ce qui était rarement le cas. Il n'aimait pas se faire aborder comme c'était maintenant le cas par un médicomages qui vantaient sa personne de façon aussi ridicule. Le pire était quand c'était des femmes qui se trouvaient dans la salle de repos.
Draco n'aimait pas les femmes. Il n'avait jamais aimé ces êtres plus vils que les hommes les plus mauvais ou plus doux que le plus tendre des agneaux. D'un point de vue sexuel, cela n'avait rien d'extraordinaire. Pour lui, un homme était bien meilleur, et ce n'étaient pas eux qui allaient lui faire le coup du bébé eu par accident. De plus, physiquement, il y avait trois catégories de femmes : celles qui avaient des baudruches à la place des seins, les normales et les moches. Draco n'appréciait que les normales, les deux autres types l'écœurant au possible. Et encore, il fallait qu'elles en aient dans le ciboulot, sinon il ne voulait même pas en entendre parler.
Tout en entrant dans son bureau, après être passé par le laboratoire, il se dit que les hommes n'étaient guère mieux que les femmes. Si ces harpies savaient se montrer insupportables, ces brutes avaient aussi le sens du désordre et de la connerie. Ils n'étaient guère mieux, dans le fond, la seule chose qu'ils avaient de plus étant un appareil trois pièces entre leurs cuisses.
En fait, Draco Malfoy portait peu d'estime aux autres, que ce soit ses collègues, des étrangers somme toute assez banals ou encore ses partenaires. Il n'éprouvait même pas de respect pour lui-même, ayant une imagine assez négative de lui-même. Les rares fois où il se disait qu'il était bien fait, qu'il était intelligent ou qu'il avait réussi, il lui suffisait de baisser les yeux vers son avant-bras pour que toute idée positive disparaisse de son esprit.
Il n'était qu'une ordure. Un être abominable, pas fichu d'accorder une descendance à sa prestigieuse famille. Un homme à demi-accompli, aimant ses semblables, l'espace d'une nuit. Un ancien mangemort, dont le bras était taché à jamais par une marque indélébile.
Un homme tout juste bon à écrire des bouquins de potions et sortilèges. Qui finirait ses jours dans les vieux livres.
C'était ce qu'il se disait, tout en buvant sa tasse de café, le regard perdu dans Londres qui s'étendait sous ses yeux. La fenêtre lui dévoilait une ville froide et fatiguée. Viendrait les beaux jours et elle reprendrait vie.
Pendant un cours instant, il pensa à sa soirée. A cet homme qu'il n'avait pas vu depuis si longtemps, ce visage qu'il connaissait si bien. Ces cheveux noirs, ces yeux verts… Son ennemi de Poudlard, celui qui devait tous les sauver…
Harry Potter.
Il comprenait pourquoi Mme Nightingale paraissait aussi troublée. Elle en avait vu, des hommes, dans son établissement. Mais jamais celui-là. Et si on savait qu'il avait mis les pieds dans ce genre d'endroit, aucun doute que cela ferait scandale : il était fiancé à Ginny Weasley depuis la fin de la guerre et il était inimaginable que le Survivant, le Sauveur, Harry Potter puisse avoir des mœurs déviantes.
Impensable.
Inadmissible.
Incorrect.
Alors pourquoi Draco n'avait-il pas été étonné de le voir là ? Pourquoi lui avait-il tendu la main avec autant de naturel, et pourquoi ce crétin, qui la lui avait refusée autrefois, l'avait posée dans la sienne ? Pourquoi avait-il dansé comme un fou avec lui, l'avait tenu par la taille au bar alors qu'ils enchaînaient les verres d'alcool, avant de s'élancer à nouveau sur la piste et s'y enflammer jusqu'à l'oubli…
Pourquoi avait-il envie d'y retourner…
De prendre à nouveau dans ses bras…
De voir à nouveau ses yeux verts et brillants…
Son air perdu…
Et son corps…
Si proche…
Si tentant…
OoO
Il était là, encore. Avec les mêmes vêtements sombres. Cela faisait trois jours que Draco n'avait pas mis les pieds dans les boites de nuit, et pourtant, il avait l'impression de revivre cette scène qui semblait s'être déroulée la veille.
Le brun était toujours assis sur son siège surélevé, les jambes pliées et cet air mi-gêné, mi-apeuré sur le visage. Comme si sa place n'était pas dans cet endroit, parmi tous ces hommes qui jetaient de vagues regards sur lui, certains s'attardant, d'autres l'oubliant.
Quand il le vit, Draco ne sut quoi faire. Il voyait des prétendants chuchoter, se tester, ne sachant s'ils devaient aller vers lui ou non. Peut-être serait-ce la chance de leur vie. Peut-être que non. Peut-être se trompaient-ils. Peut-être avaient-ils raison.
C'était une sorte d'accord, mais tacite. Il n'y avait rien d'officiel, ni d'écrit, ou dit, mais c'était ainsi : personne ne prononçait le prénom de l'autre. Jamais Draco n'avait entendu quelqu'un l'appeler. Soit il était interpelé, soit on venait le voir directement. Et ce jeune homme prostré sur sa chaise, bien qu'éveillant la curiosité ou l'envie, n'évoquait aucun nom pour Draco. Seule la lumière du jour pourrait l'éclairer sur ce nom, mais pour le moment, l'obscurité mêlée aux éclats de lumières violents de la pièce effaçait ces lettres si souvent assemblées de son esprit.
Il n'y avait plus que le visage blessé du brun, ses cheveux noir de jais ébouriffés et ses mains nerveuses. Et son envie de lui, de le prendre par la main et de l'entraîner sur la piste, l'aider à mouvoir son corps maladroit, tenant sa taille et relevant son visage.
Alors Draco s'avança vers lui, comme guidé par une seconde âme. Le regard vert émeraude de l'autre rencontra le sien, et s'y accrocha. Un peu comme à une bouée de sauvetage. Puis, le blond tendit sa main, et l'autre y posa la sienne, sans briser leur lien visuel. Draco pouvait presque sentir les regards énervés ou déçus de ces prétendants qui n'avaient pas osé faire un pas vers cet étranger.
De façon presque naturelle, Draco referma les doigts sur la main du brun et l'emmena avec lui sur la piste de danse. Au milieu de la foule qui se déhanchait, il le guida dans une danse dynamique, lui faisant peu à peu oublier ces limites qu'il s'imposait de lui-même, ces limites qui empêchaient son corps de bouger à sa guise.
Bientôt, le brun ferma les yeux et se laissa guider par la musique, suivant les mouvements du blond, qui admirait son visage abandonné avec ardeur. Il était beau, autant l'avouer. Une beauté étrange, peu commune. Pas celle des hommes androgynes ou des mâles viriles. Celle de ceux qui se trouvaient entre les deux, le visage indéniablement masculin, mais les traits fins, presque enfantins. Plus beau encore quand il avait lâché toute prise sur le présent.
Ses mains posées sur ses épaules. Son souffle court. Ses joues rougies par la danse et l'ambiance surchauffée. Ses pieds qui si près des siens, son corps si proche du sien…
L'homme qu'il tenait entre ses bras était un objet de désir.
Soudain, la musique changea. Heure des slows. Draco d'arrêta de danser et poussa un gémissement de dépit. En face de lui, le brun semblait retomber sur terre et il l'interrogea du regard. Draco lui prit la main et il sortit de la foule, suivant d'autres couples qui ne voulaient pas non plus entendre cette musique niaise à souhait. Ils se faufilèrent vers le bar et Draco commanda deux cocktails.
Le brun se mit naturellement contre lui alors que Draco passait un bras autour de sa taille. Et il resta à sa place quand le barman leur tendit leurs verres qu'ils burent en silence, écoutant la musique lente et douce qui détendait un peu l'atmosphère, consacrée à des couples plus ou moins officiels.
Plus ou moins cachés.
Aux amoureux.
Amours interdits…
Ils enchaînèrent les verres. Un. Puis deux. Puis trois… des verres d'alcool, plus ou moins forts. Draco sentit le bras du brun, d'abord sagement posé sur sa propre taille, se déplacer pour entourer les hanches du blond, ce qui les rapprocha un peu plus. A vrai dire, ils étaient plus proches qu'ils ne l'avaient jamais été, leurs visages à quelques centimètres l'un de l'autre et leurs corps se réchauffaient au contact de l'autre.
Draco ne trouvait pas ces gestes étranges. Il avait l'impression de protéger son partenaire. Des regards étaient posés sur eux, des mains aventureuses et des corps empressés avaient tenté de lui prendre cet étranger brun, ce gamin pommé, qui gardait les yeux baissés ou levés vers lui, sans doute apeuré à l'idée d'être abordé par un étranger.
Et c'était peut-être pour cela que Draco le tenait, qu'il se montrait aussi protecteur : le brun était venu ici pour il ne savait quelle raison, et à l'évidence, il assumait mal son choix. Peut-être se serait-il enfui si un autre que lui l'avait abordé et emmené sur la piste de dance. Peut-être se serait-il débattu si un autre avait entouré sa taille.
Alors qu'il était fiancé. Promis à un beau mariage. A une femme, et de beaux enfants.
Et il était là, dans les bras de son ennemi d'école, à boire des verres contre lui, avec tant de naturel que c'en était déroutant.
Rien n'avait d'importance, ici. Que ce soit la personne avec qui vous dansiez ou avec laquelle vous vous enivriez.
C'était pour cela que l'autre le suivit quand Draco voulut danser à nouveau. Quand Draco l'emmena, la tête ivre, pour oublier sa vie à bord du son endiablé qui leur crevait les tympans.
Parce que seul le moment présent avait de l'importance…
Merci de m'avoir lue ! J'espère que ça vous a plu !