Tombe la pluie, tombe la vie
Disclaimer: Le jour où Supernatural m'appartiendra…
Timing: La période laquelle se situe cette fic n'a aucune importance. Etant donné qu'il n'y a aucun spoiler. Cependant, je me suis trouvé face à un sérieux dilemme, en mettant un point final à l'histoire, et l'ai placé quelque par au début de la quatrième saison. Je précise la raison de ce choix à la fin du deuxième chapitre.
Note: Sur ce sympathique forum qu'est Winchester Lair, j'ai lu le sujet d'un concours: « Sujet au choix » :
- 1er choix: L'un des frères se retrouve lors d'une affaire, enterré vivant et une course contre la montre se mettra en marche pour l'autre frère qui devra tout faire pour le sauver à temps.
- 2e choix: Même principe que pour le 1er choix mais cette fois-ci, l'un des frères se retrouve piégé dans un lieu complètement fermé où le niveau de l'eau ne cesse de grimper. là aussi le temps ne jouera pas en faveur de l'autre frère...
Et, évidemment, j'ai adoré les deux sujets =) . Seul petit problème: la limite était de 1500 mots. Et je suis parfaitement incapable de restreindre quoi que ce soit, en matière d'écriture.
Et puis… Pourquoi ne pas fusionner ces deux sujets?
J'ai donc préféré m'abstenir de participer, pour mieux m'investir dans l'histoire que je m'étais déjà créé.
Voilà…Après cette parenthèse des plus passionnantes, vous devez avoir une petite idée de ce qui vous attends, maintenant.
Au départ, je pensais poster l'histoire d'une traite, mais il se trouve que l'OS est un peu trop long. Je l'ai donc divisé en deux. S'il y a parmi vous quelqu'un pressé de lire la suite, je me dépêcherai de taper et d'envoyer le deuxième chapitre dans les deux, trois jours qui suivent. Parce que oui, je rédige toujours mes fics sur feuilles, avant de les taper sur ordi. Ne me demandez pas pourquoi, question d'habitude et de confort.
Je vous souhaite une bonne lecture!
- Premier chapitre -
Union, Connecticut.
Au prix d'une vingtaine d'infractions du code de la route dont il se fichait comme de son premier biberon, Dean arriva sur les lieux du crime.
La rue s'avérait être une impasse qui donnait sur une aire goudronnée, à une cinquantaine de mètres de l'artère principale. Deux rangées de maisons mitoyennes grisâtres se faisaient face, de part et d'autre d'une voie étroite. La rue était pleine de policiers. Des fourgons et des voitures s'échelonnaient sur un côté de la voie. Dean sortit précipitamment de l'impala, contourna un petit détachement d'agents en ciré noir qui se tenaient sur la pointe des pieds, les mains dans les poches, pendant que d'autres discutaient avec les voisins qui bravaient les intempéries, campés dans leur jardin, en train de se demander ce qui se passait.
Sans se soucier des regards qui convergeaient vers lui, Dean passa en courant devant eux, traversa la rue, et disparu derrière l'épave d'une camionnette. Ce n'était pas pour poser des questions aux proches des victimes qu'il était venu. Ni pour grappiller un semblant d'informations supplémentaires. Encore moins pour parler aux flics. Il connaissait des meurtres de James, Fanny et Jack Olison tout ce qu'il y avait à savoir.
Une Abyscki les avaient drogué, enfermé dans un cercueil, abreuvé en oxygène à l'aide d'un long tube en plastique qui perçait le couvercle de la prison de bois pour émerger à la surface d'une dizaine de mètres de terre…et laissé mourir à petit feu. Cette créature infecte a l'apparence d'un naine. Elle hypnotise sa victime à l'aide d'une chanson, si l'on peut définir comme tel l'horrible croassement qui s'échappe de ses lèvres à cet instant là… Abyscki, abyscki…Elle répète ce son une dizaine de fois, et son futur repas est totalement à sa merci. Elle lui demanderait gentiment de se tirer une balle dans la tête qu'il répondrait encore: « Et pourquoi pas deux ? ». Puis elle lui fait avaler sans difficulté une petite quantité de salive. Sa salive. Pouvant être apparentée à une drogue. Rien à voir avec l'extasie, l'héroïne, ou autres produits du même acabit. Les effets de cette substance sont tout sauf euphorisants. Ils endorment dans l'instant la victime, et, une poignée de minutes après que celle-ci s'éveille, l'angoisse qu'elle ressent alors est décuplée, de par la salive d'Abyscki.
Car c'est de cela que se délecte une Abyscki: La peur.
Lorsque la créature libère enfin sa victime, après une période suffisamment longue pour que toute vie ait quitté le corps, après que son ouïe aiguisée ait perçu le dernier battement du cœur de sa victime, elle dévore sa chair. Elle peut encore sentir la terreur imprégner chaque parcelle du cadavre, transpirer de chaque filet de sang.
Non, si Dean était ici, c'était parce que Sam avait disparu. Et que les probabilités qu'il soit lui aussi victime d'Abyscki, luttant quelque part au fond d'un cercueil pour rester envie, étaient élevées.
Les deux frères ne s'étaient séparés qu'une dizaine de minutes. Le temps pour Dean de faire un plein d'essence, tandis que Sam allait acheter des hamburgers, du café et une de ces salades pour fillettes complexées qu'il affectionnait tant.
Et Sam n'avait jamais rejoint son aîné à la voiture.
Dean l'avait appelé une cinquantaine de fois, au moins. Au début, ça avait sonné dans le vide. Puis il n'y eut même plus de tonalité. Comme si le portable de Sam était éteint….où comme s'il était sous un monticule de terre…sans réseau.
Dean avait harcelé le commerçant chez lequel son petit frère s'était rendu, tout comme les clients présents. Aucun n'avait su lui répondre. Tout ce que le gros vendeur avait pu lui dire, c'était qu'il avait vu le grand sortir, c'est tout. Personne ne lui collait aux basques.
A croire que la créature était invisible. « Merde, une naine, deux gros yeux globuleux, ça ne passe pas inaperçu! » avait songé Dean, qui, mort d'inquiétude, avait appelé Bobby. Il ne pouvait pas se jeter comme ça, sans l'ombre d'un indice, à la recherche de Sam. Il avait besoin d'aide, jamais il n'y arriverait tout seul. Les Abysckis n'agissaient selon aucune logique, guidées par un esprit foncièrement mauvais, et, malheureusement, très adroit. Sam pouvait être enterré n'importe où. Absolument n'importe où. Dean se rappelait avoir un jour entendu son père parler d'un Alec quelque chose, une victime de cette créature; Ses ossements avaient été retrouvé trois mois après sa disparition. Le problème, outre le fait qu'une multitude de détails indiquaient qu'une Abyscki s'était régalé de sa chair : Alec habitait Manhattan, et s'était taillé une réputation de sédentaire obstiné. Il n'avait jamais acheté le moindre billet d'avion, n'avait aucun ennemi, sinon le labrador à neurone unique de son voisin. Pourtant, son squelette avait été retrouvé trois continents plus loin, en Asie. L'espoir auquel Dean se raccrochait, c'était que son frère était n'importe où dans cette ville. L'Abyscki que les jeunes chasseurs comptaient éliminer en entrant à Union avait déjà dévoré quatre personnes. A chaque fois, les os encore sanglants de ces dernières étaient exposés à la vue de tous, en plein centre, ou encore dans un jardin d'enfants; comme si la créature souhaitait à tout prix qu'ils soient trouvés.
Alors peut être, peut être que Sam n'était pas loin.
Comme Bobby ne pouvait le rejoindre avant deux heures, et que de toute façon il ne comptait pas l'attendre comme un débile avant d'envisager de peut-être commencer à chercher son frère, Dean s'était rendu dans l'unique entreprise de pompes funèbres de la ville. Bien évidemment, aucun cercueil n'avait disparu.
Aucune personne étrange n'avait franchi le pas de la porte, désolé.
Puis Dean s'était procuré une carte de la ville et avait commencé par explorer chaque miette de terrain pouvant recueillir un cercueil. Tenté de repérer la moindre motte de terre retournée. Tâche difficile… Ce n'était pas un jardin qu'il devait explorer, mais un village entier de 74km².
Moins de cinq minutes plus tard, les chasseurs que Bobby avaient contacté afin qu'ils les aident étaient arrivés. Dean s'était efforcé de retrouver son calme, avait donné les directives.
Carter et Salcovitch couvraient la partie sud de la ville, Tergey et Ferry la partie Nord, Connely, Vedson et Harris la partie est, Fergson et lui la partie ouest.
De la neige jonchait le sentier qui courrait à travers bois. Une poudre étincelante, entre laquelle affleurait de part et d'autre une boue sombre truffées d'aiguilles de pins. Ses chaussures s'y enfonçaient, ce qui avait tendance à le déséquilibrer. Le sol était visqueux ou bien glissant, pourtant il avançait aussi vite que possible.
Il faisait un froid glacial. Il était gelé, sentait à peine son visage.
Pourquoi avait-il emmené son frère dans cette putain de ville? La culpabilité rongeait l'estomac du jeune homme tel un acide. Ni lui, ni Sam ne s'étaient suffisamment informé du mode opératoire des Abyskis, en débarquant à Union. Ils ne savaient pas même comment parvenir à résister au regard de la créature, si toutefois cela était possible. Jamais il n'aurait dû entraîner son petit frère ici.
Mon Dieu, Sammy…Où es-tu?
Sam fixa le satin blanc qui était tendu à quelques centimètres de ses yeux, lutta contre une crise de panique, tandis que sa respiration s'accélérait. Il était claustrophobe. Depuis qu'il était enfant, les espace confinés l'angoissait. La seule personne capable de l'apaiser lorsqu'il était coincé dans un espace aussi réduit que celui-ci et que son cœur commençait à s'emballer, c'était son frère. Seulement, Dean n'était pas là.
Cette fois, il devait se calmer tout seul. Il essaya de se souvenir…de se rappeler avoir vu la créature…En vain. Tout ce dont il se souvenait, c'était d'être sorti de ce magasin, de s'être dirigé vers l'impala et puis…Les yeux! Il se souvenait des yeux! Deux globes verdâtres, dans lesquelles il avait eu l'impression de se noyer et…plus rien. Le noir total.
L'Abyscki. C'était elle. Oh mon Dieu!
Son cœur battit plus vite encore. Il suffoquait. Il était enfermé. Enfermé dans une boîte.
Tentant de se contrôler, le jeune homme terrifié inspira longuement par le nez, expira l'air dans un souffle tremblant, mais ses tentatives désespérées ne l'apaisèrent absolument pas. Et pour parfaire son bonheur, il avait une envie impérieuse, voire irrépressible, de pisser.
Le sang martelait ses temps, ses poumons étaient en feu, sa gorge refusait de le soulager. Usant de toute l'énergie dont il disposait, il hurla.
- Aidez-moi! Sortez-moi de là! Sortez-moi de...
Totalement à bout de souffle, il haleta, ses yeux affolés papillotant dans le noir à la recherche d'une quelconque source de lumière. Il voulu se redresser, bouger les jambes, les bras, mais à chaque fois, ses membres heurtaient le bois. C'est là qu'il se mit à trembler. Des tremblements parfaitement incontrôlables.
Je vais mourir...Putain, je vais mourir enfermé dans un cercueil.
Paniqué comme jamais il ne l'avait été, il martela de coups de pieds, de coups de poings, le couvercle de sa prison. Et ne parvint qu'à s'infliger des douleurs supplémentaires. Une heure et demi plus tard il se calma. Un tout petit peu. Sa respiration, sifflante, un épouvantable mal de tête, le plongèrent dans un état proche de l'inconscience. Ses idées s'assombrirent, s'embrouillèrent. Ses yeux se fermèrent et il fut presque happé par le sommeil.
Lorsqu'il les rouvrit, son regard se posa immédiatement sur le satin, flou, puis net. Un haut-le-cœur le souleva, pour mieux l'écraser. Nouveau haut-le-cœur, nouvelle descente.
Il avala sa salive, referma les yeux, eut l'étrange sensation que le cercueil flottait, tanguait, dérivait. Son envie d'uriner s'éloigna, puis la nausée diminua également.
Il ferma les yeux et plongea dans un sommeil de plomb.
Dean balayait le sol des yeux, appelait son frère, sans aucun résultat.
Il tournait les talons, prêt à explorer une nouvelle parcelle de terrain, quand son portable se mis à sonner. D'une main fébrile le jeune homme se saisit de l'objet, décrocha.
- Allô?
- C'est Carter.
Oui, Dean l'avait un peu deviné en voyant son nom s'afficher sur l'écran.
- … Rien de nouveau côté sud. On perd notre temps. Tu veux qu'on te rejoigne?
Dean sentit le sang affluer à ses tempes.
- Non! Continuez à chercher. Vous ne pouvez pas avoir couvert autant de terrain en si peu de temps! Continuez.
Le jeune homme allait raccrocher mais Carter répliquait déjà:
- Ecoute. Un quart des habitants du village nous a déjà fait chier parce qu'on a mis le nez dans leur jardin. Pas un seul de ces connards ne veut nous aider. On a commencé à explorer une partie de la forêt, mais y'a trop de sapins, il fait trop froid et il neige, c'est à peine si on peut mettre un pied devant l'aut…
Carter sursauta violemment, lorsque Dean hurla dans le téléphone pour lui fusiller le tympan:
- J'en ai rien à foutre! Allez-y, bordel ! Fouillez cette putain de forêt!
Stressé, Dean se souciait peu des règles élémentaires de politesse. Mais soumis à une pression telle que celle écrasant sa poitrine depuis des heures, l'esprit tourné exclusivement vers son frère, il se foutait éperdument de blesser l'amour propre de Carter, ou qui que ce soit d'autre.
Putain de merde! Sam a disparu depuis presque douze heures maintenant.
Peu enclin à y retourner, Carter fut néanmoins contraint d'obéir quand Dean enchaîna:
- C'est mon frère, Carter. Mon frère! Tu as froid? Lui est enterré, bordel! Comment tu crois qu'il se sent?
Silence de satin blanc. Un silence soyeux, absolu, parfait, l'étouffait de haut en bas, de droite à gauche.
Il essaya de bouger les bras. Il avait beau appuyer de toutes ses forces, les parois poussaient plus fort que lui. Il essaya également d'allonger les jambes mais se heurta aux mêmes murs invincibles. Il poussa de nouveau le plafond satiné à quelques centimètres seulement de ses yeux. Autant essayer de déplacer un mur de béton.
Puis, levant la tête au maximum, il attrapa le tube en plastique gris, plaça son œil à l'extrémité, ne vit absolument rien. Il le porta à sa bouche et essaya de siffler à l'intérieur. Il émit un son pitoyable.
Dans un gémissement de peur et de douleur, il se laissa retomber en arrière. Il avait la tête lourde et l'irrésistible envie d'uriner était de retour.
Il cria à nouveau:
- Dean! Deeeean! Est-ce que quelqu'un m'entend?
Même silence.
Lentement, avec grande difficulté, il réussit à descendre sa main droite jusqu'à la poche de sa veste et à sortir le portable, particulièrement résistant, que Dean lui avait offert le mois précédent. Il appuya sur un bouton et le téléphone s'alluma. Il reprit espoir, mais pas longtemps. Pas de réseau.
Merde
Il composa le numéro de Dean. Nul besoin de regarder l'écran, il pouvait le faire les yeux fermés. Malgré l'absence de réseau, il appuya sur le bouton d'appel.
Rien.
Il essaya Bobby, le 911 (numéro d'appel d'urgence), tenta de nouveau de joindre Dean, tour à tour, de plus en plus désespéré.
Toujours rien.
L'écran de son portable indiquait 5h31.
Il souleva son bras gauche pour regarder sa montre. 5h30.
Il essaya de se souvenir de la dernière fois qu'il avait regardé l'heure. Trois bonnes heures s'étaient écoulées. Il ferma les yeux et essaya de réfléchir clairement. PLus difficile qu'il n'y paraît, lorsque vous avez l'impression qu'une tonne de briques écrase votre poitrine.
Il avait la gorge sèche et se serait damné pour un verre d'eau. Il se sentait vaseux. Il aurait voulu être au motel, ou dans l'impala, n'importe où avec Dean. Dean…Il allait venir le chercher dans quelques minutes. Il suffisait d'être patient. Dean le retrouvait forcément. Il n'avait pas le choix.
La nausée qui l'avait submergé quelques heures auparavant revenait. Il ferma les yeux. Haut-le-cœur, malaise. Il retomba dans les bras de Morphée.
Le soleil se levait. Une lampe torche serrée dans la paume, Dean enjamba un tronc échoué au sol. Quelque chose brillait, un peu plus loin, à droite, et il se hâtait de découvrir ce que c'était. Cela faisait des heures qu'il appelait son frère, qu'il explorait méticuleusement chaque recoin de la forêt. En vain. Alors cette chose qui brillait, quoi qu'elle puisse être, Dean espérait qu'elle représenterait une aide. Peut-être que Sam avait eu le temps de lui laisser une minuscule trace de son passage, un petit indice…
Les branches giflaient son visage, celles qu'il ne voyait pas ou ne pouvait écarter. Insensible à la douleur, il ne ralentissait pas l'allure, s'arrêtait encore moins. Une poignée de secondes plus tard il atteignit l'objet de son attention. Et poussa un sifflement de frustration, tout en se redressant. Un morceau de verre. Juste l'épave de ce qui avait été une cannette de bière.
Il lança un regard perdu derrière lui. Sam est enterré depuis 24 heures. Combien de temps pouvait-il tenir?
Dean s'enfonça un peu plus profondément dans la forêt. Était-il seulement ici?
Les spasmes se rapprochaient. En serrant les cuisses, en retenant sa respiration et en fermant les yeux très fort, Sam parvenait à grand peine à se retenir de faire dans son pantalon.
Mais sa claustrophobie le rendait de plus en nerveux. Il avait l'impression que le satin blanc l'oppressait, s'approchait de plus en plus de son visage.
Il appuya sur une touche de son portable, posé sur torse, et l'amena tant bien que mal à ses yeux. 8h05.
Merde. Merde, merde, merde!
Dean, où es-tu?
Ses yeux fixaient le satin blanc, ses jambes tremblaient; il avait mal à la tête, la gorge sèche et essayait d'oublier la douleur lancinante que lui infligeait sa vessie. Il ne savait pas combien de temps il pourrait la retenir. Pas beaucoup plus.
De frustration, il tambourina contre le couvercle et hurla:
- Laisse-moi sortir! Sors-moi de là, salope!
Il regarda à nouveau son portable. Toujours pas de réseau. Ignorant l'affichage, il appela son frère. L'appel émit un bruit strident et annonça pas de connexion.
Il avait vraiment besoin d'eau. Sa bouche était aride, presque duveteuse.
Sam avait beau essayer de l'ignorer, la faim ne voulait pas le lâcher. Son estomac se rappelait à son bon souvenir par une douleur continue, lancinante, comme si quelque chose le rongeait à l'intérieur. Sa tête flottait, il sentait comme des fourmillements au niveau de son visage, ses mains et ses jambes tremblaient. Il s'efforçaient de ne pas penser à la nourriture.
Il fut pris d'un nouvel accès de panique. Le couvercle l'oppressait, il happait l'air, l'avalait goulument. Il ferma les yeux, tenta de penser que tout allait bien, qu'il était dans un endroit chaud, sur un lit, dans un bain…Voilà. Dans un bain très chaud, entouré de vapeur, Dean de l'autre côté de la salle de bain, occupé à regarder la télé. Mais les parois du cercueil le poussaient, le compressaient. Il chercha à tâtons le portable posé sur sa poitrine et l'alluma. La batterie était presque à plat.
Chaque mouvement lui coûtait. Ses membres, raidis, tremblaient de froid, tremblaient de fièvre. Sa tête était prise dans un étau qui se resserrait. Il aurait fait n'importe quoi pour un cachet d'aspirine, se serait damné pour entendre un bruit, des éclats de voix, au-dessus de lui, mourrait d'envie de sortir. Et de boire…de manger…de voir son frère.
Son horizon, c'était sa montre. La montre que Dean lui avait offert pour son anniversaire. Un jour des plus éprouvants, mais quoi qu'il ait pu se passer, il était avec son frère à la fin de cette journée et c'était tout ce qui comptait, alors. C'était la première fois qu'il avait une montre aussi belle. Il faut dire que Dean avait un goût très sûr, dès qu'il s'agissait de lui faire plaisir. Tout, chez lui, était beau, songea Sam, les yeux à peine entrouverts. Sa façon de marcher, la confiance qu'il inspirait quand il parlait, ses traits réguliers, sa voix. Mon Dieu…il aurait tué pour entendre le son de sa voix.
Si le jeune Winchester n'était pas si désespéré, si dévoré par l'angoisse, il se serait salé et brûlé sur le champ, confronté à de telles pensées. Mais il était seul, totalement, complètement seul. Il croyait connaître la peur avant. Il se rendait compte à présent qu'il n'avait fait qu'effleurer la signification de ce mot.
Il essaya de soulever le couvercle pour la centième fois. La deux centième? La millième? Ca ne changeait rien. Il avait essayé de faire un trou dans le couvercle avec les seules choses tranchantes qu'il possédait, à savoir ses ongles. Coupés très courts, plus ou moins rongés…Mais eux non plus n'étaient pas assez résistants. A présents, plus un seul d'entre eux n'étaient en mesure de creuser quoi que ce soit. Cassés, ils avaient par endroits percés la pulpe sensible des doigts, pénétrés dans la chair et fait couler le sang.
Sa respiration s'accéléra encore. Et si…Et si Dean ne le retrouvait pas? S'il était lui-même en danger?
Il était presque onze heures. Il attendait, l'oreille tendue, les éclats de voix de son frère, d'un quelconque promeneur…
- Est-ce que quelqu'un m'entend?
Seul lui répondit un silence de cimetière.
- Aidez-moi, s'il vous plaît!
Sam, en larmes, essaya de bouger sa jambe droite. Il avait une crampe, et la douleur semblait vouloir ne jamais le quitter.
- Je vous en prie, aidez-moi…
La sueur trempait son corps, lui piquait les yeux, et il dut battre des paupières plusieurs fois avant de réussir à distinguer à peu près nettement les chiffres phosphorescents sur sa montre. Des heures entières étaient passées. Onze heures quarante-cinq. Combien de temps ce cauchemar allait-il durer? Où était Dean, putain…Ca faisait…Ca faisait…
La panique le submergea. Était-il onze heures du matin ou onze heures du soir? C'était la nuit, tout à l'heure, non? Il avait regardé sa montre toutes les demi-heures, Il ne pouvait pas avoir laissé passer douze heures sans s'en apercevoir!
On devait être le matin, pas le soir.
Ca faisait presque quarante-huit heures qu'il était là.
Dean, Dean où es-tu?
Il prit appui sur ses mains et essaya de de se soulever pour rétablir la circulation dans son dos endolori. Ses épaules le martyrisaient, toutes ses articulations souffraient du manque de mouvement. Pour l'avoir à maintes reprises expérimenté au cours de chasses lamentables, il connaissait les risques liés à la déshydratation. Une pulsation cognait sans répit dans sa tête. Il parvenait à la faire cesser en portant ses mains à son crâne et en enfonçant ses pouces dans ses tempes, mais ça reprenait de plus belle dès qu'il les enlevait.
- Est-ce que quelqu'un m'entend? Putain, est-ce que quelqu'un m'entend? Merde, putain de merde! cria-t-il de toutes ses forces, avant de marteler les parois et le couvercle de ses pieds et de ses mains.
Le satin blanc s'était rapproché. La dernière fois qu'il l'avait regardé, il se trouvait à dix bons centimètres de son visage, et maintenant c'était à cinq, comme si cette boite, ce cercueil, peu importe, rapetissait lentement, mais surement, pour mieux l'étouffer.
Il attrapa le tube, ce truc qui pendouillait devant ses yeux, essaya de nouveau de regarder à l'intérieur, mais ne vit rien.
Seigneur, qu'est-ce que j'ai soif…
Il détourna ses pensées de la soif, des douleurs que lui causait l'acide gastrique qui rongeait son estomac.
Il inspira par les narines une longue bouffée d'air vicié. S'obligea à garder les yeux ouverts, sentit l'air remonter ses sinus et s'infiltrer jusque dans les cornées.
Son rythme cardiaque lui sembla ralentir. Infiniment, mais à ce stade, le moindre signe encourageant était un don du ciel à ses yeux.
Puis il éclaira juste au-dessus de lui, regarda le minuscule sillon qu'il avait fait dans le couvercle, leva ses doigts tremblants et recommença à frotter ses ongles ensanglantés contre le bois. Il fermait les yeux de douleur et pour éviter que la sciure ne l'aveugle. Ses doigts le brûlèrent de plus en plus, jusqu'à ce qu'il doive s'arrêter, incapable de continuer. Il porta difficilement sa main droite à ses yeux. Battit des paupières pour entrevoir autre chose qu'une ombre distendue. Quand sa vue s'éclaircit un peu, il compris qu'il était déjà mort.
Il n'avait plus d'ongles. Le sang ruisselait sur ses doigts, dégoulinait le long de ses poignets.
Non…il devait continuer. Il était épuisé, il avait mal, mais il devait absolument continuer. La déshydration fatigue. Il devait lutter contre la fatigue. Il fallait qu'il sorte de cette putain de boite, qu'il trouve cette putain d'Abyscki, qu'il l'extermine, et surtout, surtout, il fallait qu'il retrouve son frère.
Il lutta encore quelques instants, se remit à gratter, serrant les dents sous la douleur cuisante, jusqu'à ce qu'elle devienne insupportable. Il laissa tomber ses mains, les muscles de son cou se détendirent, sa tête retomba doucement en arrière.
La maison vers laquelle se dirigeait Bobby était aussi plate et carrée que les briques rouge pâle dont-elles était faite. On aurait pu croire qu'elle avait été construite pour servir de rempart aux propriétés luxueuses situées un peu plus loin. D'un côté, en contrebas, une allée toute droite qui donnait sur un garage obscur. Devant, le jardin était propre, même si de toute évidence il était laissé à l'abandon depuis le début de l'hiver. Les arbustes semblaient frissonner dans le vent. Derrière, un ciel pommelé, très sombre. Inquiétant. L'atmosphère lugubre, les espaces réguliers entre les maisons: la rue ressemblait à une morne enfilade de pierres tombales érodées et gelées.
Le vieux chasseur frappa trois coup à la porte, qui trembla si fort que Bobby s'attendit presque à la voir s'écrouler. Il patienta le temps d'une ou deux inspirations.
Personne ne vint lui ouvrir.
Tant pis. D'un pas décidé, Bobby pénétra dans le jardin. Sur un diamètre de cinq mètres environ, la neige, la terre était retournée. Une chance sur un million pour que Sam soit en-dessous, mais il devait s'en assurer. Si Sam mourrait, il ne se le pardonnerait jamais. Les créatures surnaturelles étaient son domaine, mais pas les Abyscki. Pas ces saletés de cannibales qui ne laissaient aucun indice les trahir et que personne n'avait jamais tué. Ses connaissances se résumaient à celles de Dean. Autant dire qu'il s'y connaissait plus en poupée Barbies.
Il creusait la terre comme un forcené, sa pelle s'enfonçant difficilement dans la terre presque gelée, quand Tergey le rejoignit. Le souffle court d'avoir trop couru, le petit chasseur souffla:
- Bon Dieu, j'espère qu'il est là-dessous…
- Dépêche toi de creuser, grommela Bobby, guère plus chaleureux que Dean lorsque ses nerfs étaient mis à rude épreuve.
Tergey passa une main lasse sur son visage moite, et se mit au travail.
Génial. Toujours aussi charmant.
Au bout d'une demi-heure, fatigué de ne rencontrer que la terre, toujours la terre, et encore la terre, Tergey lança sa pelle en l'air, qui alla retomber à côté du grand trou.
- Laisse tomber, Bobby. Il n'y a rien. Aucune chance qu'il soit là.
L'interpellé releva brusquement la tête, la respiration saccadée, et le gratifia d'un regard qui n'avait rien à envier au Bazooka.
- Tu veux faire une sieste?
Le ton aussi était assassin…
Tergey avala difficilement sa salive, et rétorqua:
- Non.
Comme s'il était complètement seul, Bobby planta sa pelle à deux centimètres des pieds de Tergey, lequel se colla aussitôt contre le mur de terre qui l'entourait.
Bordel, mais il compte creuser jusque quand?
Un long silence passa, seulement ponctué du bruit que faisait la pelle heurtant la terre. Et finalement, Bobby soupira, et s'appuya contre le manche de son outil une fraction de seconde, avant de lever les yeux en l'air, sans doute pour évaluer la profondeur du trou.
- Sortons de là.
Sa voix était rauque, et Tergey se demanda depuis combien de temps le vieux chasseur n'avait pas touché une goutte d'eau.
Un voile de tristesse passa sur son visage, alors qu'il regardait Bobby s'extraire du trou aussi rapidement qu'il en était capable. Une seconde il songea à l'aider, avant d'y renoncer. Il ne tenait pas plus que ça à recevoir un coup de botte dans les gencives. Bobby préférerait qu'on l'écartèle plutôt que de se laisser aider physiquement. Psychologiquement aussi d'ailleurs…
Il devait tenir énormément à ce gamin pour refuser ainsi d'admettre l'évidence…
Sam s'éveilla brutalement d'un rêve confus et essaya de se relever. Sa tête heurta violemment le couvercle du cercueil. Il hurla de douleur, tenta de porter ses mains à sa tête, mais ses bras rencontrèrent immédiatement le satin invincible, à droite et à gauche. Il s'agita et se cogna partout, prit d'une crise de claustrophobie.
- Sortez-moi de là! hurla-t-il en se débattant, suffocant, transpirant et tremblant tout à la fois. Je vous en prie, laissez-moi sortir!
Sa voix était assourdie. Eteinte. Elle ne portait pas; elle était comme lui: prisonnière.
Il chercha désespérément son portable, le trouva, regarda l'heure. 7h32.
Du soir? Du matin? Ce devait être le soir. Mercredi soir.
Des gouttes de sueur coulaient le long de son corps. Une petite flaque s'était formée dans son dos. Il tourna la tête au maximum pour regarder par-dessus son épaule, éclaira avec le portable. De l'eau.
Plusieurs centimètre, putain.
Il était sous le choc.
C'était impossible, impossible qu'il ait transpiré autant.
Cinq putain de centimètres.
Il allongea le bras. Eclaira sa main. Utilisa son index comme une jauge. L'eau arrivait juste en dessous de sa deuxième phalange. Mon Dieu…
Formant un bol de ses mains, il porta une gorgée à sa bouche, but avidement tout ce qu'il put, sans se soucier du goût salé, vaseux. Pendant plusieurs minutes, il eut l'impression que plus il buvait, plus il avait soif.
Quand il eut terminé, il fut foudroyé par ce que cette montée d'eau impliquait. Il était enterré très, très près de la nappe phréatique.
Son cœur se mit à cogner si fort qu'on aurait dit qu'il allait s'échapper de sa poitrine. A combien de mètres était-il enterré? Cinq? Dix? Plus?
Oh mon Dieu, oh mon Dieu!
Jamais il ne…
Il entendit un bruit sourd juste au dessus de sa tête. Le cercueil bougeait!
Nouveau bruit.
Comme des pas. Comme si quelqu'un se trouvait juste au-dessus du cercueil! L'espoir réveilla chacune de ses cellules.
Dean! Dean m'a trouvé, enfin, il va me sortir de là!
- Dean! Dean! hurla-t-il, d'une voix plus faible qu'il pensait. Il prit sa respiration, entendit un nouveau bruit au-dessus de sa tête.
C'est fini, oh Dean, merci, merci.
- Dean? Dean c'est toi? cria-t-il, ou plutôt essaya-t-il de crier d'une voix où se mêlaient une flopée d'émotions. Le soulagement, l'impatience et le bonheur que lui procurait la perspective de retrouver enfin son frère le submergaient, lui donnaient presque envie de pleurer.
Quel imbécile…Bien sûr que c'était lui, qui d'autre?
Mais tout ce que Sam voulait, c'était l'entendre. Entendre le son de sa voix.
Silence.
- Dean?
Une note d'inquiétude perça dans son appel.
A nouveau, seul le silence lui répondit.
Il tendit l'oreille.
Son imagination lui avait-elle joué des tours?
- Il ya quelqu'un? demanda-t-il d'une voix hésitante, tremblante.
Silence.
Il n'avait pas rêvé. Il avait bien entendu des pas. Ceux d'un animal? Non, ils étaient plus lourds que ça. C'étaient les pas d'un homme.
- Deeean!
Moqueur, le silence l'enveloppa.
Puis, sans prévenir, sans un bruit, le tube qui approvisionnait le cercueil en oxygène s'envola. Un peu de terre coula du trou laissé vacant.
TBC…