Il courait. Le souffle court, ses pieds dérapant sur le sol sec et sa main serrée à lui en faire mal sur sa baguette. Il fallait qu'il continue, il ne pouvait pas s'arrêter là. Mais il avait mal, il sentait la douleur lui tirailler les entrailles et toutes les parties de son corps. Ils ne tiendraient plus très longtemps, c'était peine perdue et pourtant, il continuait à vouloir y croire. Il se baissa brutalement en sentant un jet vert lui passer par dessus la tête. L'écorce de l'arbre face lui explosa et il sentit sa cheville s'enfoncer dans le sol. Un cri s'échappa de ses lèvres lorsqu'il heurta violemment le sol, son visage et les parties de son corps à l'air libre supportant avec effroi l'arrivée de plusieurs dizaines d'éclats de pierres et d'écorces.

Malgré ses nouvelles blessures, il se redressa, serrant encore un peu plus fort sa baguette dans sa main droite mais il eut le souffle coupé lorsque, s'appuyant sur la gauche pour se relever un craquement sourd s'éleva de son poignet. Des larmes lui brulèrent les yeux mais il résista à l'envie qui lui dictait de crier de toute son âme et se redressa rapidement avant de reprendre sa folle course entre les arbres, les bruits résonnants par-dessus son épaule et les explosions qui retentissaient dans la forêt lui montrant clairement qu'ils n'étaient plus très loin.

Plaquant son poignet meurtri contre sa poitrine, il s'élançait à grandes enjambées dans l'obscurité voyant bien trop souvent des sorts passés à côté de lui et frapper les troncs environnants. Jetant un regard par-dessus son épaule, il considéra un court instant les silhouettes qui se dessinaient entre les branches et reporta rapidement son attention face à lui en sentant le sol descendre sous ses pieds. Tentant de maintenir son équilibre dans la pente parsemée de racines, il dérapa sur une dizaine de mètres avant de reprendre le contrôle de son parcours et s'enfuir encore un peu plus loin.

- Il est là !

En entendant le hurlement, il comprit que ses chances de rejoindre les siens s'étaient évanouies au moment même où les autres l'avaient reconnu. Il ne pouvait pas les mener tout droit sur ses amis, son cœur s'arrêtant brusquement en imaginant les corps de ces derniers à ses pieds. Changeant brusquement de direction, il s'éloigna de la clairière qu'il devait atteindre et courut encore plus vite, rassemblant les maigres forces qui lui restaient en réserve. Car il n'avait plus rien à part sa baguette, rien pour jeter un sort, tout s'était envolé après ces derniers jours à combattre. Il avait dû mal à respirer, sa gorge le brûlait à chaque inspiration et ses poumons ne cessaient de hurler qu'il cesse cette interminable fuite.

A chaque foulée, la douleur le terrassait encore un peu plus et il avait le plus grand mal à avancer en sachant qu'à chaque pas, cela ne ferait qu'empirer. Tout ce qui venait de se passer, tout ce que ses actes et décisions avaient occasionné lui pesait déjà lourdement sur sa conscience mais, à présent, son corps entier en ressentait les effets. Cela ne finirait jamais et, quand bien même cela se ferait, il savait déjà qu'il ne serait pas en sécurité et que les premiers qui le rattraperaient étaient ceux qu'il fuyait.

Il sentit brusquement des bras le saisir à la taille le propulsant hors de la route qu'il avait déjà tracée. Tombant violemment à terre, une multitude de tâches colorées apparurent devant ses yeux alors qu'une douleur aiguë lui perçait le crâne. Remontant sa baguette, il s'apprêta à laisser une formule s'échapper de ses lèvres lorsque qu'une main vint violemment se plaquer dessus alors qu'une poigne abattit sa main droite au sol, l'immobilisant totalement. Rassemblant encore une fois les uniques forces qui lui restaient, il tenta de faire basculer son assaillant mais celui-ci se chargea de l'empêcher de faire le moindre mouvement et se mit à califourchon sur son ventre, serrant son emprise pour qu'il cesse de se débattre.

- Arrête de te secouer où on est mort ! lâcha ce dernier à son oreille après s'être penché pour le lui murmurer.

Au son de la voix, l'interpellé obéit, cessant ses vaines tentatives et tendant son oreille. Il entendit des pas dératés passer à côtés d'eux alors que son assaillant/sauveur se plaquait contre lui pour qu'ils restent hors de vue derrière les broussailles. Les hurlements continuaient de s'élever mais s'éloignaient progressivement les laissant finalement seuls dans l'obscurité. Déglutissant avec difficulté, il se détendit à moitié avant que son attaquant se relève brutalement pour le saisir et l'entraîner encore plus loin des autres qui allaient bien finir par se rendre compte que celui qu'ils suivaient leur avait échappé.

Ils coururent quelques minutes droit devant eux, ne cherchant même pas à se retourner pour vérifier si oui ou non ils étaient de nouveau pris en chasse. Mais il n'en pouvait plus, toutes ces minutes, ces heures et journées à se débattre venaient de lui voler ses dernières forces. Malgré l'emprise qui lui enserrait son poignet encore valide, il s'effondra à terre, ses jambes flageolantes cessant de porter son poids alors que sa tête s'enfonça dans un lit de feuilles mortes.

- T'as vraiment plus rien dans le ventre apparemment, lança la voix trainante au-dessus de lui.

- La ferme, parvint-il à dire d'une voix rauque qui s'évanouissait déjà alors que seulement deux mots venaient d'être prononcés.

Entrouvrant ses paupières, il aperçut l'homme s'accroupir face à lui et le dévisager. Il n'appréciait pas du tout le regard que ces yeux gris lui portaient mais il ne pouvait malheureusement rien faire pour se défendre. Ce dernier lâcha un soupir et le saisit fermement pour l'adosser contre un tronc. Il le jaugea un instant et passa furieusement sa main entre ses cheveux blonds.

- Tu es vraiment dans un sale état, lança-t-il tout en se les attachant rapidement.

Vraiment ? Il ne l'avait pas remarqué, c'était à peine s'il parvenait à rester éveiller alors quant à danser la java sur un pied, il ne fallait pas y compter. Serrant la mâchoire pour contenir la douleur qui le tenaillait de toute part, il regarda le blond sortir sa baguette et marmonner quelques formules pour le remettre en état. Il se mordit violemment la lèvre lorsqu'il sentit les os de son poignet se ressouder, étouffant son cri du mieux qu'il put pour ne pas alerter leur position.

- Je te cherche depuis déjà deux jours, dit le blond en se chargeant de retirer les éclats qui parsemaient sa peau. Comment ça se fait tu n'étais pas au lieu prévu ?

- Ils… trouvé… essayé de les retenir… je ne

- Ca va j'ai compris, coupa-t-il. Pendant un moment j'ai cru qu'ils t'avaient eu, avec tous les corps qu'il y avait là bas, ça ne m'aurait pas surpris.

Son attention, bien qu'à moitié présente mais avant tout abattue sous ses plaies et blessures, se réveilla soudain à ses mots.

- Le campement…

- Il n'y a plus de campement au sud, lança le blond en se concentrant pour tenter refermer du mieux qu'il pouvait les plaies. Il n'y a plus rien debout et plus rien de vivant. Celui à l'est est dans le même état et je suis près à parier que celui au nord, là où je me trouvais, à subi le même traitement.

Il se racla difficilement la gorge à cette annonce. Combien au juste était mort à présent ? Il n'arrivait même pas à en concevoir le nombre tellement des noms et des visages défilaient devant ses yeux. Et tout cela, à cause de lui. Jamais il ne pourrait se le pardonner, jamais…

- Arrête de déprimer, le rabroua le blond en le considérant de haut. Ce n'est pas en culpabilisant que tu parviendras à tirer quoique ce soit de positif.

Pour seul réponse, il eut droit à un regard vert le foudroyant sur place.

- Positif ? répliqua ce dernier. Tu te fiches de moi ? ! Combien viennent d'y passer ? Tu crois réellement que je peux voir du positif là-dedans ! T'as vraiment rien dans le crâne mon…

Le blond le gifla brusquement pour le faire taire. Sentant une douleur cuisante lui brûler la joue gauche il voulut répliquer lorsqu'il croisa les yeux aciers du blond se planter dans les siens.

- Arrête de délirer, je ne vais pas te courir après comme la dernière fois pour que tu reprennes un peu de bon sens, lâcha-t-il. Tu es en vie et ils connaissaient tous les risques, ne va pas gâcher tout ce qu'ils ont fait jusqu'à maintenant en te lamentant sur ton sort !

Crispant la mâchoire pour s'empêcher de répondre, il considéra intensément le blond avec la vive envie de l'envoyer s'écraser sur les arbres. Il avait une belle verve mais ce n'était rien d'autre que du baragouinage pour l'amadouer. Le regardant continuer à s'occuper de ses blessures, il maudit intérieurement le jour où tout avait commencé, autrement dit, le début même de son existence.

- Dors, ordonna le blond en levant un court instant les yeux sur lui. On est à l'abri pour l'instant alors profites en pour retrouver des forces.

Même s'il se refusait à lui obéir, il fallait admettre que tout son corps et sa conscience le contredisaient. Il lutait depuis déjà un moment pour ne pas tomber de fatigue et le simple fait de lui en avoir proposé l'occasion était une source de libération silencieuse. Le considérant un moment, il respira profondément avant de fermer ses paupières : il avait confiance en lui, il n'avait pas besoin de s'inquiéter de ce qui l'entourait.

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Une douleur entre les côtes lui fit brutalement ouvrir les yeux alors que le blond en retirait son coude et tout en lui faisait signe de se taire. Glissant sa main à sa baguette, il la saisit tout en tendant l'oreille. Il n'y avait rien ou, du moins, il n'entendait rien de suspect. Levant les yeux, il s'aperçut que la lumière du jour perçait entre les branches des arbres, suffisamment importante pour au moins éclairer en partie l'endroit où il se trouvait.

- Depuis combien de temps je dors ? murmura-t-il.

- Aucune idée mais je pencherai pour une demi journée, répondit le blond à voix basse en guettant les alentours.

Génial ! Il venait de jouer les marmottes dans une forêt remplie de prédateurs, il fallait absolument qu'il remette le blond d'aplomb pour l'avoir laissé roupiller aussi longtemps. Cependant, bien que de sérieuses courbatures lui fassent tirer une grimace à chaque mouvement, il fallait qu'il admette qu'il se sentait mieux. Il n'avait plus de douleurs lancinantes dans le corps et ne sentait plus son sang s'échapper par tous les orifices qu'il lui avait offerts durant ces derniers jours. Sans compter qu'il constatait à quel point des forces lui étaient revenues. Lui qui était auparavant incapable de lancer le moindre sort pouvait désormais certainement en enchaîner plusieurs à la suite sans pour autant craindre l'évanouissement.

- Il faut qu'on parte rapidement d'ici, murmura le blond à son encontre, quelque chose ne va pas.

Le concerné fronça les sourcils. Il n'entendait rien, ne voyait rien, pourquoi serait-il en danger ? Même les oiseaux s'étaient tus alors pourquoi paniquer … Saisissant soudain à quel point le silence qui les entourait n'était pas normal, il se redressa subitement à la suite du blond et ils détalèrent entre les troncs aussi vite qu'ils le pouvaient. Ils les avaient retrouvés, il n'y avait aucun doute là-dessus et il fallait qu'ils s'échappent de leur piège avant que ce dernier ne fasse effet.

Un bruissement d'air s'éleva à sa droite et il se jeta sur le blond avant que le sort ne percute ce dernier de plein fouet. Roulant dans l'herbe sèche et la terre poussiéreuse, ils dévalèrent sur plusieurs mètres une longue pente raide qui les amena tout droit sur les rives d'un lac.

- Attrapez-les ! Tuez l'autre s'il le faut mais ne le laissez pas s'échapper !

Il leva brutalement les yeux en voyant au-dessus d'eux une vingtaine de silhouettes apparaître. Se relevant rapidement pour que le blond puisse faire de même, il sentit un éclair rouge lui frôler la joue alors qu'il se préparait déjà à répliquer. Les sorts fusaient autour d'eux alors qu'ils tentaient vainement de se défendre mais, acculés aux bords de la rive, il n'y avait qu'une constatation à faire : ils étaient piégés.

Sentant le blond à ses côtés, il savait que les chances pour que tous deux s'en sortent étaient inexistantes, cependant, si l'un de pouvait s'enfuir, il fallait que ce dernier le fasse sans aucune hésitation. C'était lui qu'il voulait et non pas le blond. Si de nouveau il voyait quelqu'un tomber devant lui, il ne tiendrait pas encore une fois.

- Fais gaffe ! hurla le blond en le poussant brutalement sur la droite.

Levant les yeux, il sentit un sortilège le frôler alors que sa propriétaire apparaissait devant lui. Dès qu'il entraperçut, ses yeux sombres, il sentit le blond tressaillir à ses côtés avant que ce dernier ne pointe brutalement sa baguette dans sa direction.

La suite, il ne la saisit pas. Il vit les deux jets verts se percuter violemment dans un fracas assourdissant qui lui vrilla les tympans alors qu'une lumière aveuglante vint lui faire brutalement fermer les yeux. Sentant un bras le saisir par la taille, il bascula en arrière avant de heurter brutalement la surface du lac. La sensation de l'eau gelée lui brûla la peau alors que, dans un vain espoir d'apercevoir quelque chose, il entrouvrit les paupières sous l'eau distinguant qu'un court instant l'explosion survenir avant de sombrer dans le néant.