Chapitre 1 : Une réunion secrète
Bonjour à tous ! Bienvenue sur cette fanfiction qui est la toute première que je poste. C'est du ShikixYûki parce que je suis une inconditionnelle des couples improbables. Je l'assume ! ^^
Sans plus de blabla, je vous laisse découvrir ce premier chapitre, en espérant que cela vous plaise.
Crédits : l'univers et les personnages appartiennent bien sûr à Matsuri Hino que je vénère.
EDIT du 01/09/2014 : Bonjour à tous ! Après une longue absence, je reviens pour corriger et terminer enfin La Morsure de l'Ombre car je n'ai pas envie de la laisser inachevée. A tous les lecteurs qui suivaient cette histoire, j'adresse mes plus sincères excuses. Les raisons de cette absence sont très simples : manque de temps, de motivation, syndrome de la page blanche et j'en passe car là n'est pas la question.
J'ai apporté quelques modifications à mes chapitres, afin que la fanfiction soit plus homogène car mon style d'écriture a un peu changé entre les premiers chapitres et les derniers postés et ça me laisse une drôle d'impression en lisant tout ça. Cela ne changera absolument rien à l'action ou au contenu des dialogues, pas d'inquiétude.
Ceci étant dit, c'est reparti pour du ShikixYûki ! (notez que cela rime /SBAF/)
POV : Yûki
Au cœur du chaos, à travers les larmes de sel et de sang, quelqu'un me tendait une main chaleureuse. Elle surgissait toujours au beau milieu des cauchemars pour me ramener avec elle, loin de la neige froide et blanche constellée de rouge, vers de plus paisibles horizons. Comme elle l'avait fait il y a plusieurs années de cela. Ignorant soudainement les ténèbres alentours, mes yeux d'enfant rencontrèrent ceux du hunter et j'y vis mon salut.
Une sonnerie particulièrement agaçante que je connaissais très bien me tira brutalement du sommeil. Le froid m'empêchait de me redresser sur mon lit, me tenant là, blottie contre les draps chaleureux. Je risquais cependant un coup d'œil pour regarder l'heure, histoire juste de se tenir informée. 7h du matin. Cet abominable chiffre ! Il me narguait, me faisant comprendre qu'il n'était plus temps de se prélasser ou même de se préparer psychologiquement à cette journée. Il me criait plutôt que j'allais finir en retard si je ne bougeais pas de là vite fait. 6h59, ça m'aurait tout de même permis de m'octroyer une minute de réflexion dans mon lit, la tête posée sur le coussin moelleux.
C'est toujours dans les films que l'on pouvait voir le héros se lever d'un bond, le teint éclatant et l'énergie d'une pile rechargeable, prêt à sauver le monde en une seule journée ! La réalité ne ressemblait en rien à cela, si j'en jugeais ma propre expérience. Moi, mes paupières étaient toutes colées, j'avais une haleine de poney et la même force qu'une moule sur son rocher. Pourtant, je ne pouvais guère me lamenter sur mon sort de lycéenne banale car le devoir m'appelait. Il me hurlait même dessus pour que je me bouge le plus vite possible. S'il avait pu m'injurier, je crois qu'il l'aurait fait. Oui, j'avais le sens de l'exagération de bon matin. Et oui, 7h j'appelle ça « de bon matin ».
Je repoussais donc les draps, tout en sachant pertinemment ce qui m'attendait. Comme tous les jours de la semaine. Cela me donnait aussitôt envie de me recoucher, mais comme je ne souhaitais pas avoir des morts sur la conscience –j'étais une bonne âme- je me levais avec l'entrain de celle qui se rend au bagne.
J'enfilais l'uniforme de la Day Class comme l'on se glisse dans un déguisement. Je veillais à ce que ma jupe bleue marine soit bien plissée comme il le fallait et à ce que ma veste formelle de la même couleur s'ajuste bien. Grandes chaussettes et bottes à lacets vérifiées, je passais alors le brassard de chargée de discipline sur ma manche tout en me faisant la réflexion que ce n'étais pas ça qui impressionnerait les furies de la Day Class.
Je me regardais vite fait dans le miroir, avec la même moue sceptique que tous les matins de la semaine. Je voyais dans le reflet une peau pâle, de longs cheveux châtains et de grands yeux noisette sans autorité. La mine fatiguée incitait les lèvres à ne pas sourire. Je n'avais pas la grâce ou l'élégance d'une jeune fille bien née ou la beauté insouciante d'une demoiselle de la campagne, non. On me qualifiait de « mignonne », à ceci près que dans la bouche des autres, ce terme semblait désignait un petit chiot perdu dans la rue. Que j'affiche sur mon visage ma joie, ma légèreté ou mon entrain naturel, je ressemblais toujours à une fille paumée. Maladresse, incompréhension, moue boudeuse lorsque l'on me contrariait, tout cela se lisait aussi sur mes traits et contribuait à faire de moi uniquement « la petite chargée de discipline ».
Je quittais ainsi la pièce à la manière d'un petit soldat (récalcitrant), cheminant à travers les couloirs du pavillon du soleil. Un nom bien usurpé, car il n'était pas plus lumineux qu'ailleurs. Propre, élégant avec ses murs clairs et ses colonnes, ses rambardes en bois lustré, son grand escalier au tapis rouge ou encore son immense porte d'entrée à faire pâlir quelques manoirs, mais pas plus chaleureux que cela. Je me sentais davantage à mon aise dans la maison du directeur. Elle semblait plus… animée.
Dehors, le ciel était couvert, offrant à ma vue un temps de grisaille, d'épais nuages gris presque anthracites qui nous menaçaient de pluie. Cette vision suffit à me confirmer que ce serait une sale journée. L'obscurité ne me rassurait pas. Je préférais de loin la pleine lumière, comme si les rayons du soleil suffisaient à terrasser les ombres qui hantaient les lieux ou même les cœurs.
Mon attention fut cependant détournée du paysage. Au milieu du chemin qui conduisait au bâtiment de cours, se tenait une silhouette immobile et renfrognée. Le léger vent s'engouffrait dans ses cheveux argentés, dégageant de son visage hostile deux yeux secs que ne parvenaient pas à adoucir leur jolie couleur mauve. Il portait l'uniforme de la Day Class comme l'on supporte un fardeau, ce que révélait sa cravate rouge à peine nouée. Zero Kiryu, mon ami d'enfance –quoique cette appellation me semble parfois erronée- m'attendait. Il regardait avec intérêt ses chaussures, l'esprit perdu dans de sombres pensées. Rien d'inhabituel, en somme. Je soupçonnais le cerveau de Zero d'être boycotté par les agréables pensées. Il ne se départait jamais de sa moue agacée comme si sourire était musculairement trop douloureux pour ses lèvres sévères. Sa mine austère affichait un éternel « Dégage ! », tout aussi éloquent que des mots.
_ Salut, lançais-je joyeusement, tout en saisissant au passage le contraste énorme entre nos deux personnalités.
Mon coéquipier chargé de discipline leva la tête pour m'observer très brièvement.
_ 'Lut, répondit il, impassible, avant de se concentrer de nouveau sur ses pieds.
Zero avait la fâcheuse tendance d'économiser ses mots, au point que l'on pourrait soupçonner quelqu'un de les lui facturer à l'unité. Salut était pourtant composé de deux syllabes, mais c'était visiblement trop difficile à prononcer d'un seul coup dès le matin.
_ C'est vraiment couvert, aujourd'hui, dis-je pour amorcer la conversation.
Piètre tentative. Zero n'avait pas bougé d'un millimètre et je ne pouvais pas compter sur lui pour avoir la délicatesse de faire semblant d'être intéressé. Il semblait toujours absorbé par ses pieds. Intriguée, je les regardais aussi. Mouais, c'étaient des pieds quoi. De toute évidence, le chargé de discipline se trouvait dans un état grognon, ce que n'arrangerait pas le travail qui nous attendait.
Et pour bien me le rappeler, j'entendis les cris des filles de la Day Class au loin. Cela ne présageait rien de bon et sous-entendait surtout que nous étions en retard dans notre tâche quotidienne et harassante. Enfin, harassante surtout pour moi…
Suite à ces bruits aigus et terriblement effrayants dont seules les fangirls –les vraies- sont capables, Zero se redressa d'un bond et me laissa plantée devant le dortoir sans autre forme de procès. Je lui emboîtais en traînant des pieds, ayant l'habitude qu'il me lâche sans explication. Et puis, d'autres préoccupations titillaient mon esprit : les élèves de la Night Class. Ou devrais-je dire les vampires. Pourquoi devais-je assurer leur sécurité, par tous les dieux ! On avait affaire à des créatures douées de facultés supérieures aux humains, pas à des enfants en bas-âge ! Ne pourraient-ils donc pas se débrouiller seuls ? Ils étaient tous capable -même le moins doué d'entre eux- de soulever un bureau d'une seul main et de l'envoyer faire un trou énorme dans un mur. En quoi pourraient-ils être inquiétés par un troupeau de jeunes filles hystériques totalement irresponsables et ayant perdu toute notion de raison ?
… Quoi que… Bref, l'idée de « bosser » pour eux avant les cours ne m'enchantait pas vraiment. D'ailleurs, cette idée ne me plaisait pas davantage après non plus. Elle ne m'inspirait pas du tout. Enfin, « business is business » comme on dit. Et encore, mon agacement ne valait pas grand-chose face à celui de Zero. Je mettais tout de même un peu plus de cœur à l'ouvrage que lui. Je soulignais néanmoins la présence de mon coéquipier dans les rondes et lors de la sortie de la Night Class. Parfois, j'admirais ses sursauts de bonne volonté.
Nous prîmes le chemin qui menait jusqu'au pavillon de la Night Class. Il fut bien plus long que de coutume car, d'ordinaire, nous nous y rendions au crépuscule, lorsque les cours de la classe de jour s'achevaient. Je me demandais d'ailleurs pourquoi le directeur nous chargeait de la sécurité des vampires dès le matin. La Night Class devrait sommeiller à cette heure-ci. Leurs sorties en plein jour se faisaient très rares et je trouvais ça très bien ainsi. Le directeur n'avait rien voulu expliquer, ce qui piquait fortement ma curiosité.
Je retournais mes questions dans ma tête lorsque nous traversâmes le pont qui menait au dortoir des vampires. Je jetais un coup d'œil à l'eau dont le clapotis parvenait doucement à mes oreilles. Il s'y reflétait les nuages sombres du ciel, transpercés par la tour de pierre qui abritait le gardien du pavillon. Sous la voûte orageuse, la bâtisse s'élevait, menaçante, dernier rempart entre le monde des humains et celui des créatures nocturnes. Comme à chaque fois que je posais un pied ici, je me sentis nauséeuse dès que la tour fût dans mon dos. Contenir les assauts désespérés des filles hystériques m'épuisait, mais je craignais davantage de me trouver à proximité des vampires. Le poids du secret m'écrasait parfois, lorsque je me trouvais seule au milieu de ces êtres dangereux, tandis que tous ignoraient ce dont ils étaient capables. Elles les admiraient, les acclamaient, elles rêvaient à leur simple vue, mais moi je savais quelle était leur véritable nature. La Night Class avait beau être plus ou moins civilisée, ils n'en demeuraient pas moins des vampires. Des monstres au visage humain.
Un soupir s'échappa de mes lèvres, attirant l'attention de Zero. Ce dernier me jeta un coup d'œil, mais il respecta mon silence. Nos visions des vampires auraient presque pu s'accorder si elles n'étaient pas tant différentes. C'est la haine qui habitait le cœur de Zero, tandis que la peur grandissait dans le mien. Je ne détestais pas les vampires. Je les craignais.
Le dortoir de la Night Class se découpa peu à peu. Il émergeait derrière les arbres touffus de l'immense forêt alentour. Sa toiture sombre et ses tourelles se révélèrent et j'eus la désagréable sensation d'être observée. Je me sentais intruse et j'avais beau scruter les hautes fenêtres, je ne voyais rien derrière. Un mur gardait l'entrée pour dissuader quiconque d'entrer, mais les plus téméraires ne s'arrêtaient pas là. Raison pour laquelle nous étions là, nous les chargés de discipline. « Chiens de garde » aurait malheureusement davantage fait l'affaire comme appellation. Citez-moi un seul autre lycée où le comité de discipline agissait comme Zero et moi !
A peine arrivés devant les portes du « rempart », un brouhaha nous saisit tous les deux. Je me bouchais les oreilles pour ne pas entendre les filles de la Day Class hurler, mais Zero m'apostropha :
_ Arrête de rêvasser !
Je retins une remarque acerbe, consciente que mon travail passait avant les disputes. Il me fallait « ranger » les filles comme des moutons avant que n'arrive la Night Class. Autant dire que ce n'était pas gagné. Elles avaient beau se révéler sage en cours, dès qu'elles arrivaient ici, c'est comme si elles devenaient subitement dissidentes ! J'eus toutes les peines du monde à les rassembler et ce n'est pas ma petite taille qui allait m'aider.
Par acquis de conscience, je me tournais vers Zero, chose que j'aurais dû éviter. Je découvrais une ligne parfaite de jeunes filles disciplinées et droites comme des « i », derrière un chargé de discipline « légèrement » agacé. Après m'être demandée s'il ne finirait pas par avoir un mono-sourcil à force de les froncer sans arrêt, je me reportais sur ma propre ligne à moi... ou plutôt ma courbe…
En effet, les filles de mon côté s'agitaient partout en hurlant alors que trois mètres en face c'était pratiquement l'armée. D'un regard, Zero calma tout ce petit monde. Je me sentis inutile durant de longues minutes, moment que choisit la Night Class pour nous « honorer » de sa présence. Les membres passèrent la porte après un léger temps de suspension durant lequel chacune retint son souffle, puis ils avancèrent élégamment devant l'assemblée béate. Tous beaux, séduisants et fascinants. Ils ne semblaient pas particulièrement heureux de se trouver là en plein jour, mais la fortune leur souriait puisque le temps couvert atténuait l'empire du jour.
Kaname Kuran, le président du pavillon de la lune, et de surcroît vampire de Sang Pur, prenait la tête de cette procession d'étudiants « parfaits ». Ses mèches brunes voilaient à peine ses yeux inquisiteurs, consumés par une grande lassitude. Il avançait d'une démarche digne et autoritaire. Ce fut un énorme contraste lorsqu'apparurent à sa suite Takuma Ichijou et son sourire aussi épanoui qu'un tournesol sous le soleil. Je me suis toujours demandée comment Ichijou pouvait être un vampire. D'une nature enjouée et rieuse, il apparaissait davantage comme un… humain ?
Hanabusa Aidou, le diabolique blond aux yeux turquoises et éternel chouchou de ces dames, saluaient chaque fille, les faisant frôler la crise de catalepsie au passage, tandis qu'Akatsuki Kain, son cousin mystérieux aux cheveux cuivrés, suivait les mains dans les poches, le regard fixé sur…le ciel. Cela dit, ça restait plus intéressant que les chaussures de Zero.
Mes yeux détaillèrent très rapidement les autres vampires, passant par la belle mais farouche Ruka Sôen -adoratrice de Kuran- ou encore la discrète Seiren, dont les paroles se faisaient encore plus rares que Zero. Mon regard se perdit alors dans le vide, avant de se fixer sur la personne qui fermait la marche : Senri Shiki. Il traînait des pieds, perdu dans un autre monde dont lui seul détenait les clés. Il se passa furtivement la main dans ses cheveux bruns, déjà bien ébouriffés. A part manger des Pocky, je voyais mal à quoi il pouvait penser aussi intensément. Jamais je n'avais croisé d'individu aussi flegmatique que lui. Rien ne paraissait susciter son intérêt et il demeurait toujours d'humeur égale, peu sujet à l'emportement quel qu'il soit. C'est pourquoi je me questionnais : qu'est-ce qu'il se passait dans sa tête ? Il me semblait encore plus indéchiffrable que Zero. C'était pour dire !
Alors que je mettais fin à mon observation, les yeux bleus de Shiki rencontrèrent les miens. Ou plutôt, ils les percutèrent. Je tournais vivement la tête, comme un enfant surpris alors qu'il faisait une bêtise. C'était comme si ce contact visuel m'avait brûlé. Quelque chose dans son regard me dérangeait. Il était trop fixe, trop insistant. Je ne saurais expliquer l'impression qu'il me donnait.
Je fis alors ce que bon nombre d'entre nous font et qui ne sert malheureusement pas à grand chose : je fixais un point imaginaire comme s'il se passait quelque chose de vraiment très intéressant. Sauf que bien souvent, il n'y avait absolument rien. En l'occurrence, je regardais intensément… une feuille.
Je sentais encore son regard fixé sur moi. La gêne m'envahit. Ce n'était pas vraiment la sensation qui naît chez une jeune fille lorsqu'un garçon la regarde, non. Il s'agissait du malaise généré par la crainte. La peur d'attirer l'attention de ce que l'on redoutait le plus. Et ce qui me faisait peur tenait en un mot : vampire.
Je relevais les yeux vers Shiki, constatant qu'il demeurait toujours tourné dans ma direction. Aucune expression sur son visage, il reflétait la plus grande impassibilité, mais ses prunelles reflétaient toujours quelque chose de dérangeant. Rien d'hostile, d'agressif ou de déplacé, non. Mais alors quoi ?
J'eus alors un geste très stupide. Je m'avançais vers Zero pour lui taper sur l'épaule d'un air professionnel, histoire de détourner une attention que je ne supportais pas.
_ C'est du beau boulot ça ! Chapeau l'artiste ! Allons en cours maintenant que la corvée est finie !
Zero me regarda comme si il avait vu une poule pondre un œuf carré…ou comme si il allait me tuer sur le champ. Impossible de savoir.
La silhouette de Shiki disparut à la suite de la Night Class, emportant cet instant fugace comme s'il n'avait jamais existé. J'espérais ne plus croiser son regard de nouveau.
Alors, la sonnerie stridente retentit, brisant cette atmosphère pesante et irréelle. La place fut vite abandonnée au silence. Tout le monde se rendait en cours et j'entendais les filles de la Day Class qui se demandaient pourquoi les élèves de la Night Class sortaient en plein jour. Très bonne question. Je me rappelais à cet instant que le directeur avait simplement évoqué une réunion importante qui se déroulerait dans la matinée. Avec qui et pourquoi ? Je n'en savais rien. Zero non plus. J'accélérais justement le pas pour rattraper ce dernier. Il fixait un point invisible, comme moi quelques minutes plus tôt.
Nous entrâmes dans la salle de cours sans un mot. Je n'étais pas d'humeur à travailler. Surtout en maths, ma matière détestée. D'après le délégué des élèves, je faisais chuter la moyenne de la classe rien qu'avec mes notes en maths. Il oubliait juste que mon travail de chargée de discipline m'empêchait souvent de bosser correctement, raison pour laquelle il m'arrivait de piquer du nez en cours.
oOo
De longues et pénibles minutes s'écoulèrent interminablement dans la salle. Je regardais machinalement en direction de la fenêtre. Que faisait la Night Class à cet instant ? Pourquoi sortir en plein jour alors qu'ils pouvaient attendre la nuit. Etait-ce une affaire urgente ?
_ Cross ! Je ne vais pas répéter une nouvelle fois ! Lança la voix « mélodieuse » du professeur de maths.
Je sursautais en entendant mon nom. L'aura mauvaise de l'enseignant ne tarda pas à me gagner et je me recroquevillais, la mine piteuse. Pas le moment d'essayer de lui jouer de la harpe.
_ Heu…désolée, balbutiais-je en rougissant honteusement.
Pire encore, je me sentais devenir cramoisie à mesure que les autres élèves se tournaient pour m'observer. Ils pourraient se montrer plus compatissants quand même !
_ Oui, bien entendu ! « Désolée » ! C'est toujours la même chose ! Vous êtes toujours désolée !
Je sentis la moutarde me monter au nez.
_ Oh, pas la peine d'en faire un drame ! J'ai au moins le mérite de reconnaître mes torts, moi ! Explosais-je.
L'aura menaçante s'accrût, ce qui conduisit inexorablement à un tassement de ma pauvre personne. Avais-je vraiment osé lui dire ça ? Je n'avais pourtant pas de tendance suicidaire.
_ Cross, vous dégagez du cours ! Ce n'est pas parce que vous êtes la fille adoptive du directeur que je vais prendre des gants !
Que répondre à ça ? Je pris mes affaires et sortis sous les regards curieux de toute la classe. Je n'y pouvais rien ; le courage ne venait à moi que dans les situations désespérées ou absurdes. Visiblement, mettre en rogne mon intransigeant professeur de maths n'en était pas une.
Vexée de m'être fait virée du cours comme une malpropre, je me dirigeais machinalement vers la cour pour me calmer. Malheureusement, mes pas s'arrêtèrent non loin de quatre vampires. Takuma Ichijou me salua de la main tandis qu'Hanabusa Aidou se recoiffait. Akatsuki Kain, les mains dans les poches (et oui encore !) attendait visiblement quelque chose qui n'arrivait pas. Et le dernier… était Senri Shiki. Oh non ! Si le destin existait, je ne devais pas figurer dans ses petits papiers. Dire que j'avais espéré –peut-être pas assez fortement-ne plus le recroiser pour un moment !
Les « quatre fantastiques » me fixaient comme si je faisais quelque chose de passionnant. J'errais juste en ruminant. A ce moment là « passablement » énervée, je décidais de copier leur comportement dans une attitude complètement puérile. Nous avions l'air bien ridicule à nous fixer en chien de faïence, inutile de le préciser.
Le regard de Shiki demeurait toujours aussi insistant et indéchiffrable. Je me sentis mal de nouveau. C'était vraiment idiot, je le sais bien, mais cela m'effrayait.
Soudain, Zero nous rejoint tel un héros prêt à me venir en aide. J'imaginais que ses intentions étaient autres, mais je préférais rêver un peu.
_ Je peux revenir en cours ? demandais-je, croyant que le prof l'avait envoyé me chercher.
_ Non, répondit Zero d'un ton ferme.
A quoi bon se perdre dans de longs discours alors qu'un seul mot suffit, hein ? Ben voyons.
_ Que fais-tu là, alors?
_ Je me suis fais virer, répondit-il calmement.
Voilà toute la différence entre ma réaction et la sienne. Zero ne tarda pas à apercevoir les vampires.
_ Qu'est ce qu'ils foutent là, ceux là ?! Demanda t-il avec toute la diplomatie dont il était capable, à savoir aucune. Si c'est ça leur « réunion », ça valait bien la peine qu'on se démène pour servir de garde du corps !
Ichijou s'avança, prêt à temporiser la conversation comme à son habitude.
_ La réunion concerne uniquement Kaname. Nous ne pouvons y assister.
_ Kaname ? Demandais-je malgré moi.
_ Oui, Kaname, répéta Ichijou en souriant.
L'idée qu'il était en train de se foutre de ma gueule me traversa l'esprit.
_ Je suppose que vous vous êtes tous levés par solidarité, lançais-je, un brin mauvaise.
_ Absolument pas, répondit le vice président de la Night Class, avec le même sourire. Nous t'attendions.
Ces derniers mots ne m'étaient pas adressés. Senpai regardait Zero qui se renfrogna aussitôt.
_ Tu dois nous suivre, Kiryu, reprit Ichijou. Tu es tout autant concerné, après tout.
Je m'insurgeais contre cette décision. Hors de question que Zero aille avec eux sans moi !
_ Est-ce que je peux venir ? Demandais-je, enthousiaste à l'idée de découvrir ce qui se passait depuis ce matin.
Ichijou brisa aussitôt cet entrain sans la moindre pitié.
_ Non.
C'était un « non » catégorique. Le genre de « non » qui n'appelle aucune négociation. Je savais une chose sur Ichijou-senpai ; il était certes gentil et diplomate, mais lorsqu'il disait « non », il ne fallait pas entendre un « mais éventuellement, il serait certainement possible… ». J'ignore quelle réaction serait la vôtre à ma place, mais moi je me sentis affreusement vexée et ce pour la deuxième fois de la journée. Comme une petite fille à qui on interdit un bonbon. J'observais Ichijou, qui ne semblait nullement désolé et n'avait visiblement pas l'impression de m'avoir blessé.
Je suppliais alors Zero du regard, espérant obtenir plus de soutien de son côté. L'espoir c'est beau, mais pas toujours très satisfaisant. Je le compris à sa tête, nul besoin de mots. Il secoua ladite tête et ses mèches argentées tombèrent sur ses yeux froids et impénétrables.
_ Il vaut mieux que tu ne viennes pas, argumenta t-il. Il est possible que ce soit dangereux.
Un sentiment de colère m'envahit et je l'attribuais à l'incompréhension.
_ Dans ce cas pourquoi tu y vas, TOI ?! Répliquais-je.
Il soupira avec lassitude, tiraillé entre fatigue et l'envie de m'aplatir la tête pour que je cesse mes protestations.
_ C'est différent. Ne t'inquiète pas.
Comme argumentation, il y avait bien mieux. La dernière phrase sonnait presque comme un ordre.
Ils me laissèrent tous là, plantée dans la cour. J'avais la subite impression que cette journée répétait sans cesse les mêmes situations.
Seul Shiki demeura sur place, face à moi. Il ne dit rien, n'esquissa aucun geste. Cependant, ses yeux clairs ne cillèrent pas alors qu'ils restaient rivés sur moi. Ils me sondaient presque, ce qui ne me plaisait pas.
_ Quoi ?! Lançais-je avec une pointe d'agressivité.
_ Rien, me répondit-il sur un ton neutre.
Lui aussi décida de s'éclipser sans explication, après m'avoir toisé quelques secondes. Je me retrouvais donc seule avec mes questions. En quoi consistait cette réunion ? Et surtout, pourquoi Zero devait-il s'y rendre ?
Je m'assis par terre et attendis la fin du cours. Yori, ma meilleure amie, ne tarda pas à venir à ma rencontre. Ses yeux chaleureux m'observèrent, une lueur perplexe à l'intérieur, tandis que le vent jouait avec ses cheveux couleur miel.
_ J'ai pris des notes pour toi, dit-elle.
Un jour, je lui décernerai une médaille. Je la remerciais tout en me levant pour épousseter ma jupe. On me trouvait déjà inutile, je ne souhaitais pas qu'on rajoute que j'étais négligée.
_ Tu n'as pas l'air dans ton assiette, Yuki, remarqua t-elle.
Des vampires vivaient non loin de nous et nous les croisions tous les jours. A part ça, tout allait très bien.
_ Je suis fatiguée, répondis-je avec un sourire un peu forcé.
_ C'est vrai que tu ne dors pas beaucoup. Mais je pense qu'il y a autre chose, persista mon amie. Où est Kiryu-kun ?
Décidément, rien ne lui échappait. Yori était trop intelligente. Cela finirait par lui causer du tort si elle se mettait en tête de fourrer son nez partout. Néanmoins, je supposais que sa bonne éducation la mettait à l'écart de ce genre de comportement. En revanche, j'avais bien plus de mal, pour m apart, à résister à la curiosité.
_ Il en avait assez d'attendre là, mentis-je
_ Oh, je vois.
Je pense qu'elle ne voyait pas du tout, mais elle devait avoir conscience de toucher un point sensible à mon humeur.
Nous nous dirigeâmes ensuite vers la salle de cours car la pause était terminée.
Ce n'est qu'au bout d'une heure que Zero réapparut comme si de rien n'était. Je ne lisais pas grand chose sur son visage fermé. Je pris mon mal en patience et décidais d'attendre la fin des cours du matin avant de le harceler de questions.
Lorsqu'il fut midi, je rejoignis le chargé de discipline. Nous marchâmes un moment sans parler, puis je me décidais à briser un silence que je ne supportais plus. La curiosité me rongeait.
_ Qu'est-ce qu'ils te voulaient ?
_ Il semblerait qu'un vampire agisse bizarrement en ville, ces derniers temps, répondit Zero. Kuran semble inquiet au point de me mettre dans la confidence.
_ En quoi cela te concerne ?
Zero parut récalcitrant à me répondre. Il hésita un moment avant d'hausser les épaules :
_ Il voulait me poser des questions.
_ Vraiment ? Demandais-je, dubitative.
_ Kaname Kuran et deux vampires de la Night Class se rendaient à la guilde des hunters, ce matin même. Ils veulent sûrement négocier pour s'occuper eux-mêmes du renégat. Cela explique leur sortie en plein jour. Les autres sangsues en uniforme sont sur le qui-vive, au cas où Kuran les appelleraient pour une chasse au rebelle.
Je ne saurais dire pourquoi, j'avais l'impression qu'il ne me disait pas toute la vérité.
oOo
Le reste de la journée se déroula normalement. Je retrouvais Zero, en fin d'après midi, pour notre boulot de chargés de discipline. Les vampires allaient commencer leurs cours. Les filles de la Day Class s'étaient à nouveau rendues en horde devant l'entrée du pavillon de la lune (quelle aubaine pour elles! Elles avaient vu leurs idoles deux fois dans la même journée!).
Je repérais, au milieu de ce cirque ambulant, un appareil photo et me dirigeais d'une démarche conquérante vers sa propriétaire.
Je fus surprise (ou pas) de découvrir le délégué de la classe.
_ Délégué Kageyama-san, Donne-moi cet appareil photo. Tu devrais savoir mieux que quiconque que c'est interdit. Droit à l'image.
Il rajusta ses lunettes d'un air indigné comme si je venais de lui demander la couleur de son caleçon.
_ Non ! répondit-il vivement. Il me faut une photo de Ruka-chan ! Ruka, ma chérie ! (je m'approchais pendant qu'il délirait, la bouche en cœur) Aaaah ! Arrière, monstre ! Laisse mon appa…
L'objet fut confisqué de ses mains, malgré ses protestations qui finirent en lamentations. Pff, imbécile ! Il pouvait bien venir, en suivant, avec ses beaux discours. Y avait-il un seul être sensé dans la Day Class ?
Alors que je m'activais pour que tout le monde se range sans faire de vagues, la porte s'ouvrit sur les vampires.
Ma colère se raviva. Pas forcément parce que j'avais été écartée, mais parce que je ne supportais pas que Zero soit impliqué dans cette histoire. Je ressentais le besoin constant de le protéger de tout, sachant pertinemment que la tragédie de son passé le rendait vulnérable malgré sa force. Seulement, Zero détestait être protégé, alors je ne pouvais pas en faire des tonnes. Juste ressentir la colère et l'impuissance.
J'évitais de regarder les vampires pour ne pas avoir à supporter une nouvelle fois la présence anormalement oppressante de Shiki ou l'air emphatique d'Ichijou. Je jetais un coup d'œil furtif à Zero. Il détournait la tête lui aussi. Kuran s'arrêta soudainement devant lui. Et voilà le prince des manipulateurs qui se pointait en personne ! Jamais je n'avais réussi à trouver un terrain d'entente avec lui et ce depuis notre première rencontre, lorsque le directeur m'avait trouvé et recueilli. Il s'était toujours montré cordial, certes, mais je ne pouvais me défaire du sentiment qu'il dissimulait des secrets en permanence. Je l'imaginais bien tirer des ficelles dans l'ombre. Malheureusement, en dépit de cette arrogance et cette hypocrisie, sa beauté n'en restait pas moins fascinante. Il incarnait le pilier de la Night Class, le chef incontesté de l'élite. Il se distinguait des autres vampires, pas seulement par son maintien princier, mais par son aura toute entière. Rien que pour ça, il méritait une claque. Bon d'accord, j'exagérais peut-être un peu. Juste un peu alors…
_ Rappelles toi ce que nous avons dit, Kiryu-kun, lui lança le Sang-Pur de sa voix mielleuse.
Pire qu'un bonbon qui dégouline.
_ Hors de ma vue, Kuran, rétorqua Zero. Tes cours vont commencer.
Kaname se rembrunit. Ses yeux exprimaient une aversion difficilement contenue, comme une bête tapie dans l'ombre avant de bondir. Pour je ne sais quelle raison, il abhorrait Zero depuis leur première rencontre. Peut-être parce que ce dernier avait ouvert les hostilités. J'étais à ce moment trop jeune pour comprendre. Trop naïve peut-être aussi.
Mon coéquipier, quant à lui, semblait se retenir de sauter à la gorge de son adversaire. La gorge… Mes yeux se posèrent sur celle de Kuran et un vertige m'assaillit. L'espace d'un instant, je vis des crocs briller, du sang se répandre sur le sol, des yeux rouges d'une cruauté sans pareille. La nausée m'envahit et mes membres tremblèrent alors que des souvenirs jaillissaient en masse comme un fleuve se déversant dans la mer. Je m'appuyais contre l'arbre le plus proche pour prendre un peu de distance. Une hallucination. Cela m'était déjà arrivé il y a bien longtemps. J'avais presque du mal à respirer tellement ces images me semblaient réelles. Peut-être parce qu'elles l'avaient été autrefois. A cette époque, j'étais bien jeune. Terrorisée devant un vampire qui visait ma propre gorge. Pourquoi ce souvenir revenait-il me harceler à cet instant ? Pourquoi je ressentais à nouveau la bestialité des vampires dans l'atmosphère plus ou moins paisible de l'académie ? Cela fonctionnait presque comme un mauvais pressentiment. Ou alors, j'étais tout simplement folle. N'est-ce pas ce que les autres se diraient ?
Une main saisit alors mon bras, me faisant reprendre pied avec la réalité. Je m'efforçais à me remettre droite, honteuse de me montrer dans cet état de faiblesse qui n'allait pas valoriser mon image de chose fragile... ou agaçante.
Je vis alors Shiki me dévisager d'un air étrange. Je voulus me dégager aussitôt de son contact. Je ne supportais pas qu'un vampire me touche. Et ses yeux trop fixes me dérangeaient encore.
_ Ça va, merci, lui assurais-je.
Mais il ne me lâcha pas pour autant.
_ Je peux tenir debout, ça ira. Ce n'est que de la fatigue.
Je souris pour essayer de le convaincre. En vain. Il continuait à me sonder d'une manière désagréable.
_ Un Pocky et tu me lâches ? Tentais-je.
_ Non, répondit-il.
Ah ! Enfin un mot ! Il était la troisième personne à me répondre « non » d'un ton ferme dans la même journée. J'allais finir par me poser des questions…
_ Lâche-moi, insistais-je, la voix légèrement tremblante.
Je commençais à tirer sur ma manche. Il desserra ses doigts, avant de laisser retomber sa main le long de son corps. Il paraissait tellement mou que cela devait donner envie à ses comparses de le secouer dans tous les sens, histoire qu'il sorte de cette torpeur éternelle.
_ Trop aimable, lançais-je, pas vraiment rassurée.
_ Tes jambes tremblent, dit-il simplement.
J'en pris conscience que lorsqu'il me le dit. Je ne m'en étais même pas rendu compte auparavant. Il aurait quand même pu avoir la délicatesse de me le faire remarquer sur un autre ton. L'honnêteté c'était bien, mais il fallait parfois y mettre des formes. J'avais l'air de quoi maintenant ?
Il allait dire autre chose, seulement il fut interrompu par Zero qui lui jetait un regard mauvais.
_ Kuran t'attend, Senpai.
Le chargé de discipline ne dissimula nullement son mépris. Il l'affichait même comme une pancarte. Le vampire hocha la tête calmement, puis suivit les autres, avant de couler un regard sombre dans ma direction. Avait-il senti mon malaise ? Voulait-il m'aider en me tirant de ma torpeur ? Je ne saurais le dire. C'était la première fois que Shiki manifestait de l'attention à mon égard.
_ Ca va ? me demanda brusquement Zero. Que s'est-il passé ?
_ Rien de grave. Je me sentais un peu patraque.
Je lui souris pour éloigner tout soupçon.
_ Pas étonnant, répondit-il en détournant le regard, avec tous ces satanés vampires qui traînent.
Je gardais le silence devant ces paroles amères. Zero se tourna vers moi.
_ Qu'est-ce qu'il y a ?
_ Euh…non rien, répondis-je. Je vais rejoindre Yori. Elle va s'inquiéter sinon.
Je ne lui laissais pas le temps d'ajouter quoi que ce soit ; je n'étais d'ailleurs pas certaine qu'il le ferait.
En plus du poids du secret, je sentais planer une atmosphère lourde, pleine de mystères. Je levais les yeux vers le ciel tout en reprenant ma route, voyant arriver vers nous un épais nuage sombre.
oOo
La nuit ne tarda pas à tomber sur l'Académie. Je regagnais ma chambre pour déposer quelques affaires, avant d'effectuer ma ronde quotidienne. La fraîcheur du soir ne suffisait malheureusement pas à étouffer les envies d'escapade des filles du dortoir. Elles s'en allaient souvent espionner les garçons de la Night Class, durant leurs cours, quelques fois « armées » d'appareils photos. Je n'étais pas certaine que l'obscurité donne un bon rendu sur les clichés en question…
Je fus surprise, en arrivant devant la porte, de trouver de la lumière dans la chambre. Yori ne se couchait jamais très tard. Organisée, elle s'avançait assez sur ses devoirs pour ne pas avoir à rattraper d'éventuel retard. Tout mon contraire. J'aurais bien voulu copier son attitude, mais ma tâche de chargée de discipline ne m'en laissait pas vraiment le loisir. Seulement, entre les cours et ma loyauté envers le directeur, je choisissais la dernière option. Après tout, je lui devais la vie. Alors je ne me plaignais pas.
_ Ça ne va pas, Yori ? Demandais-je, une fois entrée.
Elle semblait anormalement agitée, ce qui ne lui ressemblait pas du tout. Yori incarnait le calme olympien. Une soucoupe volante aurait beau s'écraser dans la cour qu'elle trouverait toujours une parole intelligente et réfléchie, adaptée à la situation.
_ Ah, Yuki ! Je ne t'ai pas entendu arriver.
Maintenant, je lisais de l'inquiétude sur ses traits. Cela m'alarma.
_ Désolée, lui dis-je, mais on a failli assister à une bagarre entre Zero et Kaname.
_ Pff, à force ils vont finir ensemble, répliqua t-elle avant de secouer la tête.
Je grimaçais. L'image qui venait de traverser mon esprit allait me causer des cauchemars sans doute.
_ J'espère bien que non.
J'observais Yori tout en rangeant le bazar sur mon lit.
_ Yori…
Elle comprit immédiatement mon inquiétude, car elle ne chercha pas à détourner le sujet. J'admirais aussi cet état d'esprit chez elle. Je pense que ce qui nous liait elle et moi, au-delà de notre amitié d'adolescentes, c'était un respect mutuel.
_ J'ai une impression bizarre, en ce moment, me confia Yori. Un peu comme si quelqu'un m'observait en permanence.
Elle se mit à rire.
_ Tu dois trouver ça stupide, n'est-ce pas ? Je deviens parano, peut-être.
Au contraire, connaissant le secret de la Night Class, je ne pouvais pas trouver cela stupide. Et si un vampire la menaçait? Ce ne serait pas la première fois que la chose arrivait.
_ Allons, j'arrête de t'embêter avec ça. Crois-tu que notre délégué de classe te pardonnera d'avoir confisqué son appareil ?
_ Oui, si au prochain devoir je réussis à ne pas faire chuter la moyenne, répondis-je.
_ Autant dire que ça n'arrivera jamais ! S'exclama Yori.
Je fronçais les sourcils.
_ Oh ben merci! La confiance règne!
Yori se mit à rire. J'étais contente de pouvoir alléger ses inquiétudes, mais le doute ne disparaissait pas. J'allais veiller à ce que ses soupçons ne se confirment pas.
On toqua alors à la porte.
_ Yuki ! Appela la voix de Zero. C'est l'heure de notre ronde.
_ Aller, file ! me lança Yori.
_ Bien, mon lieutenant ! M'exclamais-je en mimant le garde-à-vous.
Je sortis de la chambre.
_ On vous entendait rire à l'autre bout du couloir, remarqua Zero.
_ Ne sois pas si étonné, Zero, lui répondis-je avec un sourire. Rire est une réaction normale. C'est humain, tu sais.
Le regard de mon ami s'assombrit. Quelque chose de lugubre passa dans ses yeux.
_ Je vais faire un tour par là, dit-il.
_ Entendu. Je vais voir dehors si tout est calme.
Je n'aimais vraiment pas faire ma ronde à l'extérieur. J'étais un peu peureuse parfois. Néanmoins, il s'agissait de la charge confiée par le directeur. Je ne pouvais pas jouer à la petite fifille avec lui, car trop de secrets se mettaient sur notre route. Toutefois, j'étais prête à mener à bien son idéal pacifique pour lui.
Je soufflais un bon coup, avant de me diriger vers la porte. La ronde pouvait commencer.
