J'ai réfléchi, et décidé que "Ce soir-là" méritait d'avoir quelques amis. Voici la deuxième histoire, et il y en aura d'autres au fur et à mesure de mon inspiration. N'hésitez pas à donner vos avis =)
Sleeping on the couch
-Jane ? s'étonna Lisbon en le voyant entrer dans son bureau. Il est vingt-trois heures passées, qu'est-ce que vous faîtes encore là ?
Il haussa les épaules et s'assit en face d'elle. Elle avait fermé les rideaux de son bureau, elle n'avait donc pas vu que le consultant n'était pas parti. De toute façon, songea-t-elle amèrement, il partait rarement. Pour une raison qu'elle ne connaissait que trop bien, il s'infligeait le pire des supplices en gardant la maison où sa famille avait été tuée. Pourtant, elle savait qu'il n'y avait plus rien là-bas, sinon un smiley terni et de quoi dormir. Elle était même sûre qu'il n'avait pas de quoi manger ni même un appareil électronique en fonction.
La plupart du temps, il dormait sur le canapé qu'il avait fait installer à côté de son bureau -et au final il utilisait plus le canapé que le bureau.
Sentant le silence devenir pesant, elle réduisit le rapport qu'elle tapait à l'ordinateur et croisa les bras, s'enfonçant dans son siège tout en l'observant.
-Je n'ai plus de somnifères, avoua-t-il d'une voix contrariée.
Jane détestait montrer sa mélancolie -ou sa folie, au choix- à quiconque. Elle était plus au courant que n'importe qui de tout ce qui avait trait à Jane, et il le savait, mais il n'aimait pas pour autant avoir à rappeler de temps à autre qu'il y avait en lui une âme pourrie par la vengeance, la froideur, et la tristesse.
-Essayez la tisane, proposa-t-elle.
-Je vais plus aux toilettes que je ne dors, rétorqua-t-il.
Il avait perdu son air renfrogné pour un léger sourire. Lisbon l'encourageait à discuter, et il n'y avait rien au monde qu'il aimait plus que de discuter avec elle -si on omettait le moment où il se mettait à l'énerver.
-Vous avez essayé la télé ?
-Je serai mort d'ennui avant de m'endormir, déplora-t-il faussement, amusé qu'elle se prenne au jeu.
Elle lui fit d'autres suggestions, il les réfuta toutes. Elle finit par lui dire d'aller se faire voir avec le sourire.
-En fait, je pensais plus à essayer votre canapé, dit-il malicieusement en commençant à se lever.
Elle bondit sur ses pieds et fit le tour de son bureau pour lui barrer le passage.
-C'est hors de question, c'est moi qui dors dessus, protesta-t-elle.
-Et pourquoi ça ?
-Parce que je suis la patronne, c'est moi qui décide.
-Je ne parlais pas de cette partie-là, mais plutôt du fait que vous souhaitez ardemment dormir sur votre canapé.
-Je n'ai pas le courage de rentrer chez moi, avoua-t-elle. J'ai de la paperasse en plus à cause de vous alors soyez gentil et laissez-moi mon canapé.
Jane fit aller son regard du canapé à Lisbon, puis sourit.
-Vous savez quoi ? Ce canapé est bien assez large pour deux, je vais m'y installer, trouver le sommeil grâce à votre présence si bienveillante... (Elle lui fit la grimace.) Et quand vous aurez fini, vous me rejoindrez et nous passerons tous les deux une excellente nuit.
Il fit mine de la contourner mais elle recula et le bloqua à nouveau.
-Hors de question.
-Voyons Lisbon, il s'agit de trouver le sommeil, nous savons l'un comme l'autre qu'une présence chaude et réconfortante nous aidera à passer une nuit sans soucis.
-Vous voulez faire de moi votre somnifère ? ironisa-t-elle.
-Mais non voyons, vous ne ressemblez pas à une pilulle, sourit-il.
-Vous croyez que j'ai besoin de somnifère pour dormir ? Non, alors retournez sur votre divan et laissez le mien tranquille.
-Vous êtes dure, vous me brisez le coeur...
-Jane...
Elle se faisait menaçante, sûrement parce qu'elle perdait patience et parce qu'elle était vraiment fatiguée, mais il adorait l'embêter.
-Bien, employons les grands moyens, conclut-il.
Il fit mine de la contourner par la droite, puis dans une pirouette joyeuse, il passa à gauche et se dirigea vers le canapé. Il fut doublé par Lisbon qui se coucha sur le canapé de tout son long.
-Vous voyez, il n'y a pas de place ! fit-elle, triomphante.
Jane ne put s'empêcher de rire, il adorait encore plus Lisbon quand il parvenait à la pousser à faire des choses idiotes.
-Vous êtes sûre ? dit-il en s'approchant dangeureusement.
-Certaine... Affirmative. Positive. Aucun doute possible...
Elle ajoutait des qualificatifs de plus en plus nerveusement, au fur et à mesure qu'il avançait vers elle. Puis, pour son plus grand choc, il se laissa tomber à côté d'elle, la forçant à se décaler si elle ne voulait pas être écrasée par son poids.
-Jane ! Espèce d'idiot ! pesta-t-elle.
-Ne faîtes pas la prude Lisbon, je n'enlèverai pas ma chemise promis, se moqua-t-il en s'installant, les mains sur le ventre, les yeux vers le plafond.
Elle piqua un joli fard et bougonna en se redressant. Elle l'enjamba tant bien que mal alors qu'il riait et retourna à son bureau.
-Si je passe ma nuit à faire de la paperasse, je vous tiens pour responsable et passerai ma mauvaise humeur sur vous !
-Je vous ai déjà dit que le vert vous va bien ?
Elle l'insulta à mi-voix et se réintéressa à son ordinateur.
-Vous savez, je vais sûrement pouvoir dormir maintenant, commença-t-il.
-Oui, maintenant que vous avez eu votre dose "emmerder Lisbon est mon activité favorite".
-Ne soyez pas mauvaise joueuse, rit-il doucement. Songez plutôt que si je dors, légère et discrète comme vous êtes, si vous venez dormir avec moi, je ne le saurai même pas.
-Mais bien sûr.
-Je suis sérieux, assura-t-il avec un sourire charmeur cependant.
Elle le dévisagea un instant, un peu déstabilisée en comprenant qu'il disait vrai, puis elle reporta son attention sur l'ordinateur.
-Oui, moi aussi je suis sérieuse, répondit-elle finalement.
Elle se replongea dans le travail, tentant d'oublier Jane sur son divan. Tentant d'oublier également ce qu'il pouvait être agaçant.
Une demi-heure passa avant qu'elle ne remarque à son grand étonnement que Jane dormait. Elle ne put s'empêcher de sourire et se leva pour le couvrir avec le plaid. Il se cala machinalement contre le dossier en soupirant d'aise.
Elle repartit s'asseoir en secouant la tête, se traitant d'idiote pour avoir songé un instant qu'elle le trouvait attendrissant.
Une autre demi-heure passa, et Lisbon sentit qu'elle avait atteint le point de non-retour. Jane dormait toujours cependant.
Son dilemme intérieur fut bref, son besoin de dormir l'emportant haut la main. Elle alla s'assurer que les stores étaient fermés et son bureau verrouillé, puis elle régla son alarme de portable pour être réveillée un quart d'heure avant que le personnel ne commence à arriver.
Elle éteignit finalement la lampe et, éclairée par son portable, elle se dirigea vers le canapé. Elle hésita encore, Jane allait être invivable, et elle faisait surement la plus grosse erreur du reste de sa vie... Elle envoya au diable ses réticences, s'assit sur le rebord en priant pour ne pas réveiller Jane, puis se coucha dos à lui.
Elle fut bien sûr en contact avec lui, le canapé n'était pas si large que ça. Elle croisa les bras, et ferma les yeux pour imaginer qu'elle était ailleurs et pas dans cette situation inconfortable.
Il s'écoula d'interminables minutes de malaise pour la pauvre Teresa Lisbon, puis, elle sentit le léger froid qu'elle avait ressenti disparaître alors que Jane lui passait un peu de couverture. Elle la prit volontiers mais sans un mot. Elle sentit son souffle sur sa nuque, elle devinait aisément son sourire, mais elle s'attendait à toutes les moqueries du monde, pas à cette main qui se posa sur sa taille avant de glisser vers son ventre. Il exerça une légère pression, et l'instant d'après elle avait le dos collé à son torse, le coeur battant.
Il laissa sa main où elle était, embrassa sa joue, lui souhaita la meilleure des nuits, et replongea dans un rêve ressemblant étrangement à cette réalité.
Malgré elle, elle se détendit. Elle ne vit même pas le sommeil gagner la bataille.
Le portable de Lisbon brisa le silence du bureau encore plongé dans la pénombre aux alentours de sept heures du matin. La jeune femme pesta et l'éteignit, se tournant pour se blottir sous la couverture. Sauf que ladite couverture bougea et grogna.
Elle écarquilla soudain les yeux et s'écarta le plus que lui permettait le canapé.
-Il y a des réveils plus doux, marmonna Jane en ouvrant difficilement les yeux.
-Oh désolée, vous vouliez peut-être que je vous apporte des croissants ? ironisa-t-elle.
-Agressive dès le réveil, vous brisez l'instant Lisbon, plaisanta-t-il en passant une main derrière sa tête.
Elle le fusilla du regard, mais elle ne tint pas très longtemps, attendrie -à son plus grand damn- par son air endormi.
-Vous n'êtes peut-être pas une pilulle, mais vous êtes terriblement efficace, sourit-il.
-Si vous racontez ça à qui que ce soit, je vous bute.
Il rit doucement et se tourna sur le flanc pour lui faire face. Il alla ensuite poser une main sur son ventre et la ramena contre lui. Elle fut trop surprise pour protester, et, profitant de sa faiblesse momentanée, il enfouit sa tête dans son cou. Elle le laissa faire sans savoir pourquoi.
-Jane, des gens vont commencer à arriver, le pressa-t-elle en essayant finalement de s'écarter.
Il émit un son d'acquiescement mais ne bougea pas d'un millimètre, niché entre son épaule et son cou. Elle commençait à trouver l'instant franchement embarassant lorsqu'il empira les choses, déposant un léger baiser sur son cou.
Il la relâcha enfin et elle ne prit pas le temps de le réprimander pour sa conduite, ni même d'être choquée. Elle se leva, remit ses cheveux en ordre, défroissa ses habits et partit chercher un café.
Lorsqu'elle revint, Jane était toujours étendu sur le canapé, les yeux fermés.
-Il faudrait qu'on fasse ça plus souvent, dit-il, un sourire aux lèvres.
-Et puis quoi encore, marmotta-t-elle en allumant son ordinateur.
-Commencer la journée par un bol de tendresse plutôt qu'une tasse de café, ça vous ferait du bien.
-Merci beaucoup pour la prescription docteur folamour. Je vous préviens Jane, j'ai une arme et je n'hésiterai pas à m'en servir.
Il rit, se levant du canapé avec sûrement dans l'idée d'aller chercher un thé.
-Ne vous en faîtes pas Lisbon, notre secret est bien gardé, c'est dans mon intérêt.
-Voyez-vous ça ?
Il allait passer la porte sans répondre au sarcasme, lorsqu'il se ravisa, se penchant en arrière.
-Je perdrai toute chance que ça se reproduise si quelqu'un venait à savoir.
-Dans vos rêves, rétorqua-t-elle en rougissant légèrement, agacée au passage.
Elle froissa un bout de papier puis leva la tête vers lui, étonnée qu'il soit encore là.
-Pour tout vous dire, dans mes rêves, on ne faisait pas que dormir, lança-t-il soudain.
Elle poussa un cri et il partit en courant et riant alors que le bout de papier qu'elle avait dans la main le manquait. La journée commençait bien, ragea-t-elle.
Ses yeux se posèrent sur le canapé de son bureau, puis, un sourire se profila sur ses lèvres, oui, la journée commençait merveilleusement bien.