Une rose d'amour épanouie dans le sang

Chapitre 6 : le collège Royal de Saint-Paul

Quand la traversée en arriva à ses derniers moments, l'humeur de Candy s'en ressentit. Elle devint plus maussade, ce qui n'échappa pas à l'œil de Terry. Alors qu'ils se promenaient sur le pont supérieur, il l'interrogea :

-Pourquoi cet air si triste ?

-Parce que nous n'allons plus nous voir. Parfois je me demande si tu n'es pas une hallucination née de mon esprit malade, avoua t-elle.

Terry écarquilla imperceptiblement les yeux à ces derniers mots. Elle se doute inconsciemment, elle sent que quelque chose ne va pas en elle. Balayant ses réflexions, il la rassura :

-Ne t'inquiète pas. Mon école est à Londres à côté de la tienne je te le rappelle ! Dit-il en faisant un clin d'œil quant à ses sorties non autorisées. Aussi nous pourrons nous voir de temps en temps. Et puis, est-ce qu'une hallucination pourrait faire çà ? Déclara t-il tout en lui pinçant légèrement l'avant-bras, ce qui réveilla l'ire de la jeune fille, qui se mit à le pourchasser en riant, preuve qu'elle ne lui en tenait pas rigueur.

Terry s'efforça ainsi de lui conserver sa bonne humeur jusqu'à l'arrivée du paquebot, à travers jeux, promenades et discussions. Il s'intéressa beaucoup à Daniel et Eliza, à la mort de Monsieur Garcia, et encore plus aux réactions de Candy, qui pour sa part n'arrivait pas à les expliquer. Bien que disproportionnées selon ses critères, au bout d'un moment, elle les trouvait…normales, sans ne plus rien avoir à redire. Cela l'effrayait.

-Suis-je folle ? Demanda t-elle-même une fois.

-Non Candy, ce sont eux qui le sont de t'avoir provoqué. Dit-il de manière énigmatique. Elle ne réussit pas à lui tirer un seul mot de plus à ce sujet.

Une fois arrivés, elle dit au revoir à Terry sur le quai, dans la brume du matin, et aperçu au loin du monde qui l'attendait. Ceux-ci la regardaient avec curiosité et elle aurait juré, l'espace d'un instant, elle s'imagina voir dans leurs yeux de la crainte et du respect. Mais la brume s'épaissit et les cacha à sa vue. Terry lui fit un dernier baisemain avant de s'éloigner, à regret. Le soleil devenait trop fort, il ne pouvait plus rester.

-A bientôt Candy, chuchota t-il.

-C'est une promesse ?

-Sur la lune rouge.

-C'est une vérité, conclut-elle.

Se retournant pour faire face à Monsieur Georges qui l'attendait, ils se dirigèrent en silence vers la voiture. Alors qu'ils s'installaient dans le véhicule, Candy vit un dossier sur la banquette arrière. Elle le prit pour le déplacer et ainsi ne pas l'abîmer en s'asseyant dessus par mégarde, quand elle s'aperçut qu'il était adressé à Monsieur William, son bienfaiteur. Le sang de Candy ne fit qu'un tour.

-Georges, l'oncle William est à Londres. Demanda t-elle précipitamment.

Gêné, Georges reconnut que oui. Sous les supplications de Candy, ils se rendirent alors à son hôtel. Une fois arrivés, Candy se rua à la réception pour demander le numéro de la chambre. Peine perdue. Une fois arrivés, Candy ne pu que constater que la chambre était vide. L'oncle William était déjà parti. Elle baissa la tête, déçue et attristée par cette déconvenue.

-Tant pis, ce sera pour plus tard…N'est-ce pas Georges ? Dit-elle en se retournant, un courageux sourire aux lèvres.

-Oui mademoiselle. Pouvons-nous y aller maintenant ?

-Je vous suis Georges.

Pour lui redonner un vrai sourire, Georges lui proposa de passer par quelques grands monuments et lieux de la ville : elle aurait peu l'occasion de sortir au collège, et Candy apprécia ce geste. Elle admira les merveilles de Londres. Une fois cette petite visite terminée, ils se dirigèrent vers le collège et franchirent les lourdes grilles de fer de l'école. C'est plus une prison ou une école ? Pensa Candy. Une de plus. Son cœur se serra à cette pensée, sans qu'elle ne comprenne pourquoi. Arrivés, Georges salua Candy et laissa les sœurs la prendre en charge. Candy regarda partir le seul visage ami qu'elle connaissait et se raccrocha à la pensée que Terry n'était pas loin. Elle suivit en silence les sœurs pour aller se présenter à la mère supérieure, tandis que ses affaires étaient emmenées à sa chambre-suite. Une sœur toqua, avant qu'une voix forte ne demande :

-Qui est-ce ?

-Sœur Bénédicte Mère Grey. J'amène la jeune Candice Neige André afin qu'elle vous soit présentée.

Le mot « Entrez » retentit après un bref, mais néanmoins lourd, silence. Quand Candy pénétra dans la pièce, sa pensée fut que Mère Grey ne ressemblait absolument pas à Sœur Maria. Ni à une bonne sœur tout court d'ailleurs. Rien dans sa personne n'était chaleureux ou n'indiquait une once d'amour pour son prochain. Pas un sourire, pas de doux regard. Rien d'autre qu'une froide sévérité.

-Mademoiselle Candice, dit la mère supérieure en hochant la tête dans sa direction en guise de salut.

-Ma Mère, répondit poliment Candy, comme on le lui avait enseigné.

Mère Grey observa sans mot dire la jeune fille. Elle lui semblait polie de prime abord, mais quelque chose en elle la révulsait. Pas le fait qu'elle ne soit pas une lady par la naissance, tant qu'elle pouvait payer et qu'elle avait un nom, peu lui importait. Non. Autre chose…de plus profond, de plus primaire…une peur primaire de tout son corps. Peut-être avait-elle rêvé ce reflet rouge sang dans les yeux de la jeune fille quand elle était entrée dans la pièce. Ou pas…justement.

Candy de son côté se maîtrisait à grand peine. Droite dans son maintien, elle réprimait difficilement trois désirs contradictoires à l'instant même : se tenir correctement devant celle qui lui enseignerait à devenir une dame du monde, celui de fuir ce lieu à toutes jambes et celui de tuer la Mère Grey. Cela l'effrayait. Elle s'effrayait. Depuis quelques temps, elle avait le sentiment que quelque chose en elle grandissait, quelque chose de dangereux, de différent, de non-humain, dont la présence en elle devenait de plus en plus forte et de plus en plus grande au fil des ans. Elle avait la sensation qu'un rien pourrait balayer son esprit, la faire disparaître, absorbée, mangée, comme un fétu de paille. Elle avait l'impression de sombrer dans un puits sans fond, dans les ténèbres, et qu'elle en sortirait dans la folie.

Et tandis qu'elle analysait ses craintes, elle sentait encore cette présence, curieuse d'elle, qui voulait la rassurer, l'apaiser. Jamais la présence n'avait été hostile pour elle. Cela, elle l'avait compris. Mais elle sentait de la puissance…Elle devenait folle. Se mordant la lèvre pour retrouver prise avec la réalité, et un certain contrôle d'elle-même, elle focalisa son attention sur Mère Grey. Celle-ci avait commencé à lui expliquer les règles de bonne conduite et le fonctionnement de l'école.

-Mademoiselle André, sachez que notre établissement accueille les plus hauts membres de la haute société anglaise, dont les jeunes filles de la famille royale d'Angleterre. Un comportement irréprochable est donc demandé à toutes nos pensionnaires. Aucun écart de conduite ne sera ni toléré, ni accepté. Le lever est à 6 heures, la messe à 7heures, le petit-déjeuner à 8 heures et les cours commencent à 8h30. Vous devez être dans votre chambre à 20 heures. Le repas est à 19 heures. Vos tenues doivent toujours être impeccables. Enfin, votre moralité doit aussi être sans défaut, comme votre vertu. Sur ce, je vais vous laisser finir de vous installer. Dieu vous bénisse mon enfant, conclu t-elle en faisant le signe de la croix devant Candy.

Candy écouta les règles poliment et en silence, voulant montrer sa bonne volonté. Elle hocha la tête à chaque règle et recommandation. Et quand la Mère Grey lui donna finalement congé, elle fit une petite révérence.

-Bien Mère Grey, je vous remercie pour vos explications. Et elle s'en fut, soulagée de pouvoir enfin quitter les lieux.

Sans demander son reste, Candy suivit une nouvelle fois Sœur Bénédicte, qui la mena jusqu'à ses nouveaux quartiers.

-Voici votre chambre-suite Mademoiselle André. Etudiez bien afin de faire honneur à votre famille. Toutes les jeunes filles de bonne famille n'ont pas la primauté d'un tel privilège. Lui expliqua t-elle, ce qui intimida Candy. Elle repartit ensuite, la laissant seule avec ses pensées.

Candy fit quelques pas dans son nouvel environnement pour quelques années, ouvrant placards et tiroirs, furetant de ci de là, tapotant la literie du lit pour en tester le moelleux. Et quand elle fut satisfaite de toutes ses découvertes, elle se changea pour l'uniforme du collège (autant tout de suite se mettre dans l'ambiance pour se fondre dans le décor) et se mit à la découverte des bâtiments : salles de classe, réfectoire, chapelle et enfin la bibliothèque, où pour son plus grand malheur, elle croisa Eliza avec quelques nouvelles amies qu'elle s'était faite. En la voyant, le regard de cette dernière se fit meurtrier et elle stoppa net, ce qui intrigua son groupe d'amies qui se mit à scruter Candy. Une jeune fille s'approcha d'elle.

-Une amie à toi Eliza ?

-Eloigne-toi d'elle Louise, dit-elle à la jeune fille à la chevelure d'ébène. C'est une orpheline. Et les regards se firent encore plus lourds. Eliza serra les poings. Sans elle…elle fixa Candy et parla durement : sans toi, Anthony serait encore en vie ! Cracha t-elle.

Et ses paroles ébranlèrent Candy, alors que la voix en elle grondait.

Mensonge…Destin…Fatalité…Tristesse…

Tremblante, Candy recula d'un pas, avant de finalement tourner le dos à l'assistance et de s'enfuir, courant à toutes jambes. Ce n'était pas tant Eliza et ses amies qu'elle redoutait, mais sa réaction et ses souvenirs. Oui, car elle devait bien çà à Anthony : l'espace d'une seconde, elle avait trouvé l'odeur de son sang si sucrée, si douce et si entêtante, qu'elle avait eue envie de se pencher et de le boire, avant que cette idée ne la révolte tellement qu'elle en était tombée inconsciente, évanouie.

Etait-elle un monstre ? Et Monsieur Garcia, que lui était-il arrivé ? Terry était resté si évasif à ce sujet ! Oh Terry…Elle avait tant besoin de lui en cet instant. Inconsciemment, elle caressa son oreille, et la boucle d'oreille que Terry lui avait donnée.

Arrivée dans sa chambre, en larmes, elle se précipita sur son lit pour s'y étendre, serrant un coussin contre elle alors qu'elle sanglotait. Elle s'endormit ainsi, jusqu'à ce qu'elle soit réveillée dans la nuit par la caresse d'une main amicale sur sa joue. Elle fut tellement surprise qu'elle manqua crier de peur. Heureusement, la main se posa sur sa bouche et en couvrit le son. Les yeux écarquillés, elle découvrit…Terry ! Celui-ci lui fit un clin d'œil, et ôta sa main.

-Eh bien Candy, maintenant que tu sais que je suis un vampire, je te fais peur ? A moins que ce ne soit de recevoir un homme dans ta chambre ? Ajouta t-il taquin.

Elle se redressa doucement, arrangeant ses vêtements, rouge de confusion de la situation : si Terry était un vampire, il n'en restait pas moins un garçon comme il le faisait si bien remarquer, et ils n'étaient plus vraiment des enfants tous les deux. Elle termina en se frottant les yeux, ce qui rendit perplexe Terry, bien qu'il fixait déjà ses yeux. Il caressa délicatement sa peau.

-Pourquoi as-tu pleuré ?

-Comment es-tu entré ?

-Les dames d'abord Candy ! Dit-il en s'inclinant, ce qui la fit rigoler et se sentir un peu mieux. Elle tritura un peu les coins et pompons dorés de son coussin de velours vert bouteille, cherchant ses mots, résumant ce qui lui était arrivé en un seul mot :

-Eliza… Et il ne chercha même pas à discuter, la prenant dans ses bras pour la bercer avec tendresse. Elle pleura à nouveau, plus doucement, apaisée par sa présence, murmurant :

-Ce n'était pas ma faute…Et pour la rassurer et la calmer, il répondit en chuchotant à son oreille.

-Je sais Candy que ce n'était pas ta faute. Personne ne pouvait savoir que ce satané piège était là. Elle le fixa intensément à sa remarque.

-Comment…Ce qui le fit sourire comme un polisson.

-Je crois que je te dois deux réponses…Dit-il avec l'air de celui qui s'est fait prendre la main dans le pot de confiture. Tout d'abord, si j'ai pu venir te voir, c'est parce qu'en ce moment c'est l'heure du déjeuner, et que j'ai juste pris un en-cas rapide pour venir te voir. Je ne me suis pas fait attraper car seuls les plus forts d'entre nous pouvons nous transformer en brume. Alors ni vu ni connu ! Sourit-il.

Puis il tendit la main vers la boucle d'oreille qu'il avait donnée à Candy alors qu'ils étaient encore enfants.

-Tu te souviens ? Et tu te souviens du cri que ma mère avait poussé ? Il baissa la tête et rougit doucement, ce qui intrigua Candy, alors que sa voix intérieure fondait littéralement devant ce comportement.

Si prévenant…si charmant…un vampire si bien éduqué !

Terry releva alors la tête et se reprit, caressant le bijou.

-En fait, il s'agit de l'iris de mon œil gauche Candy, dit-il en frottant son œil, enlevant un charme qui révéla un œil complètement blanc et vide. Il reprit alors. Il contient la moitié de ma force magique, et grâce à cela, j'ai pu te suivre tout le temps, et un peu t'aider quand je le pouvais…Avoua t-il, alors que Candy le regardait effrayée, une main sur la bouche, revoyant en mémoire tous les épisodes où il avait pu l'aider. Et elle parla à l'unisson de la voix.

-Tu es fou ! Tu étais si jeune ! Reprends ton œil, je n'en ai plus besoin maintenant ! S'exclama t-elle en l'attrapant par la manche, ce qui le fit sourire.

-Pas encore ! Je suis désolé mais j'ai constaté que tu pouvais en avoir encore besoin, alors non ! Disons jusqu'à ton mariage, cela te convient ? Demanda t-il en lui faisant un baisemain.

-Flatteur…Dit-elle en soupirant, caressant d'une main distraite le bijou, enfin l'iris, comme elle en avait pris l'habitude. Très bien j'accepte. Jusqu'à mon mariage. C'est tout, et après tu reprends tes pouvoirs ! Déclara t-elle sans ressentir de gêne à parler mariage avec lui, alors que tous les deux, encore jeunes, étaient assis sur son lit. Puis elle le regarda, songeuse. Ils doivent vraiment être grands tes pouvoirs pour que tu arrives à être de brume avec uniquement un œil. Ce qui le fit sourire.

-Assez…Dit-il un peu trop fier de lui-même. Puis il entendit une cloche sonner et grimaça. Aïe…je suis en retard, c'est le début des cours. Il se leva après l'avoir tendrement embrassée sur le front. Prend soin de toi Candy, je reviendrais te voir dès que je le pourrais, ce à quoi elle répondit par un sourire.

-File, sinon tu vas être puni !

-Oh oui tu n'as pas idée ! Dit-il en se transformant à nouveau en brume, retournant à son école, passant par l'encadrement de la fenêtre.

Candy le regarda partir, réfléchissant à tout ce qu'elle venait d'apprendre. Elle du être tellement plus effrayée qu'elle devrait être en train de s'enfuir en courant. Pourtant, grâce à cette voix en elle, elle avait confiance en Terry. La seule chose encore qui la faisait réfléchir était la question suivante : pendant toutes ces années, Terry en avait-il profité pour la regarder, habillée ou non, au travers des miroirs ? C'est sur cette note un peu déstabilisante qu'elle se dévêtit et se coucha pour de bon, respirant l'odeur fraîche de Terry qui s'était attardée sur les draps.

Une fois revenu, caché dans les fourrés, un garçon posté à la fenêtre d'une galerie du rez-de-chaussée collège fit signe à Terry qu'il pouvait sortir sans s'inquiéter d'être surpris. Celui-ci se redressa lentement, rajusta son vêtement et sauta par-dessus la fenêtre pour commencer à marcher vers sa classe, tandis que le garçon, d'environ le même âge que lui, le suivait quelques pas derrière, tel un silencieux garde du corps. Il était jeune certes, mais sa carrure athlétique et ses muscles développés, saillants sous l'uniforme scolaire, dissuadaient de toute tentative d'intimidation. Il en était une vivante même, avec son visage froid, au regard fermé.

Tout en marchant dans les couloirs sans jeter un œil aux élèves qui s'écartaient sur son passage, Terry lui parla, fixant un but lointain que lui seul arrivait à voir.

-Tu vas aller dormir, et t'infiltrer dans son école dès demain matin. Je sens que son réveil est proche, et vu les personnes qui l'entourent, je crains pour sa sécurité et la leur. Soit discret, ne te fait voir qu'en cas de dernier recours. Tu as l'autorisation d'utiliser toute ta puissance. C'est compris ? Demanda t-il en se retournant pour le regarder, le visage de marbre, où seuls ses yeux reflétaient avec intensité la force de son ordre.

Sans un mot, le jeune homme s'inclina avec un profond respect, reculant d'un pas.

-Très bien Monsieur Grandchester, il sera fait selon vos ordres, je veillerais sur elle.

Terry hocha la tête satisfait, et entra en classe alors que la dernière sonnerie retentissait, un ami à lui lui faisant un discret signe pour lui montrer qu'il lui avait gardé une place au bureau voisin.

Au matin, Candy émergea de sa nuit comme si le fait d'avoir dormi n'était qu'un rêve. Elle avait été si fatiguée, si seule. Terry était-il vraiment venu la voir ? Son cœur et son esprit voulaient y croire. Il n'y avait que cela pour tenir. Elle repensa à ses révélations, et caressa la boucle d'oreille. Oui… il n'avait pu que venir. Et c'est ce que lui disait la voix dans sa tête, d'un ton apaisant. Si elle ne la croyait pas non plus, elle craignait de sombrer dans la folie.

Mais pour le moment, elle avait un problème plus urgent à résoudre décida t-elle en ouvrant son placard : devait-elle porter la robe noire ou la robe blanche ? Elle était là à hésiter, quand quelqu'un toqua à sa porte avant d'entrer : c'était Louise, l'amie d'Eliza. Candy se méfia, sa voix sentant la vilenie à tel point qu'on pouvait la voir flotter et s'enrouler autour de la jeune fille tel un mauvais nuage noir.

-Bonjour, je suis Louise, la déléguée du dortoir. Tu n'es pas encore prête ? Dit-elle agacée, constatant que Candy n'était encore qu'en combinaison de soie crème.

-Non, j'hésitais sur la robe à mettre, répondit-elle poliment, mais tout de même agacée qu'on entre ainsi dans sa chambre sans qu'elle ne l'y ait invité.

-Eh bien, tu vois bien, c'est la blanche, comme moi ! Dit-elle en la prenant de haut, sa voix grimpant dans les aigues d'agacement.

Le ton employé agaça Candy au plus haut point : pourquoi la traitait-elle comme cela, elle ne lui avait rien fait. A cause des médisances d'Eliza ? Que c'était triste… et injuste. Elle bouillait de colère, et la voix en elle raisonna.

-Pourquoi tant de haine dans tes paroles, menteuse… Ta voix est pleine de haine et de fiel, et tu empestes la fourberie…Dit-elle en la regardant droit dans les yeux, de ce regard rouge qui avait déjà effrayé Daniel et Eliza. Louise trembla, fit un pas en arrière et s'enfuit, alors que prise d'un étourdissement, Candy secoua la tête, comme pour chasser un mauvais rêve, et mettait sa robe noire. Tous ces mystères l'épuisaient.

La messe matinale se déroula sans encombre, et Candy pria le Seigneur de lui accorder la Vérité. Pourquoi cette voix, pourquoi tous ces mystères ? Elle pria avec ferveur pour la paix de son âme, pour ses mères, les enfants Pony, et enfin pour Terry qu'elle espérait vite revoir. Elle changea ensuite de robe pour la blanche des cours, et fut surprise quand la sœur chargée du cours de français lui demanda de réciter un texte.

-Sœur Clice, excusez-moi, mais je n'étais pas au courant, dit-elle d'un ton contrit. La sœur fronça les sourcils.

-Comment cela ? J'ai fait distribuer les imprimés hier, vous devez avoir eu votre exemplaire. Louise, vous avez bien distribué tous les imprimés comme je vous l'avais demandé ? Questionna t-elle d'un ton sévère. Furieuse qu'on lui ait joué ce vilain tour, Candy se tourna vers Louise. Il n'y avait plus ce regard rouge, mais ses yeux criaient « menteuse », criaient « scélérate ». Perturbée, Louise perdit de sa contenance, au grand dam d'Eliza, et bafouilla :

-J'ai peut-être oublié d'en donner un exemplaire à Candice…

Cela lui valut une réprimande sévère de la Sœur, qui donna un exemplaire à Candy. L'incident fut clos, mais les jeunes filles avaient pu voir la dédaigneuse Louise être apeurée par un regard et toutes…se posèrent des questions, auxquelles Louise refusa plus tard de répondre.

Malheureusement pour Candy, le reste de la journée ne fut pas de tout repos. Voulant être tranquille pour étudier sa récitation, elle avait décidé après les cours d'aller dans le parc du collège pour se trouver un coin calme et apprendre ainsi à haute voix sans pour autant gêner ses voisines de chambre. Au loin, elle aperçu une colline qui lui fit penser à celle de la colline de Pony. Et le sourire aux lèvres à l'évocation des souvenirs de son enfance, incluant Terry, elle marcha dans sa direction… pour se retrouver face à Daniel et sa bande de copains, des voyous de la noblesse semblait-il, étant donné leur mise et leur démarche.

-Tiens donc, voyez qui voilà… Candy… dit-il en faisant le fier devant ses amis, riant d'un air moqueur en regardant Candy.

-Si j'avais su que tu étais là, je ne serais pas venue. Répliqua t-elle, dépitée que son moment de tranquillité soit si vite réduit à néant.

Il éclata de rire, lui tournant autour, lui tirant une couette.

-A genoux ! Vous saviez que c'est une orpheline ! Elle a travaillé pour ma famille aux écuries ! Se moqua t-il, ce qui provoqua l'hilarité de ses camarades qui s'approchèrent et la reniflèrent.

-C'est vrai qu'elle sent le foin ! Une vraie pouliche !

Candy serra les poings, tentant de reculer pour partir.

Infâme….les tuer ! … Impudents ! …

Et ils se mirent à l'attraper, alors que l'un d'eux pressait son corps contre le sien, ce qui la fit hurler de rage.

-Tenez-la bien les gars ! J'ai toujours rêvé de chevaucher une jument pareille ! Ordonna l'un d'eux d'un ton graveleux, alors que Daniel reculait, ayant vu une lueur rouge familière dans l'œil de Candy, une lueur qu'il avait déjà vu il y a quelques mois à peine.

Candy se débattait avec de plus en plus de force, et ses amis ne souriaient plus tout en essayant de la maîtriser. Caché, le serviteur observait la scène, se demandant si oui ou non il devait intervenir. Un éclair zébrant le ciel et un roulement de tonnerre, alors que la journée était belle, le décidèrent à agir. Il contacta son maître par télépathie, le tirant de son sommeil, et lui laissa libre accès à ses derniers souvenirs, alors qu'il courrait pour sortir la jeune fille du mauvais pas. Il plongea dans la mêlée, agrippa le premier bras masculin qui passa, et le tordit dans un craquement sinistre. Un hurlement de douleur pure fendit la cohue, et les garçons reportèrent son attention sur lui. Il jeta le garçon au loin.

-Messieurs, veuillez vous éloigner de cette jeune lady…entama t-il.

-Sinon vous le paierez de votre vie. Termina Terry, habillé à la va-vite. Sa chemise dépassait de son pantalon, ses cheveux étaient emmêlés, signes évidents qu'il sortait du lit.

Pourtant, les armoiries de l'école ornant sa veste, son port de tête aristocratique et son dos droit, tout montrait en lui la force et la puissance. En particulier la colère froide perçant de ses yeux. Les garçons reculèrent de quelques pas avant de finalement fuir en hurlant, récupérant leur camarade au passage, sans plus demander leur reste.

Terry s'approcha de Candy qui était restée allongée au sol, encore tremblante, ses jupes à moitié relevées, sous le choc de l'horreur qui avait failli se produire. Il se montra à elle, et quand il la sentit rassurée, il la prit dans ses bras pour calmer ses tremblements. D'une voix douce, il commença à lui parler, tout en la berçant :

-C'est bon Candy, ils son partis, tout va bien, tu n'es plus en danger.

-Ils…ils… arriva t-elle à prononcer, trop choquée, avant de ruer pour crier : Mort…je veux leur sang…Vengeance !

Il la serra un peu plus fort contre lui pour la contenir, continuant à murmurer.

-Tu les auras ma douce. Leur mort, et ta vengeance. Mais pas maintenant, cela paraîtrait trop étrange. Repose-toi. Tu as encore des cours aujourd'hui ? Demanda t-il pour détourner la conversation.

-Non…j'ai terminé, c'est la fin de la journée…Puis elle demanda, intriguée par l'ombre qu'elle voyait. Qui est-ce ? La question fit sourire Terry, qui en profita sans vergogne pour négocier.

-Candy, pour obtenir cette information, il va falloir que tu acceptes de sortir ce week-end avec moi. Est-ce que le zoo serait un endroit acceptable ? Ajouta t-il d'un ton badin.

Elle le regarda étonnée et à moitié scandalisée qu'il lui propose cela, surtout après ce qu'elle venait de vivre. Cependant, sa voix en elle était attendrie qu'il pense à la divertir après sa promesse de vengeance et elle voulait en connaître plus sur son vrai monde. C'est pour cela qu'elle dit- d'une voix d'automate.

-Dimanche nous avons quartier libre…

-Parfait ! Sourit-il. Je peux venir te chercher à…mettons 14 heures, çà ira ?

Elle hocha simplement la tête.

-Magnifique ! Il bailla. Marc, je retourne me coucher. Toi, continue de veiller sur elle d'accord ? Le serviteur hocha la tête, et se fondit à nouveau dans les ombres du parc. Candy se retrouva seule à nouveau, et pourtant, elle savait au fond d'elle que plus jamais elle ne serait réellement seule. Sa conscience sentait que son destin l'attendait.

Le dimanche arriva après une semaine qui parue à Candy interminable. Elle se prépara de son mieux pour cette sortie, sentant ses joues rosir à l'idée de cette sortie et son cœur battre la chamade. Cela était pourtant stupide : elle connaissait Terry depuis toujours, et puis…il était un vampire et elle juste une humaine. Alors ils ne pouvaient qu'être amis tout au plus. Stupide cœur, idiot de cœur qui lui faisait ressentir des choses hors de sa portée.

Elle se décida finalement pour une robe verte qui mettait ses yeux en valeur, et lâcha ses cheveux qu'elle tressa à l'aide de rubans. Elle prit une petite pochette dans laquelle elle mit un peu d'argent, ses trésors et un mouchoir, puis sortit après avoir fermé sa chambre à clef.

Le rose aux joues, elle courut presque dans les couloirs, cessant finalement de se retenir de courir dans les allées du jardin, sous le regard suspicieux d'Eliza qui la suivit pour l'espionner. Qui était donc ce magnifique garçon qui l'attendait et qui semblait trop bien pour cette sale fille d'écurie ? C'est sur cette question qu'elle retourna auprès de ses amies, pour n'éveiller aucun soupçon.

Loin de ces mesquines préoccupations, Terry souriait à Candy, la saluant d'un parfait baisemain. Cela la fit sourire.

-Terry, pas besoin de çà entre nous, on est amis !

-Peut-être, sourit-il, mais moi je veux bien faire les choses, et tu le mérites ! Ce qui eut la grâce de la faire rougir.

Il héla un fiacre pour les conduire jusqu'au zoo, et une fois arrivé, il avoua :

-Candy, j'ai une surprise pour toi !

-Une surprise ? Autre que celle de ton explication ? Demanda t-elle intriguée.

-Oui ! Un homme de ton passé que j'ai rencontré en me promenant ici, expliqua t-il en la guidant dans les allées jusqu'à la maison des gardiens où il la fit entrer. Un homme se tenait dos à eux, et quand il se retourna, Candy sourit et se jeta dans ses bras.

-Albert ! Comment est-ce possible ? Il rigola.

-Ce jeune homme se promenait dans les allées puis s'est mit à m'appeler. Il m'a raconté comment il te connaissait et de fil en aiguille, nous t'avons préparé cette petite surprise. Je suis ravi de te revoir Candy, tu es très en beauté !

L'après-midi passa vite et en joyeuse compagnie. Albert raconta aux deux jeunes ses voyages et ses dernières aventures, puis enfin son envie de se fixer pour l'instant, le métier de gardien de zoo l'aidant à couvrir ses dépenses. Puis il les laissa visiter seuls, leur offrant des glaces, ce qui fit rire Candy quand ils furent seuls.

-Pourquoi rigoles-tu ainsi ?

-Un vampire mangeant une glace, avoue tout de même que c'est très…décalé !

-J'en conviens. Dois-je jeter cette glace qu'il va m'être difficile de manger, ou bien te la donner ?

-Cela ferait trop…dit-elle en faisant la moue.

-Oh, tu sais, je préfère les filles avec de jolies formes plutôt que des filles ressemblant à des squelettes rachitiques. Cet aveu eut le don de la dérider et de la rassurer.

-Merci ! Je la prends alors ! Dit-elle en saisissant le cornet.

-Au fait…Depuis le début de cet après-midi, je voulais te dire que…il déglutit…je te trouve magnifique dans cette robe. Elle rougit et balbutia avant de finalement réussir à se reprendre, la présence en elle se pâmant de plaisir.

-Terry, dit-elle enfin d'une voix plus sérieuse. Et si tu me disais maintenant qui est Marc ?

Voyant qu'il ne réussirait pas plus à reculer l'échéance ou lui faire oublier la question, il fit un petit sourire d'excuse pour ses tentatives avortées.

-Bien entendu Candy. C'est très simple, avoua t-il finalement. Marc est un loup-garou, et sa famille est depuis des générations au service de la mienne.

Sous le choc de la révélation, deux cornets à peine entamés tombèrent à terre.

Fin du chapitre 6

Séraphine.