La nuit commençait doucement à tomber sur Sacramento, l'air se refroidissant légèrement malgré le fait que nous étions en plein été. Comme à la fin de toutes journées en semaine, les gens étaient rentrés chez eux après leur travail et préféraient ne pas sortir, laissant un calme plat régner sur certains quartiers de la ville.

Patrick Jane, au volant de sa traditionnelle DS, avait finalement porté son choix quant au bar qui lui permettrait d'oublier sa journée. Il se gara devant l'enseigne lumineuse et sortit de sa veille voiture. Il hésita quelques instants, se demandant si c'était vraiment une bonne idée, puis finalement pénétra à l'intérieur de l'habitacle.

Le Gallagher's était un vieux pub irlandais traditionnel et, quand le mentaliste fut entré, il fut bercé par le rock irlandais mis en fond musical. La pièce était tout en bois, des fauteuils verts près des fenêtres, quelques photographies de rugby encadrées au mur, les bouteilles d'alcools recouvrant le miroir derrière le bar vernis.

Jane s'avança près du bar, le parquet grinçant sous ses pas. Les quelques personnes présentent le dévisagèrent quelques minutes avant de reporter leur attention sur le contenu de leur verre.

Il prit place sur un des hauts tabourets, s'accouda au bar, et regarda de droit à gauche, ne sachant pas trop quoi faire.

Les autres consommateurs étaient, pour la plupart, des barbus battit comme des rugbymans tandis que les autres devaient avoir été de la même trempe, mais désormais septuagénaire. Alors lui, avec ses boucles blondes, son visage impeccable et son costume trois pièces, il ne se fondait pas vraiment dans le décors.

Mais ce n'est pas cela qui gênait le consultant, loin de là. Le problème en question ? Patrick n'avait pas l'habitude d'aller dans les bars pour se saouler, il ne se saoulait jamais d'ailleurs. Mais ce soir, c'était pourtant ce qu'il était venu faire.

Le barman, un brun assez baraqué - encore un - au visage plutôt sympathique, s'approcha de lui.

- Alors, qu'est-ce que je vous sers ?

- Hum… Un… Non. Que recommanderiez-vous à un homme qui voudrais oublier une dure journée ?

- Il va me falloir plus de précisions

- Une querelle avec… une personne appréciée

- La personne en question, c'est une femme ?

Le blondinet acquiesça d'un sourire en coin.

- Et une vodka sans glace, je vous sers ça !

Il se retourna, saisit une bouteille et un verre d'un même mouvement puis fit de nouveau face au consultant. Il lui déversa un fond, poussa le verre entre ses mains et s'apprêta à ranger la bouteille de Vodka.

- Vous ne devriez pas la ranger, je risque fort d'en avoir besoin ce soir !

Le mentaliste vit le barman froncer les sourcils, lancer un coup d'œil devant lui et reculer légèrement la tête.

- Ne vous inquiétez pas ! Je sais que vous n'aimez pas sortir la batte que vous planquez sous le bar et vous n'aurez pas à vous en servir sur moi.

L'homme, d'abord surpris, le regarda sceptiquement.

- Voyons, ai-je vraiment l'air de quelqu'un de violent ?

- Mon job m'a appris à ne pas me fier aux apparences

- Oh allez ! Vous êtes quelqu'un de costo, je crois vous arriveriez aisément à m'arrêter avec une seule de vos mains si jamais je tentais quelque chose non ?

Après quelques secondes de réflexions, il finit par acquiescer et laissa la bouteille près du bar avant de s'éloigner servir d'autres clients.

« Tss… Ca m'apprendra à choisir Irlandais… »

Il fixa son verre, le faisant tourner entre ses doigts. Il repensa à sa dispute avec sa patronne, quelques heures plus tôt.

*Flash back*

Les efforts de Patrick avait enfin été récompensés, il avait finalement réussit à obtenir le dossier complet sur John le Rouge. Allongé confortablement sur son cher canapé, il le parcourait page après page, victime après victime, jusqu'à ce qu'il tombe sur une chemise au nom de Jane. Celle qui concernait le meurtre de sa femme et de sa fille. Après avoir longuement contemplé la chemise cartonné, il s'apprêtait à l'ouvrir mais une main venue de nulle part s'en était emparé avant qu'il ne puisse aller plus loin.

L'effet fut immédiat, il se releva et dévisagea l'intrus.

« - Eh ! J'étais en train de lire ! »

Teresa Lisbon le dévisageait également, le dossier suspendu dans sa main droite.

« - Vous êtes maso ou quoi ? »

« - Pardon ? »

« - Bon sang ! Pourquoi vous lisez ca ? Et diable, comment avez-vous réussit à mettre la main dessus ? »

« - Je suis très malin, vous devriez le savoir »

« - Ce que je sais surtout, c'est que vous êtes un imbécile ! »

« - J'ai quelques doutes là-dessus mais bon, là n'est pas la question . Rendez-moi ca, Lisbon ! »

Il s'avança pour saisir le dossier mais la jeune femme fit un pas en arrière puis le défia du regard.

« - Vous n'avez pas le droit de consulter ces dossiers, c'est confidentiel »

« - Oh je vous en prie ! N'essayez pas de cacher la forêt avec un arbre ! Si vous faites cela, c'est seulement afin d'empêcher l'être torturé par la culpabilité que je suis de souffrir. Je ne suis pas un enfant Lisbon »

« - Ah vraiment ? »

L'ancien medium ne releva pas la remarque.

« - Les photos ne me choqueront pas, j'ai vu la scène du crime en vrai, vous vous souvenez ? »

« - Et bien justement, cela vous hante suffisamment comme ça, pas besoin de remuer le couteau dans la plaie ! »

Elle se mordit les lèvres mais trop tard, les mots étaient sortit. Pourtant, Patrick parut presque amuser du terrible jeu de mot que sa supérieur venait de prononcer.

« - Désolé »

Un sourire amusé se dessina sur les lèvres du blondinet.

« - Vous devriez voir votre tête »

Elle leva les yeux au ciel et fit demi-tour.

« - Eh ! Attendez ! Et mon dossier ? »

Elle se retourna de nouveau et lui répondit sur un ton qui se voulait provoquant.

« - Vous devrez me passer sur le corps ! »

« - Oh ne me tentez pas… »

Et c'est là qu'il s'en rendit compte, lorsqu'il plongea son regard dans le sien. Comme à chaque fois qu'il la regardait attentivement, il pouvait lire ses sentiments, ses émotions, à travers ses prunelles émeraudes. Ce qu'il y trouva cette fois-ci l'effraya…

Elle ne pouvait pas autant tenir à lui, ce n'était pas sain pour elle. Cela ne devait pas se passer comme ça.

C'est donc à cet instant qu'il prit la mauvaise décision.

Son faux sourire s'effaça, laissant un visage impassible.

« - Ca suffit Lisbon ! »

Si le changement d'expression avait surpris l'agent du CBI, le ton glacial du consultant la désarçonna.

« - Attraper John le Rouge est ce qui me maintient en vie, la raison pour laquelle j'endure toute cette mascarade… »

Il balaya la pièce des mains pour désigner le CBI.

« - Tout ça, ce n'est qu'un moyen, un outil pour atteindre mon but. La seule chose qui compte, c'est arrêter ce monstre pour toujours. Si vous m'empêcher de le faire, ce sera à vos risques et périls… »

Il vit très bien l'expression de dégoût se peindre sur le visage pâle de la jeune femme et, même si cela lui brisait le cœur, il ne baissa pas les yeux.

Le temps semblait s'être suspendu. Van Pelt, le combiné du téléphone dans la main, était bouche bée, Rigsby s'était arrêté au bout de la pièce, dossier en main, et même Cho avait baissé les yeux lorsque le mentaliste avait croisé son regard.

« - Vous me menacez maintenant ? »

Son ton était glacial, un froid hivernal, et on pouvait presque voir les éclairs que lançaient ses yeux.

« - Et bien soit. Maintenant, je vais retourner dans mon bureau avec ce dossier. Si vous voulez le récupérer, rappelez-vous que j'ai une arme, que j'ai le savoir et l'envie de m'en servir ! »

Teresa le dévisagea une dernière fois et, comme si elle aussi avait vu quelque chose, un sourire las se dessina sur ses lèvres.

Jane fronça les sourcils.

Puis elle tourna les talons et s'enferma dans son bureau pour le reste de la journée.

*Fin du Flash Back*

Bien sûre, il avait essayé de lui parler avant qu'elle ne rentre chez elle mais, sans savoir comment, elle avait réussit à lui échapper. En plus de ça, aucun de ses autres collègues ne lui avaient adressé la parole du reste de la journée, même pire, ils l'avaient totalement ignoré. Et pourtant, il est très difficile d'ignorer Patrick Jane.

Il saisit son verre et bu son contenu d'une seule traite.


La sonnerie d'un téléphone retentit, brisant le silence profond de la pièce plongée dans la pénombre. Une main tâtonna jusqu'au petit boîtier noir qui vibrait sur sa table de chevet. Elle décrocha sans même prendre le temps de regarder qui était son interlocuteur, ses cheveux en batailles lui masquant le visage.

La jeune femme bredouilla quelque chose qui ressembla vaguement à un « Allô? »

«- Bonsoir, Madame Lisbon ? »

«- Qui êtes vous ? marmonna la brunette. Qu'est-ce que vous appelez à… »

Tout en repoussant ses cheveux en arrière, elle tourna son radio réveil pour voir l'heure affichée.

«- 1h du matin ? »

«- Oui, je sais qu'il est tard et j'en suis désolé mais… Vous connaissez un certain Patrick Jane ? »

L'agent se releva brusquement, totalement réveillée cette fois.

«- Qui êtes vous ? »

«- Je m'appelle Brady Mcfeyrson, je suis barman au Gallager's. J'ai appelé le dernier numéro que votre ami avait composé. Il est inconscient pour le moment, il aurait besoin de quelqu'un pour le ramener »

Lisbon resta interdite durant quelques secondes, assimilant les informations qu'elle venait de recevoir.

«- Vous êtes toujours là, Madame ? »

«- Donner moi l'adresse de votre établissement, j'arrive… »

...

Une demi-heure plus tard, l'agent du CBI poussait les portes du pub. Evidemment, tout les regards se posèrent sur elle, seule femme parmi la horde d'hommes ivres et en manque d'amour qui emplissait la pièce. Elle était pourtant habillée d'un simple tee-shirt gris coincé dans un jean, premiers vêtements sur lesquels elle avait mis la main.

Elle approcha du bar et interpella le barman.

- C'est vous Brady ?

- Oui, vous devez être Madame Lisbon?

Une voix à moitié endormie saupoudrée d'une pointe de folie s'exclama d'un coin de la pièce.

- C'est Mademoiselle Lisbon, Brady !

Il y eut un long silence puis, alors que la jeune femme cherchait d'où provenait la voix, une silhouette blonde se leva brusquement d'un des fauteuils verts près de la fenêtre.

- Lisbon ! Vous êtes venu me chercher !

Le consultant tituba jusqu'à sa supérieur mais s'écroula au sol avant de l'avoir atteinte.

- Jane !

Elle se précipita vers lui. Pendant qu'elle l'aidait à se relever, elle interrogea le barman.

- Il s'est saoulé ?

- Oh non! C'est à peine s'il a réussit à avaler son verre de vodka ! Il a finit la soirée au thé glacé… C'est sûrement à cause des coups à la tête qu'il a un peu perdu la boule, il doit être sonné…

Alors que Lisbon allait questionné Brady sur ces coups à la tête, elle réussit enfin à mettre Jane debout et elle put contempler le visage du mentaliste.

- Oh seigneur…

L'homme, qui avait de nouveau plongé dans l'inconscient, avait un début de cocard à l'œil gauche, la lèvre fendue, une énorme bosse sur le front et, visiblement, il avait saigné du nez.

- Mais qu'est-ce qui c'est passé ? Qui lui a fait ça?

- Bah… En faites…

Pour la première fois, le barman avait l'air gêné. Patrick reprit connaissance.

- Soyez pas gêné voyons…

Il planta son regard, ou son œil droit plutôt, étant donné que le gauche gonflait dangereusement, dans celui de Lisbon.

- Il est mal à l'aise parce qu'il s'est servit de sa batte. Il n'aime pas ça parce que, la dernière fois qu'il l'a utilisée, l'homme à finit dans un état très très grave! Oh je me sens pas bien, Lisbon. Je crois que je vais dormir encore un peu…

- Oh non! Ne vous rendormez pas !

La jeune femme essaya tant bien que mal de soutenir le consultant. Puis elle lança un regard noir a Brady qui paraissait stupéfait.

- Comment il a su pour…

- Vous l'avez frappé avec une batte ? hurla-t-elle. Vous êtes malade ou quoi ? Une fois que j'en ai finis avec lui, je reviens et je vous coffre pour agression !

Le jeune homme sortit de sa torpeur. Visiblement, les mots de Jane avaient réveillés de mauvais souvenirs.

- Non ! J'aurai jamais fais ça! Je suis pas une brute épaisse et je tiens à ma clientèle ! Si je me mettais à frapper tout mes clients, j'aurais plus personnes ici…

- Alors expliquez moi l'état de son visage !

- Mr Jane a eu une altercation avec le type là-bas

L'agent suivit des yeux la direction que lui indiquait le barman. Le type en question était un barbu avoisinant la cinquantaine, avec une carure de déménageur. Celui-ci se tenait la tête avec une poche de glace et semblait cuver.

- Apparemment, reprit le jeune homme, votre ami lui aurait parlé de sa femme et d'un professeur de yoga. Et un truc à propos de sa mère et des chats aussi…

En voyant les yeux écarquillés de l'agent, il préféra ajouter:

- Ce sont ses mots à lui hein, pas les miens…

- C'est pas possible ! Il ne changera jamais celui-là…

Comme elle ne pouvait plus supporter le poids de l'homme à moitié comateux, elle le fit assoir sur un des fauteuils verts.

- Evidemment, le type n'a pas apprécié . En plus, il était déjà dans un sale état ! Alors il s'est mis à le frapper… contre le bar

- Il l'a frappé avec le bar ?

Jane intervint de nouveau.

- Il serait plus correct de dire qu'il a frappé le bar avec moi. Sauf que dans l'histoire, c'est moi qui est morflé…

Il leva la tête vers Brady.

- D'ailleurs, en quoi il est fait ? Non parce que, vous avez vu ma tête ? Le bar lui, il n'a aucunes égratignures !

- Et bien je vois que Patrick Jane est de nouveau parmi nous, soupira la brunette.

Le consultant se mit à regarder en l'air, suivant un point invisible avec son doigt.

- Oh! Un oiseau! Qu'il est joli… Lisbon, regardez comme il est beau...

- Ou peut être pas... rectifia t-elle.

- Tout à l'heure, il a cru voir Bambi et il s'est mis à imiter le cerf pour pouvoir l'approcher. C'était un sacré spectacle ! s'exclaffa le barman.

La jeune femme réprima un sourire et se retint de demander au barman s'il n'avait pas filmer la scène.

- Et vous n'avez rien fait pour les séparer ?

- Je rangeai les bouteilles quand ca c'est passé. J'ai entendu des cris alors je me suis relevé et… j'ai sortit ma batte.

Voilà pourquoi le déménageur avait une poche de glace sur le crâne.

- J'ai voulus emmener votre copain à l'hôpital mais, il a menacé de me coller un procès si je le faisais, puis il est tombé dans les pommes.

- Oui, il n'aime pas les hôpitaux et c'est réciproque…

Elle se tourna vers Jane.

- Bon Jane, on va y aller hein ?

- Où ça ?

- Chez vous, allez hop debout !

Elle plaça un bras sous sa taille et le força à se lever.

- Je n'ai pas très envie, vous savez… On peut pas rester ici, sont confortables ces fauteuils…

- Non, on y va. Vous avez embêté assez de monde comme ça pour la nuit

- Genial ! J'aime bien vous embêter

- Comme si je ne l'avais pas remarqué tiens...

Un homme héla la jeune femme du fond de la salle.

- Eh ! Jolie madame ! Tu veux pas laisser le blondinet et venir boire un verre avec nous?

Sa bande siffla et lancèrent des regards suggestifs à l'agent, ce qui réveilla l'instinct protecteur de l'ancien medium malgré son état.

- Eh bande de Cro-magnons irlandais ! Je vous ai déjà dit que c'était Mademoiselle et, en plus, c'est un agent senior du CBI donc vous lui devez un maximum de respect !

- De quoi il nous a traité là ?

- CBI ? C'est quoi ca, le CBI ?

- C'est comme le FBI mais en plus marrant ! rétorqua Patrick.

Il vit Teresa le fusiller du regard et son sourire idiot se transforma en air grave.

- Non hum… en moins marrant en faites. Et elle est armée !

La « elle » en question lui souffla à l'oreille qu'elle n'avait pas son arme sur elle et, par conséquent, lui intima d'arrêter de faire le clown.

« Vous gâchez tout mon effet là… » Lui souffla-t-il à l'oreille.

Puis il ajouta, plus fort, à l'attention des autres.

- Et elle pratique deux sports de combat à merveille. Une Jackie Chan version américaine - il réfléchit un instant avant de rajouter - et féminine.

Cela ne sembla pas les effrayer le moins du monde et ils continuèrent leurs remarques salaces.

- Bon Messieurs, si vous voulez continuer votre soirée tranquillement, je vais rentrer m'occuper du blondinet

- Tu voudrais pas plutôt t'occuper de moi ? s'esclaffa l'un des ivrognes.

- Je pourrais, Monsieur, mais je pense que nous n'avons pas la même notion du terme "s'occuper".

- Dites moi donc ce que vous entendez par là, ma jolie, et je vous corrigerais si vous faites erreur ! la défia t-il sous les rires de ces copains.

- Ma notion entraîne la perte totale de votre virilité et un séjour en cellule pour agression sur agent des forces de l'ordre.

Le type blêmit alors que ses amis sifflèrent en se moquant de lui. Lisbon lui lança un dernier regard noir avant de quitter le pub avec Patrick qui somnolait dans ses bras.

Tbc...