Auteur : Ariani Lee
Bêtalecture : Neferkitty's Tomb (on dit merci à la dame)
Fandom : Final fantasy VII, Kingdom Hearts
Pairings: RAR et dérivés
Disclaimer : L'univers et les personnages sont la propriété de leurs créateurs, les studios Square Enix – anciennement Squaresoft en ce qui concerne Final Fantasy VII.
Note : Merci beaucoup pour votre patience. Ce chapitre m'a demandé beaucoup de travail en cela que j'ai dû faire pas mal de recherches (vous verrez tout de suite où en en quoi) et que ce que j'ai trouvé ne collait pas avec ce que j'avais imaginé, alors il a fallu adapter. Mais voilà, j'espère que ça vous plaira.


Chapitre 33 : L'échelle de Glasgow

Bitter tears fall through eternity
Lovers play out another tragedy
And you tell me, Hold on,
hold on, I hear you say, hold on
Hold on, I'll come back for you
I will wait for you, tomorrow never comes
It can't be true, life is not the same now
Without you, just a memory
Everything's empty, without you

The Birthday Massacre

Satisfaite de l'évolution de la situation, Tifa n'avait plus manifesté la moindre velléité de s'occuper de ce qui se passait entre Reno et Roxas. Ils se parlaient, ils allaient bien, c'était tout ce qu'elle voulait savoir. Elle semblait parfaitement contente d'avoir repris ses petites habitudes, à savoir venir se jucher sur le coin de leurs bureaux et les empêcher de travailler quand elle s'ennuyait et qu'il n'y avait personne à la machine à café.

Et pour ce qui était de se parler, les deux principaux concernés ne faisaient pas les choses à moitié. Ils avaient dû travailler d'arrache-pied plus d'une semaine pour venir à bout de tous leurs dossiers en souffrance et même après, ils étaient restés aussi inséparables que des frères siamois.

Kadaj restait prudemment à l'écart et Yazoo aussi. C'étaient des motifs de satisfaction quotidienne tant pour Reno (qui appréciait énormément de ne pas avoir à s'inquiéter des problèmes qu'ils pourraient lui créer) que pour Roxas (à qui la jalousie faisait détester toutes les personnes avec qui Reno avait couché à l'exception d'Axel). Mais ils se doutaient que cette paix-là n'allait pas durer.

Même si la langue de vipère en chef était hors-jeu, on ne pouvait humainement pas empêcher un service de plus de soixante personnes de ragoter. Personne n'allait se montrer aussi agressif et ordurier que l'avait été Kadaj mais leur rapprochement allait forcément finir par être remarqué et les gens se remettre à jaser. C'était inévitable.

Après en avoir discuté, Reno et Roxas avaient conclu qu'ils avaient fini de se rendre malades pour ça. Les rumeurs allaient et venaient. Si des bruits se mettaient à courir et qu'ils se contentaient de se montrer irréprochables, les gens auraient vite fait de trouver un autre sujet de conversation. De tels ragots auraient pu leur causer beaucoup de tort auparavant mais ce n'était plus le cas dès lors qu'ils faisaient bien leur travail. Et il était vite devenu évident, une fois leurs problèmes traités, qu'ils fonctionnaient très bien ensemble. Aucune loi ne les empêchait de se fréquenter de la façon qui leur plaisait tant que ça n'impactait pas la qualité de leur travail.

Ils tâchaient tout de même de maintenir une façade strictement professionnelle au bureau mais les choses étaient différentes quand ils rentraient chez eux. Le temps passant, une routine s'était installée et ils la suivaient sans y penser ni se lâcher d'une semelle.

Ils quittaient le bureau pour aller voir Axel à l'hôpital et restaient à son chevet une heure, chacun de son côté du lit.

- Est-ce que tu pries ? Demanda Reno la première fois qu'ils y retournèrent ensemble.

Ils étaient assis en silence depuis plusieurs minutes et Roxas leva les yeux vers lui.

- D'une certaine façon, répondit-il lentement. Tu crois qu'on peut appeler ça une prière si ça s'adresse à personne en particulier ?

Reno, qui était aussi athée qu'on peut l'être et qui suppliait pourtant depuis six mois l'Univers de faire quelque chose pour mettre un terme à la situation, se contenta de hocher la tête. Roxas ramena son regard sur le visage d'Axel.

- Alors oui. Je prie tous les jours.

Ensemble, ils quittaient l'hôpital et retournaient à l'appartement. Reno restait dans la cuisine pendant que Roxas préparait le repas. Ils mangeaient à deux, à table ou devant la télé, et partageaient leurs soirées.

Reno tenta sans résultat d'attirer Roxas du côté consoleux de la force. Roxas, ils le comprirent rapidement, ne serait jamais un gamer, pas même un casu. Son peu de goût pour les écrans y était pour quelque chose mais surtout, toutes ses tentatives se soldèrent par des migraines ophtalmiques au bout de vingt minutes.

- Y a que toi pour sortir des termes pareils au lieu de juste dire que t'as mal aux yeux fit remarquer Reno lorsque Roxas jeta l'éponge pour la troisième (et dernière) fois.

Roxas préférait de loin lire à côté de lui et lever les yeux quand il se passait un truc intéressant qu'avoir une manette entre les mains.

- Ce n'est pas mon truc.

Ils se séparaient seulement pour se laver et se retrouvaient ensuite au lit. Leurs nuits se passaient beaucoup mieux depuis qu'ils les partageaient.

Ils ne se privaient plus d'aucun contact physique. Reno comparait parfois sa relation avec Roxas avec celle qu'il avait eue pendant des années avec Axel, avant que les choses changent. Les deux avaient cela de commun qu'elles étaient régies par des règles, bien que dans le cas présent, celles-ci étaient tacites. Avec Axel, tout était dit et approuvé, mis au clair sans détour. Avec Roxas, même s'ils pouvaient se parler franchement, les choses se faisaient avec plus de subtilité. Les règles se mettaient en place d'elles-mêmes. Ainsi Reno n'avait-il jamais dit à Roxas qu'il l'aimait aussi, et ce dernier s'était gardé de le répéter. Ils sentaient sans avoir besoin de le dire quand et où ils devaient s'arrêter lorsque, d'une manière ou d'une autre, ils se touchaient. Assis dans le canapé, couchés, parfois en se croisant dans le couloir, ils ne se privaient plus d'aucun baiser ni d'aucune étreinte tout en restant attentifs aux limites à ne pas dépasser.

Les échanges trop passionnés ne duraient pas ; l'un se soustrayait toujours aux caresses de l'autre quand celui-ci s'emballait. Ils avaient décidé tacitement que le sexe entre eux, s'il n'était pas interdit, devait être limité au minimum, gardé sous une vitre à briser en cas d'urgence. La nuit qu'ils avaient passé ensemble avait révélé l'alchimie qui existait entre eux, les avait unis et avait arrangé beaucoup de choses. Mais ils étaient tous les deux trop conscients de l'absence d'Axel et du fait qu'il n'avait jamais donné son accord pour ça. Si parfois Reno s'arrachait à lui, mettant un terme brutal à un baiser enflammé pour aller s'isoler un moment dans une autre pièce, Roxas savait pourquoi. Les choses étaient claires quoique jamais exprimées à voix haute.

Même si tout restait déséquilibré, ils avaient retrouvé une forme de stabilité qui faisait beaucoup de bien à Roxas. Un mois après la nuit où il avait essayé de s'en aller, son traitement et la présence désormais constante de Reno à ses côtés lui avaient permis de récupérer. Il avait demandé au docteur Master d'espacer les rendez-vous car Axel allait quitter l'hôpital et ce qui était si simple à combiner en se rendant au même endroit allait le devenir nettement moins.

Cela faisait sept mois depuis l'Accident.

Axel avait depuis longtemps récupéré de ses blessures aux poumons et à la cage thoracique. Le traumatisme crânien qui avait provoqué son état était totalement résorbé et les médecins ne pouvaient rien faire de plus. Il y avait deux mois déjà que le personnel soignant avait déclaré que sa place n'était plus à l'hôpital mais dans un centre de rééducation. Il avait évidemment fallu attendre pour qu'une place se libère.

Roxas n'aimait pas l'idée. Il avait l'impression qu'on écartait Axel pour faire de la place comme si pour lui, c'était déjà terminé. Les médecins comme les infirmières se récriaient et Reno se rangeait de leur côté.

Cela se produisit lors de ce qui devait être leur dernière visite à Nevercastle.

Ils entrèrent dans la chambre en discutant Reno s'étonnait du pessimisme forcené de Roxas, qui semblait déterminé à faire de ce transfert une mauvaise nouvelle.

- Il va bien, arguait-il en poussant la porte.

- Bien ?

- Tu vois ce que je veux dire ! Il... il n'a plus aucune blessure ni rien, son corps est totalement guéri. Il n'a pas besoin d'assistance respiratoire ni d'aucune machine.

- Ça ne veut pas dire qu'il n'a pas besoin de soins.

Roxas se pencha sur Axel pour l'embrasser comme il le faisait toujours. Reno essaya de croiser son regard mais Roxas était trop agité. Il ne tenait pas en place et se mit à arpenter la pièce. Reno s'assit à sa place habituelle, à droite d'Axel.

- Il en aura, tu le sais bien. Il sera même mieux qu'ici, il recevra des soins plus adaptés à son état.

Roxas s'immobilisa et le regarda enfin. Il avait les yeux brillants.

- Je ne veux pas... j'ai l'impression que tout le monde baisse les bras. Je ne veux pas me résigner.

Reno se leva pour le rejoindre.

- Personne ne se résigne, Roxas. Il a besoin d'une attention qu'on ne peut pas lui consacrer dans un hôpital où il y a des centaines d'autres patients. Rien que la kiné, il lui en faut plus.

Il posa ses mains sur les bras de Roxas qui était raide et pâle.

- Je sais que le changement te déstabilise, lui dit-il de sa voix la plus apaisante. Je comprends que ça t'inquiète mais si ça peut te rassurer, souviens-toi que ce sont ses parents qui se sont occupés de ça. Ils ne veulent que le meilleur pour lui, peut-être même plus que nous.

Il s'arrêta et serra doucement les bras de Roxas qui ne réagissait pas du tout à ce qu'il disait.

- Roxas, ça va ? Tu trembles.

Roxas resta muet, pétrifié, et Reno suivit son regard qui était fixé quelque part derrière lui.

Il eut l'impression qu'à la manière d'un chestburster (1), son cœur allait lui ouvrir les côtes pour s'arracher de sa poitrine et s'éclater par terre. Les yeux d'Axel étaient ouverts.

- Tu me fais mal.

La voix de Roxas venait de très loin, bizarrement déformée. Reno le lâcha avec un sursaut.

Il se précipita auprès d'Axel tout en essayant de ne pas bouger trop vite afin de ne pas le brusquer. Il en résultat qu'il tituba jusqu'à la chaise et tomba plus qu'il ne s'assit dessus. Axel ne réagit pas, pas plus quand Reno prit sa main et l'appela doucement.

- Tu m'entends ? demanda-t-il.

Mais les prunelles vertes restaient vitreuses. Reno était tétanisé. Roxas était de l'autre côté du lit et continuait de parler. Sa voix était un son continu et égal que Reno percevait comme un bourdonnement.

Il n'aurait su dire combien de temps cela dura mais, au bout d'un moment, un infirmier entra dans la chambre. Roxas avait dû appuyer sur le bouton. Le bourdonnement s'interrompit, remplacé par un échange que Reno écouta avec peine. Les voix semblaient venir de très loin.

- Il est comme ça depuis longtemps ?

- Quelques minutes. Ses yeux étaient fermés quand on est entrés.

- Et vous avez remarqué une autre réaction à part ça ?

- Non. On lui a parlé mais il n'a ni bougé ni répondu.

L'infirmier repartit ensuite chercher un médecin, les laissant seuls.

Ils restèrent assis en silence, les mains d'Axel au creux des leurs jusqu'à l'arrivée de ce dernier. Reno était incroyablement perturbé par le spectacle de ses yeux qui clignaient lentement. Pour la première fois depuis des mois, il était indifférent à la présence de Roxas près de lui. Il ressentait tant de choses à la fois qu'il avait du mal à faire le tri.

Il avait envie d'être fou de joie mais l'élan de son cœur se heurtait à la barrière que sa raison dressait tout autour pour le protéger d'une déconvenue. C'était si bon de revoir ces iris. C'était presqu'insoutenable à regarder, ces yeux vides, froids comme du jade et, pourtant, c'est à peine s'il arrivait à s'en détourner.

Il était tellement désorienté que quand le médecin arriva enfin (cinq ans plus tard, ou peut-être cinq minutes ?), il ne réagit pas du tout et laissa Roxas parler.

Il essaya d'écouter la conversation, sans succès, incapable de se concentrer. Les mots lui rentraient littéralement par une oreille et ressortaient par l'autre, traversant son cerveau sans y laisser la moindre trace.

Aussi fut-il surpris par le geste du médecin. Celui-ci l'avait sans doute préalablement expliqué car Roxas ne réagit pas quand l'homme sortit un stylo de la poche de poitrine de sa blouse blanche et, soulevant la main d'Axel, utilisa la plume en métal pour piquer, fort, le milieu de l'ongle de son pouce. Le premier réflexe de Reno fut de protester mais ce qu'il vit lui coupa la langue.

La main d'Axel bougea. Au ralenti, comme pour se soustraire à la douleur, elle glissa et retomba mollement sur le lit avec un petit bruit - pof - qui parvint plus clairement à Reno qu'aucun son ne l'avait fait depuis qu'il s'était assis là. Et avec ça, il se remit à entendre normalement.

-... videmment, après un coma de plusieurs mois, les choses ne se font pas en un jour mais c'est très bon signe. Passer de trois à neuf, c'est un énorme progrès.

- Neuf quoi ? s'interrogea Reno.

Le docteur se tourna vers lui et lui répondit aussi naturellement que s'il ne venait pas de parler pour la première fois depuis son entrée dans la chambre.

- On utilise l'échelle de Glasgow pour mesurer l'état de conscience, en se basant sur l'ouverture des yeux et les réponses verbales et motrices. Chaque facteur reçoit une note qui s'additionne aux autres, ce qui donne le score. Il est resté à trois - le minimum - pendant des mois. L'évitement de la douleur et l'ouverture spontanée des yeux valent quatre points chacune, donc neuf au total.

- Sur combien ?

- Le score maximal est de quinze.

- Est-ce que ça veut dire qu'il va se réveiller ? demanda Roxas, posant la question que Reno n'osait pas formuler.

- C'est possible mais je ne peux donner aucune assurance. Comme je vous le disais, passer de trois à neuf, c'est une belle amélioration. Il est probable que la réponse motrice soit antérieure à l'ouverture des yeux, on ne fait pas ce genre de tests tous les jours.

Reno imagina furtivement un médecin faisant une tournée quotidienne des patients comateux pour leur piquer le doigt et réprima un ricanement nerveux.

- Je ne vous cache pas qu'il est rare de voir des patients restés aussi longtemps dans cet état se réveiller et récupérer totalement. Il se pourrait qu'il stagne à ce nouveau stade et ne le dépasse jamais. Dans l'éventualité où il continuerait à progresser, l'évitement de la douleur exclut le risque de syndrome locked-in, ce qui est une excellente nouvelle en soi, mais il reviendrait de très loin.

- Mais c'est possible, insista Reno.

- Oui, reconnut le médecin. Il est jeune et en bonne santé, même si ce dernier point peut sembler paradoxal. Il faut aussi tenir compte de l'origine traumatique de son état.

- C'est positif, ça ? s'enquit Roxas.

- Oui. On récupère mieux d'un coma provoqué par un traumatisme cérébral que par un AVC, par exemple. Et s'il ne s'éternise pas, on a aussi plus de chances de revenir d'un état végétatif que d'un coma profond. Si - et je m'excuse d'insister, seulement si - il continue de progresser, ses chances de récupération sont bonnes.

- Il devait être transféré demain vers un établissement spécialisé. Est-ce qu'il va devoir rester ici du coup ? interrogea Reno.

Le médecin secoua la tête.

- On peut le déplacer sans risque et il sera mieux pris en charge dans un centre de rééducation, y compris s'il récupère. Il aura besoin de plus de soins et d'attention qu'on ne peut en consacrer à un seul patient, ici. Surtout à long terme, en cas de récupération.

- Est-ce que je devrais prévenir ses parents ?

Le médecin adressa à Reno un regard confus.

- Ses parents ? répéta-t-il. Ce n'est pas votre frère ?

- Non. On nous l'a souvent demandé mais on n'a aucun lien de parenté. C'est mon meilleur ami.

- Je vois. Pour répondre à votre question, non. Compte tenu de ces changements, on va lui refaire une IRM et le garder en observation pendant quarante-huit heures. Il va falloir réorganiser un peu son transfert, il ne pourra pas sortir demain. Le secrétariat va chercher un créneau pour l'examen et prévenir la famille et le centre de rééducation. Il est préférable d'avoir toutes les données avant d'appeler.

- Mais il va partir de toute façon ? demanda Roxas.

- À moins que son état se dégrade subitement, oui.

- Est-ce qu'il va rester... comme ça ?

Roxas regardait les paupières d'Axel qui battaient de loin en loin sur ses yeux vides.

- Je ne sais pas. C'est pour ça que nous allons le garder ici pendant les deux jours qui viennent. On pourra être plus précis après l'IRM.

Le docteur prit congé peu de temps après. Roxas et Reno restèrent un long moment assis aux côtés d'Axel en serrant ses mains, plongés dans leurs pensées.

Quitter cette chambre n'avait plus été une telle épreuve depuis très longtemps. C'était alors que ce changement tant espéré se produisait enfin qu'ils se rendaient compte à quel point ils s'étaient faits à la situation. Adaptés à elle et aux circonstances qui l'entouraient, ils s'étaient habitués à savoir ce qu'il se passait et à quoi s'attendre. Maintenant, toute certitude envolée, c'était comme si c'était eux qui émergeaient d'une longue torpeur.

Le couloir, l'ascenseur, le hall bondé... tout paraissait étrangement net. Même les bribes de conversation des gens qu'ils croisaient leur parvenaient avec une clarté agressive.

- ... et là, elle a pris la dernière feuille et...

- ... fait exprès ? Mais non, c'est pas...

- ... de Dieu, je t'ai dit de lâcher ce fichu portable ! Est-ce que tu vas...

- Heureusement qu'ils ont des boules quiès, avec tout ce...

Roxas pressa le pas et Reno l'imita avec soulagement. Il avait hâte d'échapper à cet endroit. Après le calme de la chambre et bouleversés comme ils l'étaient, cette agitation était oppressante.

Le parking avait beau n'être qu'une étendue bétonnée et grise sous un ciel menaçant, il avait des airs de plage déserte quand ils l'atteignirent. Ils rejoignirent rapidement la voiture, mais au lieu de monter dedans, ils s'arrêtèrent à côté.

Reno s'adossa à la portière du côté passager. Il était trop nerveux pour prendre le volant et Roxas ne valait pas mieux. Le regard lointain et l'air fébrile, il était resté planté à un pas de Reno quand ce dernier avait cessé d'avancer.

- Hé, l'appela-t-il doucement. T'es avec moi ?

La question ramena Roxas dans l'endroit et le moment présent. Il hocha la tête.

- Oui, ne t'inquiète pas.

Reno hésita une seconde avant de lui ouvrir les bras. Ils avaient beau n'avoir attendu que ça pendant les sept derniers mois et avoir plusieurs fois abordé le sujet, est-ce que les choses allaient rester les mêmes entre eux maintenant que la situation changeait ? La question traversa aussi l'esprit de Roxas qui le regarda sans faire un geste pendant un bref instant avant d'accepter l'invitation.

L'étreinte leur fit le plus grand bien tous les deux et ils restèrent étroitement enlacés un long moment. Quand Roxas le relâcha, il resta où il était, la tête contre l'épaule de Reno.

- Comment tu te sens ? s'enquit ce dernier.

- Ça va.

- J'ai cru que tu me faisais une attaque, là-haut. T'étais tout blanc et tu tremblais.

- Excuse-moi, c'était juste...

- Le choc ? offrit Reno quand il ne poursuivit pas.

- Oui, mais surtout... j'avais peur que ce soit une hallucination. Alors je sais, je n'avais aucune raison d'en avoir mais, sur le moment, je n'osais pas croire à ce que je voyais. J'avais l'impression que l'illusion allait se dissiper si je faisais un geste.

- Je comprends.

- Quand tu l'as vu aussi, ça a tout de suite été mieux. Mais là... c'est tellement dur de le laisser !

Reno savait exactement à quel point c'était difficile. Il peinait à résister à l'envie de faire demi-tour et de retourner près d'Axel, là où était sa place. Il aurait dû passer chaque seconde à ses côtés, à guetter le moindre changement, pas le laisser seul. En s'en allant comme ils le faisaient, ils allaient fatalement rater des choses. Cette idée le mettait au supplice.

- Je sais, moi aussi je voudrais rester avec lui. Tout le temps. Tu sais, camper dans sa chambre jusqu'a ce qu'il en sorte. Mes parents doivent encore avoir mes vieilles affaires de scout.

Roxas se redressa et lui sourit.

- Au moins, on se comprend. On a de la chance d'être tous les deux.

- C'est vrai.

L'hésitation que Reno avait éprouvée à l'idée d'enlacer Roxas revint le retenir de l'embrasser, mais pas longtemps. Distrait, il ne sentit pas vraiment les premières gouttes.

Il en fallut une particulièrement grosse et froide pour qu'il s'aperçoive enfin qu'il pleuvait. Ça ne le dérangeait pas plus que ça et ce fut Roxas qui rompit le baiser et s'écarta.

- Ça ne sert à rien de rester là. On devrait y aller avant de se faire tremper.

Reno se décolla de la voiture avec un soupir.

- Je sais pas pour toi mais j'aimerais mieux ne pas conduire. J'arriverai pas à me concentrer, ça pourrait être dangereux. Quoi ?

L'air de surprise qu'affichait Roxas s'estompa sans disparaître complètement.

- Rien, c'est juste qu'il n'y a pas si longtemps, tu rechignais à porter un casque pour faire de la moto. Axel te le reprochait tout le temps, je m'en souviens.

- Et alors ?

- Alors te voir éviter de prendre le volant parce que tu n'es pas en pleine possession de tes moyens, c'est un peu interpelant. Mais c'est tout sauf un reproche, tu as raison. Moi non plus, je ne préfère pas.

- Tu veux qu'on prenne les transports en commun ? On est pas tellement loin, on aura qu'à prendre la moto demain.

Roxas hocha la tête.

- C'est une bonne idée.

Roxas récupéra un parapluie dans le coffre de la voiture avant de la verrouiller. Ils l'abandonnèrent là et, partageant le large parapluie, se mirent en route vers la station de métro la plus proche.

Ils marchèrent en silence sous la pluie qui tourna rapidement au déluge. L'eau frappait le sol en lourdes gouttes qui éclataient à l'impact et, rapidement, les trottoirs et la route furent inondés. Les voitures provoquaient d'énormes gerbes d'eau en roulant dans les flaques les plus profondes et, en dépit du grand parapluie, ils eurent rapidement de l'eau plein les chaussures. Reno glissa sur un déchet trempé qu'il faisait trop sombre pour identifier et faillit s'étaler. Il ne dût son salut qu'à la proximité de Roxas à qui il se raccrocha par réflexe. Ils vacillèrent un instant avant de se rétablir.

- Désolé, s'excusa Reno. Je t'ai pas fait mal ?

- Mais non.

- C'était bien le jour de rentrer à pattes.

- C'est juste de l'eau.

- Ça te gêne pas, toi, d'avoir les pieds trempés jusqu'aux chaussettes ?

- J'aime bien, ça me rappelle des souvenirs.

- Ah bon ?

Roxas ne répondit pas tout de suite. Il continua de marcher, l'air à moitié absent.

- La dernière fois que j'ai été dehors par un temps pareil, j'étais avec Axel. C'était un bon moment jusqu'à ce que je le ruine. J'allais mal et il essayait de me remonter le moral et il y arrivait. Il pleuvait et il faisait tout noir, exactement comme maintenant sauf qu'on avait même pas de parapluie. On avait les cheveux qui dégoulinaient et les vêtements tellement mouillés qu'ils nous collaient à la peau. Il m'avait pratiquement forcé à sortir pour venir chez vous regarder un film.

Ce dernier détail était familier à Reno, qui se remémora ce fameux après-midi où Axel lui avait téléphoné au travail et lui avait dit qu'il croyait que Roxas le trompait.

- C'est ce jour-là qu'il a décroché ton portable pendant que tu prenais une douche, non ?

Reno se souvenait très bien à quel point il avait eu honte de la façon dont il avait réagi et ne s'attendait pas à ce qu'il en parle. Roxas hocha simplement la tête et poursuivit son récit.

- Quand je ne prends pas mes médicaments et que je suis dans une de mes phases de dépression, c'est virtuellement impossible, mais lui il arrivait à me faire sourire. J'étais aussi trempé que si j'étais tombé tout habillé dans un lac mais c'était bien, parce qu'il était avec moi. Il s'amusait alors tout m'était égal. À un moment, il m'a regardé et il m'a dit que je ressemblais à une publicité.

- Note que ça se tient, remarqua Reno avec un petit sourire. Une pub pour quoi ?

- C'est exactement ce que je lui ai demandé. Il ne savait pas, il m'a dit, « un truc beau et pur et super sexy ».

Roxas rit un peu sur le dernier mot.

- C'est pertinent comme description, dit Reno.

- C'est gentil. C'est un de mes souvenirs préférés, avec lui. On s'est embrassés sous la pluie, c'était vraiment très intense.

Reno se retrouva soudain sous la pluie battante et sursauta d'inconfort et de surprise. Se retournant, il vit que Roxas s'était arrêté à deux pas derrière lui. C'était lui qui tenait le parapluie et Reno se hâta de retourner s'abriter dessous.

- Qu'est-ce qu'il y a ?

Roxas se serra contre lui sans répondre. Confus, Reno lui prit le parapluie et Roxas profita aussitôt de ses mains libres pour l'enlacer. L'eau fouettait la toile au-dessus de leurs têtes et le sol tout autour d'eux avec une violence renouvelée.

- Il me manque tellement, dit Roxas d'une voix assourdie qu'étouffait encore le vacarme de la pluie.

- Je sais, répondit Reno, la gorge nouée. Moi aussi. Mais il va aller mieux, Roxas. Vous pourrez vous faire plein de nouveaux souvenirs et être ensemble. Tout ira bien.

- Peut-être. Ce qui est en train de se passer, c'est terrifiant. Tant qu'il ne se passait rien du tout, tout pouvait encore arriver mais maintenant...

Il peinait à exprimer ce qu'il ressentait mais Reno comprenait. Le médecin avait été clair sur ce fait : il se passait bel et bien quelque chose mais ça ne signifiait pas nécessairement qu'Axel allait se réveiller. Il était possible que tout s'arrange mais aussi que les choses s'arrêtent là pour de bon. Et ça, ils n'avaient aucune envie de le savoir.

Il passa ses bras autour des épaules de Roxas et l'étreignit.

- Je comprends. Mais maintenant que ça a commencé, on doit attendre, c'est tout. Pour le meilleur ou pour le pire.

Il sentit que Roxas respirait profondément et le lâcha au premier geste qu'il fit pour s'écarter.

- Merci, dit le blond en se redressant.

- Y'a pas de quoi.

- Si. Je sais pas dans quel état je serais si tu n'étais pas là. J'arrive à gérer ce qui se passe uniquement parce qu'on est ensemble.

- Ne me remercie pas. Tu vas peut-être pas me croire mais moi non plus j'en mènerais pas large si t'étais pas là. C'est flippant de pas savoir à quoi s'en tenir.

Roxas passa son bras autour de celui de Reno et ils se remirent en marche sans discuter davantage. Une autre chose qu'ils comprenaient sans avoir besoin de la dire, c'était qu'ils avaient tous les deux très envie de rentrer.


(1) Le chestburster (parce que c'est peut-être pas évident, en fait), c'est la créature qui t'ouvre l'abdomen pour en sortir, une brève période d'incubation après que le facehugger t'ait pondu dans la gorge, avant que ça devienne un Xenomorph adulte. Et si vous ne voyez toujours pas de quoi je parle, ben allez regarder Alien.

Vous m'en voulez hein ? Si ça peut vous faire plaisir, moi aussi j'ai pensé pendant des années (depuis 2012 pour être précise) qu'Axel se réveillerait d'un coup, qu'ils passerait du coma à la conscience et que les choses changeraient soudainement. Sauf que d'un point de vue médical, c'est juste impossible. Ça n'arrive qu'à la télé et vous savez comme j'aime rester réaliste. Donc voilà. Mais bon, c'est pas spoiler que de vous dire qu'évidemment non, il ne va pas rester dans un état végétatif ni mourir d'une pneumonie sauvage. Alors, heureux ? Moi en tout cas je me sens libérée d'un de ces poids ! Ah, depuis le temps que j'attendais ça !