6. Juin

Vendredi 1er Juin

14:34 — Au travail.

Cinq jours ont passé depuis cette soirée à Pré-au-Lard et je n'ai pas revu Hermione depuis. Je lui ai écrit, essayant de jauger la situation en m'excusant d'avoir été un abruti de première. Il m'a fallu presque deux jours pour recevoir la réponse laconique qu'elle allait être 'occupée' à travailler jusqu'au week-end. J'ai envisagé d'aller la voir chez elle mais, la connaissant, il y a des chances qu'elle soit réellement très occupée. Je n'ai pas voulu risquer de me l'aliéner d'avantage, aussi ai-je fait profil bas.

Le week-end approche, cependant, et je ne peux pas continuer à utiliser cette excuse.

J'ai le pressentiment qu'elle pourrait bien apparaître dans le Yorkshire ce soir. Ou plutôt... j'espère qu'elle viendra.

J'envisage même de fermer une demi-heure plus tôt ce soir, afin de préparer la maison (en d'autres termes, jeter mes bouteilles vides et rendre l'endroit présentable).

Juste au cas où.

18:00 — Yorkshire.

La maison est prête. Je suis prêt. Enfin, en partie ; je ne suis définitivement pas prêt à la voir arriver pour m'annoncer que tout est fini et disparaître sans un mot de plus.

18:10

Ah, une minute ; je viens de me souvenir que j'ai fait le plein de bouteilles de whisky l'autre jour — je suis prêt.

19:00

Peut-être me suis-je trompé.

Toujours aucun signe d'elle. Je commence à m'agiter. Il va falloir que j'aille faire un tour avant que je ne réduise ce foutu cachot en morceaux. Quoique... Ça ne pourrait que l'améliorer.

Samedi 2 Juin

11:00 — Apothicairerie.

Eh bien, elle est venue.

J'étais assis sur le mur du jardin, inhabituellement remuant et angoissé tandis que je passais en revue ce que je pourrais bien lui dire. Inconsciemment, je me suis souvenu de mes parents et des disputes qu'ils pouvaient avoir. Mon père n'a jamais tenté de changer d'attitude, n'a jamais fait de concessions. Il se contentait de broyer du noir dans un silence maussade jusqu'à ce qu'il lui semble que suffisamment de temps s'était écoulé, et alors il demandait :

'Quoi qu'on a pour l'thé ?'

Ces pensées me donnèrent l'envie pressante de boire un verre. Cependant, être complètement ivre à son arrivée n'avait que peu de chances d'arranger les choses, aussi me suis-je préparé du thé à la place, en n'y ajoutant qu'un doigt d'alcool. Lorsque j'eus fini ma tasse, je n'en étais pas moins aigri et ai promptement jeté l'objet par-dessus la falaise avec un grognement frustré.

J'envisageais de passer moi-même par-dessus ladite falaise lorsque j'ai entendu des bruits de pas et me suis figé, dans l'expectative. Avant que je ne comprenne ce qui s'était passé, elle était là, assise près de moi, les bras croisés.

'Qu'est-ce que tu fais là ?' demanda-t-elle, et je fus incapable de deviner son humeur à ses paroles.

'Je prends le soleil,' répondis-je doucement.

Il y eut un silence. Visiblement, elle n'était pas d'humeur à entendre même la plus inoffensive des blagues. Malheureusement, tout ce que j'aurais pu dire de constructif semblait avoir disparu de mon esprit. 'Je, ah... Je suis...' Mes mains étaient horriblement moites. 'Je regrette la façon dont j'ai agi l'autre soir. Je —'

Elle m'a interrompue, me tapotant le bras. 'Ce n'est pas grave.'

Je lui lançai un regard incrédule. 'Vraiment ?'

'Oui,' a-t-elle murmuré, son expression inhabituellement illisible. 'Du moment que c'était la dernière fois.'

Merlin.

La confusion m'a fait me renfrogner, mais elle se contenta de sourire légèrement.

'Ces choses-là arrivent...'

! ! !

Sans blague ?

'J'aurais dû te dire que Ron et moi étions de nouveau amis.'

J'étais surpris, je dois l'admettre, et déconcerté qu'elle prenne tout cela aussi gracieusement. J'avais imaginé que je passerais un mauvais quart d'heure à essayer de me justifier, et voilà qu'elle semblait n'avoir aucune envie de s'attarder sur le sujet. Reconnaissant, je pris sa main et la baisai, mais alors que je levais les yeux sur elle, quelque chose dans son expression me fit douter, et il me sembla qu'il me faudrait m'expliquer plus avant.

'Non, c'est ma faute et je n'aurais pas dû me laisser aller comme ça, ah... Et —'

Quoi que je fus en train de bredouiller, elle le devança en m'embrassant. Evidemment, la discussion fut close, puisque nous avions d'autres, hum... choses sur le feu.

J'avoue être soulagé. Et malgré tout, en y repensant, je suis également confus. Même moi je dois reconnaître qu'elle avait des raisons de m'en vouloir pour ma conduite. Est-ce que ce n'est vraiment 'pas grave,' comme elle dit ? Pourquoi s'est-elle montrée si prompte à oublier ce qui s'est passé ? J'avais cru... Eh bien, j'aurais pensé qu'elle serait le genre de femme à vouloir tout disséquer en détails...

Peut-être aurais-je dû insister, parce que je crois à présent que nous avons manqué l'opportunité de discuter de notre... De décider ce que nous sommes l'un —

Seigneur. Quelle vieille fille je fais.

Mardi 5 Juin

12:13 — Au travail.

Merlin. Les gens m'exaspèrent vraiment, parfois.

Un imbécile vient de rentrer dans la boutique en brandissant une vieille figue sèche et moisie. Il l'a jetée sur le comptoir, m'adressant au passage un regard outragé, avant d'annoncer : 'Je ne l'ai achetée qu'il y a trois jours seulement.'

'Et ?' ai-je demandé impassiblement.

'Et je m'attendais à ce qu'elle me dure plus longtemps que trois jours !'

'Est-ce que vous avez une preuve de votre achat ?'

L'homme postillonna de manière spectaculaire. 'Eh bien, non, je n'ai pas pensé que j'aurais besoin de mon reçu, vous voyez ; je ne pouvais pas deviner qu'elle pourrirait si vite.'

Une histoire très plausible en effet. Il avait probablement trouvé la figue oubliée dans un placard quelque part et sauté sur l'opportunité de récupérer quelques Noises.

'J'aimerais être remboursé,' continua l'intrus d'un ton impérieux.

Je levai brièvement le nez de mes comptes et me contentai de hausser les épaules. 'Vous pourriez avoir acheté ça n'importe où.'

'Je l'ai acheté ici. C'est vous-même qui m'avez servi.'

'Oh, vraiment ?'

Seigneur. Pourquoi ces gens croient-ils toujours que le monde leur doit quelque faveur ? Quelles vies ennuyeuses et protégées ils doivent vivre pour qu'une figue ratatinée se transforme pour eux en injustice personnelle. Je n'ai que trois mots pour ces gens-là :

'Allez au diable.'

Jeudi 7 Juin

13:02 — Au travail. Déjeuner.

J'ai réfléchi.

Ce mois-ci marquera les six mois de ma relation avec Hermione. Six mois. J'aurais parié sur six jours, maximum. Qui aurait cru que j'aurais un jour une date célébrant autre chose que la mort de quelqu'un ?

C'est un problème en soi, bien sûr, puisque je suppose qu'il va me falloir prévoir une sorte de célébration. Je suis déterminé à faire preuve d'initiative. Les six derniers mois ont été parfaitement acceptables, aussi suis-je décidé à continuer sur cette lancée. Oui. Je vais être sûr de moi; je vais me montrer confiant ; et je vais lui montrer, peut-être même lui dire, ce que je ressens. Si l'anniversaire de six mois de relation n'est pas le bon moment pour cela, alors le bon moment n'arrivera jamais. Je vais donc me forcer à faire face à mes sentiments. Même si cela doit me tuer, ce qui pourrait bien arriver du reste.

Je vais devoir lui acheter un cadeau... Je ne saurais même pas par où commencer. Et...

Merlin. J'espère qu'elle n'a pas oublié. J'en mourrais si je découvre que je m'en suis souvenu et pas elle. Peut-être devrais-je y faire allusion... ? Ou est-ce censé être une surprise ?

Je n'en ai aucune idée. Merlin. Je ne m'étais jamais rendu compte du nombre de choses que j'ignore.

Elle le saura, je pense. J'ignore combien d'années elle est restée avec Weasley, mais ils ont bien dû célébrer quelques anniversaires. Je me demande quel genre d'effort il faisait ? Mes efforts tombent-ils parfois à plat et est-elle simplement trop polie pour le dire ? Elle se rend sûrement compte que si elle me le disait, je ne me remettrais probablement jamais d'une telle ignominie.

Je vais devoir y réfléchir ; il est possible que j'aie traîné trop longtemps... Je n'ai pas tellement de temps... Seulement... deux semaines...

Merde !

Quoiqu'il en soit, j'ai bien l'impression que je vais devoir subir un autre test auparavant. C'est à nouveau l'époque de la commémoration annuelle de la défaite de Voldemort. Je suis dans une position bien différente de celle où je me trouvais l'an dernier. A l'époque, je pouvais à peine en supporter l'idée. Je vais devoir faire un effort cette fois-ci. La chance m'est donnée de me rattraper pour mon attitude de la dernière fois et je serais sacrément idiot de ne pas la saisir.

Aussi ne me plaindrais-je pas d'avoir à me montrer à la commémoration. Je ne me plaindrais pas non plus d'avoir à porter mon ruban rouge de l'Ordre de Merlin. Je ne me plaindrais pas du nombre d'ahuris avec lesquels je vais devoir m'entretenir. Et je ne me plaindrais pas d'avoir à me mêler à ses pairs.

En gros, je ne me plaindrais pas, point.

Dimanche 10 Juin

10:30 — Barbouillé.

Je suis un apothicaire, et un grand connaisseur en matière de spiritueux, et pourtant, j'ai réussi à oublier de maintenir mon stock de potion contre la Gueule de bois. Est-il possible d'être plus inutile ? J'en ai concocté en hâte et le résultat se trouve à présent sur le feu. Je perdrais la face si Granger s'apercevait que je ne suis même pas fichu de guérir mes propres maux. Ou les siens, d'ailleurs.

J'ai passé une bonne soirée. Je crois que je suis de nouveau dans ses petits papiers. Quoique... je me demande si quelque chose ne tracasserait pas toujours Miss Granger. Elle m'a semblé inhabituellement distante ces derniers jours — cela ne lui ressemble guère. Peut-être, secrètement, était-elle toujours en colère contre moi. Peut-être s'attendait-elle à ce que je me conduise comme un goujat hier soir également. Après réflexion, je suis certain que c'était le cas. Elle m'a parue particulièrement hésitante durant la première partie de la soirée.

Mais je me suis bien tenu. J'étais le calme personnifié au moment où nous sommes arrivés au Ministère. J'ai superbement ignoré le poids de la médaille ridicule que l'on m'a forcé à exhiber. Je ne me suis même pas autorisé un reniflement lorsque mes yeux se sont posés sur Weasley, assis au bar, l'air pensif. Je n'ai pas non plus laissé échapper un grognement (tout du moins, pas à voix haute) lorsque Potter s'est précipité vers moi. Et je me suis montré parfaitement magnanime lorsque, plus tard dans la soirée, j'ai suggéré à Granger de nous joindre à ses amis pendant un moment. Le sourire ravi qu'elle m'adressa en retour fut pour moi une récompense suffisante.

Minerva est venue me parler à un moment. Elle me connaît depuis suffisamment longtemps, semble-t-il, pour avoir deviné aussitôt mon état d'esprit, et ce malgré mon calme apparent.

'Ravie de constater que les changements survenus dans votre vie personnelle ne vous ont pas mieux disposé pour ce genre d'événements,' commenta-t-elle, un sourcil levé. 'Quand je vous ai vu discuter avec Potter tout à l'heure, j'ai craint pour votre santé.'

'J'ai dû... m'adapter,' répondis-je avec bien moins de ressentiment que je ne l'anticipais.

Je suivis son regard à travers la pièce où il se posa sur ma compagne, qui se trouvait au milieu d'un véritable conglomérat de Weasley et de Potter. Je me préparai à entendre ce que la directrice ne manquerait pas d'avoir à dire sur le sujet, mais elle se contenta de sourire et de me tapoter le bras.

Lorsqu'Hermione vint me rejoindre, plus tard, elle paraissait toujours un peu hésitante, comme si elle craignait que je ne la repousse si elle s'approchait trop près. Ugh, je suis un vrai salopard. Un jour... je lui dirais qu'à ses côtés j'ai l'impression d'être aussi grand qu'une maison. C'est ma propre absurdité qui pose problème - mon insécurité pathologique. Et alors elle n'aura plus besoin de marcher sur des oeufs avec moi.

Je le lui dirais.

Un jour.

Mardi 12 Juin

09:30 — Chemin de Traverse. Rempli d'allégresse.

Je viens d'aller chercher le Prophète et Weasley y fait les gros titres. Il a été relégué sur le banc de touche à cause de ses récentes performances désastreuses dans les derniers matchs. Ha !

Il y a donc un Dieu.

Weasley évincé des Canons, et moi sur le point de célébrer mes six mois avec son ex-femme... Je suis presque désolé pour lui.

Presque.

11:00

Je continue néanmoins à batailler pour trouver la meilleure façon de célébrer cet événement. Hmm... Mon manque de créativité dans ce domaine est alarmant. Je ne suis pas certain que mes parents aient seulement fêté ce genre d'anniversaire. Après tout, pourquoi l'auraient-ils fait ?

Si j'avais été à la place de ma mère, j'aurais moi aussi tout fait pour oublier que ce jour-là était jamais arrivé.

19:00 — A la maison.

Tout à fait ce que désire un homme qui vient de passer sa journée debout à trier des globes occulaires et plumer des oiseaux morts : rentrer chez lui pour trouver sa... compagne... si absorbée par le journal qu'elle ne se rend même pas compte qu'il est revenu.

J'ai l'horrible impression qu'Hermione s'inquiète de ce qui est arrivé à Weasley.

'Dans quel monde vivons-nous lorsque les journaux commencent à considérer les malheurs d'un triste sire comme Weasley dignes de la première page,' dis-je, sentant qu'il ne servirait à rien d'ignorer la chose, ni de chercher à cacher mon dégoût.

'Mmm,' murmura-t-elle, semblant acquiescer à contrecoeur.

Visiblement agitée, elle reposa le journal et offrit de me faire du thé.

'Cela lui fera peut-être du bien d'apprendre un peu l'humilité,' continuai-je, l'étudiant attentivement tandis qu'elle remuait le thé avec une cuillère.

Ladite cuillère claqua contre la tasse lorsqu'elle se retourna pour m'amener mon thé. 'Le Quidditch est toute sa vie ; il sera dévasté s'ils décident de ne pas le garder dans l'équipe.'

La désapprobation dans sa voix ne pouvait être qu'à mon attention, j'en suis sûr. 'Ce n'est plus ton problème.'

'Oui,' murmura-t-elle distraitement, pointant la vaisselle sale de sa baguette jusque dans l'évier.

Je ne pus m'empêcher de froncer les sourcils ; heureusement, elle me tournait le dos à ce moment-là. Je ne comprends pas comment elle peut se montrer aussi amicale envers lui après tout ce qu'il a fait. Soit elle est exceptionnellement indulgente, ou Weasley est simplement quelqu'un à qui elle restera toujours attachée quoi qu'il arrive. Je suppose que je vais devoir l'accepter, même si je ne le comprends pas. Peut-être devrais-je même l'admirer pour cela. Je suis certain qu'il faut être une personne plus forte pour être capable de pardonner plutôt que de... haïr. Malheureusement, mon expérience m'a plutôt confronté à la deuxième option qu'à la première.

'Il s'en sortira,' marmonnai-je d'un ton aussi égal que possible. Je ne pus néanmoins m'empêcher d'ajouter : 'De toute façon, ce n'est pas comme s'il pouvait jouer au Quidditch pour toujours.'

Jeudi 14 Juin

18:05 — Le Chaudron baveur. Un dernier coup avant de rentrer.

Je suis vraiment inquiet à présent. Je n'ai toujours rien décidé quant à notre anniversaire et je n'arrive pas à choisir un cadeau. Encore. Ne puis-je pas simplement lui donner de l'argent pour qu'elle choisisse elle-même ? Je lui balancerai simplement quelques Gallions en disant, 'Voilà. Achète ce qui te fera plaisir.'

Je me demande si elle me giflerait avant, ou si elle se contenterait de me larguer ?

Hmm.

Elle ne porte pas beaucoup de bijoux ; cela pourrait bien être mon dernier recours. J'avais tout de même espéré me montrer un peu plus créatif ; un peu plus surprenant que de lui présenter un collier ou une bague ou...

Une bague ? J'ai intérêt à rayer cela de la liste ; je ne voudrais pas qu'elle croit que je la demande en mariage. Je connais son sentiment sur le sujet, après tout.

Vendredi 15 Juin

Hmm.

Potter est venu à la boutique aujourd'hui, officiellement avec l'intention d'acheter de la pâte contre les bleus, mais je me demande si cela n'aurait pas été une ruse. Car il m'a semblé très intéressé par un autre sujet, ayant l'audace de demander : 'Qu'avez-vous prévu pour votre anniversaire ? Hermione m'en parlait hier soir.

La seule raison pour laquelle je ne l'ai pas crucifié sur le champ fut que je lui étais secrètement reconnaissant de m'avoir délivré de mon angoisse. Elle s'en souvenait, Merlin soit loué, et je n'aurais pas à me ridiculiser.

'Espéreriez-vous pouvoir vous joindre à nous ?' m'enquis-je néanmoins d'un ton narquois.

Son visage tourna au même vert que, eh bien, ses yeux. 'A vrai dire, j'allais vous suggérer un endroit où j'ai emmené Ginny une fois. Un restaurant Moldu très sympathique ; j'ai pensé que vous apprécieriez l'anonymat, mais visiblement vous n'avez pas besoin de mon aide.'

Il se tourna pour partir, et j'ignore s'il s'agit d'une indication de la loque humaine que je suis devenu après avoir entrepris de fraterniser avec une femme mais je l'ai retenu. Oui. J'ai honte d'y penser, vraiment, et je prie pour que cela n'arrive plus jamais.

'Où se trouve cet endroit ?' demandai-je, les mâchoires si serrées que je dus pratiquement les ouvrir à mains nues pour laisser s'échapper les mots.

L'enfoiré m'adressa un grand sourire. 'Vous avez un bout de parchemin ?'

Mon sang dangereusement près de se glacer dans mes veines, je lui tendis un morceau de parchemin et une plume. Il s'en servit pour écrire l'adresse et me rendit le tout, l'air affreusement content de lui.

'Si jamais je découvre que vous vous êtes moqué de moi, Potter...' menaçai-je.

'Je veux qu'Hermione passe un bon moment ; je n'ai aucune raison d'essayer de le saboter.'

Je grognai. 'Quoi qu'il en soit ; je vérifierais.'

Il haussa les épaules nonchalamment et s'en alla. Aussi dégradant que ce fut pour moi d'accepter l'aide de Potter, même moi je suis capable de remiser ma fierté au placard, à l'occasion. Et autant l'admettre, j'ai besoin de toute l'aide qu'on pourra m'apporter. Si je fous cette soirée en l'air, ce qui sera probablement le cas, je préférerais le faire d'une manière qui n'implique aucunement ma fierté, pour changer.

Je me demande si c'est faisable ?

Probablement pas.

20:00

Je suis parti en reconnaissance, et il semblerait que Potter n'ait pas menti. L'endroit est calme — presque plaisant. C'est Moldu, mais enfin, il faut ce qu'il faut.

La seule autre option était que je passe moi-même derrière les fourneaux.

Ha. Des haricots sur du pain avec de la crème anglaise en dessert.

Merlin ; qui ne voudrait pas de moi, je vous le demande ?

Lundi 18 Juin

10:04 — Au travail.

Je crois que je vais avoir besoin d'une aide supplémentaire à l'apothicairerie. Les affaires fonctionnent bien. J'ai ouvert trois nouveaux comptes au cours du dernier mois et, si les choses se maintiennent, je ne vais pas être capable de préparer les commandes à temps tout en tenant la boutique. La dernière chose que je voudrais serait prendre du retard dans la comptabilité en plus du reste. Et je devrais vraiment exploiter cette affaire au maximum de ses possibilités si je ne veux pas me réveiller un jour et trouver les gobelins devant ma porte.

Malgré tout, je ne peux m'empêcher d'hésiter, comme toujours. Les chances que j'ai de trouver quelqu'un avec qui je serai capable de travailler en toute harmonie sont relativement minces, on s'en doute.

Et pourtant cela allégerait mon emploi du temps considérablement et, si je trouvais quelqu'un de suffisamment digne de confiance, je pourrais également m'offrir quelques jours de vacances de temps à autre. Travailler six jours par semaine s'avère un poil éreintant ; je me suis écroulé à vingt heures hier soir. Courir partout dans Poudlard après des mécréants ne m'a jamais autant fatigué.

J'en ai fait la réflexion à Granger, et devinez un peu à quoi elle l'a attribué ?

Mon âge.

Elle se trouve drôle.

Humph.

Bref, je vais composer une annonce et l'accrocher sur la fenêtre avant d'avoir le temps de changer d'avis.

Je me demande si quelqu'un aura le courage de répondre ?

15:37

Certaines personnes sont bien trop enclines à la critique.

Hermione est venue à l'apothicairerie cet après-midi, et a immédiatement décroché mon offre d'emploi de la fenêtre avant de la poser devant moi sur le comptoir.

'Tu ne peux pas mettre ça sur ta fenêtre !' m'a-t-elle réprimandée en riant à moitié.

Je fus bien sûr offensé. 'Pourquoi pas ? C'est ma fenêtre.'

Elle a repris l'annonce et s'est mise à la lire de sa voix de Je-sais-tout. 'Place vacante d'apothicaire assistant, seize heures de travail par semaine. Doit avoir de l'expérience et se montrer flexible. Cornichons s'abstenir !'

Je lui repris le papier des mains. 'Tu l'as peut-être oublié, mais j'ai travaillé dans le recrutement pendant cinq ans, je te remercie.'

Elle renifla. 'J'adorerais savoir combien de candidats tu as trouvé dignes de tes exigences durant tout ce temps.'

'N'es-tu pas au courant ? Il y a une pénurie de Langues-de-plomb, et c'est entièrement ma faute.' Je me dirigeai vers la fenêtre et y accrochai de nouveau mon offre d'emploi. 'Il n'y a rien de mal à avoir certaines exigences ; et, à vrai dire, je suis tout à fait capable d'être flexible de temps en temps et de réduire mes exigences si tu vois ce que je veux dire.' Je lui lançai un regard lourd de sous-entendus.

'Oh !' s'exclama-t-elle, indignée.

Je me contentai de sourire intérieurement. 'Non... Ce sont tes exigences dont tu devrais t'inquiéter, vraiment.'

'Quelles exigences ?' répondit-elle sèchement.

'Exactement.'

Non mais vraiment, quelles exigences ? D'abord Weasley, puis moi. Je tremble d'imaginer vers qui elle risque de se tourner si notre relation part aux oubliettes. Voyons. A qui puis-je penser qui soit encore plus répréhensible et douteux que moi ?

Nom de Dieu.

Elle va finir avec un Malfoy.

Vendredi 22 Juin — Le Jour (tant redouté ?)

9:00 — Apothicairerie.

Oh Merlin. J'ignore comment je suis censé me concentrer aujourd'hui.

12:20

J'avais raison de m'inquiéter. J'avais l'intention de reremplir le bocal de scarabées bousiers, mais j'ai trouvé le moyen de les verser dans un conteneur de crocs de serpent en poudre ! Je viens seulement de m'en rendre compte. Quel imbécile. Si je ne fais pas attention, le seul endroit où je vais me retrouver ce soir sera une cellule à Azkaban.

17:20

Suis rentré plus tôt pour me préparer pour cette soirée. Contemple désormais l'idée d'avaler le véritable cocktail de potions aligné devant moi. Malheureusement, une partie de moi déplore qu'il ne s'agisse pas de poisons mortels.

L'une est un Philtre Calmant. J'ai pensé que cela m'aiderait peut-être à me relaxer et à être mieux disposé à... me montrer plus... ouvert, je suppose, concernant mes... ah, sentiments. Le même effet que l'alcool, en fait, sans les effets négatifs sur mes fonctions motrices.

Il y a aussi une Potion d'Eloquence. Mais j'ai peur que cela m'incite à me lancer dans des envolées poétiques, et cette idée est trop embarrassante pour être contemplée. Oublions cette fiole-là.

Peut-être devrais-je prendre une goutte de Veritaserum ? Ha ! Oh Seigneur tout puissant ; je peux déjà imaginer le carnage que cela provoquerait.

J'ai également une fiole de Felix Felicis, qui pourrait s'avérer utile ; très utile même. Malgré tout, je ne suis pas certain de vouloir avaler une seule de ces substances. Ne serait-ce pas mieux pour moi d'être capable de dire que je m'en suis sorti tout seul ? Pour l'amour du ciel, que penserait-elle de moi si elle apprenait que j'ai dû me droguer à l'aide de diverses potions rien que pour être capable de lui faire face ?

Non, je n'en ai pas besoin.

Je m'en sortirais.

J'espère.

Samedi 23 Juin

...

Dimanche 24 Juin

...

Lundi 25 Juin

03:15 — A la Maison. Rêve de mourir.

Eh bien... J'ignore par où commencer.

Je crois que c'est enfin fini ; notre relation est finie. Terminée. Révolue.

Je ne suis pas sûr de savoir comment c'est arrivé. Peut-être serais-je plus tard capable d'identifier l'enchaînement d'événements qui nous a conduits là où nous sommes désormais, mais pour l'heure je suis toujours éberlué. Quand je repense à son enthousiasme et à son excitation lorsque je suis arrivé chez elle, j'ai du mal à imaginer ce qui a bien pu se passer après.

Tout avait bien commencé. J'ai même réussi à lui faire savoir à quel point elle était en beauté sans l'insulter dans la foulée, comme il a été démontré que j'étais capable de faire lors d'occasions précédentes.

Je ne vais pas m'embêter à décrire en détails l'endroit où nous sommes allés, ou ce qu'elle a dit, ou ce que j'ai dit, ou ce que j'ai ressenti, parce que quel en serait l'intérêt à présent ? Nous n'en étions même pas au plat principal quand c'est arrivé. Je n'arrive toujours pas à croire... Merlin, je pourrais...

Je pourrais lui foutre mon poing dans la gueule.

J'ai du mal à me rappeler la dernière fois où j'ai ressenti une telle rage aveugle.

Weasley. Weasley, le Branleur. Une minute nous étions assis là, comme n'importe quels autres clients du restaurant, et la suivante, Ronald Weasley en personne fait irruption dans la salle, respirant fort, le visage rouge, toujours aussi lourdaud, et criant, 'Hermione !'

J'ai failli m'étouffer sur mon morceau de pain. Si seulement je m'étais étouffé à mort ; cela aurait résolu tous mes problèmes sur le champ.

La dame en question se retourna, rougissant aussitôt à la vue de son ex-mari. 'Oh Merlin,' hoqueta-t-elle, embarrassée, tandis qu'il se frayait un chemin jusqu'à nous.

Elle semblait avoir peur de me regarder en face, mais je ne pouvais détacher mon regard d'elle. Je ne savais pas quoi faire d'autre. Mon sang semblait s'être figé dans mes veines et je restai assis, immobile, tandis que Weasley rejoignait notre table.

'Hermione, je suis désolée, il faut que je te parle,' supplia-t-il avec ferveur.

La salle entière était maintenant figée dans un silence inconfortable. Même lorsque Hermione chuchota, 'Qu'est-ce que tu fabriques ? Severus et moi sommes occupés, Ron,' le son de sa voix résonna fortement dans toute la salle.

'Je n'ai pas l'intention de partir avant de t'avoir dit ce que je ressens —'

Cela eut le mérite de me sortir de ma transe. Maudissant Potter pour avoir suggéré un établissement Moldu, je me levai d'un bond, réussissant tout juste à ne pas sortir ma baguette. 'Dehors,' sifflai-je à l'idiot en face de moi.

Il secoua la tête, me rendant mon regard avec seulement un chouia d'appréhension. Appréhension qui grandit lorsque je fis un pas vers lui.

'Je ne vais nulle part, Snape—'

Je continuai à marcher, le poussant en avant. 'Avancez.'

'Hermione, je suis désolé—'

Je l'attrapai par le bras et le poussai vers la sortie. Un serveur ou deux firent mine de s'avancer vers nous, mais je continuai à forcer Weasley à se diriger vers la porte. Il commença à résister plus farouchement uniquement lorsque nous fûmes dehors et qu'il n'y eut plus de Moldus alentours pour interférer. 'Lâchez-moi, Snape,' cracha-t-il. 'Ça ne vous regarde pas.'

Je laissai échapper un reniflement et posai la main sur ma baguette. 'Si vous ne partez pas —'

'Ron, qu'est-ce que tu fais là ?'

Pourquoi a-t-il fallu qu'elle nous suive ? Pourquoi ne pouvait-elle pas rester à l'intérieur et me laisser régler cela ? Pourquoi faut-il qu'elle continue à se préoccuper de lui ? Elle eut même l'outrecuidance de s'agripper à moi afin de me forcer à m'éloigner de lui avant de lui faire face elle-même.

'Donne-moi une autre chance, Hermione,' quémanda Weasley, commençant ainsi un laïus passionné qui a manqué de me faire vomir. Je ne le recopierais pas ici verbatim, car je refuse d'y penser. Il suffira de dire qu'il en appela à leurs liens passés, à ma personne apparemment inadaptée pour elle, et à la profondeur supposée de ses sentiments.

Je ne pus que me tenir là, incrédule, alors qu'elle l'écoutait — qu'elle écoutait vraiment ce qu'il avait à dire. Qu'étais-je censé en conclure ; qu'elle considérait ses arguments ? Elle aurait certainement dû l'empêcher d'aller jusqu'au bout, non ? Lui ordonner de se taire ?

Mais il n'avait pas encore sorti sa carte maîtresse. Lorsqu'il se rendit finalement compte que son discours ne provoquait pas la réaction escomptée, il ajouta : 'Je t'ai entendu dire à Ginny que tu avais... des doutes... à propos de lui.'

Ses yeux rencontrèrent les miens par-dessus la tête d'Hermione et je fus surpris de constater qu'ils étaient exempts de malice.

'J'ai besoin de savoir s'il y a une chance pour que toi et moi on fasse un nouvel essai.'

Je me rappelle seulement avoir eu l'impression qu'on m'assénait un coup de pied dans le ventre, j'ignore ce qu'Hermione a pu penser ; j'avais peur de regarder dans sa direction.

'Est-ce que tu as vraiment cru que ça allait marcher, Ron ?' a-t-elle finalement répondu d'une voix étranglée. 'C'est trop tard. Si j'étais si importante que ça pour toi, tu ne m'aurais pas fait tant de mal quand nous étions ensemble. Ou comme tu m'en fais en ce moment.'

Le visage de Weasley se décomposa. 'C'était une erreur,' murmura-t-il d'une voix brisée. 'J'ai pensé, ces derniers temps, comme nous étions de nouveau amis—'

Elle se mit à lui crier dessus ; à le supplier de s'en aller, et pourtant, je ne me sentais pas soulagé pour autant. Pourquoi l'aurais-je été ? Et lorsqu'elle s'est tournée vers moi, en larmes, je me suis endurci pour lutter contre son expression implorante.

'Veux-tu aller avec lui ?' demandai-je sombrement.

'Non,' chuchota-t-elle.

'Ne te sens pas obligée de rester pour moi.'

'Ne commence pas,' m'avertit-elle, essuyant ses larmes avec le dos de sa main.

Ça lui allait bien de dire ça ; elle ne se trouvait pas dans ma position. Elle n'avait pas vu la nostalgie dans son regard. Elle n'avait pas vu l'indécision qui avait assombri son visage. Elle ne pouvait entendre la tristesse dans sa voix. Elle ne pouvait voir le doute que je voyais. Weasley, cela me semblait clair, n'avait pas menti.

'Vraiment,' murmurai-je. 'Va-t-'en, si c'est ce que tu veux.'

Elle se mordit la lèvre, m'étudia un moment. 'Est-ce que ça te ferait quelque chose que je m'en aille ?'

'Quelle genre de question est-ce là ?'

'Eh bien... parfois je me demande. Parfois, je n'ai aucune idée de ce que tu penses.'

Quand la conversation avait-elle changé de cap ? Comment se faisait-il que ce soit moi qui était sur la défensive ?

'Est-ce la base de tes soi-disant doutes ?' demandai-je dédaigneusement. 'Pourquoi ne me poses-tu simplement pas la question ?'

Elle fronça les sourcils. 'Oh, parce que tu me le dirais si je te le demanderais ? Tu ne te déroberais pas avec des sarcasmes à peine dissimulés ?'

'Et je suppose que tu es toi-même un livre ouvert ?'

Elle plissa les yeux. 'Essayer d'obtenir une réponse honnête de ta part, c'est comme de parler à un mur parfois.'

'Et c'est ton gros problème n'est-ce pas ? Ce n'est pas Weasley alors ? Ou est-ce que ce ne serait pas plutôt qu'en fin de compte ce qui se passe entre nous t'est bien égal ? Je suppose que c'est pour cela que tu es si prompte à oublier mes travers; pourquoi tu n'as jamais parlé de moi à tes parents...' Il me semblait qu'il valait mieux mettre cartes sur table à présent.

Elle rougit. 'Non, c'est parce qu'ils ne t'intéresseraient pas.'

Je me moquai. 'Pour l'amour du ciel, crois-tu que je serais là si ça ne m'intéressait pas !'

Cela sembla la dérouter suffisamment pour que tout son corps se fige et la réponse qu'elle s'apprêtait sans nulle doute à m'asséner mourut sur ses lèvres. Son visage se plissa et elle hocha la tête. Mais ce n'est pas avant qu'elle enfouisse sa tête entre ses mains que j'eus le pressentiment de ce qui allait suivre.

'Tu as raison,' murmura-t-elle, défaite. 'Ce n'est pas toi...'

Mes intestins se contractèrent tandis que flottait dans l'air entre nous le poids des mots non-prononcés. Les mots dont même moi je sais qu'ils sont un genre de cliché dans une situation pareille : 'C'est moi.'

Elle renifla et pressa ses doigts contre ses yeux. Sa détresse ne me laissait pas indifférent, mais qu'étais-je censé faire ? Je sus instinctivement que la situation ne me profiterait en rien. 'Je suis tellement désolée, Severus,' laissa-t-elle échapper. 'J'ai fait un tel gâchis de toute cette histoire. Je ne veux pas de Ron, mais je...'

'Mais tu ne veux pas de moi non plus.' J'ignore comment j'ai réussi à articuler ces quelques mots sans me dissoudre dans l'humiliation et le désespoir.

'Non, je tiens vraiment à toi, énormément.' Cette affirmation amena un léger sourire sur son visage, qui disparut aussitôt. 'Mais je ne peux pas... Je ne sais pas ce que je veux. Je n'ai rien dit à mes parents à cause de ce que ça voudrait dire.'

Je n'avais aucune idée de ce dont elle parlait.

'Je n'aurais jamais imaginé me retrouver dans cette situation de nouveau, si rapidement après Ron, et peut-être que c'était trop tôt pour que je m'investisse dans une relation avec quelqu'un...' Elle baissait les yeux, et je dus ouvrir grand les oreilles pour entendre ce qu'elle disait car sa voix n'était plus qu'un murmure. 'J'ai eu des doutes, c'est vrai ; mais à mon sujet. J'aurais dû te le dire, mais j'espérais que j'arriverais à les surmonter. C'était idiot, je sais... Je n'arrête pas de penser à Ron et à ce qu'il a fait —'

'Mais c'était toi ; toi qui es venue me chercher,' lui fis-je remarquer, incrédule.

Elle ferma les yeux. 'Je sais...'

'Qu'est-ce que — tu veux être celle qui décide d'arrêter ? Avant que je le fasse ? Tu ne me fais donc pas confiance.'

'Non, c'est à moi que je ne fais pas confiance.' Elle s'approcha et me toucha le bras, et je retins un instinctif mouvement de recul. 'Je suis désolée,' répéta-t-elle. 'Je ne sais pas ce que je ressens.'

'Depuis combien de temps attends-tu l'occasion de tout arrêter ?' demandai-je avec amertume. Six mois ; combien de temps encore allait-elle faire traîner ? Comment avait-elle pu s'asseoir là et me sourire, tout en sachant depuis le début que son coeur n'y était pas ?

Elle secoua la tête avec véhémence. 'J'ai cru que je pourrais oublier... J'ai cru qu'ils partiraient, avec le temps —'

Je libérai mon bras de son emprise et elle fronça les sourcils. 'Je suis désolée ; je ne sais pas à quoi j'ai pensé.' Une expression de profond mécontentement se forma sur son visage tandis qu'elle continuait. 'Ce n'était pas censé se passer de cette façon... et maintenant je t'ai blessé...'

Elle se détourna avec un sanglot partiellement étouffé. 'Je pense que j'ai besoin d'un peu de temps pour... réfléchir,' hoqueta-t-elle. Lorsqu'elle Transplana, je m'attendais à moitié à ce qu'elle se retrouve désartibulée. Mais je me retrouvai absolument seul, incapable de croire à ce qui venait de se passer. Et que pouvais-je faire ? Je n'allais pas rester là toute la nuit, aussi suis-je rentré. Je suis retourné jusqu'à ma masure dans le Yorkshire, mais je n'ai pas pu pénétrer à l'intérieur. Je me suis approché jusqu'au bord du jardin pour regarder les vagues qui s'écrasaient en bas et apprécier le vent mordant qui soufflait sur les falaises.

Je me demande à présent si tout cela n'aurait pas pu mieux se passer. Mais j'ignore ce que j'aurais dû faire ou dire différemment. Je parie qu'il s'agit là d'une punition divine pour mon attitude envers Weasley. J'aurais dû me douter que je ne pourrais pas lui jeter un sort en toute impunité. Deux fois.

L'ironie de tout cela c'est que ce ne sont pas mes insécurités — ni mes inquiétudes au sujet de notre différence d'âge, ni ma jalousie, pas même mon manque d'expérience complet concernant les relations de couple — qui nous ont conduits là où nous sommes, mais les siennes. Insécurités que j'ignorais qu'elle pouvait avoir. Peut-être me suis-je montré si égocentrique que je n'ai même pas envisagé qu'elle puisse avoir ses propres peurs ; que j'ai sous-estimé l'importance de sa relation avec Weasley semble indiscutable.

Minerva avait raison. Moi aussi j'avais raison, d'ailleurs. Je me souviens, il y a des mois de cela, l'avoir taquinée au sujet de sa misandrie ; eh bien, je n'étais pas tombé si loin que cela. Weasley, l'enfoiré, devrait répondre de cela.

J'y ai beaucoup réfléchi ces deux derniers jours et, aussi pénible que cela me soit, je crois être capable de comprendre. Je l'ai rencontrée au mauvais moment. Elle cherchait à reprendre le contrôle ; à retrouver sa confiance en elle et son estime de soi, et je cherchais quelqu'un qui pourrait m'apprendre ces mêmes choses... Elle a dû se rendre compte qu'elle avait l'avantage sur moi depuis le début... Peut-être cela a-t-il même été la base de son attirance.

Même Rolanda avait raison. Elle se remettait à peine. Maintenant le temps à passé, la douleur provoquée par la trahison de Weasley s'est progressivement effacée, et je suppose qu'elle a réalisé qu'elle n'a plus besoin de moi pour se sentir mieux. Et moi, dans mon inconscience, je n'ai rien vu venir.

Peu importe. Je suis trop fatigué pour continuer à y penser.

Debout dans le jardin cette nuit-là, j'ai plongé la main dans ma poche et en ai sorti la fiole de Felix Felicis, considérant les chances que les choses auraient eues de tourner différemment si je l'avais bue. Peut-être...

Hébété, je laissai tomber la fiole de mes mains et par-dessus le rebord de la falaise.

De toute façon, connaissant ma chance, je suis probablement immunisé.

Et voilà. Je me retrouve dans une situation radicalement différente que celle que j'aurais imaginée il y a quelques jours seulement. Bizarrement, c'est également un soulagement. Au moins sais-je à quoi m'en tenir à présent. Je me suis déjà trouvé dans cette situation. Je sais à quoi m'attendre. Soyons honnête, aussi agréables qu'aient été les six derniers mois, je ne peux pas nier avoir été aussi peu à ma place qu'un poisson hors de l'eau. Maintenant... je suis de retour là où j'ai toujours été. Dignité intacte.

Parce qu'au moins je n'ai pas été jusqu'à lui dire que je —

Non je vais l'écrire. Trop souvent dans ma vie j'ai été incapable de faire face aux choses telles qu'elles sont, et j'ai dû en payer le prix.

Je ne lui ai pas dit que je l'aime.

Voilà.


J'avais prévu de poster ce chapitre il y a un moment mais entre mes problèmes d'ordi et le reste, je n'ai pas pu poster avant maintenant.

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