Vraiment désolée pour cette longue attente mais voilà enfin la suite de cette histoire. Bonne lecture !


Je regardais Lilith dans les yeux.

- Que m'as-tu fait ?

- Je t'ai rendu immortel.

Je continuai à la dévisager, comprenant au plus profond de mon être que mon âme était maudite à jamais.

- Qui es-tu ?

Une lueur amusée passa dans ses yeux.

- Qui crois-tu que je sois ?

- Je ne sais pas.

- Mais si, tu le sais !

Je secouai la tête.

- Ce n'est pas possible…

- On nous connaît sous des noms divers. Vrykalakes, blutsauger, upiry, vampyr, vampire…

Lilith sourit.

- Un vampire, Harrison, viola ce que je suis. Et toi aussi.

- Non…

Désespéré, je la fixai un moment. Elle était l'incarnation même de tous mes cauchemars, de toutes les craintes qui m'avaient tourmenté au cours de ma vie jusqu'à ce jour. Un vampire. Un mort-vivant.

- Sors, dit-elle brusquement. Vide-toi de tous tes fluides, et reviens ensuite me voir.

Je fis ce qu'elle me demandait . Insensible à tous ce qui m'entourait, j'obéis. Je savais que c'était l'hiver, qu'il faisait froid, mais je ne ressentais absolument rien.

A mon retour, je la trouvai assise au bord du lit.

- Quand tu te réveilleras demain, la transformation sera terminée, dit-elle en allant devant la fenêtre. Le jour va bientôt se lever.

Je suivis son regard. La fenêtre était drapée d'une tenture épaisse en damassé vert qui aurait arrêté la lumière du soleil le plus éclatant. Comment savait-elle que le jour approchait ? me demandai-je.

- Tu peux passer la journée ici, avec moi, dit-elle. Demain, il faudra que tu trouves un endroit où te reposer.

Comme je ne disais rien, et que je continuais à la regarder fixement, elle eût une moue dégoutée.

- Viens, dit-elle en me prenant par la main.

Elle m'entraîna vers une porte étroite, puis dans un escalier qui débouchait sur une petite salle sans fenêtres, entièrement vide, à l'exception d'un cercueil en bois gravé, posé sur une estrade surélevée.

Lâchant ma main, elle monta les marches jusqu'au cercueil et souleva le couvercle, révélant l'intérieur doublé de satin vert sombre.

Puis elle me tendit sa main.

- Viens vite, Harrison. L'aube approche.

Je la regardai, tétanisé.

- Non !

- Qu'y a-t-il ? lança-t-elle d'un air dédaigneux. Ce n'est quand même pas cette boîte qui te fait peur ?

Je secouai la tête en silence, honteux de lui avouer que ce n'était pas le cercueil qui m'effrayait. Ce qui me terrorisait, c'était l'idée de me retrouver dans l'obscurité la plus complète.

- Fais comme tu voudras, fit-elle alors d'une voix pleine de mépris.

Me tournant le dos, elle s'étendit dans le cercueil d'un mouvement gracieux, tel un roseau pliant sous le vent.

Je restai là un long moment, puis sans savoir comment ou pourquoi, je sus que le soleil venait de se lever. Je me sentis devenir lourd, léthargique. Cette sensation inhabituelle m'affola, aussi me précipitai-je dans le cercueil. Lilith s'était étendue sur le côté afin de me laisser de la place. Elle sourit d'un air satisfait avant de rabattre le couvercle, et nous nous retrouvâmes prisonniers des ténèbres.

Un cri rauque et primitif s'échappa de ma gorge, puis je fus comme aspiré au fond d'un immense gouffre obscur et perdis soudain conscience.

Lorsque je me réveillai, le soir suivant, elle n'était plus là. Je restai encore allongé quelques instants, le corps douloureux. Tout à coup, réalisant où j'étais, je jaillis hors du cercueil et me ruai vers sa chambre.

Lilith était assise sur un banc tapissé de velours, en train de se brosser les cheveux. Pour la première fois, je me rendis compte qu'il n'y avait pas un seul miroir dans la maison.

- Enfin réveillé ? fit-elle. Je pensais que tu serais un lève-tôt comme moi.

- Lilith, aide-moi.

- Qu'est-ce qui ne va pas ?

- J'ai mal.

Je pressai les mains sur mon ventre, persuadé que j'allais mourir, avant de me rappeler que j'étais à présent immortel.

- Ce n'est rien, commenta-t-elle. Cela passera dès que tu te seras nourri.

Mon regard se posa sur le lit en repensant au jeune garçon qu'elle avait tué la nuit précédente. C'était ainsi qu'elle subsistait. Cette pensée me remplit de dégoût, puis d'horreur, quand je sentis mes dents pousser en reconnaissant le goût du sang sur ma langue.

- Non, dis-je en m'éloignant d'elle. Je ne peux pas. Je n'y arriverai pas.

- Tu peux, répliqua-t-elle froidement. Et tu y arriveras.

- Non, jamais.

- Tu peux venir ce soir avec moi, pour que je t'apprenne à chasser, ou tu peux quitter ma maison et te débrouiller tout seul.

- Et si je ne souhaite pas survivre ?

- Alors, tu n'as qu'à attendre le lever du soleil. Le novice que tu es s'enflammera au contact du premier rayon de soleil.

Les images horribles que ses paroles firent surgir dans ma tête me firent frémir.

- Tu as beaucoup à apprendre, Harrison,. Je peux te les enseigner, mais je eux aussi te détruire. A toi de choisir.

Je n'avais jamais pensé être un lâche avant de me retrouver devant la possibilité bien réelle de mourir de nouveau…

Cette nuit là, elle m'apprit à tuer. J'avais déjà été confronté à la mort. De la peste. De la vieillesse. De blessures inguérissables. En revanche, je n'avais jamais vu personne ôté délibérément la vie à quelqu'un.

Lilith chassait avec la discrétion d'un chat. Elle m'emmena en ville, et nous marchâmes dans les rues jusqu'à ce qu'elle ait repéré sa proie : un jeune homme blond aux joues rougeaudes. Glacé jusqu'aux os, je la regardai le suivre et attendre patiemment qu'il soit seul. Soudain, elle l'attrappa en enfonçant ses crocs dans sa gorge, le visage figé dans une expression d'extase tandis qu'elle buvait son sang et sa vie

Lorsqu'elle le relâcha, il n'était pas tout à fait mort.

- Viens , dit-elle, à ton tour de boire.

- Non.

Je ne pouvais pas. Ne voulais pas.

- Vite, mon ange, dit-elle. Il va bientôt mourir, et il ne faut jamais boire le sang d'un mort.

Je secouai la tête, le besoin que j'éprouvai au fond de moi luttant contre l'horreur de ce qu'elle voulait me faire faire. De ce que je voulais faire. L'odeur du sang m'assaillait de toutes parts. J'aurais dû être écœuré, repoussé, dégoûté, et j'étais d'ailleurs tout cela à la fois. Et pourtant, dépassant toutes les autres, j'éprouvai une sensation de faim épouvantable qui refusait de se calmer. Elle me tenaillait le ventre, me poussant à boire , jusqu'à ce que, dans un sanglot de désespoir, je me jette sur le jeune homme en l'attirant vers moi. Je ressentis une douleur fulgurante au moment où mes dents se transformèrent en crocs, puis, rempli de haine pour moi-même, je me mis à boire. Et à boire encore. Jusqu'à ce que Lilith m'oblige à m'écarter.

Je me tournai vers elle, fulminant de rage.

- Ca suffit mon ange, m'ordonna-t-elle sèchement.

Nous repartîmes chasser la nuit suivante, et encore la suivante.

Parfois, elle bondissait sur sa proie, d'autres fois, elle flirtait avec les jeunes gens qu'elle avait choisis, les aguichait, les excitait, jusqu'à ce qu'elle se lasse de ce petit jeu et leur donne le coup de grâce. Son propre pouvoir semblait l'exciter. Il lui arrivait de les laisser se débattre, riant de leurs efforts désespérés à avoir le dessus sur elle alors qu'elle était forte comme dix hommes réunis.

J'étais assoiffé de sang, la chasse m'excitait, mais la mise à mort me faisait horreur. Et je me mis à la haïr lorsque, des années plus tard, elle m'expliqua que tuer n'était pas indispensable.

- Tu peux épargner leur vie, si tu veux, remarqua-t-elle un soir. Tu peux même te nourrir de sang de bêtes s'il le faut.

- Je ne suis pas obligé de tuer ?

Je la dévisageai en pensant à toutes les vies que j'avais prises

- pourquoi ne me l'as-tu pas dit plus tôt ?

- Je n'y ai pas pensé, répondit-elle avec un haussement d'épaules, comme si prendre une vie humaine n'avait pas plus d'importance que d'écraser un insecte.

Un profond malaise m'envahit au plus profond de l'âme. Je n'avais pas compté le nombre de gans que j'avais tués. J'avais essayé en vain d'apaiser ma conscience en me disant que c'était nécessaire, que c'était le seul moyen pour moi d'assouvir ma faim, cette faim atroce et insupportable que je ne pouvais toutefois nier ou ignorer. J'avais souhaité de nombreuses fois avoir le courage de mettre un terme à ma vie, à ces massacres, à cet appétit insatiable et à ma culpabilité. Et voilà que, aussi calmement que si elle m'avait annoncé qu'elle allait s'acheter un nouveau chapeau, Lilith m'informait que j'aurais pu épargner toutes ces vies.

Si j'en avais été capable, je crois que je l'aurais tuée.

Au lieu de quoi, je me résolu à la quitter. Je n'étais plus un novice ayant besoin d'un enseignement ou de sa protection…


- Eh bien, je vois que tu prends vraiment mes mots au pied de la lettre...

Draco sursauta, brusquement interrompu dans sa lecture et pivota sur son fauteuil pour faire face à Harry qui le regardait depuis le pas de la porte d'un air indéchiffrable…


A suivre...