Quand Drago arriva dans le dortoir cette nuit-là, il fut accueilli par un silence sinistre. Goyle enfilait son pyjama et Ernie était assis sur son lit, le regard perdu dans le vide.

Drago fronça les sourcils et articula silencieusement en direction de Goyle :

« Rompu avec Millie ? »

Goyle secoua la tête.

« Grincheux, » répondit-il de même manière.

Mais ensuite il ajouta à voix haute :

« POOF ! »

Ernie se raidit tellement que son lit grinça.

« Oh, dit Drago en se mordant l'intérieur de la joue.

— Je parie que ça te fait plaisir, dit Ernie sombrement.

— Non, non, pas du tout. »

Drago était fier de lui. Il n'avait pas ri du tout. Ernie lui adressa néanmoins une moue peu convaincue.
Drago sourit et alla s'asseoir sur son lit. Les bougies illuminaient le visage d'Ernie Drago pouvait distinguer les sillons des larmes sur ses joues.

Pour l'amour de Dieu.

« Qu'est-ce qui s'est passé au juste ? »

Ernie resta silencieux si longtemps que Drago pensa qu'il n'allait pas répondre.

« Il semblait bien la dernière fois que je l'ai vu, ajouta Drago. Il avait l'air tout tranquille. »

Dormait comme un bébé pendant que je suçais Harry Potter, pensa Drago. Ses joues s'embrasèrent immédiatement, mais il était peu probable qu'Ernie le remarque.

« Tout allait bien quand je suis revenu après le repas, commença Ernie avec hésitation. Il me semblait un peu pâle, mais… Je voulais aller lui prendre du grain et je me suis tourné, juste pour une seconde, et… et… »

Il laissa échapper un soupir tremblant.

« Il n'en restait plus rien. Pas même une plume. Il avait simplement disparu. »

Drago hésita.

« Tu savais qu'il avait été conjuré, hein ? »

Il envisagea de lui dire que c'était lui qui l'avait conjuré, à coup sûr, Ernie l'aimerait beaucoup moins du coup. Mais peut-être que c'était la dernière chose qu'Ernie avait envie d'entendre.

« C'est ce qu'a dit Millie. »

Il haussa les épaules.

« Mais je pensais… Je pensais qu'il était juste particulier.

— Ça, il l'était certainement, » acquiesça Drago solennellement.

Ernie renifla.

« Tu veux que j'aille chercher Millie ?

— Non ! »

Ernie le regarda avec horreur.

« Il ne faut pas qu'elle me voie comme ça. Je lui ai dit que ça allait. »

Il jeta un regard furibond à Drago.

« Et ça va. Ou ça ira. Bientôt. Quand j'aurai eu un peu de temps pour faire mon deuil.

— D'accord. »

Drago jeta un œil à Goyle, qui haussa les épaules.

« Grincheux ne sera pas oublié. Je ne crois pas qu'aucun d'entre nous sera jamais capable de voir du grain sans se rappeler comment il aimait le picorer. Il est peut-être parti, mais il restera pour toujours dans nos cœurs.

— Va te faire, dit Ernie. »

Goyle ricana.
Drago eut un reniflement hautain et partit prendre une douche. Ernie pleurant la perte d'un oiseau conjuré qu'il n'avait eu que pour trois jours commençait à lui porter sur les nerfs.

Quand il revint, frais et dispos, il trouva Ernie exactement dans la même position, le regard dans le vide. Goyle dormait déjà.

Drago fouilla dans sa malle à la recherche d'un pyjama propre. Il était à court de vêtements secs même les elfes de maison n'arrivaient pas à suivre le rythme auquel il les trempait. Il espérait que les choses s'amélioreraient bientôt.

Il trouva un vieux pyjama au fond de sa malle. Quand il l'en sortit, quelque chose tomba sur le sol dans un bruit métallique. C'était un vieux badge que Drago avait ensorcelé des années auparavant. Il se rappelait en avoir été terriblement fier. Il le ramassa en souriant. « Vive Cedric Diggory, le VRAI champion de Poudlard, » était-il écrit. Drago le caressa du pouce et il changea son texte pour dire « POTTER PUE. »

Il sent plutôt bon, en fait, pensa Drago. Et il a bon goût, aussi. Drago se mordit la lèvre au souvenir du sexe de Potter dans sa bouche. Merlin. Penser à ça le faisait sourire comme un idiot.

« POTTER PUE, » insistait le badge.

Drago fronça les sourcils. Et puis il sortit sa baguette et jeta un certain nombre de sortilèges complexes. Il eut un sourire radieux devant son œuvre achevée. Sa magie ne lui avait pas fait défaut une seule fois le badge était parfait.
Toujours en souriant, Drago se leva et marcha jusqu'au lit d'Ernie.

« Tiens, » dit-il, et il se pencha pour accrocher le badge à la chemise d'Ernie.

Celui-ci se trouva trop surpris pour résister. Il baissa les yeux vers le badge, les sourcils froncés.

« Impressionnant. »

C'était également l'avis de Drago. Le badge renvoyait une image parfaite de Grincheux le paon.

« Grincheux n'est pas mort en vain, proclama Drago avec emphase. Ce qu'il nous a légué ne disparaîtra pas. En ce jour et devant témoin, je le déclare mascotte de notre maison. A partir d'aujourd'hui, nous serons connus comme la Maison Grincheux. Notre couleur est le blanc, nos quartiers se situent dans la Tour Est Grincheux et sont gardés par un centaure grincheux. Tous ceux qui sont grincheux peuvent rejoindre nos rangs. Nous étions des Serpentard, des Gryffondor, des Serdaigle et même des Poufsouffle, mais maintenant ? Maintenant nous somme juste des Grincheux. »

Le badge changea et déclara : « Maison de Grincheux. Que la grincheuserie nous unisse. »

La bouche d'Ernie tressaillit. Il renifla et bientôt, il riait franchement.

« Tu es complètement ridicule, Malefoy, dit-il. »

Secouant la tête, il s'allongea et disparut sous les couvertures. Drago nota qu'il ne retira pas le badge.

« Je peux avoir un badge ? demanda Goyle d'une voix endormie.

— Je t'en ensorcellerai un demain, promit Drago. »

Et puis, souriant pour lui-même, il alla au lit.

Il resta allongé dans le noir un long moment, attendant qu'Ernie se mette à ronfler. Quand ça arriva enfin, Drago murmura une incantation et les rideaux des baldaquins d'Ernie et Goyle se fermèrent.

Drago ferma les yeux et pensa à Potter.

« Expecto Patronum, dit-il aussi doucement que possible. »

Un grand cerf argenté se matérialisa, coupant le souffle à Drago. Il s'était dit que ça ne marcherait pas cette fois. Il s'était presque convaincu que ça avait été un coup de veine, une drôle de réaction magique qui n'avait aucune probabilité de se reproduire. Mais le cerf était là, aussi réel que lui-même la chaleur qui en émanait le réchauffa jusqu'au bout de ses orteils.

Quelques instants plus tard, le cerf s'allongea sur le sol près du lit de Drago, émettant une forte lueur. Drago bascula sur le côté pour pouvoir le regarder. Il se sentait tout content, comme s'il avait fait une bêtise sans se faire punir, comme s'il avait piqué le Patronus de Potter juste sous son nez. Il n'avait pas la moindre idée de comment il s'y était pris ou de ce que cela signifiait exactement, mais avoir le cerf à côté de lui, c'était presque comme avoir Potter. Et Drago pouvait le faire apparaître dès qu'il en avait envie.

Il tendit la main pour toucher l'un des bois majestueux, mais ses doigts passèrent à travers et le bois se changea en fumée. Un tas de souvenirs réconfortants affluèrent à son esprit : la chaleur des baisers de Potter, sa prise ferme sur sa hanche, ses doigts qui passaient tendrement dans ses cheveux, la solidité qu'il dégageait quand Drago s'agrippait à sa taille tandis que les flammes rugissaient autour d'eux. Il enleva sa main et le bois reprit sa forme initiale.

Le cerf le contemplait de ses yeux sombres. Drago aurait voulu qu'ils soient verts.

Il avait envie de le toucher encore, mais résista à la tentation. Ces souvenirs étaient anciens il avait hâte d'en forger de nouveaux. Et cela semblait imminent. Il avait repensé à ce qui s'était passé dans la salle commune une fois que le sang avait recommencé à alimenter son cerveau et que ses idées s'étaient éclaircies. Potter avait été troublé quand il lui avait dit qu'il avait fait ça pour payer sa dette. Il pouvait toujours clairement entendre la déception dans sa voix. Ce qui voulait dire que Potter voulait quelque chose d'autre, pas un jeu de faveurs et de dettes.

Le père de Drago lui avait dit un jour que c'était ce que la vie était que c'était comme ça qu'on devait se positionner par rapport aux autres : payer et être payé, recevoir et rembourser. Mais peut-être que ce n'était qu'un vieux chapeau de sorcier pointu. Peut-être que Drago était prêt à l'enlever. Ou au moins à essayer. Il se disait que ça pourrait lui plaire.

C'était une journée pluvieuse. Le soleil s'était caché derrière les nuages tôt ce matin-là et avait refusé d'en sortir depuis. Il semblait qu'il aurait plus vite fait de disparaître à l'ouest que de percer la grisaille pour montrer son visage.

Les pelouses de Poudlard étaient désertes quand Drago prit le chemin de l'abri à balais. Il avait enchanté sa cape, mis une paire de gants, et avait hâte de jouer contre la pluie, pour ne pas la laisser le mouiller. Son nuage personnel flottait au-dessus de sa tête, petit et insignifiant comparé à ses frères dans le ciel. Il n'avait pas plu une seule fois. Drago était de si bonne humeur qu'il aurait été surpris de sentir des gouttes.

Dès qu'il était arrivé dans la Grande Salle pour le petit-déjeuner, ses camarades de classe étaient venus le voir pour lui demander de leur faire un badge de la Maison Grincheux. Drago ne savait pas si c'était juste pour redonner le moral à Ernie, même s'ils avaient un assez sale caractère pour se réclamer d'une telle maison, ou s'ils n'avaient juste rien de mieux à faire et que ça les amusait. Au final, il se dit qu'ils étaient simplement sous le charme de ses badges enchantés. Ça avait bien été le cas en quatrième année.

Ils s'étaient tous bien marrés quand Daphné et Finnigan avaient ensorcelé le centaure de la Tour et qu'il avait refusé de laisser passer Granger jusqu'à ce qu'elle réponde à sa question (« Comment vas-tu aujourd'hui ? ») par « je suis grincheuse. » Et il fallait admettre qu'elle avait l'air plutôt grincheuse après avoir passé dix bonnes minutes à se disputer avec le centaure.

Les trois Gryffondor avaient manqué la plupart de ce qui concernait la Maison Grincheux. Ils avaient été étrangement absents durant les heures de libre et les repas. Drago ne les avait vus qu'en classe. Potter lui avait jeté des regards en coin, mais Granger et Weasley l'avaient ignoré. Quoi qu'il en soit, Drago se demandait s'ils étaient occupés à parler de lui, ou tout au moins de la scène que Weasley avait surpris la veille. Ça aurait dû préoccuper Drago, mais ni Granger ni Weasley ne lui avaient lancé de maléfice ou de regards meurtriers, alors il espérait que ça voulait dire qu'ils n'étaient pas en train de planifier son trépas pour avoir osé poser les mains (et la bouche) sur Harry Potter.

Potter avait l'air de mauvaise humeur, cela dit. Il fallait que Drago lui parle, mais il ne savait pas comment Granger et Weasley réagiraient s'il se pointait simplement devant eux et demandait à parler à Potter en privé. Il finit par lui envoyer un hibou lui demandant de le rejoindre sur le terrain de Quidditch avant le repas.

L'Eclair de Feu de Potter se trouvait toujours dans l'abri quand Drago récupéra le sien. Cela le rendit morose et il regarda son nuage avec anxiété, pensant qu'il allait réagir à son désarroi, mais il resta tranquille.

Il n'aurait pas dû s'inquiéter du tout : quand il s'éleva dans les airs et prit la direction du terrain il repéra une silhouette solitaire assise tout en haut des gradins. Impossible de ne pas reconnaître Potter à ses cheveux sombres.

Drago fit une boucle autour du terrain avant de se courber sur son balai, s'agrippant fermement au manche. Il dirigea son balai vers Potter et vola vers lui en piqué. Il le vit sourire de loin. Il ne bougea pas, ne tressaillit même pas tandis que Drago fonçait vers lui.

Il tourna brusquement sur la gauche au dernier instant pour éviter la collision. Il fit revenir son balai en arrière et atterrit à côté de Potter.

« Tu aurais au moins pu faire semblant d'avoir peur, dit Drago en déposant son balai de côté pour s'asseoir sur le banc.

— Je pensais que tu voulais me prendre au vol et m'emmener faire un tour. »

Drago renifla. Il jeta un regard de côté à Potter, essayant de jauger son humeur, sans succès.

« Où est ton balai ? demanda-t-il. Tu es venu jusqu'ici à pied ? »

Potter secoua la tête.

« J'ai transplané. »

Drago le fixa avec incrédulité.

« Tu ne peux pas, hoqueta-t-il. C'est impossible. Comment est-ce que tu… »

Potter éclata de rire. Drago poussa un grognement.

« Idiot.

— J'arrive pas à croire que tu pensais que j'étais sérieux.

— Moi non plus, marmonna Drago.

— Je pensais que tu étais la personne la moins susceptible de croire que je pouvais faire des trucs impossibles. »

C'était avant que tu m'embrasses, pensa Drago. Il détourna aussitôt le regard, craignant que Potter ne puisse lire cette pensée sur son visage.

« Tu es là depuis longtemps ? demanda-t-il, essayant de détourner la conversation.

— Un moment. »

Drago leva un sourcil suggestif et sourit.

« Tu étais pressé de me voir, hein ?

— Je voulais avoir un moment pour réfléchir, répondit Potter. »

Drago trouva qu'il avait l'air un peu sur la défensive.

« Ah, s'exclama-t-il. Alors tu ne réfléchis que durant des moments spécifiques, prévus à l'avance ? Voilà qui explique plein de choses. »

Drago s'attendait à ce que Potter lui réponde par une autre pique, mais l'expression de l'autre garçon était sombre quand il répondit :

« Je suppose, oui. »

Drago se trouva inquiet pour la première fois depuis qu'il avait fait apparaître le Patronus la veille. Est-ce que Potter regrettait de l'avoir embrassé ? Est-ce que c'était cette action impulsive qui le rendait malheureux ?

« Est-ce que Weasley a fait la gueule, hier ? demanda Drago. »

Peut-être que Granger et Weasley avaient convaincu Potter qu'il avait fait une terrible erreur et qu'il devrait se tenir à l'écart de Drago à l'avenir.

« Non. Enfin, si. »

Potter sourit un peu.

« Mais Ron... il ne fait jamais la gueule très longtemps. »

Il passa sa main dans ses cheveux Drago avait envie de le faire pour lui.

« C'est juste… »

Potter soupira.

« Cette année était censée être comme des vacances. C'était ce que je voulais. C'était supposé être une année tranquille, sans complications. Et il faut que j'arrive et que je complique tout. »

Drago l'observa un moment.

« Mais tu t'ennuierais à mort si c'était tranquille. Il te faut de l'action. »

Potter haussa les épaules. Il n'avait pas l'air convaincu.

« Peut-être. »

Il y eut un long silence et puis Drago dit :

« Je voulais te dire… »

Juste au moment où Potter disait :

« J'ai parlé à… »

Ils se turent tous les deux.

« Vas-y, dit Drago en souriant.

— Non, c'est toi qui m'as demandé de venir. Tu devrais commencer.

— Ça peut attendre. »

Mais, en fait, pas vraiment. Drago avait par-dessus tout envie d'embrasser Potter et chaque seconde qui passait et retardait ce moment était une torture.

« A qui tu as parlé ?

— Mme Pomfresh. Je lui ai parlé de ton Patronus. »

Drago se raidit. L'espace d'un instant, il pensa absurdement que Potter s'était rendu compte qu'il lui avait volé son Patronus et allait lui demander de le lui rendre.

« Que ça t'aidait à dormir, continua Potter, et Drago s'autorisa à respirer à nouveau. Hermione disait l'autre jour que c'était comme si tu avais conjuré ton propre Détraqueur miniature. Et on se disait que le chocolat et les Patronus pourraient peut-être t'aider. Pomfresh est en partie d'accord. Elle pense que ça pourrait te soulager un moment, mais elle est d'avis que la guérison t'appartient. Elle a dit que si tu faisais apparaître un Patronus toi-même, ça t'aiderait plus que tout le reste.

— Oh. Je vois.

— Alors je pensais… »

Potter hésita.

« Je pourrais peut-être t'aider. J'avais aidé des élèves de ma classe en cinquième année à réussir ce sort. Il est difficile, et vu les conditions, encore plus pour toi, je suppose, alors ça ne serait pas une réussite immédiate, mais si on essayait… je suis sûr que ça finirait par venir. Et en attendant, peut-être que mon Patronus pourrait te dépanner. »

Potter enfouit sa main dans la poche de sa robe et en sortit sa baguette.

« Peut-être qu'alors, pour que la pluie s'arrête tu n'auras pas besoin que je… »

Potter évita son regard.

« Peut-être… »

Il agita sa baguette et un énorme cerf argenté en sortit. Drago le fixa, une boule dans l'estomac. Il lui était si familier, c'était presque bizarre de voir Potter le faire apparaître, aussi bizarre que ça avait été lorsque Drago l'avait fait la veille.

« Ça marche, se réjouit Potter en regardant au-dessus de sa tête. »

Drago suivit son regard. Le nuage était petit et blanc.

« Si tu apprenais à le faire…

— C'est déjà fait, annonça Drago, à regret. »

Potter allait lui demander de le lui montrer et Drago n'avait pas la moindre idée de comment il réagirait en voyant le cerf.

« Je l'ai fait hier après que toi et Weasley soyez partis.

— Oh ! s'étonna Potter. C'est génial. »

Il regarda Drago et demanda avec animation :

« Je peux le voir ? C'est un paon ? ajouta-t-il comme Drago ne disait rien. Ne laisse pas Ernie le voir, si c'est ça.

— C'est pas un paon.

— Un autre oiseau ? Tu as dit que ça avait des plumes.

— C'était le cas. Mais… »

Merlin.

« Le plus simple c'est que je te montre. »

Potter l'encouragea d'un hochement de tête et attendit. Patiemment au début et puis de moins en moins : Drago sortit lentement sa baguette, la serra dans sa main, et la fit tourner entre ses doigts.

« Je suis sûr que ça marchera à nouveau, insista Potter. Une fois que tu l'as fait une fois, ça devient plus facile.

— Ok, répondit Drago. »

Il n'était pas absolument certain qu'il avait envie que ça marche cette fois-ci. Néanmoins, il leva sa baguette, posa les yeux sur le Patronus de Potter et cria :

« Expecto Patronum !

Un autre cerf bondit en avant, reflet exact de celui qui se trouvait devant eux. Ils étaient si identiques que même leurs grands bois semblaient être les mêmes. Ils se firent face et se regardèrent, comme si eux-mêmes étaient choqués, et se demandaient s'ils regardaient dans un miroir.

« Hum, » dit Potter.

Drago reporta aussitôt son regard sur lui. Potter était clairement en état de choc. Il semblait incapable de parler, si on exceptait les occasionnels « hum ».

« C'était un paon, avant, expliqua Drago, sur la défensive. Mais hier, c'est juste devenu… ça. Je n'ai rien fait pour. Je ne savais même pas qu'ils pouvaient changer de forme. Je pensais qu'ils étaient ce qu'ils étaient. Définitifs, comme les formes d'Animagus. »

Potter semblait doucement se remettre.

« Ils peuvent changer, dit-il. Quand… heu… »

Il lança un regard furtif à Drago.

« Des fois, » finit-il, comme s'il venait de fournir une explication valable à Drago.

Celui-ci se dit qu'il n'avait probablement pas besoin d'une explication. Il savait ce qu'était un Patronus : une projection d'espoir, de bonheur… et d'une autre chose trop effrayante pour y penser.

Potter fixa le cerf un long moment avant d'en arracher son regard pour le reporter sur Drago.

« Je crois que ça va être un peu bizarre si tu le conjures en public. »

Drago haussa les épaules.

« Tout le monde a été témoin de mes malheurs ils peuvent aussi bien voir mon… cerf. »

Drago essaya de deviner ce à quoi Potter pensait, en vain.

« A moins que ça ne te dérange ?

— Oh, tu me connais. J'aime bien quand les choses sont compliquées.

— En théorie. Il y a une minute, tu te plaignais des complications et des actions irréfléchies. »

Potter planta ses yeux dans les siens.

« J'étais juste… Ça n'a plus d'importance. Oublie que je faisais la tête tout à l'heure. C'était un passage à vide, c'est tout. Je pensais que tu… que jamais tu ne… »

Potter regarda le cerf à nouveau. Il avait l'air émerveillé.

« Tu radotes. »

Drago souriait largement.

« Désolé, dit Potter en lui rendant son sourire, un peu décontenancé. Tu m'as ôté la parole, visiblement. »

Il s'éclaircit la gorge.

« Tu voulais me dire quelque chose, tout à l'heure. C'était quoi ? »

Drago haussa les épaules avec modestie.

« Je voulais juste te montrer mon cerf.

— C'est un très beau cerf.

— Merci. »

Drago rit. Son regard se posa sur les lèvres souriantes de Potter.

« J'ai une question, cela dit. Cette nuit-là dans la cour… pourquoi tu m'as embrassé ?

— Parce que j'en avais envie, » répondit aussitôt Potter.

Ses yeux verts pétillèrent d'amusement.

« Je t'ai raconté tout un tas de salades juste pour que tu me laisses faire.

— Et ils disent que les Serpentard sont tordus, remarqua Drago sans ressentiment. Tu avais l'air un peu inquiet après. Tu te sentais coupable d'avoir honteusement profité de moi ?

— Non, je ne m'attendais simplement pas à autant aimer t'embrasser. »

Drago se demanda s'il était possible de conjurer deux Patronus à la fois. En cet instant, il avait l'impression qu'il aurait pu en conjurer une centaine.

« C'était un peu bête de ta part, dit-il. Je suis moi. Qui n'aimerait pas m'embrasser ? »

Potter sourit mais n'essaya pas de contre-argumenter.

« Bon, dit-il avec un sourcil levé. Tu veux parler encore ?

— Non, j'ai fini, se hâta de répondre Drago. »

Il enfouit ses doigts dans les cheveux de Potter et l'embrassa. Potter l'attira plus près, ses bras entourant sa taille, tandis qu'une de ses mains remontait lentement dans son dos pour venir s'appuyer derrière la tête de Drago.

Autour d'eux, tout était soudain lumineux et Drago se recula. Il rit.
Potter fronça les sourcils mais se retrouva vite distrait par les lèvres de Drago. Il ne pouvait pas s'empêcher de mordiller la lèvre inférieure de Drago, de la tirer entre ses dents pour la lécher.

« Quoi ? demanda-t-il entre deux baisers.

— Rien. »

Drago aspira une grande goulée d'oxygène.

« Tu ne peux pas t'empêcher d'être spécial, hein ? Un nuage n'est pas assez pour toi, non, il faut que les aies tous. »

Potter recula, le regardant sans comprendre. Drago sourit et montra le ciel. Les nuages s'étaient écartés pour laisser passer le soleil. Potter suivit son regard et renifla.

« Tu essaies juste de me convaincre que tu peux contrôler la météo avec tes incroyables baisers.

— Incroyables, vraiment ? »

Drago l'embrassa à nouveau, s'assurant que le baiser était aussi incroyable qu'il puisse être. Il devait s'en être bien sorti à en juger par la réponse passionnée de Potter.

Sa main descendit plus bas pour agripper la cuisse de Potter. Il remonta un peu en serrant doucement. Quand le dos de sa main caressa son entrejambe, Potter se retira. Il enleva la main de Drago de sa cuisse et eut l'audace de lui faire « tss-tss. »

« Pas de ça maintenant, dit-il sérieusement, échappant sans difficulté à l'étreinte de Drago. Pas avant le repas. »

Drago le fixa, ayant du mal à croire que Potter venait juste de lui échapper. Il se redressa même un peu et fit un pas en arrière.

« Tu plaisantes, dit-il.

— J'ai peur que non. »

Potter secoua la tête, et puis ses yeux se firent ronds de surprise, tandis qu'il regardait derrière Drago.

« Par la barbe de Merlin ! Les cerfs sont en train de s'embrasser ! »

Drago se retourna, mais les cerfs avaient disparu.

« , je plaisantais, l'informa Potter, toujours serviable.

Potter.

— Oui ? »

Drago gémit.

« Tu peux pas simplement revenir ici et te tenir tranquille ?

— Je pourrais. »

Il lui jeta un regard amusé.

« Mais j'ai besoin d'action dans ma vie, tu te rappelles. Si tu veux avoir quelque chose de moi, il va falloir que tu m'attrapes.

— Oh, ça, je peux faire, promit Drago.

— Bonne chance. »

Potter sourit largement quand son Eclair-De-Feu se précipita vers lui dans un grand whoosh. Il l'attrapa d'une main, leva un sourcil plein de défi, monta, et s'en fut à toute vitesse vers la Forêt Interdite.

Drago le contempla un instant, souriant si largement que ses joues lui faisaient mal. Et puis il attrapa son balai et s'élança en avant, bien décidé à rattraper Potter.

Il partit si vite que son nuage resta en arrière. Et ne le rattrapa pas.

The End