Cauchemar
Auteur : Moi, Rubis-san (ou Rubis01 sur fanfic-fr ^^)
Genre : Drame, angoisse, horreur, famille, réflexions
Crédits : L'univers de One Piece, les personnages, tout appartient à Oda-sama. Bravo à lui pour ce manga fabuleux ! par contre, l'intrigue et la vision de l'esclavage qui est exposée ici est la mienne.
Le petit -ou pas- mot de l'auteur : Bonjour à vous lecteurs de ma modeste fic ! =D Je continue sur ma lancée de redorer le blason de celle-ci et après deux OS, c'est une mini-fic qui voit le jour. A la base, elle était censée être un long one-shot, mais j'ai décidé de la couper en plusieurs parties (deux ou trois je ne sais pas encore). Je suis donc heureuse de vous présenter cette mini-fic sur l'esclavage et sur Boa Hancock ! =)
Vous allez sans doute trouver que la vision de l'esclavage que j'expose ici est un poil trop "extrême", trop "sordide". Mais c'est ma vision de l'esclavage dans OP. Ce n'est pas que de la servitude, c'est aussi la torture, la faim, la misère. Les esclaves ne sont pas seulement des serviteurs mais aussi des jouets. Quand on voit Saint Carlos acheter Caimie juste pour la faire bouffer par ses piranhas et pas pour qu'elle le serve, ça m'a incitée à penser cela.
Bref, bonne lecture ! Et n'oubliez pas un commentaire, même minuscule, fait toujours plaisir à l'auteur ! ^^
Peu importe combien de fois j'essayais de les enterrer, ils revenaient toujours me hanter. Et même si je les oubliais, le miroir me rappelait inlassablement qui j'étais, à travers mon reflet… et cette marque. Décidément, je ne pourrais jamais les effacer, ces souvenirs…
L'endroit sentait la pénombre et la crasse humaine. L'obscurité recouvrait tout l'espace d'une chape de ténèbres étouffante et morbide, enserrant les prisonniers dans un carcan sombre et nauséeux. Les murs des cellules étroites suintaient d'humidité, permettant ainsi à une mousse verdâtre et parasite d'envahir les interstices des pierres grises. Le sol rocheux était froid, glaçant les corps qui survivaient sur ses dalles. Seul un silence macabre semblait habiter les lieux, les enveloppant dans une sorte d'immobilité pétrifiante.
Pourtant, en s'approchant des barreaux de fer, on pouvait surprendre çà et là quelques gémissements étouffés, quelque agonie silencieuse et bruissements de chaînes. Parfois même, de longs cris, douloureux et stridents, perçaient la trompeuse quiétude. Quiétude mensongère qui ne convainquait personne. Car comment aurait-on pu y croire, à cette fausse sérénité, avec cette fragrance de mal, cet effluve de souffrance, ce parfum de mort qui flottaient dans l'air ? Et cette odeur douceâtre et répugnante de sang et d'urine qui titillait les narines jusqu'à s'infiltrer au plus profond de l'être, comment aurait-on pu l'ignorer ? Et les yeux qui voyaient les résidus de rouge sur le sol, apercevaient la maigreur maladive et blanche des habitants des prisons, avisaient le trépas proche de plusieurs d'entre eux, pouvait-on les tromper ?
L'endroit sentait la pénombre et la crasse. Tout n'était que noir et saleté. Partout, partout, partout. Même un aveugle et sourd ne l'aurait pas nié et l'aurait ressenti jusque dans sa moelle, s'écœurant de cette émanation de déchéance.
Dans une cage de métal, un reste d'humain contemplait la décadence d'une goutte d'eau qui serpentait entre les briques du mur jusqu'à s'écraser par terre en un pitoyable ploc, rejoignant une petite mare d'hémoglobine séchée. Celle qui l'avait crachée n'avait pas survécu à la nuit, trop affaiblie par la faim et les tortures pour résister à l'ultime qu'on lui avait fait subir. Elle était morte, comme une chienne, et comme de nombreux autres esclaves. Les gardes avaient enlevé le cadavre aux premières lueurs de l'aube et l'avaient sûrement jeté dieu savait où désormais.
La spectatrice du dernier vestige qu'avait légué la décédée entoura ses jambes frêles de ses bras blafards. Elle avait froid. Elle laissa ses cheveux de jais sales et abîmés l'entourer d'une mince et ridicule couverture. Elle serra contre elle ses cuisses blanchâtres qu'une robe en lambeaux peinait à recouvrir. Le lien métallique qui emprisonnait ses pieds cliqueta.
Elle avait dû être belle cette jeune fille qui n'était déjà plus qu'une loque ! Son corps dont les os saillaient avait dû être svelte et gracieux auparavant. Sa longue chevelure brune était sans doute soyeuse et brillante, d'antan, loin du misérable lustre terne qui miroitait dorénavant sur ses mèches, presque éteint. Et sa chair devait être douce comme une peau de pêche du temps où l'enchaînée était libre et heureuse ! Et son visage pâle, qu'il devait être joli lorsque les rayons du soleil pouvaient encore le caresser ! Le sourire de la nymphe capturée était-il aussi délicieux à voir qu'une jeune fleur qui éclot ? Aussi resplendissant et joyeux qu'un printemps qui fleurit ? Quant aux prunelles qui vivaient encore sous les cils de la captive, avaient-elles toujours été aussi vides et empreintes de peur ? A quel point la douleur les avait-elle obscurcies ? A quel point le souffle putride de la mort les avait-il converties au néant ? L'étincelle de vie qui aurait dû éclairer les iris azurs avait-elle été noyée par la terreur, l'enfermement et les larmes ? Et pourtant, comme elle avait dû y luire cette lueur ! Une petite étoile perdue dans le ciel des orbes bleus de la demoiselle.
Et maintenant, qu'en restait-il de ce petit astre de joie ? Envolé, disparu ! Ravagé, arraché ! Détruit…
La prisonnière frissonna. Elle avait toujours aussi froid. Elle souffla doucement sur ses mains rougies. Le vent sifflait entre les pierres des parois qui les enfermaient, elle et ses sœurs, dans ce cocon de crasse et de ténèbres, les vrillant de râles agonisants et glacés. L'emprisonnée trembla à nouveau. Deux corps vinrent se coller de part et d'autre d'elle, la réchauffant un peu. Maigre chaleur.
« C'est mieux ? » chuchota doucement Sandersonia à son aînée.
Cette parole, si rare, résonna dans la cellule avant de s'éteindre, aspirée par l'obscurité et le silence. Comme tout. Là, dans leur déchéance, tout finissait par s'étouffer : les vociférations de protestation des nouveaux esclaves, les pleurs, les crises de folie… Tout devenait résignation muette. Même les geignements et les plaintes de douleur se taisaient un jour, quand la mort venait les engloutir sans pitié. Ou justement, n'était-ce pas de la compassion, de venir abréger leurs souffrances comme le faisait la grande faucheuse ?
« Oui… remercia faiblement la captive en se serrant davantage contre ses cadettes.
– Grande sœur, j'ai faim. » se plaignit Marigold en posant sa fragile tête d'un cuivre fatigué sur l'épaule dénudée de la brune.
Son ventre creux et trop mince gronda sourdement en écho. Comme pour lui répondre, les estomacs des deux autres jeunes filles grognèrent. Combien de fois n'avaient-elles pas, chacune, ressenti cette infâme sensation ? Combien de fois n'avaient-elles pas fini par vomir de la bile, faute d'avoir quelque chose pour se sustenter ? Combien de fois n'avaient-elles pas fixé l'écuelle sale et vide dans l'espoir insensé et dément qu'une quelconque nourriture, n'importe quoi, même de la viande avariée ou les fruits les plus pourris y apparaisse ? Combien de fois encore devraient-elles endurer ces horribles crampes qui leur broyaient férocement les entrailles ?
« Je sais, soupira fébrilement Hancock. Mais tu sais bien que les gardes ne nous nourrissent qu'une seule fois par jour… »
Et malheureusement, ils étaient déjà passés depuis plusieurs, longues, interminables heures les gardes ! La bouillie informe et sans saveur qu'ils avaient négligemment jetée dans le bol qu'elles se partageaient à quatre – maintenant trois – ne les avait qu'à peine rassasiées. Comment cinq misérables bouchées auraient-elles pu les soulager ?
N'étant pas des servantes assignées au service des Dragons célestes, les pucelles ne bénéficiaient guère de plus, comme la plupart des résidents des différentes cellules. Elles n'étaient que des objets de distraction, des jouets. Il fallait croire que ceux-ci ne valaient pas la peine d'être entretenus. A quoi le fait d'être nourris, propres ou bien vêtus leur servirait-il lorsqu'on les fouetterait jusqu'au sang pour le bon plaisir de leurs maîtres ? Lorsqu'on les ferait ramper sur le sol tels de vulgaires vers juste pour la jubilation de les humilier ? Lorsque encore on les lancerait dans une profonde cuve pour qu'ils y soient dévorés par quelque monstre carnivore ? La torture et la mort leur seraient-elles épargnées pour autant ?
« Grande sœur, mon dos me brûle, geignit à nouveau l'enfant rousse.
– Moi aussi. » répliqua amèrement son aînée.
Elles le sentaient, toutes les trois, là, cet odieux tatouage, en plus de la faim qui criait dans leurs boyaux. Celui qui leur avait été apposé au fer juste sous la nuque. Une marque maudite qui dénonçait leur appartenance aux Dragons célestes, qui les désignait d'office comme des sous-êtres, des moins que rien dont on pouvait se débarrasser sans embarras. Cela faisait déjà quelques mois que les gardes l'avaient gravée dans leur chair et pourtant la douleur, bien qu'infiniment moins forte qu'au début, était toujours là, constante et sourde, s'acharnant sur leur peau en un tiraillement perpétuel. Parfois elles avaient même l'impression que leurs veines ne contenaient plus seulement du rouge mais une langue de lave. Alors, lorsque cette illusion maligne les prenait, elles hurlaient. Et elles hurlaient, hurlaient encore et encore, à s'en arracher les cordes vocales, jusqu'à ce que le brasier qui avait remplacé leur essence vitale ne daigne s'éteindre, après avoir inondé leurs corps de déferlantes vagues de souffrance. Et ces vagues n'étaient pas seulement des vagues de douleur, c'étaient aussi les larmes, cruelles larmes, qui coulaient, dégoulinaient en torrents furieux de leurs prunelles, les meurtrissant plus encore. Leurs yeux se noyaient un peu plus. L'étincelle de vie se noyait un peu plus.
Ce feu incandescent les rongerait-il jusqu'au trépas ? Resterait-il seulement de la place pour le néant dans les pupilles des captives après cela ? Ou les tourments auraient-ils déjà tout emporté, volant le butin de la faucheuse noire ?
La porte menant à la salle des cachots grinça soudainement, chassant l'espace d'un instant l'oppressant silence. Un éclair blafard zébra de blanc la doucereuse obscurité, éblouissant fugacement les rétines fatiguées des prisonniers. Maigre lumière. Elle atteignait à peine les premiers barreaux, éclairant avec difficulté le temps d'une seconde éphémère quelques dalles de la prison. Mensongère liberté. Espérance insensée de toucher le soleil, de le laisser caresser les peaux, réchauffer les corps. Futile espoir balayé par la porte qui se refermait en un claquement sourd. Désillusion. On en venait presque à souhaiter qu'elle ne s'ouvre plus cette porte, juste pour ne pas sentir la déception et l'abattement inonder un peu plus les cœurs.
Quatre hommes à l'apparence rigide et dure entrèrent. Tous les esclaves se turent, ou du moins étouffèrent autant que cela se pouvait leurs halètements, attentant la sentence. Qui serait la victime du jour ?
Car tous le savaient, lorsque les gardiens venaient à une autre heure que celle destinée à les sustenter, ce n'était que pour une unique raison : ramener un nouveau jouet à leurs maîtres. Joujou humain qui regagnait toujours sa cellule – quand il y revenait – couvert de blessures suintant le sang et un peu plus abîmé. Et tous entendaient ses râles douloureux, ses faibles pleurs ou son mal silencieux. Parfois même le désigné mourait quelques heures plus tard.
Les prisonniers ne voulaient pas mourir. Ils ne voulaient pas souffrir. Survivre, survivre juste un peu plus, même si c'était dans la pire des déchéances, les pires bas-fonds. Car s'ils ne pouvaient même pas s'accrocher à la vie misérable qu'ils menaient, que leur restait-il ?
Alors, chacun priait, fort, espérant qu'une divinité quelconque les entende et leur épargne cette épreuve. Pitié, que cela ne tombe pas sur eux. Mais, s'il y avait un dieu, c'était un dieu bien cruel pour les laisser moisir dans cette chape d'ombre…
Les esclavagistes s'avancèrent, passant devant chaque cage, faisant reculer d'effroi chaque captif autant que ses liens le lui permettaient, jusqu'à ce qu'il se cogne au mur. Leurs pas résonnaient en un chant funèbre au fur et à mesure de leur progression, semblant gagner en intensité. Ou était-ce une sordide et ricanante imagination qui susurrait cette idée saugrenue à l'esprit des esclaves pour les enfoncer encore un peu plus dans la démence ? Mais au final, qu'importait sa source ? La mélopée obscure n'en continuait pas moins, vibrant sur le sol, ricochant sur les barreaux de fer pour aller en percuter d'autres, carillonnant toujours un peu plus dans la prison froide pour finalement exploser en une note finale et ultime, glaçante et inexorable. Le glas sonnait : les gardes s'étaient arrêtés.
« Les sœurs Boa. C'est ici les gars. » déclara d'une voix basse et ennuyée un des leurs.
Cette annonce pétrifia les désignées, au contraire de tous les autres qui retrouvèrent un rythme cardiaque normal, laissèrent leurs muscles tétanisés se détendre, leurs poumons respirer. Ici, chacun avait appris à se soucier uniquement de lui-même, de sa propre survie. Chacun pour soi, tel était le credo, à quelques exceptions près.
Les hommes déverrouillèrent la porte du cachot et s'approchèrent des captives terrifiées. Une affreuse sueur glacée coula sur les dos des enchaînées, hérissant le faible duvet qui les couvrait, électrisant leurs sens. Leurs membres tremblaient irrépressiblement, envahis par la même peur qui faisait battre leurs cœurs à cent à l'heure. Elles sentaient ceux-ci cogner puissamment contre leurs cages thoraciques. Boum, boum, boum, boum. Il leur semblait n'entendre que cela. Et stupidement, elles craignaient même que ce muscle rendu fou par l'affolement ne brise leurs os. Toutes trois finirent par déglutir tandis qu'elles prenaient pleinement conscience de ce qui les attendait. L'épée de Damoclès était tombée.
Ainsi c'était à leur tour d'amuser ces insatiables monstres en souffrant, à leur tour d'être les animaux de foire que l'on tourmentait avec un amusement sadique, à leur tour de répandre leur sang en longues traînées rougeâtres pour satisfaire l'appétit sanglant de ces vampires cruels ?
Leurs yeux s'étrécirent sous l'effet de la suprême agitation qui régnait au sein de leurs êtres, tellement qu'ils paraissaient n'être plus que deux fentes. Quelques larmes débordaient des prunelles des deux plus jeunes tandis qu'elles serraient avec force les bras blafards de leur aînée. Comme si cela allait changer le cours des choses. Et ces deux adolescentes, trop jeunes et vieillies à la fois, elles semblaient dire dans leur désespoir « Protége-nous. Protége-nous grande sœur. Protégez-nous. ».
Mais la grande sœur, que pouvait-elle faire ? Que pouvait-elle faire sinon étreindre contre elle ses cadettes ? Et le monde, celui-là même qui ignorait volontairement leurs peines, leurs tourments que pouvait-il faire, que voulait-il faire ? Rien.
Livrées à leur sort infâme et injuste, voilà ce qu'elles étaient, ces esclaves. Pauvres d'elles, malheureuses pucelles volées à l'innocence pour satisfaire un plaisir malsain. Pauvre monde, malheureux gens qui laissaient de telles horreurs se perpétuer. N'avait-il pas de conscience, pas de compassion cet univers ? Ou alors, était-il trop lâche pour s'attaquer à ses pseudos-créateurs ?
Les gardes, insensibles à l'évidente détresse des prisonnières, attrapèrent rudement ces dernières pétrifiées de peur tandis que le dernier gardien les délivrait de leurs chaînes. Les poignets meurtris jouirent un infime instant d'une illusoire liberté avant que des menottes ne les enserrent à nouveau froidement. Ces insidieux bracelets de métal emprisonneraient-ils à jamais leurs chairs ? Et ces cliquetis incessants qui poursuivaient le moindre de leurs gestes se tairaient-ils seulement un jour ?
On poussa les captives pour qu'elles marchent. Une trébucha sur les pavés de la prison, on la releva de force, arrachant au passage quelques mèches rousses. Contre leur gré, les jeunes filles avancèrent. Et alors que les trois amazones se débattaient pour tenter de s'extraire des poignes violentes des brutes, elles sortaient d'un enfer pour en investir un autre.
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