Auteur: Elbée

Beta-lectrice : P Leila

Rating: M

Warning : Slash HP/DM Lemon UA Mentions de thème religieux

Warning 2 : (Mentions de thèmes religieux) À LIRE – le warning vaut pour les chapitres suivants et ne sera pas répété.

Cette fanfiction parle notamment d'anges et de démons (respectivement Harry et Draco), mais je précise, je parle bien d'anges et de démons, c'est à dire avec la dimensions religieuse associée, à ne pas confondre avec le simple aspect 'homme ailés' d'une créature!fic.

Je le dis donc à présent et ne me répéterais pas: si vous soupçonnez que le thème de la religion de manière globale puisse vous heurter d'une quelconque façon, ne lisez PAS cette fanfiction ! Voilà.

Et peut-être que ça vous ne plaît pas à vous, mais il y a des gens qui aimeront toujours l'idée, bienvenu sur internet ! Donc si vous n'avez pas envie de lire, si vous n'aimez pas le concept, personne ne vous force à poursuivre votre lecture. Vous voilà maintenant prévenus, s'il vous plaît ne venez pas m'insulter par la suite !

Mais sachez que dans tous les cas je n'encourage ni ne discrédite aucune religion quelle qu'elle soit, le but recherché dans cette fanfiction ne réside absolument pas à promouvoir ou à critiquer la chrétienté de quelque façon. Par ailleurs je précise que je ne suis pas versée en christianisme ni en angélologie, j'ai essayé de faire de mon mieux en refaisant un peu à ma sauce... Ne m'en tenez pas rigueur ! =)

Disclaimer : (valable pour l'ensemble de la fic –ne sera pas répété) L'habituel concernant Harry Potter bien-sûr, j'écris sans but lucratif et pour mon simple divertissement et celui d'éventuels lecteurs.

J'aimerais aussi préciser ici ma source d'inspiration pour cette fanfiction : ceux qui auront lu 'Good Omens' de Neil Gaiman et Terry Pratchett verront sans doute facilement comment ce roman a su m'inspirer pour cette mini-fic –le titre pour commencer haha.

Voilà, maintenant que tout est dit et si vous êtes toujours là, passons à la suite =) Cette fanfiction sera courte et ne fera que trois chapitres –même longueur que celui-ci–, et le rythme de mise en ligne devrait être rapide (8/10 jours normalement)...

Bonne lecture !


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Ineffable

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Première partie : Poudlard

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Lundi 2 septembre 1991

(Première année)

Huit millions d'êtres humains.

Y avait-il vraiment plus de huit millions d'êtres humains ici ? Respirant, mangeant, suant, dormant. Huit millions d'hommes et de femmes grouillant dans une fourmilière. Comment était-ce possible ?

La dernière fois qu'il était passé sur Terre – à peine mille ans de cela bon sang ! –, la population de Londres n'avait pas pu dépasser quinze mille personnes. C'était insensé, comment les Hommes avaient-ils pu se multiplier de manière si démesurée en à peine un millénaire le temps un battement de cil.

Il était dans la gare de King's Cross, entre la plate-forme 9 et 10, et le flot incessant de gens qui marchaient et couraient dans tous les sens commençait à le rendre claustrophobe.

Cela faisait à peine quelques heures que ses supérieurs l'avaient envoyé en hâte sur Terre, et pour la centième fois, il grommela mentalement en pensant au manque dramatique d'organisation des bureaucrates d'En-Haut. Franchement, un tel projet ! Ils auraient pu l'avertir le temps qu'il prenne deux-trois dispositions, non ? Ça semblait être la moindre des choses. Pour un ange de son échelon, c'en était presque vexant.

Qu'avait-il eu ? Un bref avis –une grande voix venue de nulle part, ils adoraient ça – se résumant à peu près à : « Principauté Harizraël, préparez-vous à descendre sur Terre d'ici quelques heures. Pas le temps d'expliquer. Urgent. ». Formidable.

On lui avait brièvement expliqué de quoi il était question dans la salle d'attente, le temps qu'il reçoive son corps mortel, et voilà qu'à présent il était dans la gare immense d'une ville immense, déboussolé et tout à coup très peu sûr de pouvoir mener à bien la mission qu'on lui avait confiée.

« Tu t'es perdu mon chéri ?

L'ange brun sous forme humaine se tourna vers la voix, et vit une femme au visage aimable et souriant, petite et potelée avec des cheveux d'un roux éclatant. Derrière elle se tenaient deux enfants, un garçon et une fille, très probablement les siens à en juger la couleur orange de leurs cheveux.

Dans la poche du garçon, il y avait un rat aux allures miteuses et, après un rapide coup d'œil vers son chariot qui contenait notamment un petit chaudron cuivré, il soupçonna qu'il devait lui aussi être un futur élève de Poudlard. Le rouquin avait l'air d'avoir aux alentours de onze ans, à peu près la même chose que sa propre enveloppe charnelle qui avait été créée afin qu'il puisse se fondre dans la masse d'élèves de première année.

- Comment tu t'appelles ? demanda aimablement la dame, avec la voix d'un adulte qui rassure un enfant égaré – ce qui aurait pu être légèrement mortifiant pour l'être millénaire qu'il était si les anges n'avaient pas été prompts à pardonner de toute façon.

- Hari... Harry » répondit-il en se souvenant des conseils qu'il avait reçus avant de descendre. Harizraël n'était pas exactement un nom à la mode parmi les humains, et un point important était de passer incognito. Harry il serait donc.

« Je dois me rendre à la plate-forme 9 3/4, madame, expliqua-t-il avec un sourire poli qui suffit à la convaincre aussitôt que Harry était un enfant tout à fait charmant.

- Rien de plus facile ! assura-t-elle toujours avec ce sourire maternel, et Harry sentit en lui qu'elle est était une personne bonne. Tu rentres à Poudlard ? Ron aussi entre en première année.

Le garçon, plutôt grand et dégingandé pour son âge lui offrit un sourire amical.

- Je suis Molly Weasley. Et voici ma fille Ginny. Elle rentrera à Poudlard l'année prochaine.

La petite fille commença à pleurnicher légèrement qu'elle voulait y aller cette année, et Harry regarda les yeux grands ouverts ces êtres humains interagir entre eux, comme s'il n'avait vu de spectacle plus fascinant depuis des siècles –ce qui était techniquement vrai, les cantiques éternels et les prières au Paradis ne représentaient qu'une quantité limitée de divertissement, surtout après quelques milliers d'années.

Il avait oublié à quel point les humains étaient intéressants, et il pensa soudain que ce séjour sur Terre ne pourrait être si difficile. Même si les raisons de sa présence n'étaient guère réjouissantes, et qu'il n'était certainement pas en vacances.

- Tiens, tu vas passer après mon Ron. » Lui dit Mme Weasley en faisant signe à son fils d'y aller.

Ron prit son élan, et poussant son chariot il fonça contre la barrière, disparaissant aussitôt entre les plates-formes 9 et 10.

Une heure plus tard, Harry était assis dans un wagon du Poudlard Express en compagnie de deux autres enfants, Ron Weasley, le garçon sympathique qu'il avait rencontré dans King's Cross et une petite fille qui était venue leur demander si elle pouvait rester avec eux, ne connaissant visiblement personne dans le train. L'enthousiasme de Ron face à la requête avait été très modéré, mais bien sûr Harry s'était quant à lui empressé d'inviter la petite fille, Hermione, à s'asseoir en leur compagnie, malgré la réticence de Ron à partager le même air qu'une fille.

Ron était en train de lui parler de sa famille et de ses nombreux frères (apparemment il en avait déjà trois à Poudlard!), quand Harry se retrouva soudain à court lorsque Hermione lui demanda :

« Et toi Harry, ta famille ? Tes parents sont sorciers ?

Harry ouvrit la bouche puis la referma, avant de répéter l'action et de se dire qu'il devait avoir l'air d'un poisson hors de l'eau –ou d'un parfait crétin.

Hermione leva un sourcil comme si elle partageait également cette pensée, et Harry inventa rapidement, quoiqu'avec un manque signifiant de tact :

- Mes parents sont morts.

Voilà qui devrait couvrir son accès de mutisme inopportun et repousser les questions malvenues songea-t-il avec soulagement en sentant toutefois une pincée de culpabilité devant l'expression désolée aussitôt affichée par Hermione et Ron à son mensonge.

Des adultes auraient sûrement arrêté les indiscrétions autour d'un sujet à l'évidence sensible, mais Hermione dans toute sa candeur juvénile continua au grand dam de Harry :

- Et où est-ce que tu vivais alors ?

- Chez ma tante et mon oncle, continua d'inventer Harry, trouvant que mentir lui venait de plus en plus facilement.

À peine quelques heures passées en compagnie des Hommes, et voilà déjà que le mensonge lui venait naturellement –tout à fait indigne d'un être tel que lui, songea-t-il avec un amusement coupable.

- Et tu... ? commença Hermione, mais Harry profita de l'arrivée d'une dame poussant un chariot plein de friandises pour éviter la prochaine question :

- Hé, vous voulez quelque chose à manger ?! »

Ron accepta aussitôt avec un emballement qui faisait plaisir à voir, et même si Harry se sentait légèrement coupable d'avoir ressort à la Gourmandise (vraiment, la Terre avait un effet néfaste sur lui) pour distraire ses deux compagnons, c'était toujours mieux que d'avoir à s'inventer la suite de toute une biographie. Comment avait-il pu oublier de à fabriquer une histoire plausible sur ses origines et sa présence ici ? Bien sûr que les humains allaient lui poser des questions sur sa provenance évidemment, ça n'était pas comme Là-Haut, où les réponses aux questions sur les origines et le lieu de résidence ne différaient pas beaucoup de 'Dieu' et 'Paradis'.

Mais tout compte fait il ne s'en était pas si mal sorti, surtout en prenant en compte l'effet de surprise. Être un orphelin vivant chez une tante et un oncle imaginaires ferait parfaitement l'affaire –il pourrait toujours rajouter quelques anecdotes à son 'enfance' – comme un cousin par exemple – et voilà, affaire terminée.

Pas plus de questions sur sa soi-disant famille où sur l'endroit où il vivait ne survint, et la suite du voyage se passa dans le calme tandis que la campagne défilait inlassablement par la fenêtre, le ciel s'assombrissant au fil des heures qui s'égrenaient.

Il avait presque oublié combien Il avait fait la Terre magnifique, et il y avait peu de choses aussi splendides que le spectacle du soleil mourant lentement, ses rayons fondant en larges flaques incandescentes sur la verte campagne anglaise.

Une main de fer vint pincer son cœur tandis qu'il se rappela que bientôt la Terre serait couverte de feu et de sang et que l'Humanité ne serait plus. Quel gâchis.

Durant le voyage, Ron lui expliqua le fonctionnement de Poudlard, tandis qu'Hermione s'évertuait à couvrir ses propos d'anecdotes elle avait, semblait-il, avalé la bibliothèque de l'école toute entière avant même d'y avoir pu mettre les pieds. Ron était apparemment convaincu qu'il finirait à Gryffondor, comme le reste de ses frères, et tandis qu'il continuait de raconter des histoires à faire froid dans le dos sur le concierge, Rusard, Harry se demanda furtivement ce que cet intéressant 'choixpeau magique' sensé voir dans la tête des élèves pourrait bien faire d'un être tel que lui.

Harry n'était pas facilement impressionné. Il avait participé à de nombreuses guerres célestes, et il avait vu la naissance du Monde après tout. Et pourtant, il aurait tout à fait admis que la vue du château de Poudlard illuminé par des centaines de lanternes au milieu de la nuit était un tableau impressionnant.

Tout était magnifique, cependant quelque chose de désagréable ne cessait de lui grattouiller la nuque et de chatouiller son aura. C'était inconfortable et dérangeant, surtout qu'il ne parvenait à cerner la cause de cette nuisance.

Quand il se rendit enfin compte de la raison pour laquelle il ne parvenait à rester calme, une heure plus tard, il eut envie de se donner un gifle –non pas qu'il promut les châtiments corporels ou quoi que ce fut du genre.

Il venait à peine de s'asseoir à sa table (Gryffondor !) qu'il avait enfin compris ce qui le dérangeait chez le jeune garçon blond, Draco, qui avait été réparti chez les Serpentard (hormis le fait qu'à peine cinq minutes après son arrivée il avait déjà réussi à faire pleurer une petite fille en se moquant de sa coiffure et à provoquer Ron en insultant ses vêtements de seconde-main).

Comment avait-il eut pu être si aveugle ?

Si Draco s'était aperçu de la situation avant lui tandis que Harry s'était contenté de se promener comme un imbécile heureux tout à fait inconscient... Harry rougit malgré lui sous la honte de s'être fait ridiculiser par un démon.

Puis la lourde question du pourquoi tomba sur lui telle une enclume. Que faisait un démon à Poudlard ? Ses supérieurs l'auraient informé si l'école abritait d'ordinaire des agents de Satan. Celui-ci intégrait la première année, et sous la même couverture que Harry. Se pouvait-il que ceux d'En-Bas aient eu vent des projets divins et aient décidé d'envoyer un de leurs employés pour lui mettre des bâtons dans les roues – où 'préserver l'équilibre', s'il fallait le voir de cette façon... Probable.

Il fixait toujours des yeux le blond qui venait de renverser un verre plein de jus de citrouille sur son voisin afin de provoquer une violente dispute entre deux élèves à côté de lui. Il semblait déjà bien s'amuser, songea Harry en serrant les dents sans même s'en rendre compte.

Il étendit son aura angélique à travers la salle et sans surprise il se heurta à une présence noire et démoniaque de l'autre côté. Draco quitta des yeux le spectacle des deux élèves qui semblaient désormais vouloir en venir aux mains et tourna immédiatement la tête vers Harry ayant tout de suite compris d'où venait l'intrusion divine.

Ses lèvres se retroussèrent en une moue narquoise, et il leva son verre en sa direction dans un toast moqueur.

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Mercredi 17 novembre 1993

(Troisième année)

Comme un insecte hypnotisé par une source lumineuse, la douleur d'Angelina Johnson avait attiré Harry près d'elle, l'ange en lui nécessiteux de tarir ses larmes et d'atténuer sa peine. Car c'était ce pour quoi il avait été créé.

Angelina était dans la promotion deux ans au dessus de celle de Harry, elle n'avait que quinze ans. Alors comment était-elle sensée faire face à la douleur d'avoir perdu son frère cracmol dans un accident de voiture le mois passé ?

Harry savait qu'il était impossible d'ignorer la douleur. S'il l'avait pu, il aurait pris toute la peine d'Angelina pour lui, mais ce n'était pas possible non plus cependant, il était possible de la partager, alors Harry écoutait Angelina tandis qu'elle sanglotait dans le couloir vide, assis à côté d'elle et tentant de la calmer doucement grâce à son aura apaisante. Angelina ne savait pas pourquoi, mais quand Harry était près d'elle elle se sentait toujours plus rassurée.

Draco avait choisi le pire moment pour intervenir, comme toujours.

« ...au Paradis !?

Surpris, ils tournèrent la tête vers la voix et les yeux de Harry s'assombrirent, lui lançant un regard de mise en garde que le blond décida bien sûr d'ignorer totalement.

- Franchement, Potter » , poursuivit le Serpentard dont la maison et l'animal-emblème s'accordaient parfaitement avec sa nature. « Je sais que c'est dur, mais évite de raconter des salades à cette pauvre fille – le Paradis ? S'exclama-t-il avec une dérision dégoulinante de mépris.

Harry lança un regard meurtrier au démon, et se leva d'un bond malgré toutes les décisions qu'il avait pu prendre par le passé de garder son calme face au démon. Semer le Doute dans les esprits affaiblis était un des dadas du blond, et en plus de cela il le soupçonnait plus ou moins d'avoir sifflé des idées de suicide dans l'oreille d'Angelina durant son sommeil, ce serpent. Mais Harry ne perdrait pas la partie sur ce coup là, il ne perdrait pas Angelina.

- En plus, on dit qu'il était ivre au volant, il a juste eu ce qu'il méri...

Harry bondit sur lui sans pouvoir réfléchir. Résolutions ou pas, s'en était trop pour Harry. Il n'en pouvait plus des fausses insinuations et des rumeurs malsaines que Draco se plaisait à répandre dans toute l'école. Le blond était si mauvais qu'il aurait très bien pu inciter lui même le frère d'Angelina à boire et conduire que ça ne l'aurait pas étonné.

- Harry ! » S'exclama Angelina, la surprise de voir le brun ainsi hors de lui coupant aussitôt sa crise de pleur.

Mais Harry ne l'entendait plus. Il envoya son poing dans un crochet du droit que Draco bloqua. Le blond souriait comme si voir l'ange dans un tel état de furie le ravissait au plus haut point, et bien sûr cela ne contribuait qu'à rendre Harry encore plus fou de rage.

Si Angelina n'avait pas été là, Harry aurait laissé son halo carboniser la rétine des yeux de Draco ou l'aurait marqué d'une croix qui l'aurait brûlé comme un fer rouge. Il avait déjà eu recours à de tels procédés par le passé pour chasser le démon, même si celui-ci finissait toujours par revenir à la charge.

Mais Angelina était là, et le besoin de préserver sa couverture était plus essentiel que l'envie de châtier le démon comme il le méritait. Draco savait qu'il ne pouvait rien faire, Harry savait que Draco savait et ça le faisait bouillir de juste Colère.

Harry serra à nouveau le poing comme pour s'apprêter à frapper Draco encore, mais celui-ci fut plus rapide et prit les devants, se saisissant d'une pleine poignée de cheveux noirs et tirant violemment l'ange à terre, le mettant à genoux. Les lunettes de Harry tombèrent sur le sol, et Draco plongea ses yeux gris métalliques et froids dans les prunelles vertes et brillantes de larmes de douleur de son homologue.

Il se pencha près de lui jusqu'à ce que Harry puisse sentir son souffle sur sa joue, et il murmura froidement dans son oreille, détachant chacun de ses mots :

- Écoute-moi bien, Harizraël. Tu continues, et un beau jour j'arracherais une à une toutes ces jolies plumes de ton dos, et tu pleureras tellement que plus jamais tu ne pourras voler. Pigé ?

- POTTER ! MALFOY !

Draco tira une dernière fois sur les cheveux de Harry pour qu'il baisse la tête avant de le lâcher et de reculer d'un pas tandis que le professeur McGonagall accourait à eux, une expression choquée et outrée sur le visage.

Harry releva les yeux et son regard était si plein de fureur que Draco ne put s'empêcher, le temps d'une demi-seconde, d'avoir le souffle coupé devant cette démonstration pétrifiante de Colère Divine.

- Potter ! Malfoy ! répéta McGonagall qui était arrivée à côté d'eux, les sourcils froncés derrière ses lunettes et la mine tout à fait scandalisée.

- Je n'arrive pas à le croire ! s'écrira-t-elle d'un ton révolté. Ceci est absolument inexcusable ! Dans vos dortoirs, immédiatement ! Cinquante points en moins chacun ! »

Draco jeta une dernière fois un regard indéchiffrable et perçant au brun avant de se retourner et de partir en direction des donjons, tandis que Harry faisait de même pour regagner la salle commune des Gryffondor.

Le professeur McGonagall secoua la tête avec incrédulité en regardant Draco puis Harry s'éloigner. Elle ignorait ce qui avait pu causer une telle haine entre les deux élèves c'était comme s'ils s'étaient détestés dès le premier jour sans aucune raison. Il ne se passait pas une journée sans qu'une dispute plus ou moins violente éclate entre les deux.

Elle jeta un coup d'œil à Angelina qui était restée plantée là, interdite, et lui fit signe de circuler. Oui, vraiment elle se demandait où une telle animosité entre deux enfants avait pu prendre racine.

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Jeudi 13 avril 1995

(Quatrième année)

Il était quatre heures du matin et pratiquement tout le monde dans le château dormait profondément à une heure si tardive. Les professeurs avaient fini depuis longtemps leur ronde de garde, les couples en quête d'aventure avaient fini par s'endormir et même les fantômes de Poudlard somnolaient en attendant que le jour se lève.

Harry ne dormait pas bien sûr. Harry n'avait pas besoin de dormir, et ne savait pas comment dormir, en fait le simple concept lui était étranger. Pourquoi les humains se plongeaient-ils régulièrement dans une sorte de transe qui les rendait inconscients et vulnérables plusieurs heures chaque jour, il l'ignorait, et l'idée le rendait quelque peu perplexe.

Techniquement, avec ce corps quasi humain qui lui servait d'enveloppe il aurait sans doute pu tenter de sombrer dans le sommeil, mais il n'avait jamais essayé. Tout d'abord parce qu'il craignait que céder à la tentation de dormir puisse s'apparenter à un péché de Paresse, et ensuite parce qu'il aimait rester éveillé et profiter des heures durant lesquelles ses ' camarades de classe ' se reposaient pour réfléchir seul.

Mais cette nuit-là, Harry souhaitait malgré lui qu'il pût tout simplement aller dormir pour éviter de penser justement. Il était las de ruminer inlassablement les noires pensées qui croupissaient dans son cerveau.

Cela faisait à peu près une heure qu'il se trouvait dehors dans le parc, assis à un banc à côté du lac et caché derrière suffisamment d'arbres pour qu'une éventuelle paire d'yeux fouineurs ne puisse l'apercevoir depuis le château. C'était un endroit qu'il appréciait, et il y venait généralement lorsque l'envie de quitter son lit le prenait. Le ciel était clair, la lune ronde, et l'on pouvait apercevoir nombre de constellations dans la toile obscure déchirée par la Voie lactée.

C'eut été une belle nuit si celle-ci n'avait pas été alourdie par de sombres nouvelles.

Voilà à présent quatre ans que Harry avait intégré Poudlard. Depuis le début il s'était attendu à ce que tout puisse éclater d'une seconde à l'autre, la guerre était imminente. C'était d'ailleurs la raison de sa présence ici.

Ces pauvres hommes et ces pauvres femmes n'en avaient pas la moindre idée, mais la fin du monde, l'apocalypse, était sur le pas de leur porte. Quelques dizaines d'années d'après les supérieurs de Harry. Quelques dizaines d'années tout au plus.

Cette guerre dans le monde sorcier n'était que le début d'une suite de conflits qui seraient plus forts les uns que les autres, et, très bientôt, tout s'effondrerait Voldemort n'étant que le grain de sable perturbant les engrenages fragiles de l'Humanité qui causerait son écroulement total.

Les Hommes allaient bientôt devoir faire leur Choix.

L'ultime choix entre le Bien et le Mal.

Bien entendu les hommes ne seraient pas ce qu'ils sont sans leur libre arbitre, et c'était précisément pour cette raison que Harry se devait de protéger sa couverture. Influencer sans révéler la vérité, c'était tout ce qu'il pouvait faire. Poudlard était un poste d'importance Harry savait que tous ces jeunes sorciers et sorcières grandiraient et feraient à leur tour un choix pour décider de leur côté. Il aurait voulu les sauver tous, mais il n'était qu'un seul ange.

Neville était entré dans la salle commune des Gryffondor un peu plus tôt dans la soirée, une édition du soir de la Gazette à la main, et en quelques secondes plus personne n'avait été d'humeur à discuter joyeusement autour du feu ou à faire une partie amicale d'échec. Harry avait tout de suite su de quoi il était question avant même que Neville leur lise l'article, ceux d'En-Haut l'avaient tenu au courant des récents événements. Voldemort avait fait un coup d'État, et le ministère semblait désormais sous son contrôle, annonçait la Gazette –journal encore libre jusqu'alors, mais jusqu'à quand ?

Ruminant ces tristes nouvelles, tous étaient partis se coucher peu de temps après, et Harry était resté seul dans la salle commune, jusqu'à ce qu'il décide de sortir quelques heures plus tard.

« Est-ce que tu pries, ange ? Fit une voix juste à côté de lui.

Harry releva la tête d'un coup, plus surpris par son manque d'attention (il était difficile de manquer la noirceur d'une présence diabolique) que par l'arrivée soudaine de Draco.

Son front avait effectivement reposé sur ses mains jointes, et d'un point de vue extérieur on aurait presque pu croire qu'il avait été en train de prier Dieu à la manière des hommes.

Harry regarda Draco et haussa un sourcil.

L'année passée encore Draco aurait sans doute offert un commentaire sur combien il était pathétique ou Harry l'aurait immédiatement soupçonné d'être dehors à une heure si tardive pour vendre de l'alcool à des premières années, et ils en seraient probablement arrivés aux mains.

Incroyable la façon dont ils étaient passés d''ennemis mortels' à 'connaissance-agaçante-mais-supportable' en l'espace de quelques mois.

Certes pour Harry le démon était toujours aussi irritant et inversement, mais à force de le côtoyer ils étaient devenus graduellement las de se battre, puisque de de toute façon tous deux avaient leurs ordres et aucun ne pouvait quitter Poudlard. Tout comme Harry avait été envoyé par En-Haut pour faire pencher la balance de cette guerre vers le Bien en encourageant la compassion et l'altruisme dans le cœur des jeunes sorciers, Draco avait lui était envoyé par les forces du Mal pour tenter et affaiblir la foi des élèves.

En fait, c'était juste leur boulot, lui avait un jour dit Draco, rien de véritablement personnel, et Harry n'avait pu nier la véracité de son propos. Plus qu'il ne l'aurait voulu, Harry devait admettre qu'il avait parfois plus en commun avec son ennemi qu'avec ses supérieurs Là-Haut.

Draco n'était pas si épouvantable pour un démon avait-il fini par admettre malgré lui. Certes, quatre-vingt-dix-neuf pour-cent du temps il était absolument intolérable et avait un humour absolument dépourvu du moindre bon sens, mais au bout du compte, il y avait bien pire démon. Harry ne lui avait pas dit de cette façon bien entendu, il aurait pu le prendre comme une insulte, mais le blond n'était pas un démon si mauvais en fait.

Il n'avait pas de tendances extrêmes à la cruauté comme certains de ses collègues, et vraiment il faisait ce qu'il avait à faire parce que c'était son travail. Tout comme Harry quelque part.

Ils n'étaient que les simples pions de forces bien supérieures, lui avait glissé Draco en haussant les épaules ce même jour. Et si le blond n'avait pas tord, Harry soupçonnait vaguement que c'était ce genre de raisonnements qui avait dû contribuer à sa Chute. Le brun se demanda vaguement quel genre d'ange Draco avait pu être avant qu'il n'ait été déchu.

- Pas très causant ce soir, hum ? fit Draco en étirant ses jambes et en s'enfonçant dans le banc, les yeux rivés sur la surface d'encre du lac.

- Tu savais pour Voldemort ? demanda Harry si doucement que paradoxalement Draco en fut surpris.

Le blond hocha la tête.

- Oui, ça fait un petit moment qu'on est sur le coup, admit-il, et par 'nous', il parlait bien sûr des forces du Mal. Figure toi que cet imbécile a déjà vendu sept parties de son âme ! C'est Belzébuth qui est sur le coup en personne en fait très fort ce type. Il n'arrête pas de lui demander un peu plus et à chaque fois cet idiot est tout content d'acquérir un peu plus de 'pouvoir' en vendant son âme au diable ! Ha !

Harry grimaça :

- Sept ! Bonté divine... Il est au-delà de toute rédemption...

- Quoi, avec plus de la moitié de son âme appartenant à Satan ? Il peut ! fit Draco avec un rire jaune. Ces humains, tous plus faibles les uns que les autres, parfois je me dis que tenter n'est plus ce que c'était... Dans le temps les gens avaient des principes. Maintenant ce n'est même plus amusant...

Une réplique brûlait la langue de Harry, mais il se retint afin de préserver cet étrange bourgeon de quasi-camaraderie qui s'était installé entre eux contre toute attente. Et puis quelque part Draco n'avait pas vraiment tort. Harry avait été profondément triste en découvrant combien les hommes semblaient tous avoir perdu la foi en à peine mille ans depuis qu'il avait visité la Terre.

La religion semblait avoir quasiment disparue dans les esprits des jeunes élèves de Poudlard et s'il avait tout d'abord pensé que c'était leur culture sorcière qui était en cause (nombre de chrétiens moldus avaient persécuté activement les sorciers au moyen-âge, poussant ceux-ci à rejeter la religion), il s'était rapidement rendu compte qu'il s'agissait plutôt d'un phénomène global. Les gens semblaient jurer davantage par la télévision, la mode, le sexe et la drogue que par des principes moraux ces temps-ci. Mais Harry refusait de considérer une défaite, il y avait encore de l'espoir pour l'humanité.

- Quand ? demanda Harry.

Draco ne lui demanda pas de précisions, il sut aussitôt à quoi il faisait allusion.

Quand Voldemort prendrait-il le contrôle de Poudlard ? De l'Angleterre tout entière ? Quand attaquerait-il de front ?

Quand commencerait le début de l'Apocalypse ?

- Je ne sais pas. Bientôt, murmura Draco le regard toujours fixé dans le lac sombre.

Il détourna les yeux de la surface miroitante pour regarder Harry et se rendit compte que ça avait été une erreur. Le regard de profonde peine peint sur le visage angélique le fit grimacer et soudain il se sentit presque coupable d'être du côté auquel il appartenait, d'être en partie responsable. Il coupa net ces pensées. Il n'était qu'une poussière dans l'énorme machine, ce n'était pas de sa faute bordel de Dieu ! –le blasphème le fit se sentir aussitôt beaucoup mieux.

- La fin du monde, ange. Une épée de Damoclès depuis le tout début, ça ne peut être évité... fit-il en haussant vaguement les épaules comme si tout cela ne lui importait peu, mais Harry n'était pas dupe.

- Ça n'a pas l'air de te réjouir plus que ça...

- Bien sûr, les humains sont un peu stupides, mais enfin, pas tant que ça et puis...la Terre n'a pas que des mauvais côtés...

Harry sourit malgré lui.

- Ce que tu veux dire c'est qu'au fond, tu aimes les humains et la Terre.

- Comment ! Non certainement pas ! s'exclama-t-il aussitôt en montant sur ses grands chevaux, l'air parfaitement outré d'une telle supposition, d'une telle insulte ! Les démons ne sont pas là à se balader sur Terre à aimer quoique ce soit, Harizraël », dit-il d'un ton pincé, mais Harry eut juste un petit rire clair et Draco songea tout à coup qu'il n'avait jamais entendu un son si pur. Damnés soient tous les anges !

Harry jeta un coup d'œil au blond sans rien ajouter. Oui Draco n'était pas si terrible. Pour un démon bien sûr.

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Mardi 24 décembre 1996

(Septième année)

Harry jeta un nouveau coup d'œil incrédule au petit papier dans son poing et leva les yeux vers Ron qui affichait une expression toute aussi choquée.

« Qu'est-ce qu'il dit le tien? demanda Harry en levant un sourcil résigné.

- 'Ton âme brûlera en enfer', lu lentement Ron avec une moue interdite. Dis donc, ils sont pas très joyeux cette année chez Bertie Crochue. Qu'est-ce qui est marqué dans le tien ?

Harry enfouit son visage dans sa main droite et soupira profondément. Bien. Il était temps qu'il fasse quelque chose. Il se leva, le papier de bonbons de Noël toujours à la main.

- Où est-ce que tu vas ? lui demanda Hermione surprise.

- Deux minutes, je reviens tout de suite, répondit Harry en guise d'explication avant de partir aussitôt, laissant derrière lui la table.

Il était dans la Grande Salle et celle-ci était absolument somptueuse. C'était le vingt-quatre décembre, réveillon et jour du bal de Noël annuel de Poudlard.

Les immenses sapins de Noël qui brillaient de mille feux, la musique agréable, le son des rires et des conversations, la neige magique qui tombait lentement du faux ciel en gros flocons... Tout était merveilleux ! Peut-être même encore plus cette année que les autres pensa Harry – sans doute dans le but de mettre un peu de gaieté dans les cœurs assombris par la guerre qui se rapprochait d'eux à grands pas.

C'était donc le bal de Noël à Poudlard, comme tous les ans. Et comme tous les ans, Harry ne pouvait passer un réveillon totalement serein.

Les petits angelots virevoltants dans la Grande Salle avaient été transformés en chauve-souris, et tout à l'heure Harry avait remarqué que les armures ne chantaient plus de chansons de Noël, mais s'appliquaient désormais à insulter copieusement et de manière colorée quiconque passait à proximité –charmant.

Draco n'était pas dans la Grande Salle. Harry l'aurait senti si ça avait été le cas. Il étendit son aura jusqu'à ce qu'il perçoive la présence noire désormais familière du démon blond un peu plus au nord.

Sans plus attendre, il se dirigea vers la sortie, mais son regard tomba sur la crèche miniature et il se figea aussitôt.

Harry était prêt à parier que les barbes et les chapeaux de Père Noël placés sur tous les personnages –y compris la vierge Marie et l'enfant Jésus – n'avaient pas été dans les dispositions originelles du professeur Flitwick qui avait installé la petite crèche un peu plus tôt ce soir-là.

Le clou de cette scène de la nativité qui frisait le blasphème résidait probablement en la paire de lunettes rondes en tout point similaire à celle qu'il portait lui-même, placées sur le nez sur la figurine peinte de l'ange: un clin d'œil personnel, que seul Harry serait en mesure comprendre bien sûr. Haha, très amusant Draco... songea-t-il en levant les yeux au ciel.

Il sortit de la salle en se laissant guider par ses sens et marcha ainsi jusque l'aile nord, qui semblait être le repaire des couples ayant besoin d'intimité et des groupes d'élèves ayant un peu trop bu de whisky pur feu. Ses pas le menèrent devant la porte de ce qui devait être une salle de classe à tous les coups et il allait entrer quand son regard s'arrêta sur la bouteille mordorée qui circulait dans un petit groupe de trois élèves devant ladite porte. Ils devaient avoir à peine quatorze ans nom de nom !

Il se saisit de la bouteille alors que le petit rouquin allait la passer à sa copine.

- Hé, rends ça, toi ! T'es même pas préfet !

Harry jeta un coup d'œil à l'étiquette de la bouteille. «Whisky du démon ». Oui ça ne faisait aucun doute, Draco était dans les parages.

Il rendit sa bouteille à l'élève en fronçant les sourcils, mais ne resta pas assez longtemps pour voir l'expression sur son visage lorsque celui en bu une nouvelle gorgée. Si Jésus pouvait changer de l'eau en vin, un ange avait bien le droit de changer du whisky en jus de pomme, non ?

Ayant pénétré à l'intérieur, la pièce se révéla être effectivement une simple salle de classe, et sans surprise Draco s'y trouvait. Celui-ci leva aussitôt la tête à son arrivée, et fit un petit geste de la main pour saluer l'ange.

- Draco..., commença Harry en soupirant, mais Draco lui fit instantanément signe de se taire et Harry leva à nouveau les yeux au ciel.

Le blond n'était pas seul. Lui et trois autres Serpentard –Marcus Flint, Théodore Nott et Montague – étaient assis autour d'une table et le brun se rapprocha à pas de loup, curieux de leurs activités, même si –il le devinait rien qu'à cause de la présence de Draco – ils ne devaient pas être en train de jouer aux petits chevaux.

Effectivement, il s'avéra qu'ils étaient en train de jouer au poker, et bien que Harry ne fut pas du tout versé en l'art de jouer aux cartes, il devina avec justesse que Draco devait être en train de gagner vu la petite pile de galions accumulée devant lui. Harry n'approuvait pas les jeux d'argent et encore moins la triche (ce qu'était clairement en train de faire Draco) et il allait dire quelque chose quand le blond abattit soudainement ses cartes avec un sourire prédateur qui faisait légèrement froid dans le dos :

- Héhé... Royal Flush. Adios les gars.

Il étendit les mains pour ramasser tout l'or et savoura sa victoire tandis que les trois autres s'étaient mis à crier à l'injustice, et quand Flint émit ses doutes quant à l'honnêteté de Draco, celui-ci s'empressa de les mettre à la porte illico presto. Il n'aurait pas été contre une bonne bagarre, mais il avait un invité désormais.

- Une petite partie, ange ? demanda Draco avec un sourire goguenard en s'asseyant sur le bureau en face du tableau noir une fois débarrassé des importuns, battant les cartes et les faisant voler d'une main à l'autre comme s'il avait fait ça toute sa vie.

- Même si tu ne trichais pas comme tu respires, je suis pas très poker..., fit Harry en penchant la tête.

- Je m'en doutais, admit le blond en ignorant le commentaire sur son intégrité douteuse. Bon réveillon ?

- Oui, j'ai surtout apprécié la scène de la nativité. Tu innoves, cette année.

- Ah oui ? Demanda Draco avec un enthousiasme qui semblait bizarrement sincère. J'étais sûr que tu aimerais .

Il eut un petit ricanement et il arrêta de battre les cartes qu'il fit disparaître par sa simple volonté.

- Je suppose que c'était toi aussi les messages dans les papiers de bonbon de Noël de Bertie Crochue? 'Ton âme brûlera en enfer', très original !

- Bien, je me suis dit que 'Joyeux Noël, que cette nouvelle année vous apporte joie et amour' manquait d'originalité...

- Évidemment, soupira Harry en passant une main dans ses cheveux noirs. Que pouvait-il bien faire de Draco ?

Draco leva une main pour lui faire signe d'arrêter de parler et tendit l'oreille. Harry écouta à son tour et entendit la voix du professeur Rogue à travers la porte dans le couloir. Celui-ci semblait passablement irrité et d'ici Harry pouvait l'entendre vociférer des 'soixante points en moins pour Poufsouffle' et autres 'retenues tous les lundis jusqu'à la fin de l'année Corner !'.

- Dépêche ! lui siffla Draco qui avait déjà bondi près de la fenêtre et l'avait ouverte en un clin d'œil. Si ce râleur nous tombe dessus il va encore hurler pendant des heures, allez !

Draco sauta par la fenêtre et durant une fraction de seconde le cœur de Harry fit un bond automatique avant qu'il ne se rappelle qu'ils n'étaient qu'au premier étage.

Le brun courut à la fenêtre et baissa les yeux.

- Bon tu te magnes ou quoi !? cria Draco, debout dans la neige de décembre qui couvrait tout le parc, levant les bras d'impatience.

Harry jeta un coup d'œil derrière lui. Il n'avait pas pour habitude de fuir les professeurs, ni aucune forme d'autorité en général pour tout dire, étant un ange et tout ça, mais enfin il était vrai que le professeur Rogue n'était pas exactement des plus agréables et il semblait d'ailleurs détester tout particulièrement Harry pour quelques raisons. Il sauta par la fenêtre et se réceptionna dans la neige à côté de Draco qui se mit aussitôt en marche.

Tandis qu'ils avançaient silencieusement, Harry se mit à observer Draco à la dérobée. En ces sept ans à Poudlard, son aspect physique avait subtilement changé. Ces enveloppes charnelles qu'ils occupaient étaient évidemment conçues pour se comporter comme de véritables corps humains, aussi ce n'était pas surprenant qu'ils aient désormais l'apparence des adolescents de dix-sept ans qu'ils étaient censés être.

La nature vaine du démon se lisait bien dans son enveloppe corporelle, songea-t-il. Une peau de porcelaine, des pommettes à couper le souffle et des cheveux blonds soyeux, le tout combiné à une démarche royale et un regard envoûtant : Draco incarnait le démon séducteur –même s'il pouvait prendre une apparence horrifiante et plus traditionnelle tout aussi facilement.

- Finis de te rincer l'œil ?

Harry grommela en lui jetant un regard noir agacé, mais Draco ne le regardait pas et se contenta d'afficher un petit sourire moqueur.

- Où est-ce qu'on va de toute façon ?

- Nulle part, fit Draco en haussant les épaules. Je ne t'ai pas demandé de me suivre.

Mais c'était un peu méchant, et Draco le vit dans le petit éclat blessé qui passa un instant dans le regard émeraude de l'ange, aussi il se rattrapa en désignant une large pierre à côté d'un chêne massif.

- Tiens, assieds-toi là, fit-il en s'exécutant tout d'abord puis en tapotant l'espace à côté de lui.

Il y eut soudain de grandes exclamations en provenance du château et Harry jeta un coup d'œil à sa montre. Minuit.

- C'est le jour de Noël, fit Harry platement.

- Joyeux Noël, paix sur terre ! chantonna Draco, le ton dégoulinant de sarcasme, mais Harry lui lança un regard pointu et il se tut.

Une fois encore Harry se rendit compte d'à quel point leurs rapports s'étaient drastiquement améliorés en quelques années. À quel moment étaient nés entre eux ce... respect et cette, familiarité – camaraderie presque – ? Il l'ignorait, mais il savait qu'il en était heureux, même si il n'était jamais considéré bien respectable pour un ange que de s'affilier de quelque manière que ce fût avec un démon.

Le parc tout entier était couvert de neige et les rayons de la lune glissaient doucement sur la fine couche moelleuse, comme un reflet dans une flaque d'eau.

Les sons qui provenaient du château étaient étouffés et l'air glacé brûlait les poumons de Harry. Draco portait une simple chemise blanche, mais ne tremblait pas. Un des autres avantages d'être capable de se distancer des exigences et faiblesses d'un corps humain. Ils n'avaient jamais froid, mais un jour Draco lui avait tout de même avoué éviter les températures basses quand il le pouvait –l'habitude de la chaleur des Enfers, probablement.

- J'ai un cadeau de Noël pour toi, annonça Harry se sentant tout à coup très vulnérable.

Draco haussa un sourcil, visiblement surpris par le geste. Durant ces deux dernières années ils s'étaient certes rapprochés ou du moins avaient-ils finis par réconcilier leurs deux natures opposées autant qu'ils le pouvaient, mais jamais encore ils ne s'étaient offert de cadeaux.

Une pensée fugitive traversa l'esprit du blond. (Aurait-il dû penser à offrir un cadeau à Harry... ?) Avant qu'il ne se reprenne. Il était un démon, bon sang ! Pas une sorte de chochotte qui s'amusait à distribuer des cadeaux à des foutus anges !

- Intéressant pour un ange que de promouvoir l'aspect commercial d'un événement religieux..., ricana Draco au lieu d'exprimer sa surprise.

- Rien de tel, répondit Harry avec un vague sourire. Mais enfin...

Son regard s'assombrit et il ferma les yeux avant de lever la tête vers le ciel clair parsemé d'étoiles.

- Quoi ? le pressa Draco.

- C'est notre dernière année à Poudlard...

Le blond grommela à voix basse :

- Foutus anges, toujours si sentimentaux.

Harry eut une faible exclamation amusée malgré lui. Il était idiot.

Il glissa sa main dans la poche revolver de sa veste et en sortit une enveloppe de papier kraft si fine qu'elle paraissait être vide. Il la tendit à Draco.

- Joyeux Noël, Draco. »

Et juste comme ça, le brun était parti.

Un peu étourdi, le blond entrouvrit l'enveloppe et sa main glissa à l'intérieur jusqu'à ce que ses doigts ne touchent quelque chose d'infiniment doux.

Il retira l'objet et admira la plume en faisant tourner son tuyau entre son pouce et son index, appréciant son éclat plus pur que celle de la neige vierge autour de lui. Elle était longue, une plume penne reconnut Draco.

La plume d'un ange.

Il la glissa dans la poche poitrine de sa chemise et s'en alla à son tour.

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Vendredi 13 juin 1997

(Septième année)

Ça avait commencé tout d'un coup, et à part Harry et Draco, personne ne s'était attendu à l'attaque si soudaine. En fait, l'idée d'attaquer de manière si impromptue avait été une idée soufflée dans l'oreille de Voldemort directement par les forces d'En-Bas, et les ravages de cet effet de surprise avaient été ceux d'une bombe.

Quelques mangemorts avaient tout d'abord pénétré de l'intérieur du château, jusqu'à ce que leur présence ne soit découverte et que la véritable invasion ne commence enfin.

Il n'avait pas fallu longtemps pour que le chaos soit total. Une armée de détraqueurs avait été lancées sur le château, et l'armée de Greyback venait de rejoindre les disciples de Voldemort, attaquant les élèves comme des animaux enragés bien que ce ne fût pas encore la pleine lune.

Certes, des aurors avaient été appelés en urgence par Dumbledore qui, toujours prudent et préparé à toutes éventualités, avait eu l'intelligence d'une solution en cas de dernier recours, mais les choses allaient mal.

Les premiers mangemorts avaient infiltré le château en début de soirée, et quelques heures plus tard alors que le soleil venait à peine de se coucher le parc entier était plongé dans l'horreur. Des corps jonchaient le sol, certains morts et d'autres s'accrochant désespérément au dernier souffle de vie qui leur restait. Certains étaient des enfants, onze ans à peine d'autres étaient des adultes, qui avaient fini par sacrifier leur vie à leur cause. Des cris, des explosions, du sang, des larmes, de la haine, du désespoir. L'atmosphère bourdonnait de mal et de souffrance. Pour Harry c'était intolérable.

Il se trouvait présentement à la lisière de la forêt, témoin horrifié de la destruction massive qui se déroulait sous ses yeux pleins d'épouvante.

Le compte à rebours avait commencé.

Ne pouvaient-ils pas voir !? Ne comprenaient-ils donc rien !? En tuant leur prochain, c'était eux-mêmes qu'ils tuaient !

Un sort jaillit en sa direction et il sauta promptement sur le côté pour éviter l'éclair bleu. La magie –ni même aucune sorte d'arme humaine –ne pouvait lui faire véritablement de mal, et certainement pas le tuer. Néanmoins, il était conscient que le corps qu'il habitait n'était pas aussi immortel que son âme et que le remplacer s'il l'abîmait trop prendrait du temps, aussi ne pas se faire dépecer ou écorcher vif par ces fous était une priorité.

Son regard se posa sur Voldemort, présent en personne, qui se battait au loin en tête à tête contre Albus Dumbledore. Un bref éclair de haine –une émotion qui n'avait rien à faire sur le visage d'un ange – passa dans ses yeux. Combien il aurait voulu mettre un terme aux agissements atroces de cet homme -s'il pouvait encore être considéré comme tel, lui qui avait vendu plus de la moitié de son âme au Malin.

Cela aurait été si facile pour lui. Un battement de cils et il pouvait mettre un terme à cette bataille, et plus personne n'aurait à mourir. Les pouvoirs divins qu'il possédait étaient grands.

Mais il n'avait pas le droit. Car cette bataille était Sa volonté. Un vague d'écœurement vint lui serrer la gorge.

Une soudaine explosion derrière lui le propulsa et l'envoya s'écraser contre le tronc d'un grand pin. Ses lunettes tombèrent et se fracassèrent à ses pieds, mais ça n'était pas grave puisqu'elles n'étaient qu'un accessoire censé participer à son déguisement. Il ne prêta pas attention à la paire de lunettes en morceau et tourna plutôt la tête pour regarder dans la forêt. Il venait de déceler une aura démoniaque qu'il reconnut comme étant celle de Draco.

Ses yeux fouillèrent un instant les ombres, mais n'apercevant pas la silhouette familière du blond il décida de s'avancer quelques mètres –il le sentait proche.

« Salut..., fit le démon quand Harry posa enfin ses yeux sur lui.

Il était assis au pied d'un sapin, avec l'air de quelqu'un qui se repose simplement dans la forêt, comme s'il n'y avait pas eu des centaines d'êtres humains en train de s'entre-déchirer à deux minutes de là.

- Draco, fit Harry avec un petit signe de la tête, décidant de s'asseoir à côté de lui sans trop savoir pourquoi. Qu'est-ce que tu fais ?

- J'attends, répondit-il simplement. Il n'y a plus grand-chose que je puisse faire maintenant de toute façon, ils sont bien partis quand il s'agit de se tuer, les hommes n'ont pas besoin de beaucoup d'aide.

Harry poussa un petit soupire affirmatif, une tristesse infinie et inéluctable abattre sur lui.

- Une belle connerie tout ça ! siffla Draco en jetant un coup d'œil dégoûté vers le combat qui continuait de faire rage à une centaine de mètres. On est en droit de se demander si tout cela est bien utile, et ce qu'Il espère vraiment en les faisant s'entre-tuer.

Harry se le demandait aussi. Mais il savait qu'il ne fallait pas questionner Ses desseins.

- Les voies du Seigneur sont impénétrables..., murmura Harry d'une voix étranglée.

Il ne comprenait pas. Pourquoi, pourquoi devaient-ils tous mourir ? Quel était le but ? Créer tout un monde, tout un peuple pour le soumettre enfin au Test ultime en le détruisant tout entier. Ça n'avait aucun sens.

- Ramassis de foutaises ! cracha Draco avec dédain. Et tu le sais...

Une minute de silence noyée dans les cris de douleurs et les pleurs au loin passa. Puis Draco reprit la parole :

- Tu avais raison pour Rogue, fit-il en regardant toujours les hommes se battre en eux comme des bêtes déchaînées. J'ai essayé de le détourner, mais il est resté fidèle à Dumbledore malgré tout.

Le ton détaché de Draco fit tiquer Harry qui sentit soudain une colère étrangère et déplacée envers le démon monter en lui comme la vague d'un tsunami. Comme si tout cela n'avait que peu d'importance ! Comme si tout n'était qu'un jeu que l'on terminerait en comptant le nombre de pions que chacun avait récolté ! Comme si des gens ne mouraient pas et ne souffraient pas à cause de tout ça, à cause de l'Enfer.

- Tu pourrais arrêter. Pourquoi, Draco ? demanda Harry d'une voix faussement calme, et même le blond pouvait entendre son aigreur sous sa voix légèrement tremblante. Pourquoi tu fais ça ?

- Je suis un démon.

- Mais ça n'est pas obligé de se terminer comme ça ! Nous pourrions les arrêter !

À cela Draco leva un sourcil avant de les froncer, l'air de penser que l'ange commençait à perdre les pédales.

- Tu l'as dit toi-même 'les voies du Seigneur sont impénétrables', ce n'est pas à nous de décider. Je fais juste mon travail.

- Ton travail. Tu tentes et corromps les gens, tu noircis le cœur des hommes jusqu'à les faire tomber dans la haine et tu les pousses au meurtre. C'est abject.

Son regard était empli de rancœur et de douleur, et Draco fut soudain incapable de soutenir le regard de l'ange qui paraissait juger son âme salie. Il détourna les yeux pour fixer à nouveau la scène devant lui. Le cri perçant d'une petite fille monta avant de mourir.

Quelques secondes passèrent et Harry soupira enfin doucement :

- Désole, ce n'est pas ce que je voulais dire.

- Si. Si ça l'est, dit le blond d'un ton vif, essayant de ne pas ressentir l'étrange sensation de... quoi de au juste ? De culpabilité ?!

Un nouveau silence passa entre les deux êtres célestes quand un élève –un deuxième année sûrement – passa par là, l'air totalement déboussolé et saignant abondamment d'une blessure à la tempe et au cou. Il était en proie à une peur panique, et la détresse de son âme piqua Harry qui se leva d'un bond, comme électrifié. Il ne pouvait pas rester là à discuter avec Draco. On avait besoin de lui.

Il jeta un ultime regard au blond qui lui fit un signe du menton pour le hâter à rejoindre l'enfant, comprenant son besoin naturel de guérir et d'assister ceux qui en avaient besoin.

Un étrange éclair de compréhension mutuelle passa entre les deux êtres, le temps d'une fraction de seconde.

- Nous nous reverrons », souffla Draco, bien qu'aucun d'eux deux ne savait quand.

Une nouvelle explosion.

Harry était aux côtés de l'enfant, guérissant sa blessure en l'effleurant des doigts. Draco avait disparu dans les ombres figées des hauts sapins de la forêt sans laisser de trace derrière lui.

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À suivre …