Sous un ciel noir, triste nuit d'un jour funeste, tout est calme. Poudlard n'est pas illuminée et, de la Forêt interdite, je vois ce grand château éteint se refléter dans l'eau obscure du lac. Tant d'années ont passées mais je ne puis croire que c'est la fin. Bercés par des illusions, nous avons espéré pouvoir le vaincre, triste sort, énervant destin. L'un ne peut vivre tant que l'autre survit, il est vivant et tu es mort – ton corps sans vie sur le sol froid et dur de la grande salle.
Tel un automate au corps malade, je me suis rendue dans son bureau – celui de l'homme en qui tu as toujours cru. Il était là, dans son tableau, son regard de papier me transperçant comme une lame. Il n'a rien dit et je n'ai pas trouvé la force de lui annoncer que tu étais parti. J'ignore combien de temps je suis restée là, les bras ballants, le cœur meurtri. Comme de l'eau, tant salée qu'amer de cette défaite, coulait sur mes joues, j'ai vu son corps peint se lever et disparaître sans se retourner.
J'ai erré dans les couloirs froids une éternité, jusqu'à ce que mes pas me mènent devant la Salle sur demande. J'ai imploré son aide et une porte est apparue les mains fébriles, je l'ai poussée. Je me suis retrouvée dans une petite pièce sombre. C'est là que je l'ai vue, cette chose – immonde et néfaste – me regarder. Sur un trône de fer, était assise une bête à la tête de reptile et au corps d'homme. Elle était recouverte d'écailles laiteuses et ses yeux rouges, fous, me fixaient. Cette chose ne m'était pas inconnue c'était ce que deviendrait Voldemort dans mille ans, dans cent ans – je l'ignore. Entre les doigts canoniques de sa main droite, bien serrée, se trouvait la baguette de sureau. Ce morceau de bois pour lequel tant avaient tué et que Dumbledore, lui-même, avait convoité. Sur sa paume gauche, reposait un globe de verre noir – contrastant avec la blancheur de sa visqueuse peau. Terrifiée, j'ai voulu quitter la pièce mais je n'ai pas su, quelque chose me clouait se place. Dans un geste d'une lenteur inouïe – que lui permettait ce bras millénaire – il abaissa la main tenant le globe qui, lorsqu'il atteignit le sol, fit un bruit de tous les diables sans pour autant se briser. Le temps semblait avoir suspendu son cours – désireux de prolonger mon épouvante – tandis que le globe maudit roulait jusqu'à mes pieds. Je ne sais pourquoi je me suis baisée pour le ramasser, l'instinct, l'inconscience – qui le sait. Quand mes doigts sont entrés en contact avec le verre glacial, j'ai su : il regrettait d'avoir mutilé son âme, la vie éternelle était pour lui un fardeau. Mon premier sentiment, comme j'analysai la sphère, fut de me réjouir de son malheur comment aurais-je pu plaindre ton assassin ! Mais quand le verre s'est éclairci, et qu'une voix vaporeuse s'en est échappée, je me suis rendue compte que je tenais-là une prophétie – qui me concernait puisqu'elle me dévoilait ses secrets :
Cette voyageuse du temps – qui n'en est pas à son premier essai – parcourra la distance qui les sépare. Corps et esprit sous un nom faux, elle le trouvera. Lui, origine de ses maux – être à l'âme mutilée – elle le condamnera. C'est dans la douleur que la protectrice disparaîtra et dans le désespoir que le serviteur verra partir sa maîtresse.
J'ai rebroussé chemin comme la chose hurlait de tout son soûl – sa voix suraigüe résonne encore contre les parois de ma tête. Le globe bien serré dans ma paume, j'ai couru le plus vite que je pouvais, trébuchant, glissant, avec la désagréable impression qu'il me poursuivait. Je suis arrivée dans le grand hall, transformé en charnier, et suis sortie. Toujours assaillie par le sentiment qu'il était là, j'ai dévalé le parc, suis passée devant la cabane d'Hagrid – elle aussi silencieuse et sombre – pour finalement atterrir dans la Forêt interdite.
Je suis là, la prophétie dans la main, seule et terrifiée. Je n'arrive pas à reprendre mon souffle, mes poumons sont en feu et ma respiration sifflante. J'ignore ce que je dois faire. Harry, aide-moi ! Désespérée, je m'assieds dans l'herbe humide et mon pied frôle quelque chose : c'est une pierre noire, craquelée par le milieu en une ligne brisée. Intriguée, je m'en saisis et tu apparais.
Harry, tu es là !
