Disclaimer: Le monde d'Harry Potter ainsi que ses personnages appartiennent à J.K. Rowling, aux divers éditeurs et à Warner Bros Inc. Cette fiction est écrite à but purement non lucratif, et en aucun cas avec une intention de violation de copyright.

Avertissements: Comme vous avez-pu le constater, cette fiction est sous le Rating "T". Je vous avertis dès maintenant, ce Rating est susceptible de changer pour "M". Le cas échéant, vous serez bien entendu avertis en début de chapitre.

De plus cette fiction est un SLASH, ce qui signifie qu'elle traitera d'une relation entre deux hommes. Si vous avez un problème avec ça, soyez gentil, NE LISEZ PAS!

Note de l'Auteur: Un...deux...un, deux, test. Ça fonctionne? Bien. Donc, voici ma nouvelle fiction. Une romance pure et simple, rien de méchant ni de très sombre, pas d'enquête ni de bagarres sanglantes comme dans mes précédentes fictions (je ne sais pas ce qui m'arrive, ça me fait presque peur). Donc je ne sais pas ce que ça va rendre, je vous laisse le soin d'en juger.

Les reviews sont appréciées. Ecrire est très long et parfois laborieux, et rien n'est plus encourageant que de savoir que l'on est lu et/ou apprécié.

Cette fiction tient en compte tous les livres Harry Potter, y compris Les Reliques de La Mort, jusqu'à la fin de la bataille de Poudlard. Seul l'épilogue n'est pas pris en compte.


Le Café de la Rue Errante

OoOoOoO

Chapitre I


Draco Malfoy n'était pas à l'aise au milieu des foules. Il détestait sentir les regards sur lui, perçants, accusateurs. Il détestait la sensation des corps qui le frôlaient, le bousculaient. Il rêvait d'anonymat, mais l'anonymat n'était pas un luxe qu'il pouvait se permettre.

Les rares fois où il s'était aventuré sur le Chemin de Traverse ces dernières années, il en était revenu les mains tremblantes et le cœur battant la chamade, étranglé par la terreur. Il lui avait fallu boire jusqu'à l'étouffement, boire jusqu'à ce que son corps s'engourdisse, jusqu'à ce que le cours de ses pensées ralentisse. Jusqu'à ce que la peur ne s'échappe en hoquets et en larmes.

Les lendemains le laissaient toujours empli de honte face à sa propre lâcheté.

Draco n'était pas retourné sur le Chemin de Traverse depuis des années. Sa vie n'était pas triste pour autant. Il aimait sa maison cabossée, perchée en haut de sa colline.

Lorsqu'il l'avait achetée, deux ans après la guerre, il n'aurait jamais pensé en venir à l'aimer. Il n'avait simplement pas eu le choix. La guerre avait drainé les voûtes de sa famille, ne leur laissant qu'une somme risible, fantôme de l'ancienne richesse des Malfoy. Après son procès et son acquittement, il avait erré dans les couloirs silencieux du Manoir, à regarder sa mère tenter de garder les apparences intactes, sa grâce d'antan. A l'entendre pleurer le soir, lorsqu'elle pensait que personne ne pouvait la surprendre. Il déambulait toute la journée, incapable de faire quoi que ce soit, dans les corridors glacés ou planaient encore des fantômes douloureux qu'il était le seul à voir.

Un jour, il avait pris la clé de sa voûte et était parti pour Gringotts. Le cœur brûlant de détermination, il avait ignoré pour la première fois les regards mauvais qui semblaient le suivre partout où il allait, et avait retiré l'intégralité de l'argent qu'il restait à sa famille.

Il avait cherché durant des mois, sans que sa résolution ne faiblisse, même après les nombreux refus qu'il avait essuyés de la part des Agences Immobilières du monde sorcier. Un Malfoy dans la clientèle n'était pas bon pour les affaires, lui avait-on dit. Allez-voir ailleurs, lui avait-on dit.

Quelques années plus tôt, il aurait probablement hurlé, tempêté, menacé. Là, il avait simplement gratifié ses interlocuteurs d'un signe de tête raide, s'était enveloppé de sa fierté piétinée comme d'une cape et avait tourné les talons.

Un jour, il avait enfin reçu une réponse positive. La femme qui l'avait conduit jusqu'à la maison isolée avait un rictus moqueur plaqué sur le visage, et Draco avait immédiatement su à quoi s'attendre. Il avait regardé les pierres branlantes, le jardin en friche, le toit percé. Il s'était tourné vers la femme et lui avait dit « Je la prends. »

L'expression abasourdie qui avait remplacé le sourire sarcastique lui avait un peu remonté le moral.

Et Draco avait acheté la vieille bâtisse. Il avait remonté ses manches et s'était mis au travail, lui qui n'avait jamais travaillé de sa vie. Il avait mis une année entière à la transformer en quelque-chose de relativement habitable. Une année à suer sang et eau, à lire et relire des grimoires de Magie du Bâtiment. Il s'était rendu compte qu'il aimait ça, travailler jusqu'à l'épuisement, pour se laisser glisser dans un sommeil sans rêve à la fin de la journée.

Un jour, il était rentré au Manoir. Il avait trouvé sa mère à sa place habituelle, dans un fauteuil devant la fenêtre, son regard pâle perdu au-delà de l'horizon. Il lui avait dit « Mère, nous partons. »

Narcissa n'avait pas posé de questions. Elle avait levé les yeux vers son fils et avait souri, pour la première fois depuis des mois. Elle avait hoché la tête et préparé ses affaires.

Elle n'avait montré aucune surprise à la vue de l'étrange bicoque que Draco avait passé un an à rendre présentable. Elle avait rangé ses robes coûteuses de soie et de velours dans le placard grossièrement équarri et s'était assise dans un fauteuil devant la fenêtre.

Au fil du temps, Draco avait appris à aimer la maison capricieuse. Elle avait cessé d'être le symbole de la chute de sa famille pour lui offrir le défi dont il avait besoin. Il avait réparé, reconstruit, peaufiné avec la satisfaction d'un guerrier qui vainc un vieil ennemi coriace.

A présent, il l'aimait. Il aimait le calme des vieilles pierres, il aimait les vignes sauvages qui grimpaient le long des murs et qui, aux premières lueurs de l'automne, devenaient d'un rouge flamboyant. Il aimait les roses trémières qui jaillissaient en gerbes pourpre dans le jardin.

La plupart de ses journées passaient de la même manière. Draco se levait aux aurores et se mettait au travail. Dans son atelier, il sélectionnait avec soin les ingrédients, pilait, coupait, mélangeait. Cinq fois dans le sens des aiguilles d'une montre. Deux gouttes de lait d'Euphorbe. Une fiole de sang de salamandre. Douze feuilles d'armoise romaine.

Draco aimait préparer des potions. Il aimait le contrôle, la précision. Ses potions étaient connues dans le petit monde fermé des apothicaires, qui se les arrachaient à prix d'or. Il était parvenu à créer des potions plus efficaces, plus rapides. Il avait supprimé des amertumes désagréables, des effets secondaires dangereux, des odeurs nocives. Chaque jour, de l'aube au coucher du soleil, il s'enfermait dans son petit atelier situé dans la cave de la maison, et confectionnait des potions, cherchant à toucher du doigt la perfection.


OoOoOoO


Le jour où ce train-train irréprochable bascula commençait pourtant comme les autres.

En ce début du mois d'octobre, la température hésitait, dans ce flou caractéristique du passage d'une saison à une autre. Les feuilles commençaient déjà à se teinter de fauve mais, ce matin-là, le rayon de soleil qui se risqua à traverser les rideaux de la chambre de Draco était chaleureux. Il sauta de son lit et entama sa routine rassurante. Comme tous les matins, il prit une douche rapide, se sécha d'un coup de baguette négligeant et se rasa. Comme tous les matins, il rejoignit la cuisine d'un pas leste. Comme tous les matins, il remplit d'eau la chambre inférieure de sa cafetière à moka, versa une, deux cuillères de café, referma, et posa le tout sur le feu.

Comme tous les matins, il ouvrit sa fenêtre pour laisser entrer les hiboux grognons qui lui livraient ses ingrédients, les commandes des apothicaires et la Gazette du Sorcier, qu'il parcourait habituellement en buvant son café et en prenant soin d'éviter les pages évoquant la guerre. Fort heureusement, celles-ci se faisaient de plus en plus rares au fil des années.

Il ouvrit ses paquets et tria les ingrédients reçus. Lorsqu'il eût fini, se trouvaient soigneusement alignés les racines d'Aplectrelle d'Hiver, les pétales de Bulgosse Crépu, les Centaurées du Diable, le venin d'Acromentula, la Poudre de Jade, les cervelles de crapauds et les épines de Sharak.

Draco fronça les sourcils et parcourut la cuisine du regard. Aucun paquet n'avait échappé à son attention. Il lui manquait pourtant la Sisymbre.

Draco se força à respirer profondément et tenta de chasser l'irritation qui montait en lui. Il détestait les imprévus.

Il se précipita dans le séjour, saisit une plume et un parchemin et griffonna un mot pour son grossiste.

Il ouvrit la cage de Zeus, qui le gratifia d'un hululement dédaigneux. Réprimant un sourire, il tendit le bras pour autoriser le hibou mal luné à se poser dessus. Les sourires avaient tendance à énerver Zeus.

« Porte-ça à Alfonso, veux-tu ? » dit-il en attachant le rouleau de parchemin à la patte de l'oiseau. Celui-ci lui lança un regard noir mais, après un petit cri condescendant, prit son envol et disparut par la fenêtre.

Avec un soupir, le jeune homme retourna dans sa cuisine et s'attabla devant son café.

« Draco. »

Il leva la tête vers sa mère. Comme toujours, Narcissa Malfoy était tirée à quatre épingles. Le tissu onéreux de ses robes avait pâli avec les années, mais elle mettait un point d'honneur à ne jamais faillir à son ancienne élégance légendaire. Comme tous les matins, une vague de tristesse traversa Draco. Il savait à quel point sa mère était seule. Elle n'avait pas été taillée pour la vie en marge, pour les longues journées sans prononcer un mot. Narcissa n'était jamais aussi vivante et rayonnante que lorsqu'elle pouvait s'adonner à de longues joutes verbales sur des sujets qui la passionnaient. Elle avait été prédestinée à la vie en société et se retrouvait à endosser le rôle d'ostracisée avec un fils silencieux, un hibou revêche et ses souvenirs en guise de compagnons d'infortune.

« Mère, » répondit Draco en forçant un sourire. D'un coup de baguette, il alluma le feu sous la bouilloire et se leva pour rejoindre le séjour.

Un bruissement d'aile se fit entendre et Zeus surgit de nouveau, les plumes ébouriffées. Il tendit la patte et gratifia Draco d'un coup de bec vicieux lorsqu'il fut libéré de son message. Draco poussa un juron, mais le hibou s'était déjà dirigé vers sa cage sans lui accorder un regard de plus.

« Saleté de poulet, » marmonna Draco en déroulant la réponse d'Alfonso.

Draco,

Je n'ai plus de Sisymbre. Poudlard m'en a commandé une énorme quantité et je me retrouve en rupture de stock.

A ma connaissance, la seule autre personne qui peut t'en fournir se trouve à Londres. Je sais que tu détestes y aller mais, si tu es pressé, tu devras t'y résoudre.

L'adresse est le 11, Rue Errante. Aux dernières nouvelles, la rue stationnait à côté de Picadilly Circus, derrière une vieille affiche des Bizarr'Sisters.

Lorsque tu y seras, demande Maria et dis que tu viens de ma part. La vieille est un peu loufoque, mais elle t'accueillera bien.

Toutes mes excuses,

A.C.

Draco sentit le sang déserter son visage tandis qu'il lisait et relisait la lettre, tentant de se prouver qu'elle n'était qu'une mauvaise blague ou un cauchemar. Londres. Une panique qu'il n'avait plus ressentie depuis des années l'envahit, laissant ses paumes moites et son souffle court. Une rue sorcière à Londres. Il ferma les yeux, tentant de repousser les images qui l'assaillaient. La foule grouillante du Chemin de Traverse. Les regards furieux, les murmures, les sorts Trébucheurs lancés derrière son dos. La haine dans les yeux. La sensation d'être piégé.

L'attaque de panique le prit par surprise. Un goût métallique emplit sa bouche et la nausée monta en lui comme une vague. Il n'eût que vaguement conscience de tomber à quatre pattes, froissant la lettre dans son poing fermé. Le front couvert d'une pellicule de sueur glacée, il tenta en vain de retrouver une respiration régulière.

« Draco ! »

La voix anxieuse de sa mère traversa à grand peine le brouillard de son esprit.

« Dans le placard…fiole bleue, vite. » parvint-il à croasser.

Il y eut un bruit de verre entrechoqué, puis il sentit sur sa joue la main fraîche de sa mère et le contact froid d'un flacon contre ses lèvres. Il ouvrit la bouche et autorisa le liquide à couler dans sa bouche, luttant pour ne pas vomir. L'effet du Philtre de Paix fut quasi-instantané. Ses muscles se détendirent et la sensation d'étouffement diminua peu à peu. Agité de frissons interminables, il laissa couler les larmes d'épuisement qui ne manquaient pas de suivre ses crises, calmé par la litanie de mots rassurants que lui murmurait sa mère et par la main dans ses cheveux.

Peu à peu, son cœur retrouva un rythme normal. Soudain gêné, il releva la tête. Sa mère le contemplait sans un mot, les yeux emplis d'inquiétude. Il eût envie de la rassurer, sans qu'aucun mot ne lui vienne à l'esprit. Il lui tendit la lettre. Sans cesser de caresser ses cheveux, elle la saisit de son autre main. Il la vit parcourir la note des yeux et pâlir.

« Oh, Draco…Tu n'y penses pas, n'est-ce pas ? Tu ne peux pas retourner à Londres…pas après ce qui s'est passé la dernière fois ! »

Draco ferma les yeux et résista à la nouvelle vague d'images douloureuses qu'invoquaient les paroles de sa mère.

« Je n'ai pas le choix, mère. Si je n'ajoute pas de Sisymbre au Polynectar demain, cela réduira en fumée trois semaines de préparation fastidieuse. Et je ne peux risquer de perdre un client. Nous avons besoin de l'argent de cette commande. »

Narcissa releva le menton avec une moue déterminée.

« Très bien. Dans ce cas, j'irai. »

Draco se redressa brusquement, affolé.

« Il n'en est pas question ! »

« Mais Draco… »

« Non, mère. J'irai à Londres cet après-midi. Je n'aurai même pas besoin de passer par le Chemin de Traverse, je ne vois pas ce qui pourrait mal tourner. »

Narcissa resta silencieuse durant une longue minute, avant de soupirer.

« Je suppose que je n'ai aucune chance de te persuader de ne pas le faire ? »

Draco sourit faiblement et secoua la tête. Il se releva, les jambes flageolantes.

« J'en ai bien peur. »

Sa mère le fixa un instant en silence avant de se lever et de sortir de la pièce, lèvre serrées et tête haute. Draco la regarda partir, un goût amer dans la bouche. Il ne fit pas un geste pour la suivre.

Il savait que sa mère détestait qu'on la voie pleurer.


OoOoOoO


Le reste de la matinée passa dans un flou paniqué. Draco tenta en vain de travailler sur ses potions en cours. Incapable de se concentrer, il finit par abandonner de peur de gâcher irrémédiablement une préparation.

En désespoir de cause, il décida de sortir se promener. Il avait découvert très tôt que de longues heures de marches parvenaient à le calmer de manière bien plus efficace que n'importe quel philtre. Durant les années sombres de la guerre, il avait arpenté des couloirs plus souvent qu'à son tour, les mains jointes nerveusement, le cœur battant la chamade. La peur au ventre. Mais il marchait, comme si sa vie en dépendait, à Poudlard ou au Manoir, avec l'impression que le monde s'arrêtait.

Il avait marché pour se persuader qu'il n'entendait plus les hurlements des prisonniers torturés par les « amis » de son père. Pour se persuader qu'il ne vivait pas sous le même toit qu'un fou mégalomane. Pour se persuader que peut-être, seulement peut-être, un jour tout finirait par s'arranger.

Draco perdit le compte des heures. Il erra sur les sentiers, au milieu des senteurs d'automne, inspira profondément l'air frais, observa en silence un geai becquer avec acharnement un gland dans l'espoir d'en briser la coquille. Lorsqu'il rentra enfin, l'après-midi était déjà bien avancé.

Dans sa chambre, il jaugea d'un œil critique son reflet dans le miroir. La fin de la guerre l'avait laissé dépressif et terrifié. Après une année passée à rénover la bâtisse du haut de la colline, il n'était plus ce gamin malingre et tremblant, mais le corps vigoureux qu'il avait acquis n'avait rien fait pour masquer ses défauts.

Il soupira. A vingt-quatre ans, il avait l'air d'en avoir cinq de plus. Les poches sous ses yeux dénonçaient ses insomnies récurrentes et sa peau était restée d'une pâleur maladive malgré les longues heures passées sous le soleil. Ses traits étaient tranchants, son nez trop pointu.

Morose, il se vêtit d'une chemise blanche et d'un jean, tenue suffisamment neutre pour n'attirer l'attention ni chez les moldus, ni chez les sorciers, et se mit à la recherche de sa mère.

Il la trouva assoupie dans son fauteuil, et s'arrêta pour l'observer. Une fois de plus, il fut frappé par sa fragilité. Si la guerre avait laissé des cicatrices en Draco, elle avait brisé Narcissa. Celle-ci avait perdu son mari, ses amis et son rang. Une vague d'affection le submergea à la vue de cette femme qui avait tout donné pour le protéger. A présent, c'était à lui de veiller sur elle.

Il lui secoua doucement le bras. Ses cils pâles papillonnèrent, révélant ses prunelles noisette si différentes des yeux gris que Draco avait hérités de son père.

« Lucius ? »

La voix de sa mère était faible et ensommeillée. Le prénom fit l'effet d'un poignard dans la poitrine de Draco. Il battit des paupières pour faire cesser le picotement des larmes qui menaçaient et répondit d'une voix douce.

« Non, mère, c'est Draco. Je pars pour Londres. Je serai de retour le plus vite possible. »

Narcissa se redressa sur son fauteuil, les yeux écarquillés.

« Draco, je t'en prie, fais attention à toi. »

Draco força un sourire.

« Je serai de retour en moins de temps qu'il ne faut pour le dire. Tout va bien se passer, mère. »

Déposant un baiser sur son front, il tourna les talons et sortit de la maison, s'accrochant à sa dernière phrase comme à une bouée de sauvetage.

En transplanant, il espéra de toutes ses forces qu'elle soit vraie.


OoOoOoO


Lorsque la désagréable traction du Transplanage se dissipa et qu'il sentit la pression rassurante du bitume sous ses pieds, Draco ouvrit les yeux. Il se trouvait au point de Transplanage de Westminster, et immédiatement, le chaos du Londres moldu lui sauta à la gorge. La pollution ambiante lui piqua les yeux, et le brouhaha causé par la circulation et les passants lui fit immédiatement tourner la tête. Désorienté, il regarda autour de lui, tentant de retrouver les repères qu'il avait perdus depuis des années. Il s'engagea sur Coventry Street d'un pas chancelant, bousculant au passage quelques moldus indifférents. La nuit tombait déjà sur la ville et, en ce vendredi soir, la jeunesse était de sortie. Les rires fusaient et les pubs s'emplissaient. Draco parcourait les murs de la rue passante du regard, cherchant un signe de présence magique.

Finalement, après avoir dépassé Little London et ses souvenirs criards et banals destinés aux hordes de touristes se déversant sur Londres à chaque période de vacances, son regard fut attiré par une affiche délavée qui semblait hors de propos sur le mur élégant du bâtiment. Il jeta un rapide coup d'œil autour de lui. Les badauds, trop occupés à se réjouir du début week-end, ne prêtaient pas attention à l'homme étrange perdu dans la contemplation d'une affiche détériorée au coin de la rue.

L'affiche aux couleurs fanées représentait trois femmes habillées de couleurs criardes, d'immenses chapeaux pointus violets perchés sur le crâne. Au-dessus de la photo s'étalait en lettres dorées « Bizarr'Sisters, en concert le – ». La suite était trop endommagée pour être lisible, probablement dans l'éventualité où un moldu s'y intéresserait d'un peu trop près.

Prudemment, Draco tira sa baguette de la poche de sa veste de cuir et en posa l'extrémité sur l'affiche. Aussitôt, celle-ci s'anima et la femme du centre, une jeune sorcière aux cheveux violets, lui fit un clin d'œil aguicheur avant de recourber le doigt dans un geste d'encouragement.

Draco prit une profonde inspiration, ferma les yeux, et traversa le mur.


OoOoOoO


La Rue Errante était calme. Ce fut la première chose que Draco remarqua lorsqu'il posa pieds sur le pavé si différent du bitume sans âme que ses pieds venaient de quitter.

Quelques passants flânaient. Pas un seul ne prêta attention à Draco alors qu'il s'avançait dans la rue. De hautes maisons de pierres plongeaient la rue dans l'ombre. L'atmosphère, loin d'être inquiétante, était paisible et ouatée. Quelques magasins cossus étaient nichés dans les vieilles bâtisses. Draco parcourait du regard les pancartes, cherchant quelque-chose qui ressemblait de près ou de loin à un apothicaire, lorsqu'une enseigne attira son attention. Fronçant les sourcils, il s'approcha.

Un « 11 » était peint à même le bois de l'écriteau. En dessous, de longues lettres déliées lui apprirent qu'il se trouvait devant le Café Bienvenue. Draco ne put s'empêcher de pouffer devant un tel manque d'originalité. Il poussa précautionneusement la porte de bois et entra.

Une odeur de cire et de café flottait dans la pièce. L'intérieur du café était propret et d'une élégance rustique. Aux fenêtres, des rideaux à carreaux filtraient la lumière de l'extérieur, les tables éparses étaient égayées par des bouquets de fleurs multicolores. La salle était déserte.

Quelques années plus tôt, Draco aurait probablement froncé du nez et appelé le décor rustique mais, dans cet endroit inconnu, il trouvait la familiarité de l'atmosphère rassurante. La nervosité qui lui serrait la gorge depuis son départ se dénoua quelque peu.

Il fit quelques pas mal assurés en direction du comptoir.

« Il y a quelqu'un ? »

Sa voix était étranglée et tremblante. Il se racla la gorge et s'apprêta à réitérer son appel lorsqu'une boule noire sauta sur le comptoir et l'examina de ses yeux ronds.

Le chat fixa Draco.

Draco fixa le chat.

Le félin était d'un noir de jais, et ses yeux étaient d'une couleur impossible à déterminer, hésitant entre le bleu et le blanc nacré. Il inclina la tête, semblant attendre quelque-chose.

« Hum…Je –Je cherche Maria. Je viens de la part d'Alfonso. Alfonso Capuani, » dit Draco au chat, tout en se sentant profondément stupide.

Tu parles à un chat, mon vieux. La fin est proche, songea-t-il, au bord du désespoir. A sa grande surprise, le chat lâcha un miaulement bref, sauta du comptoir et disparut.

Draco se retrouva de nouveau seul dans le café, et n'eût d'autre choix que de patienter avec l'espoir ridicule que le chat allait revenir. Avec sa maîtresse, de préférence.

Il s'assit à une table et saisit machinalement une fleur entre ses doigts. Il la tourna et la retourna nerveusement, arrachant les pétales pour en faire des petits tas. Plus les minutes passaient, plus l'appréhension montait en lui. La tenancière allait-elle le reconnaître ? Que se passerait-il si c'était le cas ? Allait-il se faire insulter, renvoyer ? Attaquer ?

La sueur froide qui annonçait le début d'une crise de panique commença à couvrir son front.

Allait-elle appeler d'autres personnes pour lui donner une leçon ? Comme –le fil de ses pensées fut interrompu par un poc sec. Il leva les yeux pour trouver un verre empli d'un liquide mordoré sur sa table.

« Bois-ça. M'est avis que t'en as besoin, bonhomme. »

La voix légèrement rauque, teintée d'un accent presque imperceptible, fit sursauter Draco. Sa propriétaire était une femme d'une cinquantaine d'années au visage rond, aux cheveux courts et frisés d'un blond cendré parsemés çà et là d'un éclat argenté. Elle semblait indifférente à la scrutation intense de Draco. Celui-ci, gêné, détourna son regard sur le verre que la femme lui avait donné. Le breuvage ambré avait l'air inoffensif, mais il n'avait pas l'intention d'en boire une goutte. Lui-même Maître des Potions, il savait à quel point il était facile de distiller quelques gouttes d'un poison mortel, incolore et inodore dans une boisson.

La femme dût sentir son inconfort car elle éclata d'un rire chaleureux, découvrant ses dents jaunies.

« T'inquiètes donc pas, bonhomme, j'essaie pas de te tuer. T'as la tête de quelqu'un qu'a vu un fantôme. Crois-moi, ça te fera du bien. C'est de l'hydromel, je l'ai distillé moi-même. »

Loin d'être rassuré, Draco déglutit et saisit le verre. Il prit une gorgée prudente. La brûlure de l'alcool radoucie par le goût du miel fit son travail, et aussitôt, Draco sentit son corps se détendre.

« Bon gars. Maintenant, dis-moi ce qui amène Draco Malfoy dans mon modeste café. »

Draco se raidit, l'espoir qu'il avait d'être resté anonyme démoli en une seconde. Cependant, aucune accusation ne teintait la voix de la femme. Draco remarqua distraitement les rides qui ornaient le coin de ses yeux. Des rides de sourire. Il fit de son mieux pour se composer une expression indifférente et, lorsqu'il parla, sa voix ne trahissait aucune des violentes émotions qui le secouaient.

« Je –Alfonso m'a envoyé. J'ai besoin de Sisymbre pour mes potions et il est à court. Il m'a dit que vous en auriez peut-être. »

« Alfonso ! Ce vieux brigand ! Des mois que je ne l'ai pas vu. Voyons voir ce que je peux faire pour toi, bonhomme. »

Draco grimaça. Se faire appeler « bonhomme » à vingt-quatre ans était une expérience assez déconcertante.

La femme s'était éloignée et farfouillait derrière son comptoir. Draco l'entendit marmonner des mots dans une langue inconnue. Finalement, après un dernier « Fläkta ! », elle poussa un petit cri de victoire.

« Hah, äntligen ! »

Elle se releva, brandissant un bouquet de fleurs séchées. Elle les tendit à Draco qui les saisit avec soulagement. Il avait trouvé l'ingrédient manquant, son Polynectar serait livré en temps et en heures. Il regarda sa sauveuse avec gratitude.

« Merci, madame. »

« Pas de ça, bonhomme. Moi c'est Maria Ohlsson. Mais tout le monde m'appelle Maria. »

Draco tenta vaillamment de sourire, la gorge serrée par l'émotion. Cela faisait des années qu'il n'avait pas été traité avec autant de chaleur et de confiance par quelqu'un d'autre que sa mère ou Alfonso. La simplicité amicale de cette femme lui réchauffa le cœur.

« Merci…Maria. »

Sa voix était enrouée, mais Maria, si elle le remarqua, ne fit aucun commentaire. Elle tira une pipe de bois de son tablier, la calla entre ses dents et l'alluma de la pointe de sa baguette. Une épaisse fumée s'éleva du foyer, une fumée à l'odeur d'herbes brûlée et d'encens. Pas désagréable.

Sirotant son hydromel, Draco se laissa envahir par le silence paisible qui baignait le petit café. Il sentait le regard de la femme sur lui mais, pour la première fois depuis bien longtemps, le malaise qui l'étreignait toujours sous la scrutation d'un inconnu ne se manifesta pas.

Ce ne fut qu'une heure plus tard qu'il se leva pour partir. Maria Ohlsson n'avait pas montré le moindre signe d'impatience, ni n'avait brisé le silence recueilli de Draco. Elle s'était contentée de fumer sa pipe, le regard voguant entre les murs du café, la fenêtre et Draco lui-même, un sourire lointain flottant parfois sur son visage.

Lorsque Draco porta sa main à sa bourse de cuir pour en sortir quelques Gallions, elle secoua la tête et éclata d'un rire rauque.

« Pas de ça, bonhomme. Aujourd'hui, c'est pour moi. Considère ça comme un cadeau de bienvenue. »

Draco fronça les sourcils, décontenancé.

« De bienvenue ? Cela impliquerait que je revienne. »

La femme se contenta d'hausser les épaules avec un sourire.

« Vous revenez toujours, bonhomme, vous revenez toujours. »

Elle disparut dans l'arrière-boutique avant que Draco ne puisse lui demander des explications.


OoOoOoO


Lorsque Draco poussa la porte de la maison, il entendit les pas empressés de sa mère se rapprocher. Il eût à peine le temps de tourner la clé dans la serrure qu'elle apparut et le serra dans ses bras si fort qu'il en eût le souffle coupé.

Abasourdi, il se laissa faire, les bras ballants. Malgré leur mode de vie à mille lieues des mondanités du passé, Narcissa avait gardé avec son fils les distances qui étaient de mises parmi les grandes familles de sang-pur. Les signes d'affections n'étaient pas bien vus dans ce milieu et Draco pouvait compter sur les doigts d'une main le nombre d'étreintes maternelles spontanées qu'il avait reçu. La culpabilité le saisit. Sa mère avait dû horriblement s'inquiéter de ne pas le voir revenir.

« Je vais bien, mère. Tout va bien, » marmonna-t-il en tapotant maladroitement l'épaule frêle de Narcissa. Celle-ci sembla se rendre compte de l'embarras de son fils et recula d'un pas, les yeux secs.

« Je me suis inquiétée, Draco, » répondit-elle d'un ton dans lequel l'accusation était évidente.

Draco ravala sa culpabilité et hocha la tête.

« Je suis désolée, mère. J'ai perdu la notion du temps. »

Narcissa resta bouche bée durant quelques secondes avant de se reprendre.

« Je vais préparer du thé, et j'aimerais que tu me raconte tout ça. »


OoOoOoO


Ce soir-là, Draco eût du mal à trouver le sommeil.

Pour la première fois depuis des années, ce ne furent pas des souvenirs sombres et sanglants qui le tinrent éveillés, mais celui, plus paisible, d'un sourire mystérieux et de l'odeur entêtante des fleurs sauvages.


à suivre...


Comme vous pouvez le constater, ce chapitre manque cruellement d'Harry Potter. Ne vous inquiétez pas, vous le retrouverez au prochain chapitre, je ne pouvais tout simplement pas le faire arriver comme un cheveu sur la soupe. Je suppose que ce chapitre de mise en place soulève tout un tas de questions (si quelqu'un le lit \o/). Elles trouveront des réponses dans la suite de la fiction.

N'hésitez pas à laisser une review pour me donner votre avis sur ce premier chapitre!