Bonsoir à toutes et à tous.
Oui, je sais, vous ne vous y attendiez pas à celle-là. Moi non plus pour être honnête. Ce recueil était supposé être terminé, et je n'aurais plus dû y revenir. Seulement voilà, j'avais un goût d'inachevé dans la bouche, et je me suis dit que si je voulais réellement mener ce projet à terme, je me devais de finir ce que j'avais commencé. Il était donc temps pour ce couple de voir le jour, après tout, il n'y avait pas de raisons qu'ils n'aient pas le droit à leur petit OS de torture. Je me doute que ce n'est pas le couple qui vous intéresse le plus, j'espère néanmoins que vous prendrez du plaisir à le lire.
J'en ai également profité pour reprendre entièrement tous les autres OS, corrigeant les fautes, enlevant le gras dans les dialogues, etc… Mais je n'ai pas changé le contenu. Après tout, ils font partie de mon évolution sur le fandom, et je souris gentiment lorsque je vois l'ensemble. J'espère que vous passerez un bon moment à les lire, ou bien à les relire éventuellement. Comme toujours, vos opinions ou un simple mot d'encouragement sont bienvenus.
Disclaimer : Tous les personnages présents et cités appartiennent à Masami Kurumada.
Couple : Shyriu & Shunrei.
A ma Ta-chan adorée : Surprise ! Je te souhaite bon courage pour tes examens de tout mon cœur. Merci pour tout, encore et toujours ma belle.
Sur ce, je vous souhaite une agréable lecture.
"L'angoisse de l'amour te serre le gosier,
Comme si tu ne devais jamais plus être aimé".
Apollinaire, Zone.
Elle attendait. Assise au bord de la rivière, ou bien derrière la fenêtre, sur ce siège en acajou vieilli qui l'avait vu grandir petit à petit, elle attendait, tout en occupant ses mains sur un ouvrage quelconque, dans une piètre incarnation de la femme parfaite d'un autre temps. Elle attendait, dans ce coin reculé du monde où le silence était roi, et la solitude sa maîtresse. Elle attendait depuis si longtemps à présent, qu'elle avait cessé de compter les jours. Elle ne tournait plus les pages sur cet ancien calendrier. Car voir défiler chaque mois, c'était se rappeler un chevalier tombé au combat. Alors elle avait cessé de le faire, comme tant d'autres choses au fur et à mesure que le temps passait. Une autre fois, assise sur un rocher, au bord de cette cascade qu'elle n'avait pour ainsi dire presque jamais quittée, elle restait là, sans réel espoir de voir quoi que ce soit changer. Pour ne plus être déçue. Pour tuer peu à peu l'espoir qui naissait en elle de le revoir avec son sourire. Enfin, ça n'était pas tout à fait exact. Revenir, bien sûr que cela lui arrivait. Après une mission, après un entraînement, après ces combats ridicules organisés par la fondation Kido, après… toutes ces choses qui leur avaient coûté leurs années d'innocence. Il avait toujours fini par rentrer. Mais la question qui avait fini par se poser était plutôt : pour combien de temps ? C'était bien là le problème. Elle ne savait jamais s'il serait là le lendemain lorsqu'elle se lèverait. Elle s'endormait chaque soir avec cette angoisse sourde dans le ventre qui la tenait éveillée jusque tard dans la nuit. Elle s'épuisait à veiller le départ de Shyriu. C'était fatiguant. Et redoutable pour son cœur. Pourtant, elle l'aimait profondément. Et elle savait qu'il en était de même pour lui, même s'il ne lui disait jamais. Ce n'était pas nécessaire. Ils n'avaient jamais eu besoin de longues conversations enamourés. Quelques regards, quelques paroles suffisaient. Elle n'était pas capricieuse, ni égoïste. Presque fade en réalité. Elle était capable de le voir dans son propre reflet : cheveux sagement attachés, vêtements longs, naturelle, presque oubliée. Mais ça n'était pas si grave. Shyriu n'avait pas besoin qu'elle en fasse plus. Néanmoins, même elle avait fini par s'épuiser moralement. A trop espérer, elle avait fini par s'abîmer le cœur, et par ne plus y croire. Et c'était sans doute cela le pire. Elle n'avait plus 13 ans. Les années avaient passé, peu à peu, lentement, insupportables de lenteur et pourtant bien trop rapides à la fois.
Après chaque combat, il lui ramenait d'autres cicatrices, d'autres excuses aussi. Dohko la sermonnait toujours un peu, de vouloir le retenir alors que c'était sa mission de sauver la Terre. En y repensant, elle trouvait cela quelque peu hypocrite. Ne lui avait-il pas demandé de retenir Shyriu à la veille de la lutte contre Hadès ? Que devait-elle faire finalement ? Réagir, ou bien accepter passivement comme elle l'avait toujours fait jusqu'à présent ? Elle ne savait plus. Elle hésitait, tout le temps, sans arrêt. Quelle parole prononcer ? Quel geste pouvait-elle s'accorder ? Jusqu'à quel point la limite pouvait être franchie entre eux ? Elle ne le savait pas. Alors… Elle l'avait laissé s'en aller. Une fois de plus. Elle avait observé la silhouette familière disparaître à nouveau au-delà du chemin, lui murmurant des promesses auxquelles elle peinait de plus en plus à croire. Elle s'était contentée d'une caresse sur son visage, ainsi que de quelques mots tendres. En espérant que ce ne serait pas la dernière fois qu'elle le voyait. Elle n'en était plus à leurs débuts, lorsque Shyriu ne faisait encore que commencer ces combats sanglants, et qu'il ne s'absentait que pour quelques jours. Quelques semaines, au pire. A cette époque, elle avait encore suffisamment la foi pour se persuader que tout cela n'aurait qu'un temps, et qu'il finirait toujours par rentrer. Ce qu'elle pouvait être naïve… C'était à pleurer. Et égoïste également. Car si elle avait pu, elle aurait retenu l'homme de sa vie de toutes ses forces à ses côtés. Elle se serait peut-être même battue pour cela. Pour les sauver, lui et son sourire, de toutes ces horreurs qu'ils allaient affronter. Elle ne comprenait quelle finalité leurs combats étaient supposés apporter. Où est-ce que cela était censé les mener ? Elle l'ignorait. Elle ne savait pas grand-chose en réalité. Elle était certainement un peu idiote, mais après tout… Ses priorités n'étaient peut-être pas les mêmes que celles des « Sauveurs de l'humanité ». Et c'était mieux ainsi. Sinon… Elle serait probablement devenue folle.
« C'est sa mission Shunrei. Tu dois l'accepter, Shyriu est un Chevalier. »
Au début, elle croyait aux mots apaisants de Dohko, qui lui promettait que l'homme qu'elle aimait finirait toujours, toujours par rentrer pour lui revenir. Parce que c'était ici que se trouvait son plus grand bonheur. Parce qu'elle était là, et que cela suffisait soi-disant à motiver les actes du Dragon. Alors, agenouillée face à la cascade, elle priait, priait de toute son âme pour que la silhouette du chevalier qu'elle aimait apparaisse de nouveau au pied du sentier. Mais peu à peu, cela avait été de moins en moins souvent le cas. C'était devenu si rare que chaque fois qu'il rentrait, elle n'arrivait plus à courir vers lui pour se serrer contre lui. Elle demeurait à l'entrée de leur maison, silencieuse et pâle, en attente d'un signe. Trop effrayée que cela ne soit qu'une illusion de plus, dû à son imagination qui débordait du manque provoqué par le départ de Shyriu. Alors elle restait là, de marbre, debout et silencieuse, à le fixer, tandis qu'il s'approchait d'elle, sans jamais se départir de cet air grave qui n'appartenait qu'à lui. Et même lorsqu'il rentrait, ce n'était que pour des périodes de plus en plus courtes. Il revenait, avec un sourire sur les lèvres, ou plutôt, une ombre de ce qu'il était autrefois. Il s'approchait, lentement, pas à pas, pour ne pas briser cet instant. Petit à petit, elle avait cessé de laisser tomber l'objet qu'elle tenait entre ses doigts lorsqu'elle le voyait sous la surprise. Elle s'était assagie. Elle avait perdu un peu de son enfance elle aussi, à force de craindre pour la vie de l'homme qu'elle aimait.
« Pardon de t'avoir laissée ».
C'était la seule chose qu'il savait lui murmurer lorsqu'il arrivait. Le regard bas, et le ton presque vide, il se tenait devant elle, attendant une sentence qu'il craignait de voir tomber un jour. Alors elle secouait la tête, plongeait son regard dans le sien, et lui souriait. C'était tout ce dont elle était capable. Malgré l'habitude, l'émotion restait la même. Elle était amoureuse. Elle aimait ses longs cheveux sombres, ses yeux noirs et ses mains larges qui n'avaient de cesse de grandir avec le temps. Elle se demandait souvent si lui aussi se rendait compte qu'elle grandissait. Qu'elle n'était plus une enfant, au sens où on pouvait l'entendre dans leur monde déformé. Elle n'en était pas sûre. Il avait toujours l'air tellement absent. Tellement fatigué. Elle savait que ça n'était pas facile, qu'il voyait des horreurs qu'elle ne pouvait qu'à peine effleurer dans son imagination. Elle ne lui reprochait rien. Ce n'était pas à lui qu'elle en voulait. Et pas même à Athéna non plus. Car si cette dernière n'avait pas existé, elle ne l'aurait certainement jamais rencontré. Et ça, ça, ça aurait probablement été le plus grand drame de toute sa vie. Si c'était le destin, alors elle ne voulait rien changer à leur passé. Elle ne regrettait rien. Mais elle souffrait parfois. En silence, toujours, du moins la plupart du temps. Elle préférait éviter de trop lui montrer ses larmes. Ce n'était pas la peine de le culpabiliser. Il n'avait pas besoin de ça. Ne pas faire de vague. Ne pas le déranger. Ne pas protester. Rester cet endroit où il souhaiterait toujours rentrer. L'une de ses plus grandes craintes, c'était bel et bien qu'un jour, il ne désire plus revenir ici. Dans ce lieu isolé où se trouvaient tous leurs souvenirs. Ceux qu'ils s'étaient construits tous les deux, jour après jour, lentement… Les plus beaux comme les plus douloureux. Les premières expériences, mêlées à celles de l'habitude. Un premier baiser. Une étreinte parmi d'autres. Une caresse moins innocente. Une nouvelle fleur dans ses cheveux. Il y avait de la douceur dans certains souvenirs, et d'autres dont elle ne parlerait sans doute pas sans rougir. Mais c'était la seule manière qu'ils avaient trouvé de renouveler leurs vœux d'éternité. Elle ne regrettait pas. Comment aurait-elle pu ? Ses instants étaient bien trop rares, et bien trop fugaces également pour qu'elle songe seulement à avoir des regrets.
Chaque fois qu'il rentrait avec une nouvelle blessure, elle ne disait rien. Ne lui adressait aucun reproche. Ne lui jetait aucun regard courroucé ou peiné. Ce n'était pas nécessaire, il culpabilisait déjà lui-même de lui revenir dans cet état. Alors non, elle n'avait jamais rien dit. Mais lorsqu'il était rentré aveugle… Elle avait dû se mordre la lèvre pour ne pas hurler. Ne pas trop en montrer, ne pas exprimer la colère et la sensation de vide qui avaient un goût amer dans sa bouche. Ne montrer aucune réaction lorsqu'il lui avait dit qu'il ne pourrait jamais plus voir son visage, que tous ces paysages de Chine, bien que gravés dans sa mémoire, demeureraient dès à présent seulement à l'état de souvenirs. Toutes ces choses qu'il aimait à contempler, la sensation de son regard posé sur son visage à elle, le bonheur de voir son visage s'éclairer lorsqu'il travaillait avec elle aux alentours… Tout, elle devait accepter de voir tout cela disparaître. Mais elle ne lui reprocha rien cette fois-là non plus. Il l'avait fait pour défendre ses amis, qui était-elle pour aller contre ça ?
Néanmoins, elle se rappelait de chaque jour comme plus douloureux que le précédent. Ces moments absolument horribles, sans fin, qu'ils avaient passé ensemble à tenter de lui apprendre comment redécouvrir son propre monde, et tout ce qu'il y avait autour de lui… Jamais elle ne pourrait les oublier. Le souvenir de ce verre qu'il avait laissé échapper, et les conséquences dramatiques que cela avait eu… Elle s'en rappelait sans mal. Le voir si mal, si blessé dans son amour propre, mal à l'aise, gauche et décalé… Elle n'avait fait aucun commentaire. Elle s'était contenté de rester près de lui, comme toujours. Lui enseigner, sans le faire se sentir mal. Lui faire comprendre, sans blesser sa fierté. Surtout pas, jamais. Oh, il n'était pas le genre d'homme à se vexer pour peu de choses, mais il avait quand même sa fierté. Et s'il n'avait jamais regretté son geste, qui lui avait permis de sauver ses amis, il en souffrait néanmoins encore. Le contrecoup. L'amertume aussi. Et elle, égoïstement, se demandait parfois à l'époque, s'il regrettait de ne plus pouvoir regarder son visage. De ne plus la voir, elle, alors qu'elle se trouvait en face de lui. A ses côtés. Depuis toujours. Depuis qu'il était arrivé, avec son sac et ses idéaux. Se souvenait-il suffisamment de son visage, avait-il appris ses traits, la douceur de son sourire, ou la lueur dans ses yeux, pour ne pas les regretter ?
Il ne lui avait jamais vraiment dit ce qui le poussait à rester un chevalier, ou même pourquoi il avait accepté de le rester. Dohko était un homme bon et compréhensif. S'il avait émis le souhait de faire autre chose de sa vie, elle était intimement persuadée que la Balance le lui aurait permis. Mais il avait continué son entraînement titanesque, pour des raisons qui lui échappaient encore aujourd'hui. En y repensant, elle ne savait pas vraiment grand-chose de lui. Ils avaient l'habitude de beaucoup parler autrefois, d'échanger un maximum, notamment au niveau de leur culture différente. Il lui apprenait le Japonais, et elle lui enseignait le chinois tout en lui portant à manger durant ses heures d'entraînement. Il lui contait des choses qu'il apprenait au cours de sa formation, des découvertes qu'il faisait, sur lui-même, sur le monde, sur le cosmos, quand bien même cela lui resterait pour toujours étranger. Mais depuis combien de temps n'avaient-ils plus échangé la moindre parole ? Elle n'était pas sûre de s'en rappeler. Les silences pesants avaient peu à peu remplacé les conversations animées qu'ils partageaient tous les trois. Les regards fuyants avaient pris le pas sur leurs rires gênés, et les gestes aussi tendres que timides qu'ils avaient autrefois l'un pour l'autre avaient lentement disparu au profit de moments de malaises, et d'une certaine distance. Elle ne comprenait pas ce qui se passait entre eux. Le fantôme de leur maître planait en ces lieux, les empêchant sans doute d'être pleinement heureux, car le deuil était bien plus douloureux que tout ce qu'ils auraient pu imaginer jusque-là.
Elle se souvenait parfaitement de cette horrible soirée. Dohko lui avait dit d'attendre. De rester là, et de retenir Shyriu par tous les moyens afin qu'il ne prenne pas part au conflit. Il lui avait dit qu'il partait cette fois, sans préciser où, lui qui n'avait jamais quitté les Cinq Pics, parce qu'il avait une mission d'une importance capitale. Alors elle comprit, ce soir-là, que tout allait changer. Que le monde ne serait probablement plus jamais le même. Et que les douze chevaliers d'Or allaient mener leur dernière bataille : si son maître disparaissait, c'était la conclusion logique qu'il fallait en tirer. Il était parti comme ça : ses seuls mots avaient concerné Shyriu. Il lui avait demandé de protéger l'homme qu'elle aimait, à n'importe quel prix. Avec ses moyens à elle. Mais il savait très bien que sa façon de faire n'avait jamais suffi. Shyriu ne l'avait jamais écoutée, quand bien même le danger grandissait. Pourquoi en aurait-il été autrement cette fois-là ? Elle, que devait-elle faire ? Comment réagir ? Pourquoi l'un comme l'autre n'avaient jamais été capable de voir au-delà de leur devoir ? Elle se le demandait encore aujourd'hui, alors qu'elle venait déposer des fleurs à l'endroit où celui qui l'avait élevé comme un père avait l'habitude de se tenir. Dohko n'était jamais revenu de cette ultime mission, ni aucun autre des douze chevaliers du zodiaque. Elle se rappelait parfaitement de cette sensation dans son cœur, de ce vide qui avait suivi après la montée de chaleur qui s'était répandue sur la Terre. C'était un au revoir que son maître lui avait adressé. Un adieu dans les règles de l'art, sa manière de lui montrer qu'une page allait se tourner. Elle savait qu'il était soulagé, qu'il était heureux de pouvoir enfin se battre de nouveau pour sa Déesse, et surtout, de retrouver son ami d'antan. C'était ce qui l'avait fait tenir depuis si longtemps, bien au-delà de son devoir. Shion… Il l'avait évoqué quelques fois. Pour leur expliquer à tous les deux, à Shyriu comme à elle, ce que c'était que de croire en quelqu'un. Elle avait souri ce jour-là. Elle n'était pas certaine d'avoir saisi l'importance des sentiments du chevalier de la Balance, mais elle comprenait ce qu'il voulait dire. Sa foi, elle la remettait entre les mains de Shyriu. Cela avait toujours été ainsi entre eux après tout.
« Je suis désolé… »
Dohko n'était pas rentré. Mais Shyriu, si. Un Shyriu fatigué. Un Shyriu qui s'excusait. Qui ne souffrait plus de sa cécité, mais qui avait pourtant de nouveau le regard éteint. Las, il était si las… Elle l'avait observé les jours qui avaient suivi son retour. Il était absent, ailleurs. Pas en colère non, mais comme bien loin d'elle. Dans un monde auquel elle n'avait pas accès. Et sa solitude n'avait fait que s'accroître. Elle ignorait ce qu'il avait vu, ce qu'il avait vécu. Quels avaient été les derniers mots de leur maître à tous les deux ? Même aujourd'hui, elle ne le savait pas. Il était demeuré silencieux. Indéchiffrable. Seiya était passé, une fois ou deux. Pour faire sortir son ami de son demi-mutisme. Mais rien n'y avait fait. Le choc avait visiblement était bien plus brutal que tous les autres ne l'avaient cru. Comme si la déchirure de la mort avait finalement eu raison de leur histoire, de leur amour. Et elle aussi était fatiguée. Oh, elle n'avait jamais fait grand-chose bien évidemment. A part prier et espérer, que lui restait-il ? Elle ne pouvait pas s'impliquer dans les batailles. Ça aurait été prendre le risque de devenir une faiblesse pour l'homme qu'elle aimait, et ça, elle ne se le serait jamais pardonné.
Alors elle était restée là, à attendre. Comme on le lui avait demandé. Comme on le lui avait presque ordonné. Attendre que l'homme qu'elle aimait daigne enfin sortir de cette absence dans laquelle il se complaisait. Pour être ce soutien nécessaire à Shyriu. Pour aider l'homme qui l'avait recueilli. Mais les deux étaient partis. Et la dernière fois avait été la plus longue. Combien de temps avait pris le Dragon pour rentrer chez lui ? Des semaines, des mois ? Et pour lui annoncer quoi ? Une nouvelle dont elle avait déjà conscience depuis des jours entiers. Elle n'était pas idiote. Ce vide dans son cœur, elle l'avait parfaitement ressenti. Mais ça n'avait pas été moins dur de faire bonne figure. De voir que Shyriu n'était même plus capable de la regarder dans les yeux alors qu'il lui annonçait la mort de celui qui les avait élevés. C'était peut-être même ça le pire. De se rendre compte que petit à petit, l'homme fier qu'elle aimait tant se transformait en un être qui avait peur d'affronter la vérité, et surtout, de l'imposer aux autres. Il voulait la protéger elle… Et se protéger lui-même. Elle se demandait parfois lequel d'eux deux avait le plus besoin de protection. Lequel des deux serait le premier à s'effondrer. Lequel d'eux deux serait capable de briser la glace. Cela leur faisait peur, autant à l'un qu'à l'autre. Car aborder le sujet revenait à parler de la mort de leur maître. De la dernière guerre. De ce qu'il avait vu, et de ce qu'elle avait ressenti malgré la distance.
« As-tu besoin d'aide ? »
Cette seule phrase résumait à elle seule leur relation. Il lui arrivait de se demander s'il l'appellerait de nouveau par son prénom un jour, rien qu'une fois. S'il viendrait de nouveau se pencher vers elle pour l'embrasser, ne serait-ce que sur la joue, en lui murmurant de nouveau ces paroles réconfortantes qu'il avait pour elle autrefois. Pas de promesses d'éternité, non. Plus maintenant. Mais juste… Quelques mots pour chasser l'angoisse qui les étreignait trop souvent. De l'aide ? Lequel des deux en avait le plus besoin dernièrement ? Elle l'ignorait. Mais il était plus que temps qu'ils fassent quelque chose pour se sortir de cette situation insupportable, sinon… Sinon ils allaient finir par mourir à petit feu. Mourir de l'absence de leur maître. Mourir des souvenirs de Shyriu. Mourir de sa culpabilité de l'avoir impliquée dans son combat, lorsque le chevalier d'Or du Cancer s'était servi de ses pouvoirs pour la précipiter dans la cascade. Shyriu ne lui avait jamais rien dit à ce sujet, mais Andromède si. Il lui avait écrit une lettre, lui expliquant à quel point le Dragon avait eu peur, et à quel point cela l'avait détruit de savoir qu'elle était sans doute morte à présent. Il lui avait décrit également le soulagement qu'il avait pu lire dans le regard de son ami lorsque son maître l'avait rassuré sur sa santé.
Shyriu n'était pas aussi froid que ce qu'il pouvait sembler au premier abord. Néanmoins, il ne lui en avait jamais rien dit directement. Et si jusqu'à ce jour elle n'avait jamais eu à se plaindre de son absence de gestes ou de paroles expansives, cette fois-là, oui, cette fois-là… Elle regretta qu'il n'ait pas été capable de passer outre cette barrière naturelle qu'il avait posée entre eux. Parce qu'elle avait eu peur. Vraiment peur. Elle pouvait dire sans rougir qu'elle avait été terrifiée. Pour lui d'abord. Car l'idée de le perdre lui était intolérable. Elle l'aimait, profondément, simplement. Sans effusions, sans être un de ces modèles de passion. Elle l'aimait avec sa simplicité, et peut-être un soupçon d'égoïsme également. Et elle avait eu peur ensuite lorsqu'elle s'était sentie tomber dans cette cascade au courant violent. Elle avait cru mourir. Rien n'aurait pu s'approcher de l'émotion vive qui l'avait saisie ce jour-là. Et il n'avait rien dit. Enfin si. Que l'homme qui lui avait fait ça était mort. Peu lui importait. Cela ne lui apportait aucun réconfort. Elle ce qu'elle voulait… C'était qu'il la rassure. Juste une fois, une seule. Mais ça n'avait pas été le cas. Il ne l'avait pas prise dans ses bras en lui demandant si tout allait bien, non. Il n'avait pas eu de geste tendre ou précipité pour s'assurer qu'elle était toujours là. Il était revenu avec la vue, oui. Mais toujours aussi aveugle à ses sentiments à elle. A ce dont elle avait besoin. Shyriu ne perdait jamais son calme, même en sa présence, même lorsqu'il était profondément blessé.
Elle se leva en sentant sa présence, et s'approcha à pas lents de l'homme qu'elle aimait. Il avait grandi. Encore. Quatre ans après le début de toutes ces histoires, c'était un homme qui se tenait face à elle, en lui tendant une fleur rouge unique, rapportée d'un autre pays que le sien. Elle sourit. Elle lui souriait toujours, et parfois, lui aussi se risquait également à esquisser une ombre de sourire. Elle ignorait encore ce qu'il avait vécu, ce qu'il avait vu. Il ne lui en parlait pas. Ils ne discutaient presque plus en réalité. Ils vivaient ensemble, et s'aimaient, c'était certain. Mais ça n'était pas suffisant. Leurs blessures étaient très différentes, même si elles se ressemblaient. Et aujourd'hui encore, elle n'était pas certaine qu'ils puissent tenir ainsi. Pourtant, elle le souhaitait ardemment. Shyriu représentait son histoire, toute sa vie. Leurs souvenirs n'étaient pas exceptionnels, leur rencontre était un pur hasard, et ils n'avaient jamais eu la moindre effusion sentimentale comme cela pouvait arriver bien souvent dans d'autres couples. Ils étaient des personnes simples. Et en tant que tels, elle espérait ardemment que leurs blessures finiraient par se refermer.
Un contact, chaud, sur sa joue. Surprise au-delà des mots, elle releva les yeux vers Shyriu. Qui ne dit rien, comme toujours. Mais qui lui adresse un sourire léger. A peine perceptible. Comme le début d'autre chose. Comme une promesse, peut-être, de voir leur futur se dessiner enfin, n'oubliant jamais leur passé, mais ne le laissant pas les dévorer de l'intérieur. Il était temps pour un renouveau. Et s'ils étaient tous deux d'accord, alors… Un espoir était peut-être possible. Un futur envisageable. Leur histoire n'était peut-être pas complètement condamnée. Et elle s'en estimait tout bêtement heureuse.
Alors elle entrelaça leurs doigts. Et le laissa se pencher vers elle.
Voilà… Je suis finalement parvenue à écrire ce treizième OS. Du coup… En fait, ce recueil est ouvert. Je le laisse en « complete » car j'aiselon moi enfin bouclée ma boucle. Mais si un autre couple me vient à l'esprit, ma foi… Ce n'est pas impossible qu'il se retrouve ici.
Merci de m'avoir lue, et à très bientôt.
Saharu-chan.