Voilà, on y est, c'est la fin. Ce chapitre est le plus long je crois, mais il était indivisible, alors je l'ai laissé comme ça. J'espère qu'il vous plaira, je vous retrouve en bas pour les remerciements et tout ça. Bonne lecture :)
XXXIV. Promesse
Je ne savais pas. Je ne savais pas ce que je faisais là. A peine quelques minutes auparavant, j'étais encore en train d'attacher la dernière lanière de cuir autour de Krokmou, et à présent, j'étais debout, dehors, au milieu de gens que j'avais l'impression de ne pas connaître. Ils me parlaient, ils criaient, mais leurs voix étaient trop fortes, la lumière trop éblouissante, et j'étais fatigué.
Je m'en voulais, d'avoir ignoré cette voix dans mon esprit qui me répétait depuis longtemps que j'allais devoir refaire face à la réalité. Je n'étais pas préparé à… ça. Toutes ces questions – alors ta jambe va bien ? tu remarches ? et Krokmou, je peux le toucher ? tu pourras nous apprendre à approcher les dragons ? tu sais beaucoup de choses sur eux ? – je n'arrivais pas à croire qu'elles m'étaient destinées, que les gens s'intéressaient à moi. J'y répondais, presque machinalement, avec cette étrange impression que les mots qui franchissaient mes lèvres ne m'appartenaient pas.
L'espace autour de moi se réduisait considérablement, plus je répondais, plus on me posait de questions, et la population de Berk semblait soudainement avoir doublé – il n'y avait jamais eu autant de monde au village, j'en étais certain. J'étais coincé. Je n'osais pas faire un pas en avant face aux vikings qui m'encerclaient, mais je ne pouvais pas en faire en arrière non plus, je ne pouvais pas retourner dans la forge, me cacher et les ignorer.
Je n'en avais pas vraiment envie, en fait.
Ça me faisait un peu bizarre d'être à nouveau le centre de l'attention. J'avais plutôt apprécié de me faire oublier durant ces dernières semaines. Mais cette fois, c'était différent. Cette fois, les vikings n'étaient pas rassemblés pour pester contre ma dernière gaffe, mais parce qu'ils étaient… heureux que je sois de retour. C'était un peu comme à l'entraînement, quand j'avais commencé à utiliser ce que j'avais appris grâce à Krokmou pour maîtriser les dragons, et que je me faisais presque harceler à chaque fois que je me montrais en public. A l'époque, je n'appréciais pas particulièrement ça, parce qu'ils m'admiraient pour de mauvaises raisons. Mais aujourd'hui, ils savaient. J'avais enfin réussi à leur faire savoir. Et malgré mon désarçonnement de les voir me manifester autant d'attention, je commençais doucement à y prendre goût.
Après tout, je m'étais battu pour cet objectif. Depuis tout petit, je voulais un jour pouvoir lire dans les yeux des vikings une admiration qui m'était destinée. Et c'était bel et bien ce que je pouvais y voir en ce moment même ; de l'admiration, du soulagement, de la joie, du respect presque, de la reconnaissance même, et un enthousiasme collectif tellement démesuré que je n'étais pas certain de réellement le mériter. Mais au fond, je m'en fichais un peu, parce que j'aimais ça. Je me sentais bien. Je me sentais fort. Finalement, tout ça en avait valu la peine.
« Je… écoutez… » commençai-je en haussant le ton pour couvrir les voix des vikings devenues indiscernables.
Quelques yeux attentifs me fixèrent, et je tâchai de regarder ailleurs. C'était un peu déstabilisant.
« Merci, franchement, merci à tous, je… Je sais que je suis censé… avec les dragons et tout ça, vous avez besoin de mon aide, mais pour le moment… »
OK, le silence, c'était encore plus effrayant que les cris, en fin de compte. Les vikings s'étaient quasiment tous tu, et semblaient suspendus à mes lèvres. Je déglutis nerveusement, posant une main sur Krokmou pour me donner une contenance.
« Ça fait pas longtemps que je… que je peux de nouveau… sortir et tout ça, donc j'ai besoin de… d'un peu de temps, et... »
Et quoi ? Et je viens d'apprendre qu'en fait j'étais pas le premier à faire tout ça, ma mère avait déjà apprivoisé un dragon et… ah oui, vous ne saviez pas ? Mon père a menti, ça fait quinze ans qu'il ment ? Je ne savais même pas ce que j'étais supposé leur dire. Ce qu'ils attendaient de moi. J'avais juste envie de les remercier, et de m'en aller.
« Et… répétai-je histoire de combler ce silence angoissant, sans toutefois savoir ce que j'allais dire.
- … Et vous allez lui laisser du temps, le pauvre, regardez-vous, vous l'agressez presque. »
Je me retournai brusquement. C'était Gueulfor, qui venait de me rejoindre. Il posa sa main sur mon épaule, et continua de crier à l'intention de la foule :
« Aller, laissez-le respirer, vous l'embêterez plus tard avec vos problèmes de dragons, il a autre chose à faire pour le moment. »
Je poussai intérieurement un soupir de soulagement.
« Je… oui, je vous promets que je vais… dès que je pourrai… » bafouillai-je.
Je souris nerveusement, et Gueulfor agita son crochet pour signifier aux vikings de circuler. Ils se mirent progressivement en mouvement, et retournèrent vaquer à leurs occupations. Je m'autorisai un long soupir, et me retournai vers Gueulfor.
« Je… merci. Je ne m'attendais vraiment pas à…
- Oui, ça se voyait, répondit-il en souriant. Tu vas devoir t'y faire, t'es le nouveau héros ici maintenant. »
Je hochai silencieusement la tête. Le nouveau héros. Ça me faisait une belle jambe.
« Alors, ça y est, t'as fini ? demanda-t-il en désignant la selle de Krokmou.
- Oui… enfin je pense, répondis-je, heureux qu'il change de sujet. Je vais aller tester ça… bah maintenant.
- Fais attention quand même, va pas te blesser l'autre jambe, t'as l'air drôlement fatigué.
- T'inquiètes pas pour moi, ça ira, j'irai dormir après. Oh, et tu sais pas où est Astrid ? demandai-je, espérant éviter les sujets 'jambe gauche' et 'Papa'. Je l'ai pas vue dans la foule…
- Ah bon ? Je pensais qu'elle était venue te voir, je l'ai vue partir d'ici avec la Vipère…
- Je… non, je l'ai pas vue… fis-je, intrigué. Elle est allée où ?
- Aucune idée. Je les ai juste vues s'envoler, après je suis venu te voir. »
Je hochai la tête. Je ne savais pas si j'étais censé m'inquiéter, mais son comportement me paraissait bizarre. Je ne comprenais vraiment pas pourquoi elle ne s'était pas manifestée si elle m'avait vu – et elle n'avait certainement pas pu me louper si elle était dans les parages, surtout avec une vue aérienne.
« OK, merci. » dis-je à Gueulfor, qui me sourit avant d'entrer dans sa boutique.
Je m'approchai de Krokmou, réfléchissant. Il me donna un coup de patte et désigna le ciel d'un signe de tête, le regard insistant. Je hochai la tête et lui souris, puis m'agrippai à son harnais et me hissai sur son dos. M'installai confortablement sur sa selle. Glissai lentement mon « pied » gauche dans la pédale, écoutant le petit cliquetis métallique. Fermai les yeux. Remuai doucement la jambe. La pédale suivit mes mouvements sans problème, et je pus sentir la tension de l'aileron varier en fonction de la position de mon pied. Mes réparations avaient été efficaces.
Je rouvris les yeux, m'apprêtant à décoller, et constatai que nous étions à nouveau entourés d'une foule – certes moins importante que quelques instants auparavant, mais tout de même suffisante pour me rappeler que j'avais plutôt intérêt à m'éloigner rapidement du village – ou tout du moins à me faire plus discret – si je voulais passer le reste de ma journée tranquille. Je pris tout de même le temps de promener mon regard sur les vikings, vérifiant au passage qu'Astrid n'était pas parmi eux, et d'apprécier ce sentiment de satisfaction victorieuse que leur admiration faisait naître en moi. Puis, je pris une profonde inspiration, serrai les genoux, poussai sur mes pieds, me penchai en avant, et donnai une légère impulsion vers le haut. Krokmou suivit mes mouvements, et je ressentis la puissance de ses pattes poussant le sol comme si elle provenait de mon propre corps.
Le cri et les applaudissements des vikings s'élevèrent en même temps que nous, et vinrent se perdre dans les nuages. Je jetai un œil en bas, souriant aux dizaines de têtes levées et mains agitées, puis rabattis la pédale pour tendre l'aileron. Krokmou grogna de plaisir, et battit puissamment des ailes.
La seconde suivante, il n'y avait plus que lui, le ciel et moi.
Ça y est, Krokmou, ça y est. On vole.
Je ne savais pas. Je ne savais pas ce que je faisais là. Assise dans l'herbe humide, éblouie par le soleil qui se reflétait dans le lac quand il n'était pas caché par les nuages, j'aurais pu dire que je réfléchissais si mes pensées n'avaient pas été aussi incohérentes.
J'attrapai un énième caillou et l'envoyai dans l'eau pour observer les cercles se diffuser à la surface. C'était beau, et un peu hypnotisant.
« Tu peux partir tu sais, fis-je à ma dragonne qui s'agitait de plus en plus autour de moi depuis que nous nous étions posées dans le cratère. Je crois que j'avais pas vraiment envie de voler en fin de compte. Je sais plus ce que je veux. »
Et voilà que je commençais à parler aux dragons.
Comme Harold.
J'ignorais si ma Vipère m'avait réellement comprise, mais quelques minutes plus tard – ou secondes, je ne savais pas vraiment – elle sembla en avoir marre, et prit son envol. Je songeai un instant au fait que j'allais devoir repartir d'ici et rentrer au village et que ma Vipère n'avait probablement pas conscience de ça, puis me souvins que la première fois que j'étais venue, j'étais à pieds. Il y avait donc bien un moyen de sortir de ce trou autrement que par les airs, ou en tout cas j'espérais y parvenir de nouveau, car je ne comptais certainement pas être réduite à appeler à l'aide.
Je ne le serais pas. Parce qu'à peine quelques secondes après que j'aie formulé cette pensée, je vis une grande ombre noire se dessiner et s'agrandir dans le reflet du lac. Et le temps que je me retourne, le Furie Nocturne m'avait déjà attrapé les épaules et arrachée au sol.
Je ressentis tout un tas d'émotions simultanées. La surprise d'abord, combinée avec un léger vertige qui fit rater plusieurs battements à mon cœur ; la joie aussi, un peu, parce que Furie Nocturne signifiait forcément Krokmou qui signifiait forcément Harold, et puis un peu de colère, que je ne pouvais pas m'empêcher de ressentir quand je me retrouvais en position de faiblesse, surtout avec lui. Ah, et du soulagement et de la satisfaction aussi, parce que cette fois-ci, j'étais certaine de pas avoir cherché à le retrouver, il était revenu vers moi de lui-même.
Et donc, Krokmou survola le lac, battant des ailes avec une force qui me parut légèrement anormale, mais après tout, ça faisait un moment qu'il n'avait pas volé, et Harold et moi devions peser notre poids. Je n'eus même pas le réflexe de m'agripper à ses pattes ; je lui faisais confiance, il ne me lâcherait pas.
Eh bien, croyez-le ou non, mais je n'aurais pas dû. Peut-être n'avait-il pas osé serrer suffisamment fort pour ne pas me blesser, mais toujours était-il qu'arrivé au bord du cratère, lorsqu'il dut redoubler d'efforts pour nous soulever, je sentis soudain le tissu de mon haut glisser sur mes épaules, puis se tendre, et enfin se déchirer quand il constitua l'unique lien entre Krokmou et moi. Une bonne partie de mes bretelles resta accrochée à ses griffes, tandis que je tombais, vers le lac heureusement, car notre altitude était si peu élevée qu'ils n'auraient pas le temps de me rattraper.
Je laissai échapper un cri, fermai les yeux, pris ma respiration juste à temps, et plongeai dans les eaux glacées de l'étang. Le seul sentiment qui demeurait en moi à présent était la colère. Et j'avais déjà ma petite idée sur la personne qui allait en subir les conséquences.
Tout semblait aller bien. J'étais parti de Berk dans le but d'aller retrouver Astrid, j'avais pris le temps de faire un détour pour apprécier l'efficacité de mes réparations sur l'aileron de Krokmou, puis j'étais allé au ravin, premier lieu dans lequel j'avais une possibilité de la trouver. Et apparemment, les dieux étaient de mon côté, puisqu'elle s'y trouvait. Nous l'avions prise par surprise, et j'avais prévu de l'emmener voler ; ça faisait vraiment longtemps que l'on ne s'était plus retrouvés tous les trois, et ça me manquait. Oui, tout semblait aller bien.
Jusqu'à ce que j'entende son cri.
Je n'avais pas encore retrouvé toute mon aisance en vol, et je n'osai pas trop me pencher, de peur que ma prothèse ne sorte de la pédale et que je ne parvienne pas à l'y remettre correctement. Mais Krokmou réagit pour moi, et effectua un demi-tour qui me donna un aperçu de ce qui venait de se passer : il avait lâché Astrid dans le lac.
« Raah, Krokmou, pourquoi t'as fait ça ? râlai-je. C'était pas volontaire au moins, tu me ferais pas une crise de jalousie quand même ? »
J'eus droit à un grognement et un coup d'œil mécontent en guise de réponse, puis il courba le dos et j'adaptai l'aileron en conséquence pour nous permettre de descendre. Krokmou rasa la surface du lac, puis attrapa Astrid au moment où elle émergeait et alla immédiatement la déposer sur la terre ferme. Elle toussa, recrachant de l'eau, et je me précipitai vers elle.
« Astrid, ça va ? Je suis vraiment désolé, c'était pas prévu, c'est Krokmou, il… Aïe ! »
L'intéressé venait de me donner un coup de queue dans le dos. Je lui lançai un regard réprobateur, puis retournai la tête vers Astrid. Et me pris un violent coup dans l'épaule, qui me fit tomber à terre. Évidemment.
« Non mais ça va aller, vous deux ? » fis-je en levant tout de même un bras devant moi pour parer d'éventuels autres coups d'Astrid.
Mais elle ne frappa pas. En fait, elle avait besoin de ses mains pour tenir son haut, qui, privé de bretelles pour le rattacher à ses épaules et passablement trempé, lui glissait sur la poitrine. Elle tenta vainement de faire une sorte de nœud, derrière sa nuque, puis sur le côté, mais elle ne parvint qu'à le déchirer encore plus. Elle jura, puis se laissa tomber au sol et s'assis en ramenant ses genoux contre elle au maximum.
« Vraiment, tu n'en rates pas une toi. » me lança-t-elle.
Je me relevai péniblement, ravalant une grimace de douleur – il m'était impossible de ne pas utiliser ma jambe gauche et je n'avais pas encore l'habitude – qui n'échappa pas à Astrid et modifia son expression pendant quelques secondes. Quelques secondes seulement, puisqu'elle enchaîna aussitôt :
« Ah, et au fait, ça, ajouta-t-elle en faisant sans doute allusion au coup qu'elle venait de me donner, c'était pour m'avoir dérangée alors que je voulais clairement être seule, m'avoir déchiré mes vêtements, puis m'avoir fait tomber dans l'eau. »
J'ouvris la bouche, mais les mots restèrent bloqués au fond de ma gorge. Je ne savais pas quoi lui dire. Je ne comprenais pas moi-même comment le magnifique vol que j'avais au départ en tête avait pu se transformer en… ça.
Astrid me lança un regard noir, puis tourna la tête, ses cheveux dégoulinant lui tombant devant le visage. Derrière moi, Krokmou buvait tranquillement dans le lac, m'ignorant royalement. Je m'approchai doucement d'Astrid, qui ne bougea pas, et m'assis à côté d'elle.
« T'exagère, dis-je après un silence. Je pensais… je ne sais pas, j'étais content de te retrouver, et je croyais que ça te ferait plaisir aussi.
- Je t'ai dit que je voulais être seule, t'as pas compris ?
- Astrid, si t'avais vraiment voulu être seule, tu serais pas venue ici. Quand on a un dragon, on peut aller n'importe où, alors n'essaie pas de me faire croire que tu voulais pas que je te retrouve. Tu savais que je viendrais. »
Il avait raison. Il avait totalement raison et ça me rendait folle. J'étais trempée, je commençais à avoir froid, mon haut était complètement déchiré et je ne pouvais pas bouger au risque de me retrouver dans une situation gênante, ma dragonne était partie et j'avais à la fois envie de frapper Harold et de lui dire que je l'aimais et qu'il m'avait manqué. Finalement, je décidai de ravaler mes répliques cinglantes – ma colère n'avait pas vraiment lieu d'être de toute façon, je devais bien l'admettre, je n'étais simplement pas d'humeur à plaisanter – et me contentai de garder le silence.
« Astrid, qu'est-ce qui se passe ? »
Si seulement je le savais…
« T'es distante, agressive – enfin plus que d'habitude – qu'est-ce qui t'arrive ? »
Harold, vraiment, les questions, c'est pas le moment.
« Et puis… J'ai vu Gueulfor, il m'a dit que… Enfin, je sais que tu étais là, tout à l'heure, au village. Je sais que tu m'a vu, avec les autres. »
Et donc ?
« Pourquoi tu t'es pas manifestée ? »
C'est vraiment important ?
« Bon écoute, j'en ai assez de parler tout seul, alors quand tu seras disposée à discuter, tu viendras me chercher, d'accord ? »
Il commença à se relever, mais tressaillit, et sa jambe gauche trembla anormalement. Il tenta de le dissimuler, mais fut tout de même obligé de se laisser retomber au sol. Je tournai doucement la tête vers lui, pile au moment où il me jeta un coup d'œil, comme pour vérifier que je n'avais pas vu ce qu'il venait de se passer. Nos regards se croisèrent, et le sien s'ombra furtivement d'un voile de douleur qu'il masqua immédiatement par une expression faussement impassible.
« Harold… reste. S'il te plaît. » lâchai-je après un moment d'hésitation – peut-être parce que je voulais lui donner une raison de rester assis et chasser ainsi son malaise.
Il s'immobilisa quelques secondes, puis reprit une position assise plus confortable.
« Tu vas répondre à ma question ? demanda-t-il.
- Je sais pas, répondis-je.
- Tu ne sais pas ?
- Non, je ne sais pas pourquoi je suis pas venue te voir.
- …
- Ecoute, je… il y avait déjà plein de monde quand je suis arrivée, je me voyais vraiment pas m'incruster comme ça, c'était toi que les gens avaient envie de voir, pas moi.
- Et si moi j'avais envie de te voir ? »
Un sourire franchit mes lèvres malgré moi, mais il ne le remarqua pas. Nous regardions tous les deux devant nous.
« Je suis désolée, j'avais… T'avais l'air tellement heureux, la première chose à laquelle j'ai pensé, c'est pas « Et si je le rejoignais pour lui rappeler que je suis là », c'est tout. Ce moment n'appartenait qu'à toi.
- Il aurait pu nous appartenir à tous les deux, rétorqua Harold.
- C'est quoi qui te contrarie ? Pourquoi c'est aussi important pour toi ?
- J'aurais simplement aimé que tu sois là, surtout que tu étais là, à m'observer sans rien dire. Et puis... Jeveuxpasquet'aieshontedemoi. » acheva-t-il dans un souffle.
Sa dernière phrase tourna un moment dans ma tête avant que je n'en comprenne le sens. Puis je me redressai brusquement, et regardai Harold, qui regardait ailleurs.
« Regarde-moi. » lançai-je sèchement.
Il s'exécuta sans rien dire, sous la surprise sans doute.
« Vous allez bien m'écouter, toi et ton sale manque de confiance en toi, poursuivis-je. Je n'ai pas et n'ai jamais eu honte de toi, d'accord ? Je t'aime et je suis fière de toi, je pense que tout ce que tu as fait était vraiment courageux, tu t'es battu jusqu'au bout pour ce que tu pensais. Malgré les obstacles, t'as jamais abandonné, et au final, t'as enfin eu ce que tu voulais. T'es un héros maintenant, et on te rend enfin la reconnaissance que tu mérites. Alors jamais je n'aurais honte de toi, d'accord ? »
Il hocha légèrement la tête, les lèvres pincées.
« Et je commence vraiment à en avoir marre, de tes états d'âme, ajoutai-je. Tu réfléchis trop. »
On réfléchit trop, pensai-je.
« Et puis, je crois que j'ai droit à une vengeance. »
Il me regarda sans comprendre, fronçant les sourcils, pendant que je me relevais. Je maintins mon haut d'une main et attrapai la sienne de l'autre pour l'aider à se mettre debout, puis, sans lui laisser le temps de réagir, je me penchai en avant, l'attrapai par la taille, et le soulevai. Il ne se débattit même pas, par peur que je ne le lâche peut-être, et j'avançai vers le lac en marchant. Il n'était pas extrêmement lourd, mais il pesait son poids, quand même.
« Astrid, qu'est-ce que tu… dit-il enfin.
- Je me venge, répondis-je.
- Tu ne vas pas… AAAH ! »
J'eus tout juste le temps de prendre ma respiration, avant d'être plongé malgré moi dans l'étendue froide du lac. Je fermai les yeux, puis poussai sur mon pied pour remonter à la surface.
« Merde, il est vraiment glacé, ce lac. » fis-je en dégageant les cheveux qui me tombaient devant la figure.
Astrid sourit en levant les yeux au ciel. Je me retournai vers Krokmou, qui s'était allongé un peu plus loin et me regardait d'un air totalement indifférent.
« Ne me défends pas toi, surtout. » lui lançai-je.
Il ne réagit même pas, et je reportai mon attention sur Astrid en soupirant. Elle s'était approchée, et, tenant toujours son haut d'une main, elle m'attrapa par le bras avec l'autre et m'attira à elle pour m'embrasser.
« Et ça, c'était pour quoi ? demandai-je quand elle détacha ses lèvres des miennes.
- Parce que tu me fais un peu pitié quand même… fit-elle avec un sourire moqueur. Et puis, tu grelottes. »
Ah oui, c'est vrai, les vikings n'ont jamais froid, pensai-je.
« Ose me dire que tu n'as pas froid toi, rétorquai-je.
- Je n'ai pas froid.
- C'est ça.
- Je t'assure ! Mais viens, on va aller te sécher, faudrait pas que notre héros tombe malade. »
Elle me saisit le poignet et m'entraîna dans une zone ensoleillée, près d'un rocher. Je me laissai faire, parce qu'elle me faisait rire. Elle était redevenue elle-même, et je l'aimais comme ça.
« Enlève un maximum de vêtements, m'ordonna-t-elle.
- Hein ?
- Mais non, imbécile, répondit-elle en levant les yeux au ciel. Tes vêtements, là, ils sont imbibés d'eau, faut en retirer le maximum pour les faire sécher.
- Hey ça va, je sais tout ça.
- Et bah alors ?
- Et bah alors je te signale que j'ai pas grand-chose à enlever, sinon… »
Je laissai ma phrase en suspens, et Astrid leva une fois de plus les yeux au ciel. Mais elle ne trouva rien à répondre. Je souris à mon tour, et retirai mon équipement de vol – non sans me prendre les pieds dedans – pour l'étaler sur un rocher.
« Tu t'allonges avec moi ? » demandai-je à Astrid en m'asseyant dans l'herbe.
Elle me rendit mon sourire, et s'installa à côté de moi. Nos regards se croisèrent, et nous eûmes le même mouvement simultané pour attraper la main de l'un de l'autre.
« Tu me refais plus un coup pareil, d'accord ? fis-je.
- Le coup de l'eau ? C'est toi qui a commencé je te signale.
- Non, pas l'eau – et puis en passant, c'était pas moi, c'était Krokmou, et il l'a pas fait exprès, rétorquai-je. Non, je parlais de la distance, ton éloignement, tout ça.
- Ah. Je l'ai pas vraiment fait exprès, c'est juste…
- J'ai besoin de toi, Astrid, la coupai-je. Et crois-moi, t'es vraiment partie au mauvais moment.
- Comment ça ?
- Le jour où… la dernière fois qu'on s'est vus, dans la même journée, mon père est venu me voir.
- Et ça s'est mal passé ? demanda-t-elle.
- On peut dire ça, oui. Il m'a… Je sais même pas par où commencer, il m'a raconté un tas de trucs, il… Il ment à tout le monde, depuis le début. »
Ma gorge se serra, et je baissai les yeux. Je venais de réaliser que c'était la dernière chose dont j'avais envie de parler.
« Tout a commencé avant même que je naisse, c'est pour te dire... » ajoutai-je.
Je voulus continuer, mais Astrid attrapa doucement mon menton, et me releva la tête. Je la regardai dans les yeux, et elle me sourit. Puis elle déposa un léger baiser sur mes lèvres.
« T'es pas obligé de me le dire maintenant, me dit-elle. Je suis pas sûre qu'on ait vraiment envie de parler de ton père, là, tout de suite. »
J'acquiesçai. Elle avait raison.
« Je te raconterai, c'est promis. » dis-je.
Elle hocha la tête, puis se laissa tomber au sol. Je fis de même, et serrai sa main un peu plus fort. Le soleil était juste au-dessus de nous, partiellement dissimulé derrière les nuages. Je fermai les yeux. La fatigue me rattrapait, et mon corps s'engourdit rapidement.
Au bout de quelques minutes, Astrid bougea légèrement. J'entrouvris les paupières, et la vit se pencher vers moi. Je tournai la tête. Nos lèvres se rencontrèrent, et je sentis son sourire contre le mien. Puis elle se détacha lentement de moi, et je gardai les yeux fermés.
« Je suis crevé, murmurai-je. Je vais m'endormir.
- Vas-y, répondit-elle. Je reste avec toi. »
Et elle se rallongea.
J'ignore combien de temps s'écoula jusqu'à ce que le sommeil ne me rattrape pour de bon. Mes dernières pensées allèrent à mon vol avec Krokmou, juste avant que je ne retrouve Astrid. A notre liberté retrouvée, au vent, au ciel et aux nuages.
Et je m'endormis.
Ça y est, Krokmou, ça y est. On vole.
J'ai même pas envie de repenser à tout ce qu'on a du faire pour enfin en arriver là. On y est, c'est le principal. On n'a plus besoin de faire semblant, de se cacher, de mentir ni de nous faire oublier. Je n'ai plus besoin de choisir entre me battre contre moi-même ou contre les autres, plus besoin d'être ce que je ne suis pas.
On vole, mon grand, on vole.
J'ai envie de parcourir le monde avec toi. Je suis libre de décider où aller, quand y aller, et quand en repartir. Et je crois bien que je vais passer le reste de ma vie à ça. Aller, toujours plus loin, toujours plus haut.
Avec toi.
S'il te plaît, promets-moi qu'on passera le reste de notre vie à ça.
Aller là où personne ne va.
Ensemble.
Voilà voilà. Je ne vous cache pas qu'une petite larme m'a échappé quand j'ai écrit les derniers mots. J'espère sincèrement que ce dernier chapitre est à la hauteur de vos attentes. Je suis quand même contente, parce que j'aurais rempli au moins un de mes objectifs : finir la fic avant Dragons 2.
Pour la suite de mes projets, je n'ai rien d'officiel à annoncer, j'ai quelques one-shots en cours, quelques idées à droite et à gauche, j'avais parlé il y a assez longtemps de ça d'un crossover HTTYD/ROTG, ça n'est plus trop d'actualité, j'ai relu mes notes et je ne pense pas en faire la fic à chapitres qui était prévue au départ. Mais je sais que l'écriture ne me lâchera jamais vraiment, alors il y a de fortes chances pour que je m'y remette, peut-être pas cet été parce que j'ai pas mal de trucs de prévus, mais sans doute au cours de l'année scolaire à venir. A voir.
Quelques bonus, remerciements et tout ça ci-dessous, pas en gras parce que ça faisait trop lourd pour les yeux.
Quelques chiffres (parce que je suis plutôt une scientifique à la base ^^) autour de cette fanfiction :
- 34,5 chapitres (ouais parce que le chapitre 5 aurait été mieux en 2 chapitres mais quand je m'en suis rendue compte c'était trop tard et ç'aurait été trop galère de tout décaler)
- 86 306 mots (sans mes petits blablas en début/fin de chapitre)
- 2500 mots environ en moyenne par chapitre
- non je ne vous donnerai pas la variance ni l'écart-type
- nombre d'apparition de quelques mots (en comptant les titres des chapitres) : ensemble apparaît 13 fois, Harold 529 fois, Astrid 369 fois, Krokmou 262 fois, Stoïck 191 fois, Gueulfor 217 fois, viking 206 fois, dragon 414 fois, Berk 21 fois, la lettre E 54 074 fois et la lettre W 0 fois
- 22 006 vues, 40 followers, 37 favoris et 254 reviews au moment où je publie ce chapitre
- près de 15 mois d'existence depuis sa publication
- j'ai la flemme de compter les jours
- beaucoup d'heures d'écriture, relecture, corrections et autres prises de tête
- et au final énormément de joie et de fierté (parce qu'honnêtement, s'il y a deux ans on m'avait dit que je pondrais un truc pareil, je n'y aurais pas cru)
Mais tout ça, c'est grâce à vous, c'est pourquoi je tiens à remercier tous les gens qui m'ont soutenue, ne serait-ce que momentanément, en mettant ma fic en favori, en la suivant, la commentant et la lisant. Donc, dans le désordre, MERCI à Celeste-Azura, Dark-Estos84, Deadlyfury, Dj-bxl, Eline Elisabeth Jackson, Elsa Hofferson, Evlan, Eya Silvers, Fumseck73, Geek-naval, HikaruMichaels, Klatuveratanectu1701, La Lionne D'Or, Landydou, Laue-x3, Lucile Q, MadnesSoul, Manyficsfan, Matrix97121, Natulcien Anwamane, NightFury2101, RedChi-San, Remus J. Potter-Lupin, Renton-torston, Roxane Sanka Malfoy, Soraroxas01, Syrhana Lune-Bleue, Tacotitan, Tigrou19, Wodgera, djmarien1, inukag9, lili28shinigami, loubou, louisalibi, mycove, sarolo, yuseiko-chan, Eldeya, Ninoia, Zia Robtd, alia13, allytheunicornhunter, amelinasa, bibi880, emylee gravel, jj-new, jkxy38, thenightfury91, Eunolie, Victor Pichette, Ulysse Nizet, Spiderwilk, Solaneum, Swanahilda, Emmawh, AstridH, Manon, Sarah, blacklight nouv, Tensei, Omega Sky, Fairymanga21, MN, Auro, Audrey3, Mira-san7, Faenlgiec, Serebei VII, ainsi que tous les reviewers guest, tous ceux qui laisseront une review et mettront cette fic en favori après la publication de ce dernier chapitre (ceux qui la suivront aussi, même si ça ne sert plus à rien), et également vous tous, lecteurs anonymes et silencieux, même si une seule petite review de temps en temps serait appréciée, ma fic a été écrite pour être lue et je suis donc heureuse d'avoir pu vous en faire profiter.
Ah oui, et je te vois toi, arrête de chercher ton nom dans la liste, tu n'y es pas, parce que même si je ne voulais pas faire de favoritisme à la base, je n'ai pas pu me résoudre à dissimuler ton nom parmi tous les autres, je voulais qu'il ressorte, parce que notre relation a évoluée largement au-delà de notre écran d'ordinateur. Je crois que c'est en grande partie grâce à cette fic qu'on s'est rapprochée, moi qui ne croyais pas aux relations à distance et aux rencontres par Internet, tu as bouleversé mes certitudes, et je t'en remercie. Alors voilà, merci, Neila-Louve. Merci pour tout.
Voilà, je souhaite de bonnes vacances aux concernés, bon courage à ceux qui travaillent ou ont encore des examens, et le mot de la fin sera DRAGONS.
The Deadly Nadder