Note de Maelström : Filius est pars patris s'achève avec ce chapitre. Merci à vous qui m'avez lue jusqu'ici,et à tous ceux qui ont pris le temps de me laisser un petit mot. Vous m'avez été d'un énorme soutien !

Pour ceux qui m'ont posé la question, "Filius est pars patris" est une locution latine qui signifie "Le fils est une part du père", un clin d'oeil à Scorpius sans que vous ne le remarquiez trop vite. Aussi, une Hydre est une créature mythologique à plusieurs têtes, dont on dit que pour chaque tête tranchée, deux repousseront. Je vous laisse lire la page wikipédia de l'Hydre de Lerne pour plus d'informations.

J'ai du mal à poser un point final à mes histoires. J'ai toujours l'impression d'arracher un morceau de moi. J'espère que ce morceau était à votre goût. :)


Epilogue

Scène 150 – Harry, Draco, Lysander, Julian et Vallen

L'air froid piquait les poumons brûlants de Harry dont le regard se baladait furieusement autour de lui, cherchant la trace d'Astoria. Le soleil se couchait, allongeant l'ombre des arbres sur le chemin de terre qui séparait la maison de Draco de Trowbridge. Le ciel était d'un bleu-gris glacial, vierge de tout nuage, comme une peinture uniforme derrière les hauts sapins. Lysander courrait devant Draco et lui, Mellowen et Yantar dans leur dos. Lorsqu'Harry avait vu le briseur de sort et le tatoueur côte à côte sous les arbres, la robe noire de l'un contrastant avec la simple chemise blanche de l'autre, l'un une petite masse de nerfs au regard noir et au menton haut et défiant, l'autre une montagne sur la défensive, l'œil vif et le visage froid et dur, un image du Daily Prophet lui était soudainement revenue à l'esprit.

Il les avait déjà vu, ainsi debout l'un à côté de l'autre, à l'époque où il ne pouvait plus regarder le journal sorcier sans une boule de culpabilité dans l'estomac, sans craindre d'y lire des nouvelles de Draco qui lui diraient à quel point il était heureux sans lui. Il manquait un personnage à la scène. Il manquait une élève de Beauxbâtons à gauche de Yantar, Sophie Rivière, la gagnante du Tournois des Trois Sorciers. Mellowen et Yantar y avaient participé dix ans plus tôt.

L'histoire retient rarement le nom des perdants, mais cette image était semble-t-il restée gravée dans sa mémoire. Il lui avait paru inconcevable que le Ministère autorise à nouveau l'événement, et Ginny avait beau répéter qu'aucune menace ne pesait à présent sur les Sorciers, Harry n'avait pu faire disparaître l'étrange malaise qu'il ressentait à la moindre évocation du tournois. Lorsque la jeune Française avait gagné, après une compétition acharnée entre les trois adversaires, et que tout le monde avait cessé d'en parler, Harry avait fini par ne plus rêver des yeux grand ouverts de Cedric fixant le ciel noir.

Pendant leur course vers la petite ville, Lysander leur expliqua l'origine de ses soupçons et Draco les informa qu'Astoria avait l'habitude de se rendre à Trowbridge avec Scorpius, ou lorsqu'ils se disputaient, histoire de pouvoir profiter de son anonymat parmi les moldus pour se détendre. Lysander hurla qu'il ne pouvait pas y avoir pire moment pour s'engueuler, et Harry avait vu une horrible expression coupable se peindre sur le visage de Draco qui redoubla d'allure sur le chemin qui menait à la ville.

La venue de Hobbs à Trowbridge ne pouvait être un hasard. Il était bien peu probable qu'elle connaisse l'emplacement, même approximatif, de la maison de Draco, mais tout le monde savait où se trouvait le Manoir Malfoy. Elle avait dû fuir Oxford à l'arrivée des Aurors, et dans un geste désespéré tentait de s'en prendre une dernière fois à Draco dans le seul endroit où elle pensait pouvoir le trouver. Elle espérait sans doute pouvoir le débusquer dans les alentours de l'endroit qui l'avait vu grandir.

« Est-ce que tu sais ce qu'elle a payé avec sa carte ? » Souffla vivement Harry alors qu'ils approchaient des premières maisons de la ville.

« Un hôtel. » Répondit brièvement Lysander, le souffle court.

« Lequel ? » Demanda Draco, presque au niveau du détective alors qu'ils descendaient une pente à toute allure. Harry ne pouvait pas s'empêcher de souhaiter qu'il soit resté dans la maison au lieu d'épuiser une énième fois son cœur déjà malmené, mais il comprenait son attachement à Astoria, il comprenait son besoin d'aller la chercher, de s'assurer qu'elle allait bien pour la ramener en sécurité.

« Hilbury Court ! » Fut la réponse vive de Lysander. « Où pourrait être Astoria ? » Demanda-t-il ensuite en tournant un regard paniqué vers Draco qui persista à regarder droit devant lui, le visage concentré.

« Sur la route du centre ville. » Répondit-il rapidement entre deux respirations. « Ou vers Sainsbury's. » Ajouta-t-il.

« Sainsbury's ? » Interrogea Harry un peu derrière eux.

« Un centre commercial. » Souffla Draco. « Elle ne peut pas être très loin, si elle était à pied. Elle n'est pas partie depuis si longtemps ! » Ils longeaient les premières maisons moldues de la ville, des bâtisses identiques bordées de jardins fleuris qui lui rappelèrent Privet Drive.

« Hobbs pourrait attendre au manoir. » Intervint Melowen derrière eux. « Je croyais que vous habitiez là, elle se dit sans doute la même chose. »

Draco tordit le cou vers lui avant de regarder à nouveau devant lui, et Harry put soudainement sentir sa magie se rassembler autour de lui, comme les pans d'une cape qu'on ramène autour de son corps. Il tendit fébrilement une main vers lui dans sa course, le suppliant d'un geste d'attendre.

Draco fut trop rapide à transplaner.

« MERDE ! » Lâcha Harry, sa main se refermant dans le vide. Lysander lui jeta un regard angoissé et il dut user de tout son contrôle pour ne pas transplaner lui-aussi sans réfléchir. « Continuez ! On vous rejoindra ! »

« Non ! » Cria soudainement Lysander. « Si Hobbs est là-bas - »

Le Crac de sa propre apparition sembla percer les tympans de Harry qui tituba devant la grille du Manoir Malfoy avant de s'écrouler sous la force de la vague de magie qui s'abattit sur lui. Suffocant sous la pression, il s'agrippa désespéramment à l'herbe humide sous ses doigts avec l'impression d'être coincé entre deux plaques de métal, l'air refusant d'entrer dans ses poumons tant il était surchargé de magie.

A travers sa propre suffocation il entendit la voix de Draco appeler son nom, mais il n'était pas capable d'y répondre, ni même d'ouvrir les yeux.


Scène 151 – Draco

La scène qui se déroulait sous ses yeux était effrayante de familiarité. Sous le corps d'Harry s'étendait une énorme rune lumineuse, à la limite de laquelle se tenait Emily Hobbs. Le premier réflexe de Draco fut de se précipiter vers les hautes grilles de métal qui délimitaient la propriété et derrière lesquelles il avait transplané, les protections du Manoir le laissant passer sans hésitation. Mais quand bien même il traverserait le champ magique et ancestral qui empêchait quiconque d'autre que lui ou Scorpius de passer, la rune bloquerait sa route.

Harry ne réagit pas à son appel, Hobbs ne bougeait pas, et la magie qui se dégageait des lieux était suffocante. La panique fut suffisante pour étouffer sa rage, mais n'importe laquelle de ces émotions l'aurait poussé à ouvrir les barrières et à s'approcher le plus possible de la rune tracée au sol sans pour autant entrer dans son périmètre.

Harry bougea un pied, ses doigts se crispant de chaque côté de sa tête et sembla tenter de se redresser. Le cœur battant dans ses tempes et une sourde douleur dans la poitrine, Draco laissa son regard courir le long des traits bleutés qui se dessinaient dans l'herbe, plus vifs là où la pelouse laissait place à un chemin de graviers mal entretenu.

« Je savais que quelqu'un finirait par tomber dans le piège, mais je ne m'attendais pas à ce que ce soit Harry Potter. » Nota la sorcière d'une voix assez forte pour qu'elle puisse couvrir la vingtaine de mètres qui les séparaient, chacun d'un côté de la rune.

Draco ne répondit pas. Son esprit était concentré sur les cours d'étude des runes qu'il avait suivi à Poudlard pour reconnaître le piège magique. Isa, rune de glace et d'immobilité, accolée à Thurisaz, chaos, destruction, tempête. C'était un miracle qu'Harry puisse bouger un seul doigt.

Son râle de douleur déchira le silence qui s'était installé, et Draco quitta la rune et Harry des yeux pour se concentrer sur Hobbs. Hobbs, à cause de qui tout avait commencé. Hobbs, que personne n'avait soupçonné avant qu'il ne soit trop tard. Hobbs qui, malgré son apparente haine envers lui avait passé des années à lui sourire aimablement de l'autre côté du comptoir de sa boutique. Emily Hobbs, qui lui souriait encore une fois, paisiblement, alors qu'Harry semblait lutter pour respirer, écroulé dans l'herbe sans aucune chance de se défendre.

La fureur fut le déclencheur d'une série de sortilèges qui s'échappèrent de la baguette de Draco sans qu'il eut besoin de réfléchir à ce qu'il souhaitait lancer, sans qu'il lui faille ouvrir la bouche pour autre chose qu'un cri de rage. Sa magie percuta avec violence un bouclier qui s'éleva, électrique, autour de Hobbs avant de disparaître. Elle n'avait pas bougé d'un millimètre et n'avait pas perdu son sourire.

« QU'EST-CE QUE JE VOUS AI FAIT ?! » Hurla Draco, avançant d'un pas dans sa direction, la baguette en avant, le corps à la limite d'entrer dans le périmètre du piège. Il voulait lui demander pourquoi, pourquoi est-ce qu'elle s'en prenait à son fils, pourquoi voulait-elle le voir à ce point mort qu'elle avait décidé de prendre les choses en main, pourquoi est-ce qu'elle avait attendu toutes ces années pour lui cracher sa haine et tenter de détruire tout ce qu'il y avait autour de lui. Mais ses mots restèrent coincés dans sa gorge, la colère et la peur l'étouffant aussi sûrement que la magie malfaisante des runes à ses pieds.

Le bruit de quatre apparitions empêchèrent Hobbs de répondre. Elle fit volte-face, se tournant vers Astoria, Lysander, Mellowen et Yantar qui adoptèrent immédiatement une posture défensive en la voyant. Sans prévenir, les sorts fusèrent, lacérant l'air d'une série de crépitements magiques qui s'écrasèrent sur la barrière électrique qui s'élevait à chaque fois devant Hobbs.

Mellowen laissa les trois autres combattre et jeta un œil aux runes avant de pointer sa baguette sur elles. Ses traits fins et ses yeux sombres se concentrèrent sur le corps d'Harry avec un calme étrange avant qu'il ne change l'angle de sa main, plissant le regard jusqu'à sembler réussir à trouver ce qu'il cherchait. Son bras trancha l'air, la magie fusant de sa baguette dans un foudroiement qui courut sur l'herbe, fonçant vers Harry qui eut un cri de douleur à l'instant même où Draco hurlait au sorcier d'arrêter.

Sans pouvoir s'en empêcher, il traversa le périmètre de la rune jusqu'à atteindre Harry qui prenait de grandes inspirations fébriles, son dos se soulevant à la force de ses bras, ses genoux se pliant jusqu'à ce qu'il puisse s'asseoir dans l'herbe.

Malgré le vacarme des sorts, la lumière aveuglante qui fusait devant eux et sous leurs pieds, Draco put voir que la rune avait changé. Mellowen avait ajouté un grand trait en travers d'Isa, transformant la rune de glace en celle de l'honneur.


Scène 152 – Lysander

La protection dont bénéficiait la sorcière était incompréhensible. Aucun bouclier n'aurait pu résister à une telle avalanche de sorts sans montrer des traces de faiblesse, se gondoler sous la puissance des sortilèges avant d'en absorber le choc.

Rien ne forçait Hobbs à rester. Elle pouvait transplaner à tout moment, mais elle restait là, impassible, les fixant tous les quatre comme s'ils n'étaient que des mouches bruissant autour d'elle. Lysander avait depuis longtemps admis que l'Hydre ne pouvait pas être mentalement saine pour orchestrer de tels agissements, mais faire face à une telle folie, la vivre, était bien différent d'en entendre parler. Il était presque tenté de cesser ses attaques, l'impression de s'en prendre à une vieille femme vulnérable et n'ayant plus toute sa tête trop dérangeante pour que ce qui restait de sa peur de perdre Astoria suffise.

Le soulagement de voir la sorcière tranquillement marcher loin devant eux avait altéré quelques secondes sa course, mais il avait redoublé d'effort pour la rejoindre, criant son prénom pour l'arrêter devant une maison parfaitement identique aux autres. Il n'avait cessé de courir jusqu'à ce qu'il soit assez proche pour voir l'entièreté des détails de son expression perplexe et qu'il puisse la tenir contre lui, le cœur tambourinant dans sa poitrine, la bouche sèche et un bourdonnement désagréable dans les oreilles.

L'entendre à présent à ses côtés rugir des sorts plus vicieux les uns que les autres avait développé une soudaine euphorie en lui, vite temporisée par l'impassibilité de Hobbs. L'attention de la styliste fut un instant distraite par la libération d'Harry que Lysander pouvait voir se relever difficilement avec l'aide de Draco.

Sa propre inattention faillit lui être fatale. Un sortilège fusa vers lui, s'écrasant devant son visage contre un bouclier éphémère commandé par Astoria dont la main s'était arrêté à quelques centimètres de sa tête. Il recula d'un pas, reprenant une posture de combat et accordant toute son attention à Hobbs qui esquissait à présent un sourire dérangeant.

« C'est votre problème, Lysander. Il y a toujours quelque chose pour détourner votre attention. » Commenta-t-elle avec un petit rire, le soleil couchant créant des ombres sur son visage. Il l'avait trouvée adorable, cette petite sorcière sans défense, aimable et effrayée par les procédures moldues. Il avait voulu la rassurer, effacer son expression indignée et la crispation fébrile de ses mains. Sa remarque lui donna soudainement envie de l'envoyer s'écraser sur l'un des arbres centenaires qui les entouraient. Il n'avait pas besoin qu'on lui rappelle à quel point il avait été idiot, à quel point il s'était laissé berner par une vieille dame. Il n'avait pas besoin qu'on lui rappelle que son inattention avait failli se payer de la vie de Draco.

Astoria répondit pour lui, la foudroyant d'un nouveau sort rageur qui s'écrasa sans effet sur le bouclier. A sa droite, Julian pointa ses pieds de sa baguette et envoya une onde de choc dans le sol. Dans les graviers se dessinèrent une rune complexe, incompréhensible, qui traçaient des courbes et des enchevêtrements de lignes autour d'eux.

Alors que Vallen cessait ses attaques pour remonter les manches de sa chemise, Julian pointa Draco et Harry, foudroyant l'herbe à leurs pieds, les protégeant sans doute eux aussi de quelconques attaques. Astoria leva une nouvelle fois sa baguette, prête à intercepter le sortilège que Hobbs tenta d'envoyer vers eux et qui fut absorbé par un mur invisible dans un bruit sourd qui vibra autour d'eux. Ce fut à ce moment que Lysander remarqua la lumière qui provenait de sa gauche.

Vallen avança d'un pas, baguette en avant, les bras et la gorge illuminés d'un bleu électrique, la magie suivant les dessins de ses tatouages habituellement invisibles. Sous sa chemise, la même lumière pulsait, rendue moins prononcée par la couverture du tissu. Lysander n'avait jamais vu que le tatouage dans sa main s'illuminer, et il devait à présent plisser les yeux pour regarder son ami.

« Ihwaz. » Prononça tranquillement le Russe, et Lysander dut fermer les yeux. Une vague d'énergie sembla traverser le corps de son ami, convergeant dans sa main droite et s'échappant par sa baguette. Un crépitement horrible fit tinter les oreilles du détective qui crispa tous les muscles de son corps pour combattre le torrent de magie qui ne fit que passer à côté de lui. Astoria se colla à son flanc et s'accrocha à son bras gauche, sans doute encore plus affectée que lui de par sa proximité avec Vallen.

« Julian. » Appela doucement ce dernier, dont la gorge semblait nouée. Lysander rouvrit les yeux pour voir que Hobbs avait reculé, le corps à moitié tourné et recroquevillé dans une posture protectrice, mais à part ses cheveux bruns échevelés, elle paraissait intacte. Pourquoi ne transplanait-elle pas ?

Julian se déplaça alors derrière eux, marchant dans le périmètre de ses runes, et Draco et Harry n'avaient pas bougé, plantés dans l'herbe, se soutenant l'un l'autre, le regard alternant de leur côté à celui de Hobbs qui profita de l'occasion pour projeter une série de sortilèges dans leur direction. Les baguettes levées de Draco et Harry furent inutiles. Le mur invisible absorba le choc.

« Écartez-vous, mais restez dans le cercle. » Demanda la voix intransigeante de Julian, et Astoria ne se fit pas prier. Elle s'écarta, entraînant Lysander avec lui vers la droite, assez pour qu'il puisse voir Julian changer sa baguette de main et assouplir ses doigts du côté gauche avant de lever le bras vers la nuque de Vallen. Celui-ci inspira profondément par le nez puis expira lentement, son torse de dégonflant alors que la magie sous sa peau s'activait une seconde fois. Julian baissa la tête, son visage se crispant dans un masque concentré et douloureux.

« Ihwaz ! » Répéta-t-il alors soudainement, rouvrant les yeux alors qu'une décharge d'énergie quittait son corps, glissant à toute vitesse le long de son bras gauche pour rejoindre la nuque de Vallen dont le corps ne fut plus qu'une épaisse ligne lumineuse aux yeux de Lysander qui dut détourner le regard.

L'air devint irrespirable de magie et sa respiration se bloqua dans sa gorge alors qu'il luttait pour garder les yeux ouverts, s'accrochant à Astoria autant qu'elle s'accrochait à lui. Un éclair d'une blancheur aveuglante fonça sur Hobbs dont la forme disparut du champ de vision de Lysander. Il sentit ses genoux faiblir, sa propre magie l'abandonner, son feu intérieur vaciller jusqu'à ne laisser que quelques braises, et la sensation était tellement effrayante qu'il en eut la nausée. Il se plia en deux, enregistrant du coin de l'œil Julian qui levait sa baguette du mauvais bras, pointant la direction de Hobbs et envoyant une décharge magique dans sa direction avec un sortilège qu'il ne put pas entendre. Sa vision s'obscurcit sur les côtés et il dut fermer les yeux pour lutter contre le vertige qui lui retournait l'estomac.


Scène 152 – Harry et Draco

Malgré ses poumons brûlants et le tremblement dans ses membres malmenés par l'écrasement de la magie des runes, l'adrénaline permit à Harry de rester debout et de garder son esprit concentré sur le combat. Il ressentait tout de même la douleur lancinante du trait magique que Mellowen avait jeté sous lui pour le libérer de l'emprise du piège, comme une large brûlure en travers de son torse. C'était un moindre mal, compte tenu qu'il aurait pu mourir étouffé si le briseur de sort n'avait pas agit.

A côté de lui, Draco semblait être prêt à bondir en avant, une épaule frôlant la sienne au gré du rythme rapide de sa respiration, mais devait être tout aussi récalcitrant que lui à l'idée de quitter le cercle de protection qui s'était dessiné dans le sol, faisant se coucher les brins d'herbe dans un entrelacement complexes de courbes et de traits semblant former un langage ancien qu'il ne prit pas la peine d'essayer de décrypter. Il en était incapable, et il avait vu assez de runes ces deux dernières semaines pour plusieurs vies.

Devant eux se déroulait le combat le plus surréaliste qui soit et Harry n'avait jamais assisté à un tel étalage de sortilèges illégaux. Si les deux parties n'avaient pas été efficacement protégées, la bataille aurait été un véritable massacre, et chacun aurait pu mourir plus d'une fois. Astoria était particulièrement effrayante et lui faisait penser à Narcissa Malfoy, telle qu'elle aurait pu être si elle avait eut à défendre son fils de sa propre vie. Les sorts qu'elle envoyait vers Hobbs rappelèrent à Harry que, même si la guerre était terminée depuis bien longtemps, les vieilles familles sorcières ne cessaient pas d'apprendre à leurs enfants à se servir de leurs plus terribles armes, des enchantements anciens et destructeurs. Il n'avait même pas envie de savoir ce que pouvaient bien faire les sorts qu'il ne connaissait pas.

Et il y eut Yantar. Yantar qui montra finalement le véritable dessein de son métier, transformant son corps en une source de concentration magique qu'il expulsa hors de lui avec un mot qu'Harry ne comprit pas. Forcé de fermer les yeux, il détourna le visage pour échapper à la lumière intense que dégagea le sort, les rouvrant rapidement et battant frénétiquement des paupières pour continuer à observer le combat. Hobbs était toujours debout, serrant son poignet de la main opposée comme si elle avait été blessée.

Mellowen se déplaça derrière Astoria et Lysander, plaça sa main gauche sur la nuque de Yantar qui s'était penché légèrement en avant, adoptant la posture d'un homme prêt à tout pour en découdre.

Les quelques secondes qui suivirent furent étonnantes de lenteur. La lumière émanant des tatouages complexes sur le corps de Yantar diminua progressivement avant de s'intensifier. Hobbs adopta une posture défensive, main gauche en avant, baguette inclinée devant sa poitrine, et la lueur magique se refléta sur l'épais bracelet de métal argenté qu'elle portait au poignet.

La voix forte de Mellowen traversa l'espace, semblant résonner autour d'eux, se cogner aux énormes arbres qui plongeaient les abords du Manoir Malfoy dans l'ombre, juste avant qu'une lumière intense ne brûle les yeux de Harry qui baissa soudainement la tête en fermant ses paupières avec une grimace de douleur, entendant à peine le grognement de souffrance de Draco dans l'énorme crépitement de magie qui l'assourdit.

Il s'accrocha à Draco autant que celui-ci se tenait à lui pour ne pas s'écrouler à genoux et fut forcé de rouvrir les yeux lorsqu'il le sentit le lâcher et se précipiter en avant. Il l'imita, à moitié aveugle, la vision assombrie par une énorme tache noire cerclée d'argent. Il le devina plus qu'il ne le vit soutenir Astoria, et il sentit la poigne de Lysander sur son épaule, ses doigts s'enfonçant douloureusement sous sa clavicule. Ils titubèrent ensemble, l'atmosphère un concert de gémissements de douleur et de râles, Harry battant des paupières pour retrouver un peu de sa vue.

Yantar était à genoux dans les graviers, les mains se serrant sur les cailloux avec une respiration laborieuse, sa tête baissées faisant glisser ses longs cheveux blonds jusqu'à ce qu'il puisse voir la trace rouge, la chair presque à vif sur sa nuque dessinant la rune de la connexion mêlée à celle de la concentration.

Déjà à quelques mètres d'eux, Mellowen marchait d'un pas rapide jusqu'à Hobbs, ses pieds soulevant le bas de sa robe noire. Il changea sa baguette de main, la plaçant à gauche. Avec ses cheveux sombres, il ne devint qu'une forme noire et quasi indistincte qui s'arrêta aux pieds de la sorcière qui gisait dans l'herbe.

« Il aurait fallu bien plus qu'un bracelet d'argent et quelques runes pour vous rendre invincible, Hobbs. » L'entendit-il dire, une rage obscure enlisant son accent londonien, lui donnant une texture cruelle et effrayante. « Il faut croire que Desmond a encore oublié que rien n'est vraiment indestructible. »

Lysander sembla se rétablir, lui murmurant ses remerciements d'une voix faible, et Harry en profita pour tourner son attention vers Yantar qui s'asseyait doucement sur ses talons. Le Sorcier prenait de grandes goulées d'air, les poings serrés sur ses cuisses, la baguette coincée dans l'un d'eux. Harry s'approcha de lui mais son regard se porta à nouveau sur Mellowen qui prononça un simple Incarcerus pour emprisonner la sorcière dans des liens magiques avant de se baisser pour ramasser ce qui devait être le bracelet.

« Si j'étais vous, » Poursuivit-il sur le ton de la conversation en se tournant vers eux, leur offrant un mince sourire, son regard passant de Draco à lui. « je la tuerais. » Il fit sauter le bracelet dans sa main avant de le plonger dans la poche latérale de sa robe. « Personne ici ne vous balancerait. »

« Julian ... » Souffla Yantar avec paternalisme en s'aidant du sol pour relever son gigantesque corps. Mellowen haussa un sourcil dans sa direction et réussit à apparaître à la fois ironique et curieux. « Vraiment ? » Demanda le Russe d'un ton dubitatif, et ce simple commentaire suffit à faire rire Lysander un peu plus loin.

Le Briseur de sSrts haussa les épaules avec un nouveau sourire avant de revenir vers eux d'un pas tranquille, les mains dans les poches.

Harry ne sut dire ce qu'il y avait de plus effrayant. La folie de Hobbs, l'incroyable puissance dégagée par Yantar, ou la lueur meurtrière qu'il avait pu lire dans le regard de Mellowen.


Mercredi

Scène 153 – Ron

Ron mit un point final à la déposition de Malfoy et souleva sa plume, fixant la dernière page des kilomètres de mots qu'il avait dut écrire depuis trois jours. Cette affaire avait été un cauchemar, et la paperasse qui y était associée avait un vague goût d'enfer. Il fit tourner son poignet jusqu'à le sentir craquer et ne cacha pas son soupir de soulagement.

Il lâcha sa plume et se laissa aller dans son fauteuil, attrapant son mug de thé. Il était froid, mais il avait un bon goût de finalité. C'était sans doute la cannelle.

« Alors ? » Demanda Malfoy, forçant Ron à lever les yeux vers lui. C'était étrange à dire, mais après avoir eu Maxwell, Yantar, Mellowen et Harry dans son bureau ces derniers jours, Malfoy avait été le plus facile à gérer. Il avait méthodiquement raconté chacun des événements dont il avait été témoin, les avaient documentés en offrant ses souvenirs lorsque cela s'était avéré nécessaire, et n'avait pas interrompu son discours de multiples questions et propos railleurs comme le Briseur de Sorts avait pu le faire.

S'il devait faire un classement des témoins les plus difficiles qu'il avait pu interroger pour cette affaire, Mellowen serait largement en tête, suivi de Maxwell. Venait ensuite Harry, dont il était trop proche pour lui répéter plus de deux fois que le moment n'était pas propice à s'épancher sur ses problèmes personnels. Ginny était à égalité avec son mari, mais c'était bien parce qu'elle était sa sœur. Difficile de ne pas lui pardonner ses quelques crises, qu'elles soient de larmes, de colère ou d'apathie.

Ensuite, Vallen Yantar, qui malgré son physique intimidant et son regard froid avait pleinement collaboré avec les Aurors. Il avait juste fallu le sortir parfois de son mutisme et l'encourager à expliciter quelques propos.

Mais Ron, face à Malfoy, n'avait pas eu besoin d'ouvrir la bouche. L'avocat lui avait exposé de façon méthodique, organisée, claire et précise tout ce qui était arrivé depuis que Smith avait tenté de l'assassiner. Il s'était permis quelques hypothèses, avait écarté toute émotion de son discours, et n'avait pas touché au presse-papier que Hugo lui avait fabriqué lorsqu'il était à l'école magiquement maternelle. Ron avait dû l'arracher des mains de Mellowen et le ranger dans un tiroir.

Il avait presque oublié que l'homme qui lui parlait avait été son pire ennemi pendant toute sa scolarité. Lorsque Malfoy lui avait relaté le peu de temps qu'il avait passé dans la forêt magique, il avait cessé d'écrire, le regardant parler, froncer les sourcils, bouger vaguement la main pour souligner ses propos, frotter le bas de son visage lors d'une pause avant de croiser à nouveau son regard, forçant Ron à gratter son parchemin pour rattraper son retard dans le récit.

En ce qui le concernait, Hermione était la Miss Univers de son Univers, merci bien, mais il avait commencé à percevoir ce qui avait pu entraîner Harry sur le mauvais chemin. Ron aimait sa sœur, bien sûr, mais il savait que s'il ne partageait aucun lien de sang avec elle, il l'apprécierait tout autant qu'il portait Viktor Krum dans son cœur.

Malfoy n'avait plus rien de Malfoy, rien qu'il puisse détecter de l'endroit où il se trouvait. Il l'avait déjà en partie constaté lorsqu'ils avaient été forcés de travailler ensemble, une quinzaine d'années plus tôt, mais sans jamais vraiment l'admettre. Il avait eu le temps de grandir, depuis. D'apprendre à connaître plus de personnes qu'il n'en avait jamais admis dans son monde jusque là étriqué. Son expérience d'Auror, puis de manager, de décideur, lui avait permis de faire la part des qualités et des défauts de son entourage, de ne plus se laisser envahir par la moindre imperfection de caractère, d'admettre son incompatibilité avec certaines personnalités et surtout, de choisir ses combats.

La vie sentimentale d'Harry n'était pas son combat, et Ron se retrouvait soudainement capable d'admettre que s'il pouvait oublier que la personne qu'il avait en face de lui était Draco Malfoy, il n'aurait aucun problème à collaborer avec lui dans le cadre du travail, voire même à l'inviter dîner après quelques années pour lui faire goûter les petits plats d'Hermione lorsqu'elle consentait à cuisiner.

Il ne restait plus qu'à persuader sa femme. Non seulement de cuisiner, mais aussi d'arrêter de voir en Malfoy le fils de Mangemort et leur ennemi juré de Poudlard.

« Alors ... » Commença-t-il en serrant son mug froid entre ses deux mains. « C'est compliqué. »

Draco haussa légèrement les sourcils, peu impressionné, et s'appuya lui aussi contre son dossier, imitant la posture de Ron.

« J'ai du temps. » Annonça-t-il calmement, encourageant Ron à poursuivre du regard.

Le Chef de Section se permit un sourire étroit et reprit une gorgée de thé avant de poser sa tasse devant lui, écartant la déposition de Malfoy.

« Tout commence avec Emily Hobbs. » Amorça-t-il, se préparant mentalement à une longue histoire.

Ce n'était que justice. Draco Malfoy en était, malgré lui, le personnage principal.


Scène 153 – Draco

S'il n'en avait rien laissé paraître pendant le dîner, supportant James qui gémissait de rater le match de Quidditch contre Serpentard, Albus qui se plaignait de son estomac, Lily qui avait l'énergie nerveuse d'un enfant qui n'avait pas pu se défouler dehors depuis des jours, et Scorpius qui prenait chaque remarque avec morosité, Draco était épuisé.

Il s'écroula plus qu'il ne s'allongea dans son lit, frissonnant du contact frais mais moelleux de son oreiller et de sa couette sous lui. Il tendit un bras pour poser sa baguette sur la table de nuit. Malgré lui, malgré sa détermination à ne pas laisser ses pensées saper son bien-être, son soulagement, et son vague sentiment de sécurité, il ne pouvait s'empêcher d'entendre la voix de Weasley reprenant plus de vingt ans d'histoire.

Les pièces du puzzle s'emboîtaient lentement dans son esprit, serrant son cœur et lui rappelant à quel point tout est fragile. Le corps, d'abord, faible coquille abritant un être plus frêle encore. La psyché, ensuite, vague émanation changeante, inconsistante, à la merci des coups et des souvenirs, d'instincts parfois incontrôlables. Il n'était pas meilleur que les autres.

Entendre Harry s'affairer dans la salle de bain lui rappela quelques mots de Weasley, selon lequel la solitude, sinon un déclencheur, du moins un accélérant, pouvait briser les quelques barrières que chacun érigeait autour de lui. Draco le savait, il aurait pu en être une victime. Il savait au plus profond de lui que s'il n'avait pas eu Harry, puis Scorpius et Astoria, il aurait dépérit. Qu'importe la force de caractère, la ténacité. Sans passion, sans contact humain, sans but, sans rien pour se prouver à soi-même sa propre existence, rien n'avait de sens.

Quand Emily Hobbs avait perdu son mari et ses enfants à la faveur de la guerre, Voldemort leur offrant une fin ridicule, sans signification, au simple gré de sa folie destructrice, il ne lui resta plus qu'elle-même et sa boutique, et le souvenir vivace de Lucius Malfoy la menaçant de sa baguette, lui rappelant que ce n'était que la juste punition à sa désobéissance, à son refus de collaborer.

Draco savait, pour avoir craint pour la survie de sa propre famille plus de fois qu'il n'était normal, que rien n'aurait pu empêcher quelque chose de se briser en elle. Que chaque couple, chaque parent, chaque enfant visitant sa boutique devait être une réminiscence insupportable de tout ce qu'elle avait perdu. Et que la présence du fils de son bourreau entre ses murs avait dut être de trop.

Il n'aurait pu la blâmer même s'il l'avait voulu. Il comprenait pourquoi elle n'avait pas fui le combat, pourquoi elle s'était acharnée, malgré l'évidence, à ne pas transplaner et échapper aux attaques devant le Manoir Malfoy. Elle avait appelé la mort parce que c'était tout ce qui lui restait. Et s'il avait su la moitié de ce que son père avait fait pendant son existence, il lui aurait offert son cœur sur un plateau. Il n'aurait pas pu passer une soirée à l'entendre grommeler dans le petit salon du Manoir contre les choix politiques du Ministère de la Magie. Il n'aurait pas pu dormir sous le même toit.

Emily Hobbs n'avait jamais raconté son histoire. Son mari était moldu, ses enfants étaient des Cracmols, et elle avait vécu loin du radar des media et de l'administration, simplement parce que sa famille n'avait aucune utilité dans leur communauté. Elle était entre deux-mondes, cachée comme Draco avait essayé de l'être lui-même.

Elle avait concocté sa vengeance, doucement, sans vague, attirant peu à peu autour d'elle d'autres victimes de la guerre que tout le monde ignorait, concentré comme ils l'étaient à reconstruire, à faire comme s'il ne s'était rien passé, à cacher leurs blessures dans des célébrations, à aduler leur héros comme s'il n'en était sorti sans d'autre cicatrice que celle sur son front.

Desmond avait été le premier, torturé jusqu'à en perdre la raison par Bellatrix, et qui avait entraîné son petit-fils dans son sillage, Brightwood, dont les parents divorcés n'avaient pas su voir l'emprise que son grand-père avait sur lui.

Puis vint Adam Davis, ancien élève de Serpentard qui avait vécu la guerre au premier rang, enlisé dans une scolarité pleine de secrets, de mensonges et de manipulations, tentant d'échapper à l'influence de parents penchants un peu trop fort du côté de Voldemort, de camarades de classe inconscients de leurs actes et de leurs mots en acclamant le retour du Mage Noir, terrifié à l'idée de mourir, horrifié d'être associé à ces êtres plus sombres que les enfers et qui était obsédé par l'idée de se démarquer d'eux. Jusqu'à ce que sa petite amie, Elliah Smith, se fasse assassiner, dommage collatéral d'une attaque désespérée de quelques Mangemorts de bas étage soucieux de faire entendre leur message dans le sang.

Joe Smith n'avait été que la goutte d'eau, la folie qui manquait à leur fureur et à leur douleur. La perte de sa sœur, son monde, le seul lien d'un homme antisocial avec l'extérieur, avait été la dernière justification suffisante à la mise en place de leur plan. Mais Smith avait été difficile à contrôler. Trop fou pour être contraint à l'obéissance, trop symbolique pour être éliminé, ils n'avaient su que le cajoler un temps à la patience et le forcer au silence par un serment inviolable.

La suite n'était plus que spéculation. Les personnes, comme Ginny, qu'ils n'avaient su convaincre de les rejoindre avaient été mises à profit sans leur consentement. Drogués, marqués et perturbés par l'évolution de la rune de la haine sur leur épaule, ils devaient servir de chair à canon, de coupables idéals pour leurs plans. Mais à mesure que l'heure fatidique d'enlever Draco et Scorpius pour donner à ce dernier la chance de racheter les erreurs de son père, Smith avait dut échapper à la vigilance du reste de l'Hydre. Son but était clair, éliminer Draco, le symbole le plus durable de l'époque des Mangemorts, sans se préoccuper d'y laisser un quelconque message. Une vengeance mal placée était son seul mobile. Celui de l'Hydre était de rappeler aux Sorciers que des monstres vivaient parmi eux, et que le Ministère n'était pas capable de les éliminer.

Le matelas s'enfonça sous le poids de Harry qui se glissa sous la couverture avec un soupir soulagé que Draco ne partagea pas. Bien qu'horrifié par tout ce qui était arrivé ces dernières semaines, il n'arrivait pas à extraire de lui cette sensation qu'il l'avait sans doute mérité. Après un bruit de tissu et du mouvement dans le lit, une main se posa sur son crâne avant de descendre doucement sur sa nuque et de s'arrêter au milieu de son dos.

Il pouvait sentir la présence du corps de Harry contre son côté gauche, mais il n'y avait sans doute rien qui puisse le forcer à bouger à ce moment-là.

« J'aimerais bien un autre bébé avec toi. » Entendit-il, et alors qu'il tournait vivement la tête dans la direction d'Harry, il songea que, finalement, ce genre de choses pouvait tout à fait motiver un peu de mouvement de sa part.

« Pardon ? » Demanda-t-il en clignant des yeux dans l'obscurité, la voix étouffée par un pli de la couette devant sa bouche. Il l'aplatit en posant sa main dessus, Harry entrant alors dans son champ de vision, mais il n'y voyait pas encore assez bien pour apercevoir autre chose que le côté de sa mâchoire et son oreille. Un rire sentant la menthe fut soufflé sur son visage et il décida de faire comme s'il n'avait rien entendu. Il s'extirpa hors du lit juste assez longtemps pour pouvoir lui-aussi se glisser sous les couvertures.

« J'ai complètement loupé - » Commença Harry en posant à nouveau la main sur lui, son pouce s'accrochant à sa hanche alors que Draco essayait de modeler la forme de son oreiller sous sa tête.

« Vraiment, Potter ? » L'interrompit-il d'un ton sidéré. « Tu veux parler de ça maintenant ? »

« Tu préférerais parler de Hobbs ? De ton père ? » Souffla Harry, dont la voix amusée ne s'accordait absolument pas aux propos. « De ce qu'on pourra lire dans le Prophet demain ? »

Draco grogna, enfonçant son nez dans son oreiller, tentant d'empêcher les derniers mots d'Harry, les avertissements de Weasley, de faire renaître le brasier de l'angoisse qu'il avait mis l'après-midi à étouffer.

« Non... » Grommela-t-il. Il n'avait pas envie de parler des rumeurs qui couraient chez les Aurors et qui étaient enfin arrivées aux oreilles des journalistes à propos d'Harry et lui. Les contacts conjugués de Lysander et d'Astoria n'avaient pas été suffisants pour les faire taire. La machine était en route, et rien ne pouvait plus empêcher le Daily Prophet d'imprimer son torchon.

« Moi non plus. Je préférerais parler de ça. » Confia Harry en se rapprochant de lui, lâchant sa hanche pour passer le dos de sa main sur son ventre. Un réflexe défensif poussa Draco à se crisper, et il s'efforça de se détendre dans une longue expiration, cherchant ses mots.

« Je suis trop vieux, Harry. » Décida-t-il alors de dire, provoquant un rire surpris chez Harry qui laissa son ventre tranquille pour mettre la main dans son dos, le serrant contre lui. Devant le ridicule de sa propre réponse, Draco sourit malgré lui et posa la main qui n'était pas écrasée sous lui sur les côtes d'Harry.

« Quelle est l'espérance de vie d'un Sorcier, déjà ? »

« Tais-toi. »

« Cent cinquante ans ? » L'ignora Harry, ses mots soufflant sur ses cheveux.

« Potter ... » L'avertit Draco malgré son amusement.

« Tu n'en es même pas à la moitié, je ne vois pas pourquoi - »

« On en reparlera quand tu seras divorcé. » Le coupa-t-il, satisfait du silence qui suivit. Une profonde expiration passa sur le haut de son crâne.

Pour tout ce dont il se sentait coupable, forcer Harry à penser à Ginny n'en faisait pas partie. Que ce soit pour lui-même ou pour leurs enfants, une conversation et des décisions étaient inévitables.

Il n'avait pas besoin de lui dire qu'un enfant ne changerait pas le passé et n'effacerait pas le fait qu'il avait raté treize ans de la vie de Scorpius. Draco savait que la culpabilité l'écrasait déjà. Le lui rappeler aurait été cruel.

« Je t'accorde ce point ... » Grogna Harry en posant ses lèvres sur ses cheveux. « Mais la discussion n'est pas terminée. » Décida-t-il d'un ton final, tâtonnant sous la couverture pour attraper la main libre de Draco entre leurs bassins.

Et cette position, plus que n'importe quoi d'autre, le conforta dans la soudaine certitude qu'après quatorze ans à attendre, à se cacher et à mettre sa propre existence en pause pour ne se concentrer que sur Scorpius, sa vie pouvait enfin reprendre là où il l'avait arrêtée.


- Fin -