Précisions: Slash, Univers Alternatif, vingt chapitres, suite de Très Cher Et Adoré Quotidien (TCEAQ), paparazzis.

Sequel to TCEAQ.

Disclaimer: Pas à moi.

Note: Whooo! J'suis déjà de retour.

Bon, ceci est LA SUITE (tant attendue) de TCEAQ dix ans plus tard MAIS cette fanfiction PEUT ETRE LUE SÉPARÉMENT SANS AVOIR LU TCEAQ (ne vous laissez pas leurrer par les majuscules, je ne suis pas énervée j'essaye juste d'attirer votre attention, désespérément).

Chers lecteurs qui ont décidé de lire Sidewalk Blues sans avoir lu TCEAQ, le seul truc que vous devez retenir de Très Cher Et Adoré Quotidien est que Tony et Loki se sont rencontrés il y a dix ans quand ils étaient étudiants (Loki était étudiant en art avec Darcy Lewis) et Tony et Loki sont sortis ensemble au bout d'un an. C'est tout.

Voilà, donc c'est... le résultat d'un an de travail, l'un des trucs que j'ai le plus aimé écrire, une histoire déjantée,... C'que tu veux, vraiment.

Je vous présente Sidewalk Blues.

PS: je vous suggère I'll Be Waiting de Lenny Kravitz pour ce premier chapitre. Bonne lecture.


Chapitre Un

A tale that wasn't right


Un jour, on avait dit à Tony Stark qu'on aime son premier amour toute sa vie.

Toute sa vie? Attends, t'as dit: toute sa vie? Non, m'dame. C'est "toute sa vie", plutôt (c'était lié à un problème de guillemets, paraît) (c'était théorique, aussi, paraît, également).

Mais bon, le truc, le truc, tu vois, chéri, c'est que la vie de notre héros, la vie de Tony Stark, donc, c'est du n'importe quoi. Du gros n'importe quoi. Une grande pagaille. Un délire complet. Un énorme chantier. Un véritable capharnaüm. Un désordre total. Un vrai foutoir.

La vie de notre héros, la vie de Tony Stark, c'est le bordel de A à Z. Et c'pas une vie, ça.

Boom.

Soyez les bienvenus.

Fermez les yeux. Paré(e)(s) pour le voyage? Ouais, bienvenue chez Eux, en première classe, dans Leur monde dingue et merveilleux. Vitesse: cinq cent à l'heure, bien au-dessus de la vitesse autorisée. Ton ex se prénomme Modération, elle t'a lâché parce que tu la trompais avec Excès.

Voici le monde de Tony Stark. Entre-autres.

Et ici, tu peux te permettre de passer tes soirées (même dimanche, promis) à traîner dans les clubs, les discothèques, verre à la main. Même que c'est mieux pour toi de t'y montrer que de te pointer au boulot lundi (mais qu'est-ce que tu racontes, c'est ça ton boulot, espèce de salaud).

(Lundi, mardi, mercredi, jeudi, vendredi, samedi, dimanche. Parlons-en. Mais plus tard.)

Night-clubs VIP. Ceux où tu peux entrer à ta guise parce que t'en es un, justement, de VIP (et puis t'en connais le patron, aussi) et que t'es sur la guestlist. Toutes les guestlists. Les night-clubs, là où les créatures de la nuit se déhanchent, les corps dénudés, en sueur, qui viennent te frôler. Clubwear de rigueur. Lâche-toi, suce-moi, ouais, comme ça, vas-y, bébé, éclate-toi, baise-moi. Toi et moi.

Ces succubes qui viennent t'harceler, qui viennent haleter dans ton oreille, qui te touchent et t'embrassent la bouche, qui glissent leurs mains aux longs (faux) ongles manucurés sous ta chemise, qui te filent la trique.

Et t'en ris à défaut de chialer.

Et tu cèdes à chacune de leurs avances.

Ces lieux en vue qui font rêver. Qui te font rêver. Et qui lui appartiennent. Parce qu'il est lui, il est toi, il est moi et surtout il est Eux, il est le Roi du Monde, de ce monde dingue et merveilleux (voir plus haut).

Ces lieux desquels tu sors pas sans te retrouver aux infos le lendemain, non, non, non. Les tabloïdes s'éclatent eux aussi. Et ton nom est sur toutes lèvres, surtout celles qui portent le Rouge Allure (de chez Chanel).

Tony Stark ou l'histoire d'une "vie" de plus donc. Au fond. Sauf que sa "vie" à lui, tu la lis en page sept du Vanity Fair du mois dernier. Et que c'est rare qu'il fasse pas la une cette semaine, au passage.

Tony Stark.

Ce nom doit t'évoquer un truc parce que: je connais Tony Stark, tu connais Tony Stark, il connaît Tony Stark, elle connaît Tony Stark, on connaît Tony Stark, nous connaissons Tony Stark, vous connaissez Tony Stark, ils connaissent Tony Stark.

Et tout ceci pour dire que tout le monde connaît Tony Stark.

Tony Stark, notre héros, on va en parler, justement, parce que je sens que ce sujet vous excite (comme il excite la presse, comme il les excite Eux, comme il excite le commun des mortels en général) (Tony Stark est excitant) (j'ai gagné vingt dollars en plaçant "excitant" dès le début comme ça).

Tony est actuellement assis (affalé), Rusty Nail en main (gauche) (repéré hier par nos meilleurs reporters, voir photos et détails page vingt-huit). Son autre main est posée sur un ventre plat, son bras autour d'une taille fine (tour de taille: cinquante-neuf centimètres exactement). Peau moite, hâlée (bronzette à Miami au bord de la piscine ou UV? Le mystère reste entier pour l'instant mais n'ayez crainte, nos meilleurs journalistes enquêtent en ce moment-même là-dessus mais c'est difficile à dire à cause de la lumière stroboscopique nous informent-ils en direct via Twitter (via iPhone 5, 2:13 AM)).

La nana sur tes genoux. On va en parler. Avec ses cheveux -longs, ondulés, noirs, brillants- et son corps -seins refaits et régime à neuf cent calories/jour (heureusement que la cocaïne est pauvre en calories), deux heures de gym/jour, (dé)conseillé par nos nutritionnistes- et tout, tout, tout. Comme toutes les autres, qu'elle est splendide. Et toutes ces autres, on va en parler aussi, justement.

Elles. Elles qui veulent toutes se faire Tony Stark, après tout. Et on peut pas leur en vouloir pour ça, oh non, on ne peut pas, à ces divas.

Et elles le font bien savoir, ça, t'inquiète pas. Qu'elles se vautrent directement sur les genoux de Tony Stark en le voyant ou qu'elles glissent une petite culotte (bleue, dentelle, marque: Chantal Thomass) dans la poche de Tony Stark en le frôlant, chacun sa méthode pour lui faire savoir.

Tony Stark, il croule sous les mails d'amour (je t'en prie, tu crois qu'on envoie encore des lettres de nos jours? Chéri.) et collectionne les stalkeuses (si elles sont pas trop moches y'a des chances pour qu'il les ait baisées).

Mannequins ou actrices ou journalistes ou "chanteuses" (les guillemets se sont ici trouvés nécessaires) ou les nanas qui posent pour Playboy le magazine et pourquoi pas une actrice porno ou juste une ma'm'selle tout-le-monde qui a réussi à se faufiler dans le club grâce à un oncle qui connaît le patron ou quelque chose de ce genre ou une danseuse (voir: strip-teaseuse) ou pourquoi pas une collègue ou une call girl, bref, Tony Stark est un homme ouvert à tout, il envisage toutes les options.

Et revenons donc une fois de plus à lui, Tony Stark, notre héros, qui, lui, a juste envie de se faire un seul verre de plus, le dernier- je-te-jure-promis. Ce fameux "dernier-je-te-jure-promis" prononcé dans le ton très convainquant de l'ivrogne, également appelé ici alcoolique chronique parce que dans le milieu que fréquente Tony Stark, on n'est pas "ivrogne", on est "alcoolique chronique", oui madame (c'est, paraît-il, beaucoup plus classe).

Et c'est le quantième, exactement, de dernier-je-te-jure-promis que tu bois comme ça, Tony? Hein, dis-moi, Tony, quand est-ce que tu comprends plus ce que (qui tu te) fais, à partir de quel moment exactement tout est flou, confus, quand exactement la pièce a-t-elle commencé à tourner une fois que t'es debout? A partir de quel moment t'as tout oublié?

Elles se collent à toi. Et la musique est tellement forte que tu la sens jusqu'à tes entrailles, tout remuer à l'intérieur dedans (à moins que ce soit ton dernier verre qui passe pas?).

Et après, après... Des clichés de Tony Stark qui monte à l'arrière d'une voiture (Porche 911 Turbo couleur crème (Ferrari jaune 458 Italia Spider si c'est jeudi), merci bien) avec une (deux, trois, quatre... bref, tu sais compter) fille(s). Des clichés de Tony Stark qui sort de la voiture avec ses amie(s) pour entrer dans son immeuble (qui gratte le ciel et chatouille les nuages).

Et après, après... (il se raconte que les paparazzis se passent en douce des photos de Tony Stark (qui se fait sucer le jonc dans l'ascenseur de son luxueux immeuble par une demoiselle très charmante qui est mannequin chez Dior) et débattent si oui ou non, il faut les vendre aux enchères).

Reprenons donc.

A partir de quel moment exactement as-tu tout oublié? Parce que le lendemain, si la soirée était calme (attention: la définition du mot "calme" ici est une définition à la Tony Stark signifiant donc que pour toi et moi, pauvre mortel, que ce n'était PAS CALME DU TOUT, PUTAIN), tu te réveilles un goût dégueulasse en bouche avec mademoiselle 90-60-85 à tes côtés (chérie, je te remercie d'avoir pris la peine de sauter sur ma bite hier soir mais damn gurl t'es vraiment dégueulasse sans maquillage alors dégage de mon pieu, d'accord?) et tu te souviens pas de grand-chose.

Mais t'inquiète pas, Tony, t'inquiète pas, il y a des photos pour tout te rappeler en détail au cas où t'es amnésique précoce, des articles rédigés par des chroniqueurs sadiques qui te massacrent et te déchirent en morceaux avec leurs mots, ils sont sans pitié. Ils sont jaloux de toi et des autres, de Vous tous, d'Eux et de Leur monde dingue et merveilleux (voir plus haut).

Ta vie est devenue un roman photo. Pardon: "vie".

Et tu fais ça tous les jours depuis environ, quoi, sept ans? Ta petite routine dégueulasse.

Et tous les dimanches soir, tu jures que "j'arrête de boire, promis". Et tous les lundis soir, tu fourres ta tête entre les seins siliconés d'une top modèle brésilienne (click, flash, boom, et bang! À la une. Répéter le processus si nécessaire) et tu te dis que tant pis pour ta résolution parce que t'as eu une journée de merde et donc t'es à ton je-ne-sais-quantième-verre-puis-qui-compte-ses-ver res-de-toute-manière.

(Avertissement: ne tentez pas de reproduire ce qui va suivre chez vous.)


Gris.

Gros plan sur le trottoir. Ah, les trottoirs de New York. Crasses, détritus, déchets, ordures, saletés, débris. Poussières. Plus haut, plus haut. Béton. Plus haut, plus haut. Mais est-ce que tu sais seulement tenir une caméra? PLUS HAUT!

Buildings. Nuages (gris). Trop haut. Plus bas. Veuillez régler les paramètres d'ambiance sur 'blues'.

Il y a un truc que vous devez comprendre. Sérieusement. Même plusieurs. Je veux dire: plusieurs trucs. Par exemple.

Hier, il faisait beau. Dans le genre: vraiment. Le ciel bleu comme tu l'as jamais vu.

Hier, ça faisait sept ans. Dans le genre: jour pour jour. Il a compté. Et ça te pique l'œil.

Hier, c'était jeudi. Mais ça c'est pas vraiment important pour le moment.

Donc, tu vois, aujourd'hui, c'est vendredi. Et aujourd'hui, il fait gris. Ça, vous devez aussi également le savoir.

Même que ce matin t'avais encore de l'espoir en le temps, la météo toute-puissante, même qu'elle était tellement importante que les gens causaient de son état dans les journaux et à la télé et à la radio allumée et même dans le métro, ouais, donc, t'avais encore de l'espoir, parce que l'air était chaud et le ciel lourd mais ça sentait le café et t'avais envie de vomir et puis ça sentait la clope et c'est comme si tout allait mieux soudain.

La météo et toi, c'est une toute une histoire, c'est ton amie, ta meilleure copine, tellement elle te ressemble, surtout aujourd'hui et même en général avec cette tendance à apparaître partout à se faire haïr et aimer, entre les deux, pas du tout, en même temps.

Et donc, vous devez être absolument au courant à propos de ce qui suit.

Cette histoire, tu vois, elle se joue parmi Eux, dans Leur monde merveilleux. Comprendre: les soirées et les évènements (sponsorisés) (j'sais biiiien que je suis sur la guestlist pour la Fashion Week maiiiiiis j'peux pas cette semaine-là, à cette date-là, j'aurais prévu d'avoir mal à la tête, je me vois contraint d'annuler et...).Sous les lumières tamisées des restaurants chics. Dans les vastes appartements luxueux (comme celui de notre héros). Dans les night-clubs privés. Et parfois même entre les cuisses d'une strip-teaseuses mais ça c'est seulement quand t'as vraiment forcé (tous les jeudis, quoi).

(Et dans les rues de New York, aussi. Sur ses trottoirs qui te filent le blues rien que de les fouler.)

Dans cette histoire, il se peut que tu sois ébloui par les flashes des appareils photo des paparazzis. Enfile tes Ray-Ban. Il se peut aussi que tu t'enrhumes parce que tu roules en décapotable. Enfile ton Carré Hermès. Il se peut que tu aies à courir entre deux salles de réunion. Enfile ta paire de Louboutin.

Claquement de talons sur le sol (lustré) et tintement de coupes de champagne (en cristal) et tout ce qui va avec.

Vous devez aussi savoir que si cette histoire était un film, il y aurait un soundtrack. Et le morceau-clé, ça serait Lenny Kravitz qui vous promet qu'il attendra.

Et donc tu marchais en ce jour glorieux sur le trottoir et tu levais les yeux sur le ciel gris et tu repensais soudain à l'époque où tout était encore simple. Et c'est à ce moment précis qu'on décide de démarrer cette histoire. Ceci est donc le début de l'histoire. Ici. J'ai dit ici et maintenant. Maintenant. Voilà. Pour vraiment te prévenir, tu vois? Car toutes les histoires ont un début et une fin. Ou pas.

Pour être plus exact et précis, celle-ci, d'histoire, elle démarre il y a plus de sept ans, il y a dix ans.

C'est l'histoire d'un gars qui rentre dans un café avec une boîte de fournitures artistiques.

Et elle est où la blague, tu dis? Demande à Tony Stark, il saura te répondre lui, parce que ça fait dix ans et il en chiale encore.

Ce qui s'est passé? Ouais, non, attends. Pas tout à la fois. Ça va venir.

(Mots-clés: je ne te le pardonnerais jamais, Tony.)

Il était une fois Tony Stark et son premier amour.


Température approximative et objective: quatorze degrés Celsius. Température très approximative et subjective: putain sa mère il doit faire moins vingt-cinq dans ce pays.

Ouais, ça, c'est l'effet ressenti quand on part se faire une semaine en Italie. L'argent peut pas te faire acheter la météo, seulement des voyages.

Tu l'as compris, il fait frais. Et gris. Même que c'est vendredi. Rappelle-toi. Ça fait partie des trucs que t'étais sensé savoir. J'te suggère de noter. Achète des post-it, merde, on peut pas tous avoir une secrétaire ou une assistante qui note et qui nous dit ce qu'on doit faire.

Reprenons.

Plan général. Gris, gris, gris. Ville de New York. Plan d'ensemble. Quartier chic et huppé de Manhattan. Immeuble (pas n'importe lequel, s'te plaît). Enorme vitre. Appartement (étage: celui en dessous du plus haut). La porte.

Bruit. Les clés. La porte qui s'ouvre. Plan américain, plan rapproché.

Tony Stark.

Non, attends, tu comprends pas. On va la refaire.

Tony Stark. Coupez. Recommencez.

Tony Stark.

Tony Stark.

(On est quand même obligés d'insister sur l'entrée de notre héros).

Tony Stark, notre héros, fait donc son entrée dans son appartement. Deux cent mètres carrés (afin de préserver la sensibilité de nos lecteurs nous avons décidé de ne pas en divulguer le prix).

Venez, on va vous faire visiter. Suivez-moi, voilà, ça c'est l'entrée, oui, je sais, c'est grand. Enlevez vos chaussures ou vous allez saloper la moquette à poils longs qu'il y a partout. Hein? Pourquoi partout? Plus agréable pour vous et votre partenaire quand vous baisez par terre. Voilà, venez, ça c'est le salon, attention, ça peut surprendre parce que c'est grand… Non, ne mettez pas vos mains sur la baie vitrée, ne mettez pas vos mains dessus. Oui, la baie vitrée est énorme, non, ça ne me donne pas l'impression que tout New York me regarde et oui j'ai déjà baisé avec quelqu'un contre la vitre. Alors d'ici vous voyez la cuisine, je sais, tout est grand ici, mais je n'y peux rien. Tenez, prenez un verre, j'ai tout ce que vous voulez dans ce bar, oui. Non, oubliez les autres pièces, il y en a neuf, on va plutôt aller juste voir la chambre. Par ici, oui, il y a un balcon, vous pouvez aller dessus, je vous en prie. Le lit est sympa, vraiment sympa, en tout cas. Vous voulez essayer, vous et moi? Ou alors la moquette? Non? Bon. Venez, j'vous montre la salle de bains. Sympa, hein? Je sais. Le monde entier me voit prendre mon bain mais au moins j'ai une vue imprenable sur la ville. Alors, ça vous plaît?

Tony, donc, Tony, il qui salue les couvertures et les plaides entassés sur le canapé de son salon. Non, mais Clint en émerge deux secondes plus tard, Tony n'est pas fou, merci bien.

Encore heureux, diras-tu. Et moi, je dis: ça reste à prouver.

Clint a les yeux encore collés à cause du sommeil. Il marmonne:

– L'est quelle heure?

Tony pose ses clés sur la table basse.

– Dix-neuf. Faudrait penser à rentrer un peu chez toi. C'est pas que je t'aime pas mais tu me déprimes.

Grognement.

Il recommence à pleuvoir. Les gouttes, sur la baie vitrée.

Il faudrait probablement reprendre du début. Sauf que non.

Parce que t'es crevé. Fatigué. Lessivé.

Parce que la vie te baise continuellement et toi, t'en peux plus. Plus tard. Pas ce soir.

Et que t'en a marre.

Et pourtant, c'est vendredi. Mais t'as le droit.

Parce que sérieusement, comment vous faites, vous, pour gérer votre vie quand il pleut et que votre meilleur ami déprimé squatte votre divan depuis deux semaines et que hier ça fait sept ans que vous avez tout perdu et que votre assistante a pris son congé annuel juste maintenant et que vous avez oublié le club de gym et que bordel, toute votre putain de vie ressemble à une comédie romantique, du drame, un pas-du-tout-ou-peut-être-un-peu conte de fée moderne raconté par des connards sans cœur et des crétins mortels, des imbéciles et des ivrognes (par-don! "alcoolique chronique", voulais-je dire), oh attends, on parle de la même personne et que vous vous haïssez, des fois.

Sans parler du frigo sans doute vide.

On va jouer à un jeu. Les jours où vous vous haïssez, prenez un verre. Les jours où vous déprimez, prenez un verre. Et ainsi de suite. Le mode d'emploi de l'alcoolique, donc. On ne va pas s'en sortir, c'moi qui vous le dit, ça.

(Tony joue à ce jeu-là depuis bien longtemps (sept ans) et j'peux dire qu'il en a vidé, des bouteilles.)

Miaulement.

Tony a besoin d'un putain de verre.

Tony regarde par terre. Un chat se frotte contre sa jambe.

– T'as faim, Jarvis?

Jarvis le chat. Lui aussi a eu droit à un article dans Vanity Fair. Et seul Dieu sait ce qui posséda Tony Stark pour adopter un chat (la solitude? la déprime? l'impression morbide de sombrer un peu plus chaque jour? ne dramatisons rien).

Le journal est sur la table. Jarvis saute sur la table. Il s'allonge sur le journal. Et on se passera d'actualité aujourd'hui.

Clint se lève enfin du divan (applaudissez) et se traîne jusqu'à la cuisine. Il ouvre le frigo.

Nos agences de presse vous confirment que le frigo de Tony Stark est vide. Il y a un silence.

Tony lui dit (à Clint): on peut manger au restaurant. Il dit: c'est toujours comme ça quand elle est pas là. Il dit: faudra prendre Jarvis avec par contre.

– Tu vas pas amener Jarvis au restaurant…

– Et pourquoi pas?

– Parce que c'est un chat.

– Et alors?! L'italien au coin de la rue, ils adorent Jarvis, je l'amène à chaque fois...

Parce que les jours comme ça, même le frigo vide est une bonne raison pour se tirer une balle.

Clint fait non de la tête.

– C'est bon, 'vais faire les courses.

Il se dirige vers la porte. Et Tony lance:

– Hé, vieux.

– Quoi?

– T'es en pyjama.

– C'est vendredi.

(excuse valide)

Parce que le vendredi soir t'as le droit d'aller faire tes courses en pyjama avec les cheveux gras et une allure dégueulasse. Parce que le vendredi, laisse tomber, c'est acceptable socialement.

La pluie bat la vitre.

Tony peut pas lui en vouloir, à Clint, au fond (parce qu'il a eu lui-même beaucoup de moments comme ça et aussi lui-même a fait ses courses en pyjama au petit supermarché au coin de la rue (pas loin de l'italien) le vendredi et la caissière se fout encore de sa gueule quand elle le revoit maintenant (pas trop souvent quand même parce que Tony Stark ne fait presque jamais les courses, non, c'est son assistante qui s'en charge d'habitude mais là elle a pris son congé annuel, suis un peu) parce que Tony Stark en pyjama et un chat sous le bras en train de faire ses courses, c'pas commun (photos page trente)). Mais Tony a besoin d'un verre.

Et donc Tony laisse Clint faire.

C'est vendredi.

Et ça, c'est une histoire démentielle, pour de bon, promis-je-te-jure, avec des coups de fil à deux heures du matin et Bill Clinton que t'as cru croiser dans l'ascenseur mais ça, tu t'en branles parce que t'es Tony Stark toi et c'est normal que là tu capte pas encore trop mais t'inquiète pas ça va venir, sans parler des lettres écrites et jamais envoyées et la ville que tu vois derrière ta fenêtre et toute ta vie qui va se casser la gueule, ouais, c'est juste une histoire de vie (pardon: "vie"), en somme. Et de portes. Et puis de toute façon, c'est vendredi.

A défaut d'avoir un psy, t'en parleras à ton frigo (vide). Ou à ton chat. Hein? Hé. Hé, Jarvis. Jarvis. Arrête de m'ignorer. Hé. Jarvis?

Bon.

Liste de choses à faire: se pendre et dans le meilleur des cas demain je danserai sous la pluie, faire les courses pour parler de sa misérable vie à la caissière.

C'est pas grave, c'est vendredi.


Loki a un verre de Liquid Cocain en main. Appuyé contre un mur, par-dessus ses lunettes (Loki est l'une des rares personnes qui peut porter des lunettes de soleil sans qu'il y ait forcément du soleil et tout cela sans sembler ridicule, autant dire qu'il est assez chanceux, donc), il observe la piste. Il ne sait plus depuis combien de temps il est là. Peu après, on (ton assistante) lui parle. On (ton assistante) crie dans son oreille par-dessus la musique. Cette voix sophistiquée, pressée, avec un accent, qui crie:

– Loki, chéri, ton avion est pour dans deux heures.

Loki soupire. Il lève le nez en l'air et contemple le plafond (d'une couleur indéfinissable parce qu'il fait sombre et qu'il y a des lumières de couleur et qu'il porte des lunettes de soleil). Il soupire (bis). Et on va pas se mentir, toi et moi, parce que toi aussi tu mets ta tête en arrière pour empêcher d'avoir tes joues mouillées.

La vérité, c'est que Loki, il n'a pas envie d'y aller. Loki n'a pas du tout envie d'y aller.

Loki a envie de s'isoler dans les toilettes et de s'arracher des cheveux en hurlant. C'est ça que Loki a envie de faire. Mais Loki, il ne peut pas, parce que c'est Loki, justement.

Loki va un peu mieux après alors il repose son regard sur la piste. On (ton assistante) crie:

– Loki, une voiture t'attend, chéri.

Loki regarde autour de soi. Ses mouvements sont lents, fluides. Et puis il commence à se faufiler entre les gens qui dansent. On s'écarte sur son passage.

Loki suit la dame en tailleur-hauts talons (ton assistante). Loki marche lentement. Les gens le touchent, il laisse son verre de Liquid Cocain (à moitié vide) à une fille sur son chemin vers la sortie. Elle ne regarde même pas qui le lui tend. Elle boit dedans.

De toute façon elle te connaît. Moi, je te pose la question: qui ne te connaît pas? Et la réponse, tu l'as devinée. Tu es internationalement célèbre, mon salaud, tu fais partie d'Eux et de Leur Monde dingue et merveilleux (voir plus haut).

Loki passe d'un club à un corridor au siège arrière d'une voiture noire aux vitres arrière teintées à l'aéroport.

L'odeur de l'aéroport te file le mal au cœur.

Parce que vois-tu, même si ça sent le café et l'odeur artificielle typique des aéroports, ça sent aussi l'angoisse et la peur. Les aéroports, les foutus lieux qui changent les destins.

Tu vois, ça sentait toi qui partais.

(Loki avait un problème. Ce que Loki ressentait était la peur. Ce sentiment lui tenaillait les entrailles. La peur de quoi, dis-tu?

La peur que rien ne lui arrive. Car oui, Loki avait la frousse, une trouille terrible de la routine.

Parce que Loki avait tout le temps besoin d'un compte à rebours dans sa vie.

Il vous reste actuellement exactement une heure, trente-six minutes, quarante-trois secondes avant votre vol pour New York.

Parce que Loki vivait dans l'expectative perpétuelle (chimérique?) que quelque chose d'important allait lui arriver, chaque jour, chaque soir.

C'était le problème de Loki.)

Loki suit toujours la dame en tailleur-haut talons (ton assistante).

Parce qu'après tout, c'est Loki, j'veux dire, Loki.

Et parce que Loki il est incroyable, il est spécial, dans ce monde de dingues où le seul truc qui peut m'intéresser est ce que t'as dans ta poche. Loki, il est magique.

Parce que Loki, quand il est là, tu le remarques direct (sa démarche, ses fringues, son odeur (les meilleurs parfumeurs se damnent pour qu'il porte leur parfum à eux), ses cheveux (il y a des coiffeurs qui se sont entretués pour ça), tout), obligé.

Loki, il peut claquer des doigts et il pleut des paillettes.

Loki est entouré de gens très pressés. Parlons-en, de ces gens très pressés.

On cause vite, on marche rapidement, on dit: dépêchez-vous. On dit: allez, allez.

Parmi ces gens très pressés, qui sont tous là pour toi, qui travaillent pour, avec toi, se glissent des paparazzis. Si vous cherchez un paparazzi, cherchez Loki. Ils sont là, avec leurs appareils.

Loki plaque sa main contre l'objectif de l'un d'eux. Un journaliste pose une question et on (ton assistante) répond à ta place. On (ton assistante) s'interpose et dit dans le micro tendu vers Loki: no comment.

Les gens très pressés (tes gardes du corps, entre-autres) qui travaillent pour toi éloignent les paparazzis, les écartent de ton chemin.

Loki porte un vrai Perfecto qui sent le cuir parce qu'il est en cuir, du vrai (parce que Loki vaut mieux que le faux cuir bon marché et surtout, surtout parce qu'il a l'argent pour se payer du vrai cuir. S'il te plaît, trésor, tu croyais quoi, chéri?) et ses fameuses de lunettes de soleil (aujourd'hui, Ray Ban) (il se raconte que les paparazzis qui arrivent à avoir une photo de lui où l'on voit ses yeux se voient récompensés de millions (mais ce ne sont que des cancans partagés entre journalistes pendant la pause clope) (mais Loki baigne dans un monde où la rumeur a autant d'importance que la vérité, si ce n'est pas plus)).

Il porte aussi un pantalon Armani et des chaussures Hugo Boss. Loki est tout de noir vêtu, si l'on fait exception du foulard Kenzo vert et or autour de son cou et de sa chemise (avec des motifs) de chez Alexandre McQueen.

Loki ne se refuse rien (du moins, matériellement).

Loki arrive au niveau de la dame en tailleur-haut talons (ton assistante) qui marche en tête des gens très pressés.

– Puisque que je vous dis qu'on est en retard! (hurle-t-elle (ton assistante) d'une voix aigue dans l'un des téléphones qu'elle (ton assistante) tient) (elle (ton assistante) se tourne vers Loki) Alors, Loki, content de retourner à New York, chéri?

Loki ne dit rien.

Ton assistante parle vite et place "Loki" ou "chéri" dans chaque phrase. Ton assistante est toujours essoufflée. Ton assistante a les cheveux frisés.

– Tu n'y es pas allé depuis quoi, cinq ans, chéri, Loki?

– Sept.

Sept ans.

Cet aéroport est énorme.

Loki retire ses lunettes. Il remet une mèche de ses longs cheveux derrière son oreille (chéri, t'es comme une rock star). Les lèvres pincées et tout ce monde qui s'agite autour de lui et ton assistante avec son agenda, un dossier et un téléphone en main, un deuxième coincé entre son épaule et son oreille, lunettes Gucci et (très) longs ongles (couleur: écarlate, vernis de chez Mac).

Loki a les paupières semi-closes. C'est juste une habitude. Loki remet à nouveau une mèche de ses cheveux derrière son oreille. Et ses oreilles, il les a percées (il porte des boucles d'oreilles en émeraude pour homme de chez Chopard fabriquées spécialement pour lui nous informent nos reporters (voir photo zoomée page quatre)).

Les gens très pressés s'occupent de toi.

On te tend une bouteille d'eau (Evian) et on te passe ton manteau. On te pousse légèrement en avant. On t'effleure l'épaule. On te demande si t'as besoin de rien. On t'oblige à avancer. Vite, vite.

– Loki, chéri, où comptes-tu rester? J'ai besoin de régler ça maintenant, parce que tu vois…

– Options? tranche sèchement Loki.

– Un de tes trois appartements, ta résidence hors de la ville ou le duplex au centre. A moins que l'hôtel... Si tu veux, le Carlton, oh, chéri, si tu savais, ils m'ont appelé pour dire qu'ils ont une suite et qu'ils sont prêts à t'accueillir si…

– Résidence.

– Et le reste, chéri...? Tu n'y vas jamais... Loki, tu en fais quoi, des appartements?

Loki ouvre la bouteille et boit une gorgée. Il referme le bouchon et jette la bouteille encore pleine dans l'une des poubelles sur son chemin. Il garde l'eau en bouche pendant un instant, ensuite avale. Puis décrète:

– Veuillez tout vendre au plus offrant.

C'est fait, c'est ok, c'est noté, passez à la suite. Rangé, affaire classé. Et je peux te jurer que dans les cinq minutes qui suivent il y a déjà dix personnes dans ce monde qui sont en train de se battre pour avoir ne serait-ce qu'un mètre carré de l'un de tes appartements.

Dans ce Monde dingue et merveilleux, tout va si vite.

Ton assistante dit:

– Chéri, l'ouverture d'Envy Tools You est prévue pour… (ton assistante claque quatre fois des doigts) bientôt, en fait. Le 30 janvier. Tu auras fini?

– Oui.

– J'ai trois demandes d'achat pour ton tableau qui est exposé…

– Plus tard. Et faites passer que pas un seul tableau d'Envy Tools You ne sera à vendre. Pas un seul.

Loki parle avec sa main qui fait des gestes vagues et son index tendu. Pas un seul.

– C'est comme tu veux, bien sûre, mais pourquoi, chéri, Loki?

– Parce qu'il va y avoir un type qui va en vouloir un, l'autre un second... Hors, tous ces tableaux ensemble sont une seule œuvre.

– Et si quelqu'un se propose à acheter le tout, chéri?

– Je ne connais qu'une seule personne qui serait assez fêlée pour le faire. Et c'est exactement et précisément à cette personne-là que je ne veux rien céder.

Toi.

– Mais comme tu veux, chéri, Loki, sûr. Alors, pour la campagne publicitaire de ta jolie galerie, chéri, magazines, flyers, dépliants, affiches,...

Et toi, chéri, c'est quoi ta routine à toi? Du cinq cent à l'heure branché aussi? T'es pas très différent de lui, au fond. Chut, j'ai rien dit, oublie.

Quand l'avion dans lequel Loki se trouve se pose à New York, il est quatre heures du matin.

Quand Loki sort de l'aéroport, plusieurs choses l'attendent:

1) la pluie

2) des paparazzis

3) l'air pollué de New York

4) une voiture aux vitres teintées

5) cinquante mille caméras, microphones, dictaphones, appareils photos etc. braqués sur lui.

Tu fais les gros titres. On parle de toi partout.

"Loki Laufeyson: le peintre enfin à New York".

T'es fiché, c'est bon, ils t'ont eu. T'es en page deux, avec une belle photo (sélectionnée par nos meilleurs spécialistes parmi vingt-cinq mille deux cent cinquante-six clichés), lunettes et manteau noir, foulard remonté pour cacher ton visage, faisant la moue alors que tu montes à l'arrière de la voiture.

Et ce jour-là, tu foules pour la première fois depuis sept ans les trottoirs newyorkais. Et tu as le blues.


A suivre.