Hello tout le monde ! Chose promise, chose due, voici ma nouvelle fic ! J'espère qu'elle vous plaira !

Peneloo, merci pour tout d'autant plus que cette fois, ça a été l'horreur absolue hahahahahah !


Stalker

Les gens comme moi ne racontent pas d'histoire. Ils font courir des rumeurs belliqueuses sur leur entourage, parlent fort, respirent bruyamment et en imposent. En outre, ils n'ont pas la subtilité nécessaire à tout bon écrivain pour élaborer le moindre écrit. Mais j'ai une histoire incroyable qui, je le pense, nécessite que pour une fois dans ma vie, j'appose mon énorme derrière de bon à rien sur une chaise et me lance dans un projet sensé.

Que l'on ne se méprenne pas, il ne s'agit là ni d'une vulgaire biographie de pilier de bar, ni d'une invention de mon cru. L'histoire que je m'apprête à vous conter est celle de mon colocataire, un brave type avec qui j'ai eu l'honneur d'entreprendre mes études de médecine et de les échouer. C'était un de ces gars bien faits avec ce qu'il fallait là où il fallait sans toutefois parvenir à faire des ravages dans les rangs féminins de par sa timidité, sensibilité et galanterie exacerbée. Il y a des fois où faut juste y aller. Les femmes se plaisent à croire qu'elles ne jurent que par les types honnêtes, faudrait qu'elles se voient courir après tous les salauds du monde, elles en prendraient un coup. Ma foi, les femmes c'est comme ça, il faut les laisser croire des idioties, même les conforter dans leur connerie avant de lâcher qu'elles sont spéciales pour vous, et ni une, ni deux, vous aurez votre pipe. John, bien que ce soit un chic gaillard, tournait beaucoup trop autour du pot. Le genre à demander à la gonzesse si elle aurait pas des chats par hasard, pis si elle aimait telle émission, ses rêves ou j'sais pas quelles autres débilités qu'intéressent personne. M'enfin, un brave gars quoi. Quand il a commencé à déconner, j'ai strictement rien vu, c'est qu'il avait toujours été un brin spécial. Il se baladait partout, un appareil photo autour du cou, son nez dressé en une petite pointe rigolote, l'œil à l'affût de pas mal de trucs ennuyeux, mitraillant les gens comme s'il eut s'agit d'aliens à trois têtes. Des types dans son genre, j'en connaissais des tonnes et avec mon expérience, je peux vous jurer qu'on ne sait jamais quand un gars déjà fêlé du bocal, pète définitivement un plomb.

Tout a commencé avec le nouveau voisin en face de chez nous. Un de ces spécimens impudiques, qui foutent pas de rideaux à leurs fenêtres et que l'on peut voir se balader toute la sainte journée dans leur appart' à moitié à poil. Lui il s'habillait. Pas que ça change grand-chose, mais au moins il le faisait. Je trouvais ça respectueux. Puis bon, John était passé devant la fenêtre, il me racontait un truc que je trouvais pas intéressant mais il était tellement à fond que j'ai pas eu le cœur de lui demander d'arrêter et il a détourné les yeux lorsqu'un camion de déménagement a vrombit dans la rue. Ni une ni deux, il avait son appareil dans les mains et m'ignorait comme s'il ne m'avait pas saoulé toute la matinée au sujet d'une vielle dame portant toujours du mauve et qu'il rencontrait souvent au supermarché. Moi j'ai rien dit. Bien content qu'il me lâche la grappe... Et là il m'a appelé. Sa voix était excitée et incertaine en même temps, le genre de ton qui vous fait lever la tête quoi.

« Hey Mike, viens voir ! Je crois qu'on a un nouveau voisin ! »

Je me levais avec une moue ennuyée, attrapant ma bière au passage comme j'allais me poster à la fenêtre de la cuisine. Il se tenait à ma gauche et son agitation m'arrivait par vague comme portée par le courant d'air lui balayant les mèches. Baissant les yeux sur le trottoir d'en face, je demandais :

« L'est où ? »

« Il est entré dans l'immeuble de la dame en mauve, il portait un sacré gros carton pour une carrure aussi délicate ! »

Délicate. Un mec n'a rien de délicat mais c'était le genre d'adjectifs qu'utilisait Watson alors marquant une petite pause histoire de descendre le niveau de ma bière, je repris, éructant :

« Quelle fenêtre ? »

« Celle du premier. Il porte une chemise violette. Je crois qu'il a dans la trentaine mais je n'ai jamais été très doué pour deviner l'âge des gens. » Répondit-t-il, ses yeux clairs brillant de cet éclat étrange suscité par chacune de ses découvertes.

Je m'exécutai, mes rétines parcourant la suite de fenêtres s'alignant au premier étage de l'immeuble aux briques rouges avant de s'arrêter sur un homme affairé à remplir sa bibliothèque avec le flegme d'un mort-vivant. Il portait effectivement une chemise violette qui plus qu'enfilée, semblait peinte sur son corps tant elle moulait ses biceps malheureux d'homme en sous-alimentation. À dire vrai, il ressemblait à un toxicomane atteint de troubles psychologiques. Son teint était blafard et ses cheveux affreusement bouclés. Je gardais le silence quelques minutes, acquiesçant faiblement comme pour accuser le coup.

« Il a l'air d'un malade ce gars. Du genre à enfermer des gamines dans sa cave. »

John leva sur moi un regard désabusé, me retirant ma bière des mains avant d'en prendre une bonne gorgée comme il lâchait nonchalamment :

« T'as un truc contre les types bouclés. »

« Dis pas n'importe quoi. » Soufflai-je, délaissant la fenêtre, bien résolu à aller m'abrutir devant la télé.

« Ça date de la fois où le mec bouclé de la section de médecine légale t'a foutu une trempe devant tout le monde. Tu n'as plus jamais été le même après ça. » Poursuivit-il, surjouant une fatalité qu'il était à mille lieux de ressentir.

« Tu devais mal voir, je l'ai rossé celui-là. »

« Ouais, tellement que t'en as perdu une dent en chemin... » Sourit le blond, sarcastique au possible.

« T'es vraiment qu'un petit merdeux Watson. » Sifflai-je entre mes dents, saisissant la télécommande d'un geste brusque.

Riant à gorge déployée, de l'un de ses éclats de rire propres aux enfants asthmatiques quoiqu'il ne fusse en rien malade, John tapa joyeusement dans ses mains, s'exclamant avec une moue candide :

« Te fâches pas Belzébuth ! Cet enfant de salaud a dû tricher, il y a que comme ça qu'ils peuvent gagner les bouclés ! »

« Va te faire voir. »

« Eh t'en vas pas me faire la gueule pour si peu ! Pis tu voulais aller au cinéma aujourd'hui, pas vrai ? Allons-y pardi ! » Poursuivit-il, enjambant la table basse, ses converses salissant copieusement la surface boisée déjà pas glorieuse tandis qu'il bondissait à mes côtés, le canapé grondant de mécontentement.

« Je vais pas au cinoche avec des salopiots dans ton genre. » Rétorquai-je sèchement, ma colère n'étant toujours pas descendue.

« Même si c'est moi qui paie ? »

Nous allâmes donc au cinéma, bras dessus, bras dessous, copains comme cochons. C'était un jour de semaine et nous avions eu congé du fait qu'un de nos profs avait trouvé le moyen de se casser la figure en voulant s'essayer au skate de son gamin. Les rues étaient parcourues par deux trois braves gens flânant négligemment devant des vitrines scintillant sous les rayons du soleil. Tout le monde était au boulot et le mioches malchanceux en cours. Comme on passait devant le camion de déménagement, je lançai :

« On pourrait lui piquer un truc. »

« Ouais et après on ira braquer des banques et violer des filles. » Répondit le fils Watson, me tapant sur l'épaule avec un enthousiasme feint.

« Non sérieux, on lui pique un truc pas trop grand qu'on lui renverrait chaque semaine en pièces détachées. » Poursuivis-je, mon idée que je jugeais grandiose m'enflammant les neurones avec l'élan vertigineux des drogues dures.

Watson ralentit graduellement avant de se stopper tout à fait, songeur. Qui y réfléchit, consent. Fiévreux comme un enfant la veille de Noël, je l'entraînai à travers la rue où nous nous cachâmes sur le flanc du camion afin de ne pas être vus par le nouveau venu tout en nous exposant aux passants abordant notre rue.

« Mike Stamford, vous êtes un grand malade. Il est hors de question que je fasse un truc pareil ! »Souffla rageusement l'apprenti docteur, balançant sa mèche vers l'arrière comme il le faisait toujours lorsqu'il était affreusement stressé.

« Pourquoi tu chuchotes ? » M'enquis-je, surpris.

« J'en sais rien, peut-être parce qu'on s'apprête à commettre un vol et que je me figurais être un citoyen modèle ? »

« Arrête de te figurer des conneries et va faire le guet ! » Ordonnai-je tandis que je plongeais dans le camion de déménagement. John qui allait se poster devant la porte du 221 B, triturait nerveusement les manches de sa jacket en jean.

Le camion n'était pas fort rempli. On aurait même pu dire qu'il était à moitié vide sans pour autant passer pour un pessimiste de premier ordre. Il y avait pas mal de carton, deux trois meubles anciens, pas de quoi susciter mon intérêt. J'ouvris précipitamment les boîtes se présentant à ma vue, sans parvenir à dénicher la perle rare. Aussi m'apprêtai-je à abandonner notre idée de banditisme lorsqu'en ouvrant une boîte à l'aspect aussi négligé que ses consœurs, je tombai sur un crâne. J'eus un sifflement admiratif pour la démence de notre nouveau voisin comme je glissai ma trouvaille sous mon bras. Je fouillai ardemment ladite boîte avec l'espoir de trouver enfin le but de ma visite et dénichai un journal relié de cuir qui semblait avoir été mis à jour récemment. C'était parfait ! Le cœur battant à tout rompre, je hélai mon comparse :

« Bingo mon pote ! On dégage ! »

Mon colocataire se raidit un instant puis débuta une course folle, son regard grave m'enjoignant à en faire de même. Nous détalâmes comme des lapins. Un rire hystérique s'échappait de ma gorge effrayant le peu de passants que nous rencontrions et les rues s'étalaient devant nous, paradis bétonné ne demandant qu'à être foulé. Mes yeux pleuraient et il me semblait être Oliver Twist. Quand nous fûmes enfin en sécurité dans un parc relativement éloigné de Baker Street, je ne pus retenir mon fou rire, c'était fichtrement grisant ! Putain de belle journée ! Débraillé au possible, le visage luisant de transpiration, John lâcha entre deux hoquets essoufflés :

« Il a failli nous voir. Enfin, j'suis presque sûr qu'il a vu deux jeunes courir comme s'ils avaient le diable aux trousses ! »

« Eh ben c'était presque le cas ! Regarde ce que j'ai trouvé ! » M'exclamai-je brandissant le crâne humain.

Watson ouvrit grand la bouche, triturant nerveusement son jean qui semblait lui titiller l'entrejambe comme il jurait ébahi :

« Nom de Dieu. »

« Nom de Satan plutôt mon pote. Ce gars... un pur cinglé, j'avais jamais vu ça et j'en connais pas mal de tarés. » Ris-je bruyamment, mon estomac manquant de me remonter dans la gorge.

« Tu penses que c'est un vrai ? »Questionna John, s'emparant du crâne qu'il balançait pensivement entre ses paumes.

« Ah ça ! Il faudrait lui demander mais franchement, je te le déconseille. D'autant plus que je viens de lui piquer son journal. »

À la mention du petit carnet, mon colocataire sembla réaliser l'ampleur de l'acte que l'on venait d'accomplir et pas seulement cela, il était terrorisé à l'idée même que c'était à ce genre de marginal que l'on venait de faire une blague qu'à tous les coups, il serait loin de trouver drôle. Apposant son front à celui du crâne en un geste que les circonstances ne m'empêchaient pas de trouver comique, il se mit à murmurer ce qui se rapprochait le plus du « Notre Père » avant de soupirer :

« On est dans la merde. Je n'aurais jamais dû t'écouter. Il va nous trouver et nous tuer. »

« Gueule d'ange, faut te ressaisir. Il est pas encore né celui qui me fera la peau. » Souriai-je tout en bombant le torse.

Levant un sourcil circonspect, le jeune Watson rangea notre butin dans son sac à dos, la mine contrariée.

« Tu peux me passer le journal ? »

J'obéis avec nonchalance comme je déclarai :

« On lui envoie la première page demain. »

« Tu es malade... » Soupira mon comparse, fourrant brutalement le cahier dans son sac.

Je gardai le silence, John endossa sa charge et nous nous fixâmes longuement, ses yeux azur assombris d'inquiétude, ses sourcils se rejoignant en un froncement dont j'ignorais s'il était de colère ou d'incompréhension, sur ses joues lisses s'étendaient de grandes étendues rosées et ses dents mordillaient fréquemment sa lèvre inférieure en un mouvement lascif où l'on retrouvait une volupté féminine qu'il devait à sa sœur. Il saisit son appareil photo pendant toujours à son cou avec un naturel teinté de charme, ferma un œil et m'immortalisa sans un son autre que la détonation mécanique de son appareil. Observant le résultat sur le petit écran attaché au dos de l'objet, il eut un de ses sourires énigmatiques, étrangement doux qu'il avait souvent devant ses photos et comme si son objectif eut aspiré sa colère, il me sourit :

« Ce qui est fait est fait. On n'a plus qu'à aller au cinéma. »

Je relâchai mon souffle que je n'avais pas le souvenir d'avoir tenu et saisissant mon ami par les épaules, je m'employai à le taquiner à propos de sa manie photographique parfaitement désarmante comme nous reprenions notre route, ses éclats de rire s'accordant à la brise légère balayant nos nuques.

Le film que nous entreprîmes de voir était un de ces blockbusters américains qui vous faisaient immanquablement dormir plus con. Le genre de film typique où la gonzesse canon dont les répliques se comptent sur les doigts d'une main et ne brillent pas de leur perspicacité, finit à un moment ou un autre par montrer sa poitrine. Pas que ça me gênait mais l'histoire était si mal foutue que même le plus gros bonnet du monde ne m'aurait pas aidé à accrocher au scénario. Du coup, le fils Watson et moi avions déconné, riant et beuglant tout azimut dans la salle de cinoche si bien qu'avant même que l'entracte ne pointe le bout de son nez, nous étions fichus dehors. Je retirai les pop-corn enfoncés dans mes narines quand John proposa :

« On va chez An' ? Je meurs de soif. »

J'approuvai d'un faible mouvement de la tête, grimaçant :

« Je saigne du nez ? »

« T'es la plus grande mauviette que je connaisse Mike. Je ne vois pas ce que les filles te trouvent. » Sourit narquoisement mon comparse.

« Les poils mon gars. Les minettes ça adore les gars virils. » Rétorquai-je, caressant mon torse avec fierté.

« Tu es un animal. » Poursuivit le blond, tandis qu'il agrippait vivement un réverbère et se laissait pivoter sur le côté, la tête renversée en arrière, le jet cru de son pivot embrassant ses traits.

« Tu es juste jaloux. »

« Moi ? Tu délires mon pauvre vieux. »

Nous marchions d'un bon pas, chahutant avec désinvolture, nos piques mutuelles s'évanouissant dans les ténèbres alentours. La jeunesse londonienne étant de sortie, nous rencontrions fréquemment des silhouettes obscures aux corps allant d'une maigreur effrayante à l'obésité la plus totale sans pour autant se départir de cette démarche dansante dont on ignorait si elle tenait de l'élégance ou de l'ivresse. Nous ne tardâmes pas à atteindre la supérette du coin, tenue par un Indien avec lequel on avait fini par sympathiser, du fait qu'il nous faisait toujours bidonner comme pas possible à mêler turban et Dr Martens.

« Anbu ! » S'écria gaiement John, à la vue de l'homme ventripotent vissé à son comptoir.

Le tamoul lui sourit avec amitié tandis que je tentai de réprimer le fou rire suscité par son turban rose aux motifs enfantins.

« Hello Kitty ? Sérieusement An', tu veux me tuer ? » Questionnai-je, serrant la main tendue du caissier.

« Désolé Mike, mais tu n'y connais rien en mode. Je suis au top les gars ! » Se défendit-il, présentant son profil à la manière d'un mannequin si bien que je fus incapable de retenir mon hilarité plus longtemps.

A mes côtés mon coloc' gloussait faiblement comme il prenait une photo de notre ami.

« Vous êtes des sales gosses. » Grogna An' avec une irritation feinte.

« Ah ça ! Au fait, t'aurais pas quelques-unes de tes bières fabuleuses pour nous ? » S'enquit John, s'asseyant souplement sur le comptoir.

« Je viens d'en recevoir une cargaison ! » Répondit le caissier, se retirant dans l'arrière-boutique.

John et moi nous lançâmes un regard entendu. La bière au gingembre d'Anbu était la meilleure chose qui ait jamais touché nos lèvres. Le tamoul était le seul à en vendre dans Londres entier et bon Dieu, à chaque fois qu'il en recevait d'Inde, nous oublions jusqu'à l'existence de l'eau minérale. Le fils Watson se pencha sur mon visage, souriant de toutes ses dents comme il déclarait d'une voix douce :

« Eh bien je crois qu'on va dormir ici. »

Je ne pus que répondre, amusé :

« Et c'est moi le malade ? »


XXX


La vérité vrai est que le lendemain, lorsque j'ouvris les yeux dans l'arrière-boutique d'Anbu, j'étais pas loin d'être encore schlass*. Il me semblait que j'avais pioncé une heure à tout casser. John dormait en boule au pied du canapé, sa veste en jean lui servant de couverture de fortune et des canettes de bières vides et autres alcools jonchaient le sol. Je m'assis sur le canapé, veillant à ne pas déposer mes pieds dans la figure de la belle au bois dormant et m'allumai une cigarette. C'était terrible parce que je me sentais vraiment déglingué. J'avais la bouche pâteuse, la poitrine anormalement lourde et mon estomac menaçait de me faire la guerre. Je vous jure que j'allais me recoucher quand je me souvins subitement être étudiant en médecine. Vite fait, je flanquai un coup de pied à John qui se réveilla à la manière de ces filles dans les films d'horreur. Ses cheveux étaient collés à son front, il avait le teint pâle, presque grisâtre et il se pencha avec une lenteur fantomatique vers un paquet de chips, l'empoigna avec une délicatesse monstre et vomi de tout son saoul. Le fils Watson faisait pas un bruit. Je veux dire, il formulait pas ce gargouillement animal qu'on fait tous en régurgitant, non. Il y avait juste le bruit de son vomi atterrissant au milieu des chips. Ça me foutais si mal que j'ai failli en faire de même.

« On a cours ce matin. » Dis-je tout en délaissant maladroitement le canapé.

Déposant le paquet à ses côtés, John se redressa. Il tanguait en plaquant sa mèche en arrière puis il balbutia avec un maigre sourire :

« Faut que j'arrête de boire. »

Je sais pas pourquoi mais j'ai ri. Ça me faisait trembler les organes mais je pouvais pas m'en empêcher. Nous quittâmes An qu'était pas dans un meilleur état et prîmes le chemin de la fac. C'était une belle matinée, les rues étaient bondées, les gens souriaient. Je les aurais tués. Nous marchions d'un pas lent et monotone, nos lunettes de soleil sur le nez, silencieux au possible. Arrivés en cours, le père Powers leva les yeux sur nous et grimaça avec emphase, piquant la curiosité des élèves dont les têtes ne tardèrent pas à se retourner sur notre passage. Nos vêtements étaient froissés, on sentait la bière, notre teint maladif s'accordant parfaitement avec notre démarche tantôt hésitante, tantôt dansante comme si nos corps endoloris ne fussent capables d'avancer que par le pouvoir d'une énergie balancée par les eaux d'un océan. Mon meilleur ami avançait tête droite, ses yeux décorés de cernes cachés par ses lunettes de soleil, passant un main négligée dans ses mèches grasses. Il y avait des moments typiques comme celui-ci où John m'inspirait un respect fou. Je veux dire, il était un savant mélange entre le gars de fac lambda et la rock star déchue qui en aurait pas plus à foutre de votre gueule si vous lui offriez un million de dollar. En outre, on pouvait jamais se figurer à quel instant ça lui prendrait d'avoir cette attitude rebelle. Pis, quand ça lui arrivait, c'était impossible de le trouver minable ou quoi. Même si trente minutes auparavant l'enfant Watson dégobillait dans un sachet de chips, maintenant, il y avait plus moyen de le trouver pitoyable et ça tout simplement parce que son attitude vous laissait pas le choix. Le fils Watson était subitement le gaillard le plus cool que vous ayez vu de votre vie.

La journée s'écoulât comme dans un rêve. J'avais pour ainsi dire pas arrêté de pioncer ce qui expliquait pas mal de choses. Une fois rentré à la maison, le nouveau voisin m'était totalement sorti de l'esprit. Je regardais paresseusement la télé (une émission à la gomme qui filmait des jeunes filles qu'avaient trouvé le moyen de se faire engrosser à seize ans) et John sortit de sa chambre, un bouquin à la main. Il venait de prendre sa douche, ses cheveux mi-longs étaient coincés derrières ses oreilles et gouttaient paresseusement sur ses épaules. Il portait un de ses t-shirts beaucoup trop grands dont il avait coupé les manches et sur sa poitrine, Sid Vicious faisait la grimace. Comme il y en avait une qui accouchait au poste, je détournai les yeux bien volontiers pour lui demander :

« Qu'est-ce que tu lis ? »

« Le journal du voisin, » Dit-il.

« De quoi ça parle ? »

« De trucs. » Répondit le blond sans quitter sa lecture une seconde.

« Viens par là. » Fis-je en l'invitant à s'asseoir à ma gauche d'un mouvement léthargique de la main.

Gueule d'ange s'exécuta à la façon d'un automate et prit place sur le canapé, enfonçant ses doigts dans la bouche béante de son jean d'où l'on pouvait voir son genoux osseux. Je me penchai au-dessus de son épaule et entamai moi aussi la lecture du carnet :

Samedi 19 mai 2012

Il fait chaud. Mon expérience ne peut se poursuivre dans de telles conditions climatiques. Je vais devoir me résoudre à l'abandonner. J'ignore si je parviendrai à retrouver des orteils de type sanguin o rhésus négatif.*

Au demeurant, ce n'était pas une expérience capitale. Néanmoins cela m'indispose tout de même. Je vais devoir réexaminer la scène de crime. Il ne fait aucun doute que l'héritière Priest les a tous tués et brûlés.

*Faire appel au gouvernement en dernier recours.

Jeudi 24 mai 2012

Sujet : Madame Hudson

Objectif : Triple meurtre Camden

Résultat : Réagit positivement à l'expérience.

Conclusion : Sourire en ouvrant d'avantage les yeux tout en haussant légèrement les sourcils. Meilleures chances d'obtention de ses désirs.

Lundi 3 juin

Louer une voiture noire la veille au soir. Enlever l'enfant au détour de Draycott Avenue et Walton Street. L'enfermer dans la chambre inutilisée durant cinq heures (sept tout au plus). Attendre.

Ps : Ne pas oublier de le nourrir.

Et ça continuait comme ça durant des pages et des pages, enfin pour ce que j'en ai lu. Mais il ne m'en fallait pas plus pour deviner que cet homme était totalement malade ou travaillait pour les services secrets (ce qui revenait au même).

« Je crois qu'il faudrait appeler les flics. » Lançai-je, reprenant le cours de mon émission.

La môme à la télévision avait pondu le gamin le plus laid que j'aie jamais vu. Vous auriez rossé un fétus à coups de bâton, vrai que ça aurait donné le sosie de son chiard.

« Bien sûr que non. De toute façon, tu leur diras quoi ? Que t'es un voleur qui a des soupçons sur son voisin ? Du fait que les affaires que tu lui as piqué paraissent un rien suspect ? » Siffla sèchement le blond, tournant précautionneusement une page du bouquin.

« T'as une meilleure idée ? » Grommelai-je, cette histoire de voisin commençant tout juste à me courir sur le système.

Gueule d'ange garda le silence une poignée de secondes puis se leva, allant dans sa chambre. Lorsqu'il reparut, il tenait son polaroid en main et sous son bras, le crâne lui donnait des airs de punk décérébré. Le fils Watson reprit sa place sur le canap', posa le crâne à nos pieds avant d'en prendre un cliché qu'il se mit à agiter paresseusement dans les airs.

« On peut savoir ce que tu fous ? » Demandai-je, enfonçant nonchalamment un doigt de pied à l'intérieur d'un orbite de la boite crânienne.

« Mets pas tes doigts de pieds sur ce truc, c'est irrespectueux. » Remarqua mon colloc, attendant patiemment que je retire mes pieds du crâne avant de poursuivre :

« On n'a pas volé tout ce bazar pour rien. La première page va lui revenir aujourd'hui avec une jolie photo de son pote. »

« Je pense pas que c'était son pote. » Baillai-je. « Il va nous trucider ce mec-là. A tous les coups, le crâne est celui d'un type qui comme nous, s'est figuré qu'il pouvait se foutre de sa gueule. »

« Peut-être. » Sourit malicieusement le gaillard John.

« T'es un barjot. » Soufflai-je, surpris.

Mais il n'arrêtait pas de sourire pour autant. Cette histoire, je voyais bien qu'elle lui faisait un effet fou. Il se mit même à me pousser gentiment de l'épaule, son sourire mutant en un de ses rires rauques. Il s'agitait dans un sens puis dans l'autre, m'envoyant des coups gentiment, comme pour me titiller. Il était vraiment content, ses yeux brillaient, ses joues, elles, étaient devenues roses. Le soleil se couchait tout juste, ses disciples lumineux teintant la pièce d'un orange délicat, l'air était comme empli d'une odeur de scones provenant du voisinage. Gueule d'ange cessait pas de me bousculer, il enfouissait sa tête au creux de mon t-shirt, me poussant gentiment avant de me mordre pas trop fort. Ça me tuait de le voir si joyeux et je ne pu résister plus longtemps avant de me mettre à rire et à jouer avec lui. Des fois, on était de vrais gamins. Mais il y avait qu'avec John que je pouvais faire ça. J'sais pas pourquoi et je le saurai probablement jamais.


Schlass*- Bourré, ivre, raide en gros xD


Et voilà ! Dites moi si vous avez aimé !

A bientôt !

A