NdA : C'est la première fois que je tente cette formule : un recueil de OS, chacun constituant une petite scène faisant suite à l'épisode diffusé de la saison 6. L'idée n'est pas nouvelle, mais elle me plaît bien. Il n'y a plus qu'à espérer que l'inspiration suive le rythme des diffusions...! Mais généralement, quand je commence à publier, c'est que j'y crois! Vos commentaires, vos critiques constructives, vos encouragements ne seront pas de trop pour me pousser à continuer au coeur de l'hiver!
Disclaimer : j'ai beau hurler, pleurer, taper du pied, Castle reste la propriété d'ABC et d' ... L'écriture de ces histoires reste un loisir pour lequel je ne touche pas d'argent. Nan. Même pas une pauvre piécette qui pourrait me payer mon café infâme du lundi matin au distributeur.
ENNEMI INTERIEUR
Suite fictive du 6x01 Valkyrie
Inutile. Il se sentait déjà si inutile. Impuissant. Et paniqué.
Ses mains moites et glacées passaient nerveusement sur son visage crispé, se nouaient et se dénouaient, fébriles, s'essuyaient sans arrêt sur le tissu rêche de son jean.
D'après ta prise de sang, il te reste moins d'un jour.
Les mots de Kate tournaient en boucle dans sa tête. A tel point que leur signification réelle finissait par lui échapper. Ils n'étaient plus qu'une suite de sons, de phonèmes dénués de sens.
Moins d'un jour.
Voilà déjà deux heures et onze minutes qu'elle lui avait asséné cette vérité.
Et depuis presque deux heures, il était consigné dans cette pièce, en quarantaine, à la disposition des médecins et chercheurs qui devaient probablement — sûrement — travailler à la préparation d'un antidote.
Depuis presque deux heures, il restait assis, enfermé dans une prostration qui agissait comme une camisole, l'empêchant de bouger, neutralisant tout mouvement, et jusqu'à ses pensées.
Il était à l'affût du moindre signe, du moindre symptôme. De la moindre anomalie interne qu'il s'imaginait déjà ressentir. Focalisé sur ce qui se déroulait à l'instant même dans sa chair, sous la mince surface de sa peau, barrière ridicule, dérisoire protection.
Kate n'était pas encore revenue. Mais il ne parvenait pas à tirer la moindre conclusion de cet état de fait. Il était seulement capable de formuler ce constat : il n'avait pas revu Kate depuis leur échange dans la salle d'interrogatoire.
Elle lui avait laissé entendre que les fédéraux étaient tous mobilisés sur cette enquête, et qu'une équipe médicale spéciale s'occupait de son propre cas.
Je ne veux pas te promettre qu'on trouvera un antidote, mais je peux te promettre qu'on mettra tout en œuvre pour que tu t'en sortes.
Rick ignorait lequel des deux avait le plus souffert pendant cette brève discussion, ni lequel des deux tentait le mieux de contrôler sa peur et son angoisse. Kate se souvenait de la mise en garde de son partenaire quelques mois auparavant : ne rien promettre qu'on n'était en mesure de réaliser. Accepter cette incertitude, se résigner à l'idée que Castle allait peut-être perdre la vie et reconnaître qu'elle était impuissante à empêcher l'irrémédiable cette prise de conscience avait été douloureuse, et le dire, plus douloureux encore. Il le savait. Mais il savait aussi qu'elle remuerait ciel et terre pour trouver une solution.
Ses yeux mordorés le lui avaient crié, et l'espace d'un instant cette promesse avait trouvé un écho dans son cœur qui refusait encore l'évidence. Pas ça. Pas maintenant. Pas après la décision d'un avenir radieux qui allait s'ouvrir devant eux, enfin.
Washington sera formidable. Je te le promets. C'étaient ses propres mots. Une promesse qu'il était incapable de tenir.
S'il avait su à quel point DC leur serait néfaste... Une angoisse au goût de sang le saisit à la gorge jusqu'à l'empêcher de déglutir.
Il sursauta, le cœur fou, lorsqu'il entendit la porte s'ouvrir. Un homme grisonnant en blouse blanche entra, la mine grave.
« M. Castle, » se contenta-t-il d'articuler.
Il s'approcha et avec des gestes sûrs et rapides, entama une série de contrôles médicaux : pression oculaire et artérielle, pouls, réflexes, palpation du cou, des aisselles, prélèvement de salive et prise de sang, suivis de questions formelles mais néanmoins précises : avait-il des douleurs anormales ? Des maux de tête ? Se sentait-il nauséeux ?
Castle répondait de manière automatique, la voix atone, désincarnée. Il n'était d'ailleurs plus vraiment lui-même. Il lui semblait qu'il observait la scène d'un œil extérieur, comme un spectateur lassé devant un mauvais film.
Il n'eut pas même le réflexe, ni l'envie, de poser des questions. Le résultat des premiers examens, les recherches sur l'antidote, les précisions sur son espérance de vie : rien de tout cela n'importait plus désormais. Il ne s'appartenait plus. Sa vie ne dépendait plus que de quelques scientifiques, alors à quoi bon vouloir garder un quelconque contrôle sur la situation ?
Le médecin sortit en silence, après une amicale pression de la main sur son épaule, qui compatissait et à la fois lui suggérait de tenir bon.
La pièce retomba dans le silence et la pénombre.
Cette intrusion avait eu pour conséquence de le ramener à la réalité. De lui faire prendre conscience du monde qui l'entourait. L'espace, les meubles, le bruit court de sa respiration, tout revêtait une épaisseur, une présence concrète et oppressante.
Oui, il se sentait nauséeux mais c'était la terreur qui lui retournait l'estomac.
Oui, il avait mal, au ventre, au dos, à la nuque mais parce que la peur, la tension étaient telles que ses muscles contractés ne parvenaient pas à se relâcher.
Il lui semblait qu'un trou sans fond, vertigineux, s'était ouvert et l'aspirait inexorablement. Une terreur ancestrale l'envahit alors. Celle de rencontrer la mort. Pour de vrai. Celle d'être seul, face à elle, démuni. Celle de n'avoir aucune échappatoire, parce que la mort se trouvait déjà en lui. Parce qu'il était la mort.
Cette terreur, il l'avait déjà goûtée lorsque Tyson l'avait piégé. Mais aujourd'hui, c'était sans commune mesure. Elle n'était plus un élément extérieur sur lequel il avait encore un espoir de contrôle, même infime. Elle était là. Et il n'avait aucun moyen de s'en défaire.
Il ne passerait pas la nuit. Cette certitude le harcelait. Et chaque minute, chaque seconde écoulée le rapprochait davantage de cette échéance.
Alexis.
Le visage rond, pâle et souriant de sa fille s'imposa à son esprit.
Il ne le reverrait pas. Il ne respirerait plus le parfum de ses cheveux. Il n'entendrait plus ses sages avertissements, lui demandant de faire attention à lui, d'arrêter de jouer au flic, et de se consacrer à l'écriture. Il ne l'avait jamais assez écoutée.
Mon Dieu. Que n'aurait-il pas donné pour se trouver en sa compagnie, en ce moment même, loin de DC, loin de ce cauchemar, à déguster les steaks de papaye, comme elle le lui avait proposé.
Il laissa échapper un lourd soupir, et il ne put retenir le gémissement sourd qui résonna dans sa gorge serrée.
Il enfouit son visage dans ses mains. Et là seulement, il constata que ses doigts tremblaient et que ses joues étaient baignées de larmes.