Bon, ben voilà. C'est le dernier d'une longue série. Je tiens à dire que je suis heureuse, satisfaite, et plutôt fière d'avoir tenu ce défi jusqu'au bout.
J'en profite pour vous remercier, vous tous qui m'avez suivie, régulièrement ou ponctuellement. Votre présence silencieuse, et surtout vos reviews m'ont donné assez de persévérance pour continuer lorsque j'avais envie de passer à autre chose. Petite dédicace particulière à tous ceux qui m'ont laissé un mot sur le précédent OS et à qui je n'ai pas pris le temps de répondre en privé : Manooon, saragrissom831601, Mistyarrow (merci pour ta franchise tout au long de ces chapitres!), la-petite-folle (trop éprouvant pour remettre ça sur une saison 7... Mais ponctuellement, pourquoi pas, si je guette les épisodes qui m'inspirent...!), chipie24678, lille76 (tes commentaires réguliers m'ont fait un bien fou :)), Cissou75 (même réponse que pour la-petite-folle :-p), laetitialfw, caskett71, prolixius5 (je vais ENFIN pouvoir lire ta version, je trépigne depuis deux jours!), yuna29, et tous ceux qui ont mis cette fic en alerte.
J'ai tout donné sur ce 6x23, qui m'a brûlé les doigts pendant plusieurs jours. Je vous le propose modestement, sachant pertinemment que bien d'autres ont imaginé une suite à cet épisode. Je ne fais donc qu'apporter ma pierre à l'édifice. Ce n'est qu'un OS, pas une fic. Je me suis concentrée sur les quelques minutes qui suivent la fin de la saison 6. Ceux qui attendent des rebondissements, des péripéties, passez votre chemin.
Ce OS n'est presque qu'introspectif, focalisé sur Kate, comme nous le suggèrent les dernières images du 6x23. J'espère avoir rendu hommage à son personnage, et ne pas décevoir ceux qui attendaient beaucoup de ce dernier chapitre.
Rendez-vous au détour d'une autre fic, je tire ma révérence. Possibility for Joy se referme définitivement.
Enjoy!
Abysse
Aucun mot ne se forme dans son esprit. Sa raison en est incapable. Incapable de comprendre, encore moins d'admettre, la réalité de ce qui vient d'arriver. Sa raison est paralysée. Anesthésiée par la douleur. Anéantie par l'impossible.
Seul un hurlement ininterrompu résonne dans sa tête. Dans son corps. Tout son être n'est plus qu'un cri, un long cri silencieux et impuissant lancé au monde et à Dieu.
L'Enfer. C'est donc ça.
Elle regarde les flammes dévorer le véhicule.
Son véhicule.
Non.
Pas lui.
Pas lui.
Pas ça.
Les langues de feu se brouillent. Un voile humide vient troubler le regard de la jeune fiancée. Elle ne se rend pas compte des premiers sillons de larmes qui ruissellent sur ses joues, ni du rictus de douleur qui déforme ce qui était encore un sourire une heure auparavant. Lorsque, insouciante de ce qui se jouait alors quelques kilomètres plus loin, électrisée par la cérémonie qui trépignait d'impatience, grisée par le rêve éveillé qui se dérobait à sa conscience, enfin, elle a fini par appeler sur son portable. Elle a senti frémir son cœur d'inquiétude quand elle est tombée sur sa boîte vocale pour la première fois. Mais elle a préféré chasser cette frayeur sourde en la mettant sur le compte de la fébrilité intenable dans laquelle elle se trouvait alors. Elle a préféré ignorer ce pressentiment, museler ce sixième sens qui lui hurlait que quelque chose ne tournait pas rond.
Et puis quoi ? Ça n'aurait rien changé.
ooOoo
Il émerge difficilement des limbes de l'inconscience. La douleur physique est trop intense. Tout son corps n'est plus qu'un immense hématome. La souffrance est omniprésente. Elle ne lui laisse aucun répit. Il n'aurait jamais pensé pouvoir ressentir un tel supplice. Il est la douleur.
ooOoo
Elle est là. Prostrée. Immobile, enfermée dans sa douleur, en perdition dans l'immensité de sa détresse. Sans hoquet ni sanglot, digne pietà, encore, face à la plus imprévue et cruelle des souffrances.
Elle a mal. Démesurément mal.
Ses yeux piquent. La fumée, les larmes, le vent qui rabat sur eux une mèche indomptée, un peu tout ça, probablement.
Sa bouche est desséchée, sa gorge resserrée, comprimée par ce cri qui refuse de sortir. Ses lèvres crispées dans une grimace d'horreur. Ses doigts agrippés furieusement au tissu immaculé de la robe. Ses jambes tressaillent, tremblent, devant l'incompréhension.
Le choc.
La terreur.
Pas lui.
Pas lui.
Pas ça.
Elle sent que sa raison refuse d'analyser, de peur de concevoir l'inconcevable. Elle pressent pourtant l'inévitable. Sa conscience affleure. Elle sait, intimement, instinctivement. Mais elle s'arque-boute, résiste, devant ce qui se dessine déjà comme son cauchemar le plus noir.
Des flashes incontrôlés, des détails absurdes, s'imposent aux méandres de son esprit.
Le cuir velouté de la Rolls qui devait les conduire au paradis.
Le rire de Lanie. Si épanoui.
La pointe tremblante, hésitante, du stylo que tenait la main de Rogan au moment d'apposer sa signature.
La lumière du couchant qui jouait, la veille au soir, avec les voilages irisés de l'arche de fleurs.
L'herbe verte. L'ivoire immaculé, précieux, de la robe de sa mère qu'elle avait revêtue avec appréhension. Le bleu de l'océan, paisible.
Le bleu de son regard.
Elle suffoque. Porte une main à sa gorge.
ooOoo
Il est incapable d'ouvrir les yeux. Soulever les paupières lui paraît un effort surhumain. Sa douleur accapare toute son attention, toute son énergie. Petit à petit, seconde après seconde, quelques sensations se faufilent au milieu de la souffrance généralisée. Son front est humide, poisseux. Du sang, probablement. Ses côtes lui font mal à chaque inspiration. Sa bouche, pâteuse. Il a soif. Abominablement soif. Un vif élancement au niveau la pommette gauche gagne la joue, la tempe. Il doit avoir la moitié du visage tuméfié. Le goût du sang ne le quitte pas.
ooOoo
Le soleil irradie la scène de son éclat insultant. Cet astre, dont elle a tant prié la présence aujourd'hui, illumine en cet instant, dans toute son arrogance, l'abysse qui se creuse toujours plus profond en elle.
Elle gémit.
La chaleur lui vrille les tempes. La lumière agresse les ténèbres de son cœur. Le monde s'assourdit, son regard brouillé se pique de points lumineux.
Et la douleur. Intense. Brute. Réelle.
Ses genoux heurtent violemment le sol et hurlent au contact de l'asphalte. La brûlure s'ajoute à la blessure, probablement sanguinolente, sous le tulle de princesse.
Le temps se fige. Sa douleur est éternelle.
De loin, elle perçoit un bruit. Un appel sourd. Une onde familière, et pourtant qu'elle ne reconnaît pas.
« Papa ! »
Elle ne la reconnaît pas, parce que cette voix n'a plus rien d'humain. C'est un hurlement rauque, bestial, puissant.
« Papa ! Non ! »
Le cri dure, se prolonge, écho interminable dans les vibrations de l'air étouffant, déchirant le reste de cette harmonie printanière qui s'accrochait encore sur un coin du ciel.
Un oiseau s'envole d'un feuillage proche dans un bruissement d'ailes apeuré.
Kate ne se retourne pas. Elle n'en a pas la force. Ni la conscience. Elle est bloc de granit. Le regard vissé sur les flammes qui rongent la Mercedes.
Elle ne voit pas la furie déréglée d'Alexis. La rouquine est comme possédée. Son visage n'est plus qu'épouvante. L'animal sauvage se débat violemment au sortir de la voiture. Elle hurle. Elle veut s'approcher. Elle ne veut pas croire à l'impossible. Son père est invincible. Elle veut briser les barreaux de son cauchemar, se réveiller pour de bon. Il ne faut pas moins de quatre bras pour la retenir.
A droite, Martha Rodgers. Les yeux incrédules, et rougis par l'angoisse qui lui vrille le cœur. Elle voudrait tant voir son enfant indemne, s'approcher d'elle pour la prendre dans ses bras, la rassurer de sa présence, de son sourire. A la place, elle trouve la ressource de préserver quelques secondes encore son autre enfant, sa petite-fille, son trésor, de la réalité crue et brutale, qu'elle refuse elle-même de reconnaître.
A gauche, Jim Beckett. Alors qu'il continue d'emprisonner Alexis de ses bras sans force, il n'a d'yeux que pour elle. Sa fille. Sa boussole. Son roc. Son unique raison de vivre. A genoux par terre, devant les volutes de fumée. Effondrée dans la robe de Johanna. Il croyait que la main noire du destin les avait oubliés, enfin. Mais c'était pour mieux les surprendre. Et c'est sur sa Katie qu'elle s'abat de nouveau. Il aurait tout donné. Tout donné pour être à sa place en cet instant. Un cri de haine impuissante reste coincé dans sa gorge, bloqué par les sanglots qui se bousculent, trop nombreux pour sortir. Le sort est impitoyable. Et tellement cruel, pour accepter que Kate tutoie le bonheur avant de le lui ravir au moment même où elle va le goûter pour de bon. Tous les 'pourquoi' du monde lui semblent alors dérisoires devant le jugement implacable de l'existence. Il voudrait la serrer dans ses bras. Lui dire que tout ira bien. Qu'il est là pour elle. Mais il voit bien qu'elle est inaccessible. Enfermée dans son cauchemar. Anéantie. Il ne lui reste plus qu'à essayer de sauver ce qui reste d'innocence chez la jeune femme qui se déchaîne, démente, entre ses bras.
ooOoo
Il parvient peu à peu à distinguer les zones douloureuses les unes des autres. Scinder la souffrance lui permet de mieux l'appréhender et de mieux la gérer. Seul un mal de tête intense l'empêche d'analyser correctement la situation.
Derrière ses paupières closes et gonflées, la vive lumière orangée s'interrompt par intermittence. Que se passe-t-il ? Où est-il ? Au milieu des battements sourds de son cœur qui frappent ses tympans, il distingue un vrombissement étouffé. Celui d'un moteur. L'infime tremblement de son corps provient des vibrations du véhicule. Brusquement, un cahot inattendu réveille la souffrance dont il était un peu parvenu à dompter les assauts. Le moindre choc provoque dans tout son être une torture physique et mentale supplémentaire. Il ne trouve même pas l'énergie de crier. Un gémissement parvient pourtant à s'échapper de ses lèvres entrouvertes. Tous ses efforts sont mobilisés pour se détacher de sa souffrance. Après quelques instants, son esprit meurtri reprend ses rouages confus et grippés. Il est dans une voiture. Ce n'est pas la sienne. Il se concentre alors sur la sensation du cuir sous sa joue droite. Il est allongé. Probablement sur la banquette arrière. Que fait-il là ? Une seconde de panique. Une deuxième. Le temps s'accélère subitement. Un vide effroyable se fait en lui, comme l'eau qui se retire brutalement avant le raz-de-marée. Le tsunami apparaît au loin. Grossit. Grandit. Tout lui revient en mémoire. L'enfer le rattrape.
ooOoo
Kate ne bouge pas, ignorante du désastre qui se joue en parallèle dans son dos, quelques pas derrière elle.
Elle se replie, se recroqueville, tente de s'agripper à ce qui reste de l'amour de sa vie, incapable encore d'envisager la possibilité d'un espoir, fusionnant avec la douleur qui la submerge.
Une minute seulement s'est écoulée depuis qu'elle a stoppé devant l'atrocité du spectacle. Une minute. Autant dire l'éternité.
Elle sent confusément un contact. Des mains qui l'attrapent par les épaules, qui l'enserrent. De ses yeux qui ne voient plus, de ses oreilles sourdes, elle reconnaît Lanie qui lui murmure des bribes de mots entre deux hoquets affolés, caressant ses cheveux défaits, appliquant vivement sa tête contre sa poitrine, dans le fol espoir qu'une étreinte pourrait la faire revenir dans le monde des vivants. Sa voix tremble. Se casse. Les larmes au bord des lèvres.
« Viens, chérie... »
Elle ne peut pas.
« Viens, s'il te plaît ! »
Elle veut rester là. Elle ne veut pas le quitter.
« C'est dangereux, je t'en prie, viens, bébé... »
Bébé. Elle n'a pas le droit de l'appeler 'Bébé'.
Il est le seul à pouvoir le faire.
Il est.
Il était.
Il...
Soudain, la réalité la percute. La submerge. L'absorbe, irrésistiblement. La détruit en ravageant tout sur son passage.
Elle a atrocement mal. Là. Juste au-dessus du sternum. Voilà presque trois ans qu'elle avait oublié cette douleur. Sa vieille cicatrice réveille d'implacables souvenirs. Elle ne veut pas revivre l'enfer.
Elle distingue de nouveau le crépitement des flammes au milieu de l'agitation qu'elle perçoit indistinctement derrière elle. L'odeur puissante et âcre du plastique fondu et de l'essence mal brûlée lui sature maintenant les narines. Une forte nausée l'envahit. Elle prend brusquement conscience de sa respiration anarchique, entrecoupée de spasmes, de sanglots, d'inspirations douloureuses. Elle s'asphyxie de douleur. Elle entend un cri au milieu de ses larmes brûlantes. Son cri. Enfin. Elle hurle. Relâche son corps, que Lanie, à genoux elle aussi, tente de retenir dans ses bras tremblants.
La sirène du camion de pompiers lacère soudain l'atmosphère. Stridente. Agressive. Terrifiante.
Les portes claques, les ordres fusent, des moteurs démarrent pour dégager le passage.
D'une pression des mains, son amie tente de lui faire comprendre qu'il faut se retirer de quelques mètres, pour laisser travailler les pompiers. Mais son corps n'obéit plus.
Au milieu des exhortations, elle discerne les voix d'Espo, de Ryan. Ils sont là, aidant comme ils le peuvent leurs collègues, éperdus d'angoisse, eux aussi, ébahis devant ce qu'ils pensaient ne jamais pouvoir arriver, pas aujourd'hui en tout cas, pas en ce jour idyllique, enchaînant les gestes instinctifs, s'accrochant aux habitudes de gestion de crise, éperdus, automates glissant inexorablement dans ce précipice sans fond.
Kate ne détache pas ses yeux du véhicule. La brise qui s'est peu à peu intensifiée ravive les flammes, et rabat la fumée épaisse vers elle. Lanie tousse. Peu importe. Elle a l'impression qu'elle pourrait rester sa vie entière à contempler sa propre mort. Parce qu'elle est morte dans cette voiture. Avec lui. Elle le sait. Elle l'a toujours su. Elle ne peut pas même envisager de respirer sans lui.
Ces pensées cohérentes, cette vérité brutale lui sautent à la gorge. Ses sanglots redoublent. Elle se noie sous la neige carbonique pulvérisée sur la carcasse de la Mercedes.
Soudain, une main plus ferme agrippe son épaule.
« Kate ! »
Une autre main attrape sa seconde épaule. La force à se redresser. La secoue légèrement.
« Kate, regarde-moi ! »
La voix masculine est brisée. Jamais elle ne l'a entendue aussi accablée.
Les mains quittent ses épaules, saisissent son cou, son visage, dans un geste désespéré de reprendre contact avec elle. Elle lève les yeux, finit par reconnaître les traits de Javier à travers le voile de ses larmes. Il est accroupi devant elle, les yeux terrifiés, mais déterminés à porter sa souffrance avec elle.
« Kate, écoute-moi bien. »
Sa voix est éraillée par l'angoisse et les larmes qu'il ne laissera pas encore couler.
« Tu vas venir avec moi. Ne regarde surtout pas cette voiture. Tu m'entends ? »
Il caresse son visage, cherche à l'apaiser, anticipe une réaction qu'il semble craindre. Pourquoi lui dit-il cela ? Qu'y a-t-il d'autre à voir que ces flammes qui ont déjà détruit toute sa vie ?
Elle retient brusquement sa respiration anarchique. Elle le fixe dans les yeux, tentant de déchiffrer ce qu'elle ne veut surtout pas voir, ni entendre. Elle constate que ses yeux bruns s'embuent de larmes. Elle entend le gémissement désespéré de Lanie à ses côtés.
Elle entrevoit le spectre invisible de l'horreur. Elle prend conscience de ce que son esprit avait délibérément occulté jusque là. Il y a un corps dans cette voiture. Son corps.
La main du spectre lui broie le cœur. La sensation est insoutenable. Le noir envahit à nouveau son espace, l'enveloppe, l'arrache à sa douleur. Elle se laisse emporter au lieu de lutter. Elle préfère encore le néant de l'abysse.
ooOoo
Kate.
Kate.
Il ignore où il se trouve. Il ignore l'heure qu'il est. Il lui restait vingt minutes avant de la retrouver. Avant de toucher les rivages du paradis. Avant que cette voiture ne surgisse dans son rétroviseur.
Les images s'imposaient à son esprit, se bousculaient en nuées de flash-back.
L'accélération soudaine.
Les vitres teintées.
La peur qui l'étreint. Une peur intuitive.
Le virage.
La voiture qui se rapproche de son flanc.
L'éclat du soleil.
Et puis le choc violent contre le volant.
C'est la dernière chose dont il se souvient. Son arcade sourcilière qui heurte le cuir du volant. Il la sent éclater. Sensation ridiculement isolée alors que sa voiture s'envole en tonneaux par-dessus la glissière de sécurité.
Le souvenir ravive la douleur aiguë sur le côté gauche de son visage.
Il veut y porter la main pour mesurer les dégâts.
Il ne peut pas. Sa main ne répond pas.
Ou plutôt si. Mais elle est retenue dans son dos, coincée par quelque chose qui lui serre le poignet. Dans un état altéré de conscience, il tente innocemment de la dégager. Jusqu'à ce qu'il comprenne qu'il ne pourra pas. Que ses mains sont solidement entravées l'une à l'autre.
Comme un prisonnier.
Pourquoi serait-il...
La panique redouble d'intensité.
Les battements de son cœur s'accélèrent brutalement, accentuant les pulsations douloureuses sur tous ses hématomes encore à vif.
Sa respiration se fait plus courte, plus rapide, plus heurtée. Il ne veut pas. Ses côtes, ses poumons lui font mal. Abominablement mal. Il doit calmer son souffle.
La silhouette du SUV s'impose à son esprit. Le virage, qu'il voit arriver trop vite.
Kate. Son visage ravagé de larmes.
Il prie pour que ce ne soit qu'un cauchemar, même si la douleur est bien trop réelle pour être rêvée.
Des pièces du puzzle lui manquent. Mais il pressent déjà le tableau qui se dessine.
Il ouvre comme il peut la seule paupière encore mobile.
Dans son accès d'angoisse, il a dû s'agiter un peu, peut-être geindre, parce qu'il perçoit une voix qui provient du siège conducteur, et dont les mots demeurent indistincts. Mais un ricanement moqueur accapare soudain tous ses sens.
Il croit reconnaître ce rire. Une sueur froide lui parcourt le dos. Il lutte. Il ne veut pas l'admettre. Il ne veut pas entrevoir ce gouffre noir et affamé qui s'ouvre devant lui.
Un frisson d'épouvante contracte ses membres.
Kate.
Sa femme, sa vie, sont brusquement happées par cette voix qu'il repérerait entre mille. Cette voix dont son corps tout entier garde l'empreinte, profondément scellée dans le souvenir de sa chair. Il sait instinctivement qu'il est à sa merci.
Et pour la première fois de son existence, la dernière étincelle d'espoir le quitte. Pour la première fois, il n'envisage pas de retour possible.
FIN