"Maybe there's something you're to say, or someone you're afraid to love, or somewhere you're afraid to go. It's gonna hurt, it's gonna hurt because it matters"
John Green
A quoi s'attendait-elle ? Elle ne le savait pas vraiment, à pas grand chose en réalité. Elle n'était pas dupe, ni même stupide. Elle l'avait aidé à tromper le monde entier, elle n'attendait rien en retour et bien sur elle n'avait pas cru un mot de ce qu'il lui avait dit.. Non, bien sûr que non, il s'était contenté d'énoncer des mots qu'elle voulait entendre. Elle réajusta les lentilles de son microscope et l'image de l'échantillon devint nette. Les gens se trompaient lorsqu'ils disaient qu'il était incapable de reconnaître les sentiments. A ses yeux, il en était maître lorsque cela pouvait l'amener à ce qu'il désirait et puis après ça, il les balayait d'un revers de la main. Un jeu, les sentiments - lorsqu'il s'agissait de la jeune femme - n'étaient qu'un jeu pour le grand Sherlock Holmes.
Deux années s'étaient écoulées depuis « sa mort », deux années durant lesquelles Molly n'avait fait que mentir, jusqu'au jour, où elle se mit à croire en ses propres mensonges elle aussi. Elle l'avait aidé, et puis il s'en était allé, sans un mot. Oui, Molly avait finit par se persuader qu'il était probablement réellement mort. Et puis un jour, sans préavis, il passa à la morgue, suivit de John. « Je ne suis plus mort Molly, tu peux dans les plus bref délais cesser cette mascarade. » Il avait tourné les talons, son manteau virevoltant derrière lui tandis que les portes se refermaient.
Ce ne sont que les jours suivants que Molly commença à comprendre ce que le retour du génie Holmes signifiait pour elle. Les journaux s'étaient emparés de l'affaire. Comment avait-il fait ? L'ange déchu, à nouveau grand amour du public. Il ne leur fallut donc pas longtemps pour découvrir le pot aux roses. Les journalistes se postèrent jour après jour devant la morgue, elle passa devant eux tous les matins, sans jamais dire quoi que ce soit. Pourtant, rapidement des « fans » du détective se postèrent à leur tour sur le lieu de travail de la jeune femme, la suivant jusqu'à son appartement. Elle s'était faite aux insultes, se contentant d'avancer rapidement, le regard cloué au sol. Et puis elle se mit à recevoir des menaces de mort. Elle les ignora, elle tenta si fort de tout ignorer et de se protéger. Malheureusement, cette fois-là, en rentrant chez elle, lorsqu'elle aperçut un nouveau tag sur sa porte et qu'elle porta la main à sa bouche, elle ne put retenir le premier sanglot qui déclencha les suivants. Les mains tremblantes, elle referma la porte derrière elle et se laissa glisser contre le mur. Cela faisait maintenant 3 semaines que les inscriptions « Moriarty's bitch » pouvaient se lire sur son entrée. Elle chassa ses larmes et recomposa tant bien que mal un sourire, aussi faux soit-il, il convainquait toujours ses collègues qui ne restaient jamais assez longtemps pour s'en enquérir.
Elle s'apprêtait à changer d'échantillon lorsque la porte à battant du laboratoire claqua bruyamment contre les parois, le carré de verre contenant des cellules de peaux s'écrasa sur le sol tandis que Molly se colla contre le mur le plus proche, terrorisée. Et puis elle aperçut l'ombre de deux hommes. Elle laissa échapper le souffle qu'elle retenait et s'occupa à ramasser les débris.
- Molly, un café noir, deux sucres. La voix de Sherlock raisonna jusqu'à elle, John la regarda à peine et hocha la tête.
La jeune pathologiste se releva, déposa sans cérémonie la balayette qu'elle tenait et se rassit à son bureau. Elle ne les suivit pas, ne leur parla pas et se remit au travail. Elle était si fatiguée de n'être qu'une ombre parmi les microscopes. Elle se plongea dans un dossier et ne remarqua que trop tard la présence du consultant détective prostré devant son bureau. Il se racla la gorge, et Molly hoqueta de surprise, elle posa son stylo aussi calmement que son cœur le lui permettait et pour la première fois depuis des années, dirigea son regard vers celui de Sherlock. Une lueur d'étonnement apparut sur son visage, aussitôt remplacé par le masque stoïque qu'il affectionnait tant.
- Mon café. Se contenta-t-il d'annoncer. Molly ne répondit pas, il continua. Où est-il ?
- Je ne sais pas. Elle haït le ton de sa voix, traitresse, rauque et tremblante. L'as-tu fait ?
- Bien sûr que non, ne soit pas sotte ! s'agaça-t-il
- Et bien il doit être dans la machine dans ce cas. Elle se releva, posa ses mains à plats sur son bureau et reprit. Et ne t'avise plus jamais de me traiter de sotte ! A vrai dire, ne t'avise plus jamais de m'adresser la parole non plus Sherlock. Dorénavant, tu passeras par le docteur Simons lorsque tu auras besoin de parties de corps et pour ce qui est de l'utilisation du laboratoire, tu devras fournir un préavis de 24heures. Elle fixa ses yeux sur ceux de son bourreau depuis déjà trop longtemps et après quelques secondes, ramassa ses affaires et se dirigea vers la porte. Avant qu'elle ne puisse sortir, la voix de Sherlock sembla reprendre vie.
- Que ta vie sentimentale ne soit qu'un fiasco justifie à peine ton comportement envers moi. Elle ne se retourna pas.
- Et bien, tu sembles avoir déjà tiré tes conclusions n'est-ce pas Sherlock. Elle posa sa main sur la porte tandis qu'il reprit.
- Tu as perdu environ 3kilos depuis ma dernière visite, tes ongles sont rongés, tes yeux ont été les acteurs d'une grande cérémonie de pleurs et ça depuis au moins 2 semaines sans compter le fait que tu n'aies pas adressé la parole à notre très cher ami en commun, John ici présent, confirmant ton aversion pour les hommes en général. M'amenant donc à ma déduction, rupture. Elle se retourna et ne fut pas surprise de voir sur son magnifique visage qu'elle avait fini par haïr un rictus satisfait. Elle inspira profondément et claqua ses dossiers sur l'une des tables. Elle fit les quelques pas qui la séparaient de Sherlock et avant qu'il ne puisse analyser ses intentions, le gifla. Elle le gifla si fort que les larmes lui montèrent aux yeux. De son côté, il écarquilla les yeux de stupeur et amena sa propre main sur sa joue endolorie.
- Et bien, n'est ce pas formidable ! Le grand Sherlock Holmes a tort ! Tu veux savoir pourquoi je me comporte comme toute personne saine d'esprit l'aurait fait depuis des années déjà Sherlock ? Tu le veux vraiment ? Alors allons-y, assieds-toi et prétends pendant quelques minutes que tu en as réellement quelque chose à foutre ! Parce que tu vois tout, oh bien sûr, rien ne t'échappe. Mais lorsqu'il s'agit des autres, ou disons le franchement, de moi, tu n'en as rien à foutre. Tu étais si heureux d'être revenu à la vie, d'avoir réaménager au 221B, d'avoir retrouver ton vieil ami John, ta propriétaire Madame Hudson et même Lestrade que tu ne t'es pas une seule seconde préoccupé de ce que Molly Hopper, la sombre idiote qui t'a aidé à falsifier ta mort, qui a mis son travail, sa licence en jeu pouvait endurer de son côté. A quoi bon ? je ne t'étais plus de grande utilité après tout. Et bien devine quoi Sherlock, les journalistes ont toujours besoin d'un bouque émissaire. Quelqu'un sur qui renvoyer toutes leurs fautes. Et les morts ne sont pas des très bons coupables tu vois. Ils ne font pas vendre beaucoup de papiers. Cela dit, la pathologiste qui est sortie avec le grand et diabolique Moriarty et qui par vengeance de ne pas être aimé du magnifique Sherlock, a divulgué toutes sortes d'informations au criminel, ça c'est beaucoup plus vendeur ! Parce que les journaux n'ont pas besoin de la vérité Sherlock, je pensais que tu le savais. Oh, ajouta-t-elle, névrotique. N'oublions pas le fait qu'elle tenta même de se racheter au près de son amour à son unique en l'aidant à feindre sa mort. Méchante Molly, coupable de tous les malheurs, trainée à la solitude infinie. Elle se tut quelques secondes. Ce n'est pas toi qui chaque jour depuis 3 semaines, croule sous les insultes je me trompe ? Et tu sais quoi ? Je ne t'en veux même pas. Parce que tu es comme ça, tu ne t'intéresses qu'à toi et le petit cercle de personnes à qui tu tiens. Alors qu'est-ce que je voulais ? Que tu me viennes en aide ? Que tu prennes ma défense ? Aussi sotte que tu me crois, je ne le suis pas à ce point. Si je travaille encore aujourd'hui, c'est uniquement grâce à ton frère, que tu aimes traiter de sans cœur et malhonnête. Et bien j'ai une grande nouvelle pour toi Sherlock, peut-être que tout ce temps, tu t'es trompé de frère. Et tu sais ce qui est le plus triste dans tout ça ? C'est que malgré tout, je le ferais à nouveau. Si tu me le demandais, je recommencerais et c'est la que ça pose problème. Parce que je mérite mieux que ça. Je mérite qu'on me respecte, qu'on reconnaisse ma valeur et je ne peux pas attendre ça de toi, ni de personne alors que j'en suis incapable moi même. Elle essuya brutalement les larmes sur son visage et se redirigea vers la porte. Alors que cette dernière se refermait, elle ajouta. Et pour ce qui est de John, il n'est qu'un lecteur parmi tant d'autres, me haïssant moi aussi d'avoir menti. Parce que de toute évidence, j'ai dû y prendre un grand plaisir lâcha-t-elle d'un ton si acide que Sherlock recula de quelques pas.
Le silence retomba, uniquement dérangé par la respiration des deux hommes. Ils ne bougèrent pas, ne s'adressèrent pas la parole. Chacun bien trop occupé à intégrer les vérités que venait de leur servir Molly. Sherlock n'avait pas quitté des yeux la porte par laquelle s'était échappée sa pathologiste. Il clôt ses paupières et patienta tandis que l'architecture de son palace mental se reconstruisait autour de lui. Un endroit si grand qu'il n'était plus lui même certain de ce qu'il contenait. Et se laissant bercer par les lieux si familiers, il entreprit de classer les nouvelles informations qui venaient de lui être apprises par Molly. Plus rien, ni personne autour de lui n'avait d'importance. Il avait un objectif et tant qu'il ne serait pas atteint, tant qu'il ne saurait pas exactement ce qu'il se passait avec la jeune femme, il n'arrêterait pas.
Une heure était passée depuis que les deux hommes s'étaient confinés dans le silence, si bien que lorsque Sherlock s'extirpa de sa transe et sorti son portable, John sursauta. Il s'en voulait. Bien sûr qu'il s'en voulait. Il s'était comporté comme un hypocrite. Il avait pardonné Sherlock parce qu'il était si heureux d'avoir retrouvé son meilleur ami, mais avait reporté toute la colère qu'il avait en lui contre Molly, la douce et altruiste jeune femme qui n'a jamais voulu que le bien de tout le monde sans jamais se soucier du sien. Elle semblait si fatiguée, à bout de force, comment ne l'avait-il pas remarqué avant ça ? Comment avaient-ils pu prétendre que tout allait bien pour elle ? Il se leva et se posta auprès du détective.
- Elle a raison, tu sais, tout ce qu'elle a dit… constata John
- Il s'est déjà avéré à des maintes occasions que Molly aie bien trop souvent raison. Répondit-il si bas que John ne fut pas certain de l'avoir réellement entendu, ce n'est que lorsqu'il lui jeta un regard qu'il comprit à quel point Sherlock lui aussi s'en voulait. Lorsque ce dernier reprit la parole, ces mots n'étaient plus destinés à John. Mycroft. Ne me fais pas perdre mon temps. Que se passe-t-il avec le Docteur Molly Hopper ?
Lorsqu'elle quitta l'hôpital, le soleil s'était couché depuis de longues heures déjà, le flux d'habitants s'était peu à peu amoindri, jusqu'à ce qu'il ne reste plus personne. Molly resserra les pans de sa veste, un frisson s'emparant d'elle. Elle s'était rapidement engouffrée dans un métro, les taxis ne lui ayant prêté aucune attention malgré ses nombreuses tentatives d'appels. Dans un état second, elle réussit à s'extirper du siège lorsque sa station fut annoncée. Cela faisait bien trop longtemps qu'elle n'avait pas été capable de dormir correctement. La nuit dernière n'avait pas été différente, elle s'était répétée le dialogue, elle soupira, le monologue serait plus correct, qu'elle avait servi à Sherlock et lorsque le réveil avait sonné, elle n'avait pas réellement fermé les yeux. Ses talons claquaient contre le sol humide, un bruit qui semblait la réconforter. Les lampadaires n'étaient qu'un lointain souvenir dans son quartier, elle pressa donc le pas, l'anxiété l'envahissant. Lorsqu'elle aperçut son immeuble, son corps se détendit automatiquement. Elle inspira une grande bouffée d'air et sentit une paire de bras la propulser contre un mur de brique. Le choc fut si violent que sa respiration se bloqua dans ses poumons. Avant qu'elle n'ait le temps de réagir, de longs doigts s'enroulèrent autour de sa nuque, serrant si fort que sa vision se flouta, elle se sentit soulever, le bout de ses pieds raclant frénétiquement le sol. Son agresseur glissa son visage dans ses cheveux, inspirant bruyamment, avec sa main libre, il déchira la blouse qu'elle portait et laissa glisser ses doigts le long de l'abdomen de la jeune femme. Dans un dernier élan d'adrénaline, elle le frappa désespérément au thorax. La douleur qu'il ressentit se lut sur son visage, il lâcha sa prise et Molly percuta le sol. Elle aperçut une lumière non loin s'allumer, ce qui sembla effrayer l'homme en face d'elle, jetant un dernier coup d'œil vers la pathologiste, il lui fit une promesse qu'elle ne comprit pas et se mit à courir au loin. Elle n'eut pas la force d'appeler au secours, elle n'eut pas la force de ramper jusqu'à la route non loin. Et avant que l'obscurité ne l'enveloppe, elle se demanda si c'était ainsi qu'elle allait mourir, un peu comme elle avait vécu, seule à quelques mètres de toute humanité, témoin invisible du monde qui l'entourait.
J'espère que ce premier chapitre vous aura plu :) N'hésitez pas à me laisser vos avis, je me fais toujours un immense plaisir de les lire. à tout bientôt pour la suite, promis
Et un grand merci à Mayaluna qui chaque jour arrive à me supporter, moi et mes écrits haha