Légolas était debout face aux nains. J'eus envie de rire quand je vis son air pincé. Les elfes avaient-ils tous cet air constipé ? Peut-être m'étais-je trop habituée au côté sauvage et terre-à-terre des nains. J'observais Thorin qui s'approcha, les lèvres serrées, devant l'elfe si gigantesque. Ils étaient les exacts opposés. J'avais envie de tenir la main de ce pauvre Roi qui devait faire face à ceux qui avaient trahi - puis aidé - son peuple. Les vieilles rancoeurs étaient encore là, dans l'écrin de son gros coeur pas si dur que ça. Une pulsion tendre me prit de lui prendre la main, mais je restais en retrait, non sans sentir le regard curieux de Bofur allant du roi à moi, puis de moi au roi. Je me concentrais comme je pus.

Legolas, que puis-je pour vous ? gronda Thorin comme un ours marquant son territoire.

Thorin, héritier de Durin, je suis envoyé par mon père. Il a senti quelque chose d'étrange. Alors que notre armée reprenait le trajet jusqu'à notre chère forêt de Mirkwood, notre roi mon géniteur a semblé vacillé, et nous a parlé d'une sensibilité accrue à un déséquilibre. Il m'a demandé de revenir en arrière pour voir si tout allait bien ; je suis allé aussi vite que possible. Il eut un regard acéré, qui menaçait quiconque d'oser lui affirmer qu'il avait lambiné en route. Personne ne fut assez fou pour dire ça, mais je vis les deux frères chuchoter ; je fis les gros yeux à Kili qui gloussa en apparté et haussa une épaule. Je me glissais près d'eux, longeant Bilbo, Balin et Dwalin.

Ne commençez pas à vouloir faire des bêtises, vous deux ! chuchotais-je d'un air furieux, mais mon ton bas empêchait à ma colère amusée de prendre son envolée. J'avais l'impression d'avoir sous les yeux un enfant qui disait des gros mots, et de vouloir le gronder tout en rigolant. Il n'aurait plu manqué que les deux nains passent par une phase pipi/caca. Pitié, tout mais pas ça.

Nous, des bêtises ? Quelle idée, ronronna Fili, l'air faussement innocent. Qu'est-ce qu'ils mijotaient ?!

Nous avons eu quelques problèmes ... Le ton de Thorin me mit la puce à l'oreille : est-ce qu'il allait parler de Florentin ? J'espèrais vraiment qu'il allait réussir à demander de l'aide, mais rien n'était moins sûr. Mettre sa fierté de côté devant des elfes, autant demander à Thorin de se couper la barbe !

Racontez-moi, l'invita Legolas en tentant la diplomatie.

Le vent cinglant faisait tourbillonner barbes et cheveux. Ceux de Legolas semblaient briller comme de l'or. Je me demandais si, comme dans les films ou les pubs, ils sentaient la rose ou risquait de faire bling bling, comme quelque chose de clinquant. Ok, il fallait que j'arrête mon délire sur les elfes !

L'un de nos anciens alliés s'est retourné contre nous.

Thorin était buté, cherchait à tourner autour du pot. J'eus un soupir : ça allait être long, comme ça ! Je m'approchais sans trop réaliser ce que je faisais et, m'imposant aux côtés de Thorin, je pris la relève sous une quinzaine de regards éberlués.

Florentin, l'humain qui a été kidnappé par les orcs, était là lui aussi. Sauf qu'il se révèle être le receptacle d'une espèce de magie sombre, à la manière de Sauron. Si vous ne voyez aucun corps sur ce champ de bataille, c'est qu'il a disparu avec eux. Nous craignons l'arrivée d'un nouvau nécromncien, ou le retour de l'ancien possédant ce corps-là, peut-être ... J'ai bien résumé ? fis-je d'un ton insolent vers Thorin. Le roi haussa les sourcils puis les fronça, mécontent que je lui ai volé la vedette - ou peut-être parce que je venais d'outrepasser mes droits, ou quelque chose du genre. Mais j'en avais marre que les vieilles guerres continuent. Thorin n'aimait pas les elfes, mais ils proposaient leur aide, et on en avait besoin. C'était aussi simple que ça. Je levais le menton sans baisser les yeux devant le regard furieux du roi, et je vis passer une lueur de tendresse amusée. Ha bah ça, je ne comptais pas me laisser faire. Je n'avais jamais trop eu ma langue dans ma poche de toute façon.

Oh.

Legolas semblait aussi surpris que tout le monde de me voir comme ça. Je pris conscience très lentement que ma façon d'agir, à l'égale de Thorin, pouvait passer pour une officialisation de quelque chose. Je reculais d'un pas et haussais les épaules.

Il y a quelques salles de disponibles à Erebor. Et des humains arrivent déjà. Je pense que dans quelques heures, nous pourrons débuter la reconstruction d'Erebor, en proposant aux humains de l'or. Allons à l'intérieur.

Effectivement, des humains menés par Bard étaient revenus sr le champ de bataille. Ils apportaient des vivres, fruits et légumes mais également venaisons et alcools. Certains portaient des brouettes de cailloux. Je rentrais à Erebor en souriant : nous allions reconstruire tout cela, et fissa !


Il y avait encore assez de salles en souterrains pour servir de dortoirs à trois armées. J'avais eu droit à une chambre seule, ayant certainement appartenu à une naine autrefois. J'avais eu le droit de fouiller dans ses vêtements qui, bien que sentant franchement la poussière et trouée ici et là, n'étaient pas trop mal. J'enfilais une robe sans trop de trous de mites et rejoignis les autres : Bilbo aidait à la cuisine, de gigantesque meubles avaient été retrouvés et formaient un camp de tables et de banc. Divers humains de tout âge se trouvaient là, des enfants courraient, des hommes étaient en train de former une espèce de ciment. Les nains s'étaient éloignés pour tailler des rochers tandis que d'autres réduisaient en poudre les cailloux les plus petits. Ca travaillait dur !

Il ne fallut pas plus de quelques heures pour que des ruines s'épanouissent des murs, des charpentes. Hélas, la nuit tombait, mais tout le monde aurait son espace vital, tout le monde aurait sa place, tout le monde aurait la protection de Thorin. Erebor se relevait de ses reliefs, petit à petit ; il faudrait du temps, mais pour quoi n'en fallait-il pas ? Je m'installais à table aux côtés de Bilbo et de Bofur. Les autres nains étaient là aussi : Dwalin était en pleine dispute avec Ori et Nori. Dori les observait avec patience. Bilbo à mes côtés me passa un énorme plat contenant des petits pains chauds juste sortis d'un four ; de la viande fraîche - apparemment plusieurs personnes avaient été chasser - en sauce, ou enrobée de miel, ainsi que des fromages durs ou mous, du beurre, quelques légumes ici ou là - sûrement pour rendre honneur à un Légolas assis à la table du roi avec ses deux neveux et quelques nains nobles, de ceux qui nous avaient rejoints en début de soirée, venus tout droit des Montagnes Bleues, ou plutôt revenus comme les humains et Legolas, pour la même raison. Il y avait donc l'oncle - ou le neveu ? ou le cousin ? - de Thorin, un nain énorme qui avait monté un sanglier. Tout le monde bavardait gaiement ; je pris une bière blonde comme les blés et pris sur moi d'aller faire connaissance avec quelques humains. Bard et ses enfants me saluèrent également. Il faisait bon, dans cette salle reconvertie en gigantesque pièce de vie. Des feux ronronnaient encore dans des cheminée où des boules de pain ou des ragoûts continuaient de cuire sous quelques regards de vieillards qui discutaient tout bas. J'avais l'impression d'être non pas chez moi, mais dans un endroit doux et accueillant. Cependant, étant donné que j'avais dévoré comme quinze - j'avais pensé ne pas avoir d'appétit, alors j'avais été surprise - j'avais à présent sommeil, les yeux lourds. Comment pouvais-je continuer ma vie ainsi, alors que Florentin pouvait attaquer à tout moment ? A dire vrai, je n'y croyais pas - s'il avait voulu nous attaquer, il l'aurait pu avant de s'évanouir dans la nature. Il devait être dans un coin à faire des plans sur je ne savais quel avenir malveillant. J'en étais un peu triste.

Passant ma main sur ma robe pour la lisser, je vis du coin de l'oeil Légolas approcher.

Dame d'Argent, fit-il en tant que salutation. J'étais persuadée d'avoir aiguillonné sa curiosité en prenant la parole aux côtés de Thorin, plus tôt.

Legolas, fils de Thranduil, répondis-je avec un sourire, le regard pétillant.

Thorin et ses deux neveux ont dit grand bien de vous. J'ai pourtant été surpris de votre présence ici : apparemment, vous venez donc d'un autre monde, et vous êtes venue en aide aux héritiers de Durin. C'est grâce à vous qu'ils sont en vie. J'eus envie d'éclater de rire : il disait ça d'un ton un peu perplexe, comme s'il n'était pas très sûr que j'ai bien fait dans cette action. Ne vous sentez-vous pas trop seule, loin de votre monde ?

La question me toucha : les nains comme Bilbo ou Gandalf avaient tendance à esquiver toute interrogation envers mon monde. Peut-être était-ce par respect envers mes émotions, pour ne pas me blesser. Mais que l'elfe blond puisse s'inquiéter, ou même s'intéresser, me toucha plus que de raison. Je hochais doucement la tête, la gorge nouée par mes souvenirs.

Ma famille et mes amis, surtout. Mon chat également - j'espère que ma mère pensera à le nourrir, le pauvre. Et puis ... Ce monde ici est si différent. D'un autre côté, je suis rassurée de voir nos amis communs reprendre le pouvoir, là où ils devraient l'être. Je soupirais doucement, repoussant mes cheveux. Il faudrait que je je prenne un bon bain brûlant. Dans ma chambre, il y avait un grand baquet de bois un peu ancien, mais qu'importait. J'espère qu'ils n'ont pas été trop maladroits ou irrespectueux, gloussais-je en posant un regard tendre vers la grande table centrale.

Disons que cela était de la haute diplomatie. Pour des nains ivrognes et grossiers.

J'aurais pu m'offusquer, mais je découvrais un petit joyau d'humour caustique chez cet elfe que j'avais toujours cru un peu coincé. Comme tous les elfes. J'étais à présent curieuse d'en rencontrer d'autres : la généalogie des elfes étaient une horreur pour quiconque appréciait cette race et voulait la jouer, disons sur des forums de jeux de rôles. J'avais toujours eu en horreur leur histoire, car ils étaient capables de vivre des millénaires. Mais leur culture devait avoir des subtilités que je me promis d'approfondir.

De quoi parlez-vous ?

Je sursautais et me tournais vers un Thorin habillé de ses plus beaux vêtements. Une longue tunique de cuir bleuté, tout de fourrure et de laine, portant des bijoux qui devaient être aussi précieux qu'anciens dans sa barbe, ses cheveux, à ses doigts ou à ses poignets. Son regard couleur de glace était souligné par ... du maquillage ? Etait-ce une espèce de trait d'eye-liner que je voyais ?! Je faillis m'étrangler. Thorin hésita en me regardant et me tendit prudemment sa corne de bière, interrogateur ; je fis non de la tête et laissais Legolas parler.

Nous évoquions le monde de Damoiselle Mélusine. J'aurais aimé également en savoir plus sur ce Florentin. Même Gandalf semble perplexe et inquiet.

Nous aurons tout le temps de parler de cela demain. Ce soir est à la fête.

Je comprends, je comprends, roi des nains. Bien, je vois un certain hobbit dont a parlé mon père, et j'ai hâte de faire connaissance avec Bilbo, je vous laisse.

Est-ce que j'imaginais le regard amusé que nous lança Legolas ? Je me retrouvais seule avec mon roi, et lui retournais son regard pensif.

Cette robe vous va bien.

Oh, un compliment ! C'est vraiment la fête, alors ?

Il grogna, et je tapotais son épaule en riant.

Je dois vous annoncer quelque chose : ma soeur Dis arrive très bientôt. Elle est la mère des garçons, et dès qu'elle a su qu'Erebor avait été reprise, elle s'est dépêchée de se mettre en route tout en m'envoyant un message. Elle devrait arriver dans les jours qui suivent.

Intéressant, une vraie naine, alors ! Et la mère de Fili et Kili. Parfait !

Elle va sûrement avoir les oreilles rabâchées de nos exploits chez vous. Kili et Fili ne peuvent s'empêcher d'être bavards avec elle, même si Fili essaye de garder contenance quand je le regarde, sourit-il. De toute évidence, le fait que Fili soit son héritier via la déscendance de sa soeur ne l'ennuyait pas ; il avait beaucoup d'amour et de respect pour ses neveux. Ils formaient un noyau dur, les héritiers de Durin, et leur petite escapade dans mon monde les avait plus unis encore, j'avais l'impression. Je pense que ma soeur vous appréciera.

J'espérais bien ! Kili et Fili décidèrent que la fête n'était pas assez festive et lachèrent une volée d'oiseaux, apparemment chassés et capturés vivants pour les élever, et se mirent à rugir de rire quand ils s'envolèrent au plafond et se mirent à déféquer partout de panique. Ils montèrent également sur les tables pour danser et chanter, et ce fût à ce moment là que j'allais me coucher. Je prendrais un bain demain, mais mes nerfs ne pouvaient en supporter plus, j'étais épuisée. J'enlevais ma robe et me glissais sous des couvertures de tissus et de fourrure, je me protégeais du froid ambiant et m'endormis en regardant le feu dans la cheminée de ma chambre.


Dis-moi, où est-elle ? Tu ne crois pas que tu allais me la cacher, Thorin.

Thorin soupira en observant Dis. Elle était arrivée très tôt trois jours plus tard. Avec un contingent d'une vingtaine de gardes nains, elle avait fait fi des convenances et avait couru jusqu'à ses fils pour les prendre chacun dans ses bras en sanglotant à grands bruits. Puis, avec l'air d'une lionne, elle s'était tournée vers son frère et après l'avoir salement enguirlandé d'avoir osé mettre ses bébés - Kili et Fili tiquèrent un peu, mais elle était leur mère et ils l'aimaient et elle leur avait manqué - en danger, elle lui claqua deux grosses bises sur les joues et, le prenant par le bras, l'obligea à la suivre de son pas pressé. Tout y était passé : il n'avait cessé de parler pendan deux heures complètes, au point que sa voix s'était fêlée et sa gorge enrouée. Dis était donc au courant pour tout, et Mélusine l'avait fortement intéressé - Thorin avait passé sous silence le baiser, bien entendu, mais Dis n'était pas bête et connaissait son frère;

Elle doit s'occuper des enfants près des feux. Ou alors Kili lui avait promis de lui apprendre à tirer à l'arc.

J'ai hâte de voir ce qu'ils ont à dire d'elle. Elle t'a déjà fait forte impression, à toi. Tu es si difficilement impressionnable, Thorin, elle doit être une femme exceptionnelle.

Thorin ne répondit pas et ils se postèrent sur le dernier balcon encore debout. Ils avaient vue sur les différents chantiers et Thorin sentit son coeur se gonfler de joie : des centaines de personnes s'activaient à présent, ayant rejoint Erebor petit à petit ; des nains, des humains, et également deux elfes venus pour seconder Legolas. Gandalf avait disparu, comme à son habitude, sans laisser de trace. Thorin ne doutait pas qu'ils allaient le revoir : il prenait le sujet Florentin très au sérieux, et il était sûrement parti enquêter de son côté.

Descendons, je veux boire une bière.

Dis avait toujours eu fort caractère. Très belle, le corps plein de courbes, les cheveux et la barbe sombres comme la nuit, elle avait eu pléthore de courtisans à la mort de son premier mari mais avait refusé toute proposition. Thorin se souvenait de son beau-frère : l'amour qu'il avait pour sa soeur, leur union qui avait engendré ses neveux. Il commençait à se poser un peu trop de questions, pour un nain, semblait-il. Dis prit donc une bière, une brochette de viande juteuse et s'assit calmement sur un banc.

Tu sembles heureux d'être là, mon frère. Je suis moi-même ravie de te voir reprendre ce qui t'appartient : Erebor est ton héritage. Tu en es maître, de tout ton corps, de tout ton sang. Elle avala une gorgée de bière, tandis que Thorin lui piquait un morceau de viande avec un regard malicieux ; il avala le morceau encore chaud, et sentit que sa soeur allait lui sortir une énormité au vu de ses prunelles étincelantes. Maintenant, il te faut une reine. Tu as toujours repoussé cette idée, faisant de mes fils tes héritiers. Mais c'était avant de perdre Erebor. Et de disparaître Aulë sait où ! Ne me lance pas ce regard. Tu peux laisser Fili te succéder, mais tu sais qu'en ces temps de reconstructions et d'apaisement, une reine à tes côtés serait bien vue. Tu as toujours dédaigné les nobles que père te proposait. Je me suis toujours demandé si tu étais capable d'aimer d'amour, comme j'ai aimé mon mari. Mais je sais, de la façon dont tu t'es occupé de mes fils, que tu serais un bon père. N'as-tu envie d'avoir tes propres enfants, mon frère ?

Dis, arrête, la supplia Thorin. Ces mots faisaient remonter bien trop de souvenirs et de regrets. Il avait renoncé à beaucoup, pour être un bon roi. Il avait regretté beaucoup de choses sans oser le dire. Mais il ne s'était pas passé longtemps sans qu'il songe souvent, autrefois et encore maintenant, à ce que cela lui aurait fait si il avait eu des fils. Il avait élevé Fili avec tout l'amour filial possible. Il secoua la tête et durcit son regard. Mais Dis le connaissait trop. Elle se leva et, ayant fini sa bière et sa viande, posa la corne vide et la pique de métal sur une table, s'essuya les mains et prit celles de son frère.

Je sais que tout cela te torture. Je ne t'ennuierai plus avec cela. Mais peut-être que si je rencontre cette humaine, Mélusine ...

Un sourire éclata dans sa barbe sombre et tressée. Elle tourna sur elle-même en riant, alors que Thorin, figé, s'exclamait, embarrassé et paniqué :

Dis ! Dis, reviens !


Et voilà le chapitre 14 ! Je suis de nouveau à bloc sur l'histoire, et j'espère que vous aimez encore. N'hésitez pas à me donner vos avis, vos impressions, ça fait toujours tellement plaisir de voir que vous suivez encore Adaptation et que vous appréciez encore le déroulement, ça me motive.

Des bisous !