Disclaimer: Les personnages et l'univers appartiennent à J.R.R. Tolkien. Je vais aussi utiliser quelques éléments du film de Peter Jackson.


Chapitre 1 : Quand le vieil enchanteur a besoin de lunettes (lesquelles n'ont malheureusement pas encore été inventées).

« Gareeeeeeeeeeeeeeeth ! »

Le hurlement suraigu déchira le tympan gauche du garçon qui ronflait, affalé dans la paille dans un coin de l'écurie. Il se réveilla en sursaut, avisant l'œil bleu qui le fixait d'un air furibond, et la barbe grise qui lui chatouillait le nez. Il recula vivement, tomba à la renverse et termina en roulade sur le sol froid de l'écurie, juste devant un poney qui piaffa (sûrement de rire).

Etendu sur le dos, il ne put que subir le coup de bâton que le vieux co… pardon, l'honorable vieillard, lui donna dans les côtes.

« Je ne te paye pas pour que tu passes tes journées à sommeiller ! Nous avons du travail. » bougonna-t-il.

Gareth (ou Gary, pour les intimes) tenta de se relever, mais il fut achevé par un autre coup de bâton, sur la tête cette fois-ci. Voyant milles chandelles, il réussit tout de même à bredouiller :

« Vous ne me payez pas, le vioqu… Maître. »

Avant de retomber, sonné, sur le sol.

Merlin (car c'était bien lui !) haussa les épaules.

« Et il s'évanouit comme une fillette ! Décidément, il ne mérite pas son salaire, ce couillon »

Il agita le garçon du bout du pied, avant de se baisser malgré ses rhumatismes pour le saisir franchement par le col et le secouer comme un prunier.

« Debout ! J'ai un nouveau sort à expérimenter et j'ai besoin de toi. »

Gary ouvrit difficilement les yeux. Voyant qu'il était éveillé, l'enchanteur le lâcha, et s'en fut en clopinant, parce que l'arthrose du genou gauche, ça pardonne pas.

Le garçon se remit difficilement sur les genoux, puis il se leva, chancelant. S'aggripant au mur sous le regard moqueur du poney, il parvint à sortir de l'écurie. Là, il plongea sa tête dans l'eau froide de l'abreuvoir, avec l'espoir un peu fou que ça le réveillerait complètement. Mais non seulement cela ne fonctionna pas, mais en plus il trempa sa chemise. Il allait encore laisser des flaques dans le laboratoire, et le vieux décrépi… non, le respectable enchanteur, allait encore râler et le transformer en furet, avant d'essayer de le noyer dans une barrique d'hydromel. « Il est un peu bizarre, mais très gentil ! » qu'elle avait dit, Rose.

Il secoua la tête, et des gouttelettes allèrent éclabousser un cheval qui buvait tranquillement à côté de lui, et qui le fusilla du regard (si tant est qu'un équidé ait la possibilité de fusiller quelqu'un du regard) avant de lui écraser le pied d'un coup de sabot.

Gary gémit. Décidément, le Ciel était contre lui aujourd'hui ! Enfin, comme d'habitude, depuis le jour où sa mère l'avait envoyé travailler à Camelot avec le grand Merlin. Ah ça oui, il était grand. En taille déjà, bien qu'il se tienne courbé du fait de son mal de dos chronique. Mais il était aussi très doué en torture; un peu moins en sortilèges (le comble, pour un enchanteur), mais il prenait grand plaisir à les essayer sur ses apprentis (dont Gareth était le quarante-sixième).

« Tu pourras veiller sur ta cousine, ainsi. » avait-elle ajouté.

Ah oui, sa cousine. Rose. Elle faisait partie des servantes de la reine. Et Gary pensait sincèrement qu'elle n'avait besoin d'absolument personne pour veiller sur elle (contrairement à lui : en quatre mois, les expérimentations de Merlin lui avait valu trois brûlures, deux foulures, et assez d'hématomes pour toute une vie). Une fois, elle avait assommé un dogue à coup de bâton alors qu'il lui aboyait dessus.

Bizarrement, Merlin l'aimait beaucoup. Peut-être parce qu'elle était aussi (voire plus) sadique que lui, et qu'ils pouvaient s'acharner sur le pauvre Gary autant de fois qu'ils le voulaient, puisqu'il ne se défendait presque pas (vous pensez ! Une jeune fille et un vieillard ! Il ne voulait pas leur faire de mal).

« Gareeeeeeeth ! »

Le beuglement retentit de nouveau, et le jeune homme sentit qu'il devait se hâter s'il ne voulait pas perdre un membre.

« Voilà, Maître, j'arrive ! »

Il pénétra prudemment dans le territoire de l'enchanteur, se prit les pieds dans un chaudron posé à même le sol, manqua de tomber, se rattrapa à la table qui vacilla, mais ne bascula pas. Il soupira de soulagement et continua son chemin.

Dans un coin sombre de la pièce, Merlin était agenouillé devant une étagère, jetant derrière lui tous les livres qui s'y trouvaient, ce qui en faisait tout de même beaucoup. Il grommela dans sa barbe, puis se releva dans un craquement de genoux avant de se précipiter vers la table et de balayer d'un revers de main ce qui se trouvait dessus, ne manquant pas d'envoyer un flacon empli d'une substance étrange vers Gary, qui le rattrapa tant bien que mal et le posa sur une pile de livre derrière lui.

« Mais où est ce satané livre ? » marmonna l'enchanteur périmé, non, l'aïeul dont la barbe était l'extension de sa sagesse légendaire.

« Que cherchez-vous, Maître ? » demanda humblement Gary.

Le magicien séculaire fit un geste obscène de la main, sans répondre. Le garçon soupira et s'assit sur une chaise de paille installé dans un coin de la pièce, attendant la fin de la fouille archéologique.

« Pas ici, malheureux ! » s'exclama l'enchanteur chevronné en lui bondissant dessus, ce qui eut pour résultat non seulement la destruction pure et simple de la chaise, mais aussi un Gary écrasé par le magicien, qui malgré son apparence squelettique, pesait son poids. Sûrement à cause de la barbe, qui mesurait quand même un mètre quarante. Et qui savait ce qu'il cachait dedans.

Ce fut le moment que Rose choisit pour faire son entrée. D'un pas bondissant et gracieux, sa chevelure rousse tressautant sur ses épaules, elle pénétra dans la pièce et s'arrêta net lorsqu'elle vit l'enchanteur du Roi assis à califourchon sur le dos de son cousin.

« Maître Merlin ! Vous êtes en train d'étouffer Gary ! Vous ne voudriez pas qu'il meurt d'asphyxie, n'est-ce pas ? Les autres ne vous ont pas suffi ?

- Ah, Rose, ma chère petite, vous avez tellement raison ! » s'écria Merlin en se levant d'un bond.

Gary reprit lentement sa respiration, prostré sur le sol. Ce vieux fou allait le tuer un jour. Et bien plus tôt que prévu.

Un peu plus loin, Rose sortit un livre écorné et tout poussiéreux de sous une commode.

« Vous cherchiez cela ? »

Le magicien poussa un cri de joie et lui l'objet arracha des mains.

« Parfait, nous pouvons commencer ! Gareeth ! tonna-t-il. Place-toi ici. Non, là, au milieu de la pièce. Et bois cela.»

Il lui tendit le flacon qu'il avait lancé un peu plus tôt.

Obéissant, le jeune homme se leva et se dirigea vers l'endroit indiqué, tandis que Rose se juchait sur une table. Il déboucha la potion, eut un sursaut de dégoût en sentant l'odeur qui s'en échappait (un mélange de camembert pas frais, de pieds et de gratin de courge), puis l'avala en se bouchant le nez, avant de manquer de s'étouffer tellement c'était mauvais.

"C'était vraiment nécessaire? demanda-t-il.

- Non, mais je voulais voir la tête que tu ferais!" ricana le vieillard.

Puis il fourragea dans sa barbe, en sortit une craie, et se mit à tracer des dessins plutôt étranges autour de Gary, dessins qu'il recopiait à partir de son livre, incluant une esquisse de dragon, de petits hommes, et des signes qui ressemblaient à une sorte d'écriture. Pour finir, il dessina un pentagramme tout autour, et s'éloigna à petit pas pour se réfugier auprès de Rose.

« Tu viens me voir perdre un œil, Rosie ? réussit à plaisanter Gary malgré son angoisse que la prédiction se réalise.

- Mais non ! Maître Merlin m'a dit que ce sortilège était l'accomplissement de toute une vie et qu'il voulait que je l'assiste. Ne t'inquiète donc pas, il sait ce qu'il fait. »

Le jeune homme déglutit. La dernière fois que Merlin lui avait dit d'un ton spécifique aux enchanteurs à longues barbes : « Je sais ce que je fais, jeune sot ! », il avait reçu une brûlure de deux pouces sur le bras droit. Donc, il se méfiait, naturellement. Et puis, à la base, c'était lui, l'assistant, et non pas Rose. Pourquoi le magicien ne testait-il pas ses sorts sur des poulets?

Le magicien se pencha sur son livre, plissa les yeux, secoua la tête, donna un coup de pied dans la table, puis finalement récita l'incantation, tandis que son assistant (le terme de « victime » conviendrait mieux) croisait les doigts et fermait les yeux. Une lumière bleue, certainement inattendue puisque le vieux schnoq… pardon, le prodigieux faiseur de magie, lâcha un juron énorme qui fit rougir Rose (et pourtant, elle en avait entendu, des jurons).

La dernière chose que vit Gary avant d'être emporté par la lumière fut son maître qui se jetait sous la table malgré son arthrite.