Chapitre 2 : Pleine Lune

Le léopard ne salue pas la gazelle, si ce n'est pour sucer son sang.

(Proverbe araméen)

L'air qui entra dans mes poumons me brûla la gorge alors que je me réveillais en sursaut. Des crampes remontaient le long des tendons de mes mains à force de crisper les phalanges sur les draps. J'avalais ma salive et me forçais à respirer calmement. Cela faisait des années que je ne faisais plus de cauchemars, alors pourquoi fallait-il que je recommence aujourd'hui ? Pourquoi fallait-il que je sois si terrifié ? Pourquoi tout semblait-il lié à ce type ? Et enfin, pourquoi ce nom ne cessait-il pas de me poursuivre depuis que je l'avais rencontré ? J'avais, à ma grande honte et de façon inexplicable, essayé de ne pas éclater en sanglots lorsqu'il nous avait surpris moi et Neji dans la réserve.

J'avais presque réussi. Si seulement il ne s'était pas approché. Si seulement je n'avais pas fui. Kakashi, probablement averti par Neji, m'avait rattrapé alors que je m'avançais dans le lac, m'enfonçant dans la vase sombre de la rive, fixant la colline de l'autre côté de l'eau sans la voir, cherchant vainement à reprendre ma respiration que j'avais perdue Dieu sait pourquoi. Passant mon bras par-dessus ses épaules et le sien autour de ma taille, il m'avait extirpé de la vase, soutenu alors que je rendais mon petit-déjeuner à la berge et fait asseoir contre un arbre avant de me poser une couverture sur les épaules, me frictionner les bras et m'éclater la joue d'une gifle douloureuse.

Le revers de la main fait toujours plus mal. J'étais instantanément sorti de ma torpeur. Verrouillant son regard sur le mien, il s'était lentement penché sur moi, et, posant les paumes sur l'écorce irrégulière derrière ma tête, avait approché sa bouche près de ma joue. Il était resté ainsi sans rien dire juste assez longtemps pour que l'ombre d'un malaise me traverse. Je l'avais entendu prendre une profonde respiration, puis il avait murmuré, détachant soigneusement ses mots : « Tu peux t'en sortir. Mais n'espère pas y échapper. »

Plus le temps passait, plus ses paroles prenaient de sens. On ne pouvait effectivement échapper à Sasuke Uchiha. Jusque dans mon sommeil. C'était sa présence qui m'avait réveillé. Mon lit, ma chambre et le bâtiment tout entier m'étouffaient. Moi qui l'avais trouvé si beau au départ étais submergé par un sentiment étrange et enivrant. Pouvoir, sang et vents coulis semblaient traîner à sa poursuite. Je jetais un coup d'œil par la fenêtre. La pleine lune blanchissait le lac et les collines. J'enfilais mon pantalon et ma chemise à même la peau. J'ouvris ma porte délicatement, et remerciais le ciel que le château soit en si bon état malgré son age : elle ne grinça pas. Je me coulais dans les escalier du plus rapidement que je pus. Je voulais voir le ciel. Je voulais voir la Lune.

Étrangement, la grande porte n'était pas verrouillée. Je grimaçais lorsque je dus traverser le gravier sur le perron. Essayez de marcher sans bruit lorsque des centaines de petits cailloux pointus essayent de se frayer un chemin à travers vos pieds nus. Il faisait relativement doux. Je soupirai lorsque mes orteils s'enfoncèrent dans l'herbe humide. L'oppression se levait progressivement, mais la tension demeurait. Le silence me paraissait anormal : d'ordinaire apaisant, il était ici déplacé, malsain. Tout valait mieux que ce silence qui dissimulait, je le sentais, des choses qui ne devaient pas être exhumées.

Je me pris la tête dans les mains. J'en avais assez de tous ces trucs bizarres qui ne cessaient de m'arriver depuis mon arrivée dans ce pensionnat de tarés. Je me sentais nul, parachuté, largué, planant au-dessus d'un champ de requins minés que mon orteil délicat ferait exploser. Boum.

Pourquoi m'avoir envoyé ici ? Cette question. Je devais bien me la poser trois ou quatre bonnes centaines de fois par jour, sans compter les nuits. Je voulais partir, mais plus de retour possible à présent. J'aurais tellement dû profiter de mes parents. Bordel, pourquoi faut-il que je ne prenne conscience de ce qui compte que lorsque ce qui compte ne vaut plus rien ? Je m'assis et posai la tête sur mes genoux, la joue du dessous au chaud. Le sol à la verticale, les arbres à l'horizontale, je me sentais sans dessus dessous. Je voulais partir, mais pas par les collines. Et puis, partir mais pour aller où ? Tokyo était de l'histoire ancienne, pensons à l'avenir. Je souris amèrement, une larme tombant dans ma narine. Mon avenir, sans savoir pourquoi, me semblait sacrément compromis.

Mes yeux montèrent vers la lune et les larmes à mes yeux. Sans arme face à la Lune, je pleurais de mon mieux.

Je reniflais un peu, et m'essuyais le haut des joues. Je traînais en remontant au château, mes chevilles écartant l'herbe dans un bruit de tissu froissé. Je m'arrêtais. Quelque chose flottait dans l'air net et transparent. Sur la droite. Une odeur. Musquée, fraîche et cuivrée… Je fus tenté de hausser les épaules et rentrer me coucher, mais un quelque chose de familier cramponna ses griffes dans ma gorge nouée. Je me dirigeais vers le mausolée, au milieu des arbres.

J'écartais les longues feuilles du saule, de nouvelles gouttes d'humidité se déposant sur mon bras. Pliant le cou pour ne pas percuter une branche, je remarquais que d'autres herbes avaient été lissées par le passage d'autres pieds : ce n'est pas parce que j'ai toujours habité à la ville que mon cerveau m'est une chose totalement étrangère. Je m'arrêtais. Je n'appréciais pas vraiment le fait de ne pas être seul. On dit toujours que l'intuition est féminine, pourtant la mienne tremblait comme une feuille, bien présente. J'étais tellement fatigué de toutes ces conneries et ces mystères. Pourquoi étais-je alors debout dehors, en pleine nuit, me gelant les pieds pour scruter ces herbes ? Je ne l'ai su malheureusement que trop tard ou trop tôt.

Je continuai donc à avancer, cherchant quelque chose de précis sans savoir quoi. Je tournais autour des arbres, humant l'air comme un chien. L'air se filtrait de lui-même, entrant par mon nez et ressortant par ma bouche, blanchi par le froid. Je cherchais sans trouver, et cela me rendait fou. Je me déplaçais de plus en plus rapidement et me mis à courir sans même m'en rendre compte. Je tournais en rond dans le jardin, enfonçant mes orteils dans la terre grasse et noire qui baignait la végétation. Je m'éloignais de plus en plus du lac et du manoir, gravissant petit à petit le flanc de la colline. La senteur qui m'agitait tant se renforçait et muait à une vitesse incroyable, devenant vase, eau, tourbe, herbe, humus, mousse, fraises des bois, cuivre, fer, sel, sang. À bout de souffle, je m'approchais de ce que j'avais fini par identifier comme la source de l'arôme qui planait dans l'air. J'inspirais profondément, m'en imprégnant des lèvres jusqu'à la moindre petite alvéole de mes poumons. Je pouvais presque percevoir les atomes qui le composaient se fondre dans mes vêtements, ma peau, mes cheveux.

Ils s'installaient et n'en partiraient plus, chuchotait-on à mon oreille. Tant pis. Et tant mieux. J'étais d'une humeur extatique, mais pas une de celles qui vous font sourire. Tout semblait plus net, plus tranché. La lune me faisait mal aux yeux, sans que je puisse en détourner le regard. Je pouvais presque la voir bouger, tombant lentement vers sa fin certaine, au bord de l'horizon. Mes hanches et mes chevilles continuaient de me porter, néanmoins je titubais et dus plus d'une fois enfoncer les doigts dans la terre humide pour me redresser, mes genoux ayant plié sans que je ne m'en rende compte. Au bout d'un moment, je m'arrêtais et levais la tête vers le ciel. Je n'avais jamais si bien vu les étoiles qu'ici. Je les laissais me pousser vers le haut, tombant sans décoller les pieds du sol. L'arrière de mes épaules rencontra une surface dure. À travers le tissu de ma chemise, je sus bientôt qu'elle était également humide et froide. Je me relevais et pivotais. J'étais face à un haut mur de pierre grise, sans fenêtres. De là où j'étais, je me rendis compte que j'étais monté haut sur la colline, presque au sommet. Je surplombais la vallée de White Shadows, la façade arrière du château se découpant sur la lumière lisse du lac.

Je me retournais vers le bâtiment, que je soupçonnais être un autre mausolée, et entrepris d'en faire le tour, laissant ma main courir sur le mur aveugle. Il était entièrement circulaire et décoré de rares colonnes à chapiteaux. J'arrivais enfin à la grande ouverture qui permettait d'y rentrer. Je m'arrêtais lorsque j'entendis les premières voix :

« Merde, mais qu'est-ce qu'il peut bien foutre ?

-Tu sais bien que tout est toujours imprévisible, dans ces cas-là. » Je sursautais. Si le premier interlocuteur m'étais inconnu, le deuxième pouvait être sans aucune hésitation identifié comme Kakashi. Le ton de l'inconnu était manifestement agacé, cependant une nuance différente teintait ses paroles.

« Oui, je crois que je le sais, en effet. » Il avait l'air blessé, ce qui fit lâcher un soupir à Kakashi.

« Je suis vraiment désolé. Tu sais bien qu'avec moi ça ne marche pas.

- Quel bonheur. Tu ne peux pas savoir à quel point ça me réconforte de savoir que je suis le seul spécimen compatible des environs. » Une pause. « Mais qu'est-ce qu'il fait, bordel ? C'est déjà pas agréable, alors s'il me fait en plus poireauter pendant trois plombes, qu'il se démerde tout seul !

- Gaara…

- Je sais Kakashi ! JE SAIS, okay ? Fous-moi la paix avec tes remontrances à deux balles. Je veux juste en finir… On le fait et on en parle plus, hein ?

- Qu'est-ce qui t'arrive ? Ça n'est pourtant pas la première fois, tu devrais être habitué maintenant, non ? Pourquoi tu te mets dans un état pareil ? » J'entendis un raclement, et je devinais que l'un des deux s'était accroupi, sinon assis. Il arrêtèrent de parler pendant quelques secondes, puis Gaara reprit plus bas :

« Justement, c'est plus la première fois. Je ne sais que trop bien ce qui va se passer. J'en ai marre, voilà ce qui se passe. J'ai envie de balancer tout ça, et je le ferais sincèrement s'il n'y avait pas toute cette daube planquée par-dessous. Seulement, je ne peux pas. Je ne peux pas et malheureusement la chose la plus sensée à faire est de prier pour que mon salut ne vienne jamais. » J'entendis son rire amer résonner à l'intérieur du bâtiment. « Et vous, vous ne pouvez rien dire, hein ? Pas de : « Ca ira mieux, tu verras » ou « Tu finiras par ne plus y penser » ou alors « Tout cela sera bientôt fini » ni de « Ne t'inquiète pas ». Parce que si vous et moi ne nous en inquiétons plus, ça sera une belle merde, hein ? » J'entendis le son clair et mat du verre que l'on pose un peu brutalement. « Hein, » répéta-t-il, « une belle merde. Des Haku par douzaines. » Il renifla. « J'me demande si ça vaut pas mieux.

-Gaara, arrête. Tu vaux mieux que ça. Donne-moi cette bouteille. » L'autre éclata d'un rire sans joie.

« Si je vaux mieux que ça, alors qu'est-ce que je fous là, hein ? Qu'est-ce que je fais là, à attendre qu'on vienne se servir de moi ?

-Tu es saoul. Non, arrête de boire, c'est bien assez pour ce soir.

-Qu'est-ce que ça peut faire que je boive ? Est-ce qu'un lion qui trucide une gazelle lui fait d'abord un alcootest ? Eh ben non. Et tu sais quoi ? C'est pas aujourd'hui que ça va commencer, j'crois bien. L'lion l'est sacrément en retard, déjà une belle preuve de savoir-vivre, tu crois pas ?

- Je suis désolé. » Kakashi m'étonnait de plus en plus. Je m'étais apparemment trompé en le prenant pour un prof banal, surpayé et sans aucun intérêt à l'égard de ses élèves. Restait à savoir si son intérêt était, eh bien, intéressé.

Reniflement humide suivi d'une petite toux étranglée, puis nouveau bruit de bouteille, plus clair donc plus vide.

Pendant un moment, je n'entendis plus rien que le raclement de leurs semelles sur ce que je devinais comme de la pierre brute. Gaara exhala profondément, prenant une profonde respiration et lâchant un soupir dans la même foulée.

« J'en ai marre. » Sa voix était faible et peu assurée, l'alcool transparaissant dans l'articulation laborieuse de ses mots. Il enchaîna d'un ton plus stable :

« Je me casse.

-Gaara. Reviens.

-A plus, Kakashi.

-Gaara ! »

Je me maudis toujours pour la bêtise dont je fis preuve alors. Je ne sais s'il faut en incriminer la Lune, le changement brutal de décor, la conversation que je venais d'entendre ou l'heure tardive, mais toujours est-il qu'alors que Gaara sortait du mausolée, l'idée de m'éclipser discrètement n'est jamais arrivée à une partie active et convenable de mon cerveau. Passant de la lumière à la pénombre de l'extérieur, il ne me vit pas tout de suite mais son pied, lui, alla bien s'écraser dans mes côtes. L'alcool ainsi que l'obscurité n'aidant généralement pas à conserver un équilibre convenable, il essaya sans succès de se raccrocher au mur couvert de mousse qui malheureusement n'offrait aucune prise. Il éructa un son indéfinissable compris entre le mugissement, l'exclamation de surprise et le gémissement fortement alcoolisé de celui qui sent le monde bouger sous ses pieds sans y être invité. Il s'étala en travers de mes genoux, tandis que le bras qui n'essayait pas de se rattraper au mur éclatait la bouteille de verre sur le sol.

J'aperçus du coin de l'œil qu'il venait de gâcher du gin hors de prix. Quitte à se bourrer la gueule, autant le faire bien. Se contorsionnant pour retrouver une position un peu plus digne, il grommela un peu trop fort : « Putain, mais qui t'es, toi ! » Ma réponse fut engloutie par le hurlement que je poussai alors. Dans ses divagations gestuelles, il venait de m'écraser la main dans les tessons de verre bleuté : du Bombay Saphire. Alors que je décollais ma main du sol en me mordant les lèvres pour constater les dégâts, il me fixa d'un air un peu hébété qui devait autant à l'alcool qu'au fait de tomber littéralement sur un adolescent en uniforme par une nuit de pleine lune, de surcroît près d'un mausolée perché au sommet d'une colline perdue au beau milieu des landes. Agrippant mon poignet de l'autre main, j'eus un haut-le-cœur en distinguant la charpie qu'était devenue ma paume. Des triangles bleus et scintillants émergeaient des plaies humides. Du sang rouge sombre, presque noir à cause du manque de lumière, rampait lentement sur mon avant-bras.

Je tournais le poignet pour examiner l'autre côté et ce que je vis termina de me faire me bousiller totalement la lèvre inférieure. Quelques millimètres de verre ressortaient dans le dos de ma main : un morceau de verre avait vraisemblablement réussi à se frayer un chemin entre des os de ma main pour venir en percer la peau du dos.

Je jetai un coup d'œil vers Gaara, accroupi à côté de moi. Il avait les cheveux rouge sombre, la peau pâle, les yeux clairs et manifestement un goût certain pour le sport et le khôl. Sans compter l'alcool. Il me fixa d'un air vague, puis finit par beugler : « Kakashi, on a un problème ! Y'a comme qui dirait, euuh… Un problème, là, dehors ! » Des bruits de pas rapides se rapprochèrent, et Kakashi apparut, éclairé par la lumière de l'intérieur du mausolée. Je levai la tête vers lui, cherchant son regard. Son menton recula un peu sous le coup de la surprise, ses yeux allant de moi aux tessons, des tessons à moi, de moi à ma main détruite.

Ses yeux s'agrandirent au-dessus du masque. Y voir une autre expression que le flegme aurait pu être rassurant si elle n'avait pas été tant teintée d'urgence. Tournant la tête dans tous les sens, il semblait chercher ou redouter que quelque chose n'arrive des alentours. Fébrile, il me prit le épaules pour me remettre sur mes pieds. « Gaara, il faut que tu restes là. Tu ne peux pas partir, et avec l'odeur il ne sera pas là dans bien longtemps. Je ne peux pas permettre que l'on soit suivis, tu as bien compris ? Pas de deuxième Haku. » Il avait insisté sur ces derniers mots appuyant son regard sur le sien. Semblant reprendre un minimum de contenance, Gaara avala sa salive et lui répondit : « Pas de deuxième Haku. »

Je ne savais pas qui était Haku et présentement n'en avait rien à faire. J'étais pris dans le dilemme ô combien cornélien d'enlever les intrus le plus rapidement possible de ma main ou de retarder le plus possible ce moment douloureux. Kakashi me tourna le dos et s'accroupit : « Monte sur mon dos, Naruto. » Pas de reproche, pas de question. Tant mieux, je n'étais pas exactement en état de répondre. J'étais réticent à l'idée de me coller contre mon professeur principal, mais également trop fatigué pour marcher. Être humilié ou tourner de l'œil, telle est la question. J'enroulais mes bras autour de son cou, laissant ma main blessée libre de tout contact, tandis qu'il passait les bras en dessous de mes genoux. Je ne suis pas très lourd, mais il me souleva avec une aisance surprenante, sans effort apparent. Il se tourna vers le roux. « Au revoir, Gaara. » Celui-ci m'adressa une petite moue contrite. « Au revoir, sensei. »

Nous nous éloignâmes rapidement, Kakashi avait l'air de connaître parfaitement le terrain. Je m'endormis la tête sur son épaule, une chaleur intense remontant de ma main droite.

Je m'éveillais à l'instant où je tombais lourdement sur le sol. Par réflexe, je m'appuyais sur mes mains pour amortir le choc, et le regrettais instantanément. Je grognais, puis clignais des yeux avant de me rappeler dans quelle situation et en compagnie de quelle personne je me trouvais. « Sensei, que… » Kakashi me faisait face, scrutant les bois autour de nous. Nous étions au milieu de jardins, mais dans sa partie la plus semblable à la nature, plantée de centaines d'arbres souvent d'un âge avancé. « Il nous a rattrapés » murmura-t-il.

L'inquiétude dans sa voix me fit frissonner. L'atmosphère était lourde, épaisse comme de la mélasse malgré la fraîcheur. J'avais l'impression qu'on me plongeait la tête dans de la boue froide.

« Merde. » grogna-t-il. Il s'accroupit face à moi les mains posées sur mes chevilles. « Naruto, j'ai besoin que fasses exactement ce que je te dis. Non, je ne peux pas t'expliquer. Nous n'avons plus le temps de rentrer au manoir, alors voilà ce que tu vas faire. Tu vas courir dans cette direction, » il étendit le bras vers ce que je devinais comme l'école, « jusqu'à ce que tu ne voies plus la clairière où nous sommes. Là, tu vas creuser un trou assez profond pour que lorsque tu y mettes la main, seul ton coude en dépasse. Ensuite, retire ta chemise, mets la au fond du trou, pose ta main dessus en appuyant bien, puis rebouche le tout de ta main libre. Je sais que ca va faire mal, mais c'est nécessaire. C'est nécessaire, tu comprends ? Ensuite… » Son regard se voila et il déglutit. « Ensuite, il faudra que tu fermes les yeux et que tu te bouches les oreilles du mieux que tu pourras. » Il soupira, une ombre passa sur son visage. « C'est tout ce que je peux faire pour toi. Cours. Maintenant. » Je me relevais en chancelant et me mis à courir sans un regard vers l'arrière. Quelque chose me disait de suivre ses conseils si je voulais rester… intact. Le souffle court, je m'arrêtai pour constater que je n'apercevais plus la clairière. Je tombais à genoux sur la terre humide et enfonçais les doigts dans l'herbe.

Creuser avec une seule main prenait un temps infini, des larmes de frustration m'échappaient, tombant sur l'humus à découvert. Je tremblai de soulagement lorsque mon bras disparut enfin complètement dans le sol. J'essayai de défaire les boutons de ma chemise, mais ma main couverte de terre glissante peinait sur les boutonnières, et les spasmes qui agitaient mes doigts n'arrangeaient pas les choses. Je crois avoir pleuré de frustration. J'entendais un bruit de froissement rapide loin dans les bois. Je finis par tirer sur les pans de mon uniforme à deux mains, faisant sauter les boutons et enfonçant les débris de la bouteille un peu plus loin dans ma paume. Je roulais le tissu en boule et le fourrai au fond du trou, ainsi que mon bras. J'encerclai le monticule brunâtre du bras gauche et le poussai dans le trou, puis tassai le tout.

Je me roulai en boule, enfouis ma tête entre mes genoux et enroulai mon bras libre autour de ma tête. Le dos à nu et la nuque exposée, un bras prisonnier dans le sol, je ne m'étais jamais senti aussi vulnérable.

Du moins avant que je n'entende le hurlement provenant de la clairière.

Hello ! Encore un de fini… Désolée pour le temps que je mets à écrire et donc poster, mais comme je l'ai déjà dit j'écris très lentement et je suis surtout très perfectionniste (bout à bout, j'ai bien dû mettre 8 bonnes heures pour celui-ci…), sans compter les bacs blancs à tour de bras, le boulot, le diplôme du Cambridge à passer (je l'ai ENFIN passé ! priez pour moi, résultats le 2 mai… Je vous dirai si je l'ai dans un prochain post ), science po à réviser…